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54. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 12 septembre 1994
dans la cause L.-M. T. contre A. T. (recours en réforme)
A.- A. T., né le 20 septembre 1952, et L.-M. D., née le 17
décembre 1949, se sont mariés à Bernex (GE) le 20 juin 1975, sous le
régime de la séparation de biens. Deux enfants sont issus de leur
union: S., né le 7 juillet 1975, et R., née le 4 mai 1977. Des
difficultés ayant surgi entre les conjoints, l'épouse a
définitivement quitté le domicile conjugal en mars 1991.
Saisi d'une action en divorce de L.-M. T. et d'une demande
reconventionnelle de A. T., le Tribunal de première instance de
Genève a, par jugement du 11 octobre 1993, prononcé le divorce des
époux et débouté la demanderesse de sa requête tendant au versement
d'une somme de 72'000 fr. à titre de contribution extraordinaire dans
l'entreprise de son conjoint, au sens de l'art. 165 CC.
Statuant le 22 avril 1994 sur appel de chacune des parties, la Cour
de justice du canton de Genève a annulé ledit jugement et condamné le
mari à payer à sa femme l'indemnité demandée. Cette juridiction a en
revanche supprimé la rente allouée à celle-ci en première instance.
Le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où ils étaient
recevables, le recours de droit public de la demanderesse et le
recours joint du défendeur interjetés contre cette décision.
Considérant en droit:
6.- Le recourant reproche encore à la Cour de justice d'avoir
alloué à son épouse, en violation de l'art. 165 CC, une indemnité
fondée sur cette disposition.
a) En vertu de leur devoir général d'assistance (art. 159 al. 3
CC), mari et femme contribuent selon leurs facultés à l'entretien de
la famille (art. 163 al. 1 CC). Selon leur accord, cette contribution
peut consister dans l'aide qu'un époux prête à son conjoint dans sa
profession ou son entreprise (art. 163 al. 2 CC). Exercée dans ce
cadre, l'aide apportée à l'un des époux ne donne droit à aucune
rémunération, sous réserve du droit éventuel à un montant libre à
disposition au sens de l'art. 164 CC (GROSSEN, Le statut patrimonial
de base, Les effets généraux du mariage, in Le nouveau droit du
mariage, CEDIDAC 1987, p. 20; HAUSHEER/REUSSER/GEISER, Kommentar zum
Eherecht, vol. I, 1988, n. 12 ad art. 165 CC, p. 211). En revanche,
dès lors que, en l'absence de tout contrat de travail, l'aide fournie
par l'un des époux dans l'entreprise de son conjoint dépasse ce que
le devoir général d'assistance permet normalement d'exiger de lui,
l'équité commande que cette contribution accrue fasse l'objet d'une
compensation pécuniaire au sens de l'art. 165 CC
(DESCHENAUX/STEINAUER, Le nouveau droit matrimonial, 1987, p. 66;
WESSNER, La collaboration professionnelle entre époux dans le nouveau
droit matrimonial, in Problèmes du droit de la famille, 1987, p. 182;
HAUSHEER, Arbeitsleistungen in Beruf und Gewerbe unter Ehegatten de
lege lata et ferenda, in Festschrift für Frank Vischer, 1983, pp.
410/411).
L'al. 1er de l'art. 165 CC prévoit en effet que l'époux qui a
collaboré à la profession ou à l'entreprise de son conjoint dans une
mesure notablement supérieure à ce qu'exige sa contribution à
l'entretien de la famille a droit à une équitable indemnité. Cette
référence à l'équité a déjà conduit le Tribunal fédéral à atténuer sa
jurisprudence - souvent critiquée - consistant à refuser en principe
tout droit au salaire fondé sur l'art. 320 al. 2 CO à la femme qui
collabore à la profession de son mari. Il a ainsi été jugé que
lorsqu'en raison de circonstances particulières, les efforts d'un
époux n'apparaissent pas suffisamment compensés par l'élévation de
son niveau de vie, ainsi que par ses droits en cas de liquidation du
régime matrimonial et ses espérances successorales, sa collaboration
doit être rétribuée dans la mesure où elle excède les limites de son
devoir