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73. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 16 novembre 1994
dans la cause M. contre République Arabe d'Egypte (recours en réforme)
A.- M. est un ressortissant égyptien. Il a épousé une marocaine,
est père de deux enfants et est arrivé en Suisse en 1979 pour y
suivre des études pendant quatre ans. Après quoi, il a travaillé à
Genève pour le compte du Consulat d'Arabie Saoudite, de 1984 à 1987,
puis pour celui du Consulat d'Egypte, en 1987 et 1988.
En 1988, sieur M. a été engagé à plein temps comme deuxième
chauffeur de la Mission permanente de la République Arabe d'Egypte
auprès de l'Office européen des Nations Unies, à Genève. A la fin
janvier ou au début février 1992, le chef de cette Mission l'a
congédié avec effet au 1er mars de la même année.
B.- Le 10 juin 1992, M. a ouvert action contre la République Arabe
d'Egypte pour obtenir le paiement de son salaire de février et mars
1992, d'heures supplémentaires et d'un solde de vacances, soit un
total 15'045 fr. 10. D'entrée de cause, la défenderesse a excipé de
son immunité diplomatique.
Par jugement du 2 février 1993, le Tribunal des prud'hommes du
canton de Genève a admis cette exception et déclaré la demande
irrecevable.
Saisie par le demandeur, la Chambre d'appel des prud'hommes du
canton de Genève a confirmé ce jugement par arrêt du 9 novembre 1993.
A son avis, un Etat étranger peut invoquer valablement son immunité
de juridiction lorsqu'il est cité devant les tribunaux suisses par
l'un de ses ressortissants employé comme agent, même subalterne, dans
son ambassade ou sa mission diplomatique en Suisse.
C.- Le demandeur interjette un recours en réforme. Il conclut à ce
que le Tribunal fédéral annule l'arrêt cantonal et dise que la
Chambre d'appel des prud'hommes du canton de Genève est compétente
pour connaître du litige divisant les parties.
Le Tribunal fédéral admet le recours, annule l'arrêt attaqué,
rejette l'exception d'immunité de juridiction soulevée par la
défenderesse et renvoie le dossier à la cour cantonale pour nouveau
jugement.
Extrait des considérants:
2.- Aucune convention à laquelle la République Arabe d'Egypte et
la Suisse seraient parties ne règle la question litigieuse. En ce
domaine, il
3.- a) La Convention énonce, à son article 4, le principe selon
lequel, sous réserve des dispositions de l'article 5, un Etat
contractant ne peut
4.- a) Il est admis, d'une manière générale, que le privilège de
l'immunité diplomatique n'est pas une règle absolue. L'Etat étranger
n'en bénéficie que lorsqu'il agit en vertu de sa souveraineté (jure
imperii). Il ne peut, en revanche, s'en prévaloir s'il se situe sur
le même plan qu'une personne privée, en particulier s'il agit en
qualité de titulaire d'un droit privé (jure gestionis).
Les actes accomplis jure imperii, ou actes de souveraineté, se
distinguent des actes accomplis jure gestionis, ou actes de gestion,
non par leur but mais par leur nature. Pour qualifier un acte donné,
l'autorité appelée à statuer peut également recourir à des critères
extérieurs à cet acte. Elle procédera aussi, dans chaque cas
d'espèce, à une comparaison de l'intérêt de l'Etat étranger à
bénéficier de l'immunité avec celui de l'Etat du for à exercer sa
souveraineté juridictionnelle et celui du demandeur à obtenir une
protection judiciaire de ses droits. Enfin, de tout temps, la
jurisprudence suisse a marqué une tendance à restreindre le domaine
de l'immunité (pour l'ensemble de ces principes, cf. l'ATF 113 Ia 172
consid. 2 et les arrêts cités).
En matière de contrat de travail, la jurisprudence admet que, si
l'Etat accréditant peut avoir un intérêt important à ce que les
litiges qui l'opposent à des membres de l'une de ses ambassades
exerçant des fonctions supérieures ne soient pas portés devant des
tribunaux étrangers, les circonstances ne sont pas les mêmes
lorsqu'il s'agit d'employés subalternes. En tout cas lorsque
l'employé n'est pas un ressortissant de l'Etat accréditant et qu'il a
été recruté puis engagé au for de l'ambassade, la juridiction du for
peut être reconnue dans la règle. L'Etat accréditant n'est alors pas
touché dans l'exercice des tâches qui lui incombent en sa qualité de
titulaire de la puissance publique (ATF 110 II 255 consid. 4 p. 261).
b) En l'espèce, le demandeur a travaillé comme chauffeur, ce qui
est une fonction subalterne. Les tâches accomplies par un chauffeur
ne sont, en effet, pas de celles qui relèvent de l'exercice de la
puissance publique; sa situation s'apparente à celle des portiers,
jardiniers, cuisiniers, etc. (cf. PHILIPPE CAHIER, Le droit
diplomatique contemporain, 2e éd., p. 87; GLOOR, op.cit., p. 275,
note 79). La défenderesse ne tente d'ailleurs pas de démontrer le
contraire.
Cependant, cette circonstance ne suffit pas à elle seule pour que
la Suisse puisse connaître du litige. Tout rapport de droit privé
assumé par un Etat