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42. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 17 août 1994 dans
la cause C. contre O. et consorts (recours de droit public)
A.- Dans le cadre d'une action en paiement ouverte contre elle par
les ressortissants portugais O. et consorts, la défenderesse a requis
le Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine d'astreindre les
demandeurs à lui fournir des sûretés pour les dépens présumés du
procès.
Par décision du 25 novembre 1993, la juridiction saisie a rejeté
cette requête, considérant que l'art. 17 de la Convention de La Haye
relative à la procédure civile du 1er mars 1954 (RS 0.274.12,
ci-après: la convention) dispense les intimés de l'obligation de
fournir des sûretés.
B.- La requérante forme un recours de droit public au sens de
l'art. 84 al. 1 let. c OJ contre cette décision, concluant à
l'annulation de celle-ci. Elle se plaint d'une violation de l'art. 17
de la convention. Le Tribunal fédéral a admis le recours.
Extrait des considérants:
2.- En vertu de l'art. 117 al. 1 let. a CPC/FR, le demandeur est
tenu, à la requête de la partie adverse, de lui fournir des sûretés
pour les dépens présumés du procès, notamment s'il n'a pas de
domicile en Suisse. L'art. 117 al. 2 CPC/FR réserve les conventions
internationales.
Aux termes de l'art. 17 al. 1 de la convention, aucune caution ni
dépôt, sous quelque dénomination que ce soit, ne peut être imposé, à
raison soit de leur qualité d'étrangers, soit du défaut de domicile
(Wohnsitz) ou de résidence (Aufenthalt) dans le pays, aux nationaux
d'un des Etats contractants, ayant leur domicile (Wohnsitz) dans l'un
de ces Etats, qui seront demandeurs ou intervenants devant les
tribunaux d'un autre de ces Etats. Tant la Suisse que le Portugal,
pays d'origine des intimés, que l'Allemagne, pays où ceux-ci se
trouvent actuellement, sont parties à la convention.
Le Tribunal civil de la Sarine a considéré que la condition du
"domicile dans l'un de ces Etats" de l'art. 17 de la convention doit
être interprétée selon le droit allemand, en vertu de l'art. 52 al. 2
de la Convention de Lugano (RS 0.275.11); et, comme ce droit est très
souple en matière de domicile, il y aurait de grandes chances pour
qu'il reconnaisse l'existence
3.- a) Au demeurant, l'art. 17 de la convention entend seulement
empêcher qu'un étranger ressortissant d'un pays signataire soit
traité plus mal que le ressortissant du pays pour la raison qu'il est
étranger ou ne possède ni domicile ni résidence dans le pays (ATF 93
I 278 consid. 4). En d'autres termes, il vise simplement à placer sur
un pied d'égalité les ressortissants d'un Etat contractant et les
nationaux (ATF 58 I 310; VOGEL, Grundriss des Zivilprozessrechts, 3e
éd., 11 n. 46 p. 265; LEUCH, Kommentar zur Berner
Zivilprozessordnung, 3e éd., n. 4 ad art. 70; BROSSET, La cautio
judicatum solvi selon l'article 17 al. 1 de la Convention de La Haye
concernant la procédure civile et la jurisprudence du Tribunal
fédéral, Mémoires de la Faculté de droit de Genève No 27, 1969, p.
2). Il ne change donc rien aux dispositions de procédure cantonale
qui imposent la prestation de sûretés à tout demandeur, sans égard à
sa nationalité, son domicile ou sa résidence (FF 1898 II 655; ATF 26
I 480/482; 93 I 278; ZR 84/1985 Nr. 13 p. 45; STEIN/JONAS, ZPO, n. 26
ad § 110 note 44, n. 31 ad § 328 note 43).
Par conséquent, comme l'art. 17 ne doit pas placer l'étranger (ou
celui qui n'a ni domicile ni résidence en Suisse) dans une situation
plus favorable que celle qui est faite au national (ou à celui qui a
son domicile ou sa résidence en Suisse) par tel code ou loi de
procédure civile cantonal ou fédéral (BROSSET, op.cit., p. 2), il ne
peut dispenser des ressortissants étrangers de l'obligation de
fournir caution alors que l'art. 117 al. 1 let. a CPC/FR n'en
dispenserait pas les ressortissants suisses.