120 IV 282
47. Extrait de l'arrêt de la Chambre d'accusation du 3 octobre 1994
en la cause A. c. Procureur général du canton de Genève et Procureur
général du canton de Berne
A.- En 1992, plusieurs hémophiles atteints du SIDA ont déposé
plainte, à Genève, contre inconnu pour lésions corporelles graves
(art. 122 CP) car ils auraient été contaminés par des produits
émanant du Laboratoire central du service de transfusion de la
Croix-Rouge, à Berne (ci-après: le Laboratoire central). Les
plaignants habitent à Genève et en Suisse romande. Ils se sont
constitués partie civile.
Le Juge d'instruction genevois a entendu comme témoin A., domicilié
dans le canton de Berne, qui fut directeur général du Laboratoire
central, de 1955 à 1986, date à laquelle il a pris sa retraite.
L'instruction s'est poursuivie et A. a été inculpé le 4 mai 1994 pour
infraction à l'art. 122 CP. En bref, il lui est reproché d'avoir, en
1985 et 1986, en sa qualité de directeur du Laboratoire central, fait
fabriquer et vendre, en Suisse et notamment à Genève, des
cryoprécipités et des concentrés de facteur VIII à des patients
hémophiles, produits qu'il savait contaminés par le virus du SIDA.
B.- A. a mandaté un avocat. Après avoir pris connaissance du
volumineux dossier, celui-ci a contesté le for genevois. Le Procureur
général a
Extrait des considérants:
1.- Les plaignants et parties civiles demandent à pouvoir prendre
position sur la question du for. Ils se fondent sur l'art. 8 LAVI.
Cette disposition a notamment pour but de permettre aux victimes de
faire valoir leurs prétentions civiles par la voie pénale (ATF 120 IV
44 consid. 4 p. 51).
2.- D'après le Procureur général du canton de Genève, A. aurait dû
contester le for genevois plus tôt, alors qu'il était entendu comme
témoin; le risque d'être inculpé serait suffisant pour exiger une
protestation au sujet du for.
Cette argumentation doit être rejetée. Hormis les autorités, seules
les parties ont une possibilité de saisir la Chambre d'accusation du
Tribunal fédéral d'une contestation relative au for intercantonal
(SCHWERI, Interkantonale Gerichtsstandsbestimmung in Strafsachen,
Berne 1987 p. 171 ch. 3, n. 539 ss). Or, un témoin n'est pas une
partie.
En l'espèce, A. a été entendu comme témoin, donc sans avocat (sans
interprète non plus), les 25 septembre 1992 et 18 février 1994. Il a
été inculpé le 4 mai 1994. Il a mandaté un avocat qui a contesté le
for (après avoir pris connaissance du volumineux dossier) le 6 juin
1994 en s'adressant au Juge d'instruction. On ne saurait dès lors lui
reprocher - sous l'angle de la bonne foi - d'avoir laissé la
procédure se dérouler à Genève puis de contester aujourd'hui
seulement ce for.
3.- a) Selon l'art. 346 al. 1 première phrase CP, le for de la
poursuite et du jugement d'une infraction se trouve là où l'auteur a
agi.
L'auteur médiat, qui se sert d'une personne comme d'un instrument
pour commettre une infraction, est réputé avoir agi non seulement là
où il a donné ses ordres mais encore à l'endroit où ils ont été
exécutés; en pareil cas, le for sera fixé au lieu où la première
instruction a été ouverte (ATF 85 IV 203; SCHWERI, op.cit., p. 48 n.
88 et 89 où est citée l'opinion de WALDER, pour qui seul l'acte de
l'auteur médiat, non pas celui de l'instrument, doit être pris en
considération aux fins de déterminer le lieu de commission).
D'après les art. 262 et 263 PPF, la Chambre d'accusation peut
déroger aux règles des art. 349 et 350 CP (pluralité de coauteurs,
concours d'infractions). Cette faculté s'étend à d'autres cas
(SCHWERI, op.cit. p. 235 n. 395 ss en particulier 401).
L'inculpé n'a pas un droit illimité d'exiger d'être jugé par les
autorités du canton où il a agi (ATF 71 IV 60 p. 62). Le transfert du
for de la