120 Ia 299
44. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 25
novembre 1994 dans la cause Association Suisse des Banques de Crédit
et Etablissements de Financement et consorts contre Grand Conseil et
Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel (recours de droit public)
A.- Le 30 septembre 1991, le Grand Conseil du canton de Neuchâtel
a adopté
Extrait des considérants:
2.- a) Les recourants se réclament tout d'abord du principe de la
force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp. trans. Cst.). Les
dispositions cantonales attaquées seraient matériellement des normes
de droit civil que les cantons n'ont pas la compétence d'édicter en
l'absence d'habilitation expresse (art. 5 al. 1 CC en relation avec
l'art. 64 Cst.). Même si on reconnaissait que ces dispositions ont un
caractère de droit public, elles n'en violeraient pas moins le droit
civil fédéral. La liberté du commerce et de l'industrie (art. 31
Cst.) serait également atteinte du fait que les prescriptions
entreprises ne respecteraient pas le principe de la proportionnalité.
b) Le Tribunal fédéral vérifie avec un libre pouvoir d'examen si
une réglementation cantonale est compatible avec l'art. 2 Disp.
trans. Cst. (ATF 120 Ia 89 consid. 2b p. 90 et la jurisprudence
citée). Appelé à procéder au contrôle abstrait de la
constitutionnalité de prescriptions légales ou réglementaires
cantonales, le Tribunal fédéral recherche s'il est possible, selon
les principes d'interprétation reconnus, de donner à la norme
entreprise une portée qui la fasse apparaître comme conforme à la
Constitution. Il n'annule la disposition attaquée que si elle ne se
prête à aucune interprétation compatible avec la Constitution; il ne
le fait pas si une de ces interprétations peut être admise de façon
soutenable (ATF 120 Ia 89 consid. 3a p. 92/93 et la jurisprudence
citée). Si une réglementation de portée générale apparaît comme
défendable au regard de la Constitution, dans des situations
normales, telles que le législateur pouvait les prévoir,
l'éventualité que, dans certains cas, elle puisse se révéler
inconstitutionnelle ne saurait en principe justifier une intervention
du
3.- a) D'après l'art. 68 al. 1 LPC, le crédit à la consommation
est interdit lorsqu'il a pour effet de provoquer le surendettement de
l'emprunteur. Il y a surendettement lorsque les engagements pris par
l'emprunteur excèdent la part saisissable de ses revenus et de sa
fortune (art. 68 al. 2 LPC).
b) Dans la mesure où les recourants attaquent l'interdiction du
surendettement comme telle, en prétendant que le soi-disant risque de
surendettement serait minime, leur argumentation n'est pas
pertinente. Il n'est pas contesté que le commerce du crédit à la
consommation est lié à des risques importants pour les emprunteurs
insouciants et socialement faibles. Il est conforme à un intérêt
public reconnu de politique sociale de s'opposer à ce qu'un large
cercle de la population s'endette de manière exorbitante par des
crédits à la consommation excédant sa capacité économique (ATF 119 Ia
59 consid. 5f p. 67 et consid. 6b p. 68). Un tel objectif est
compatible aussi bien avec l'art. 31 Cst. qu'avec les réglementations
fédérales spécifiques (cf. consid. 2c/bb).
Que les prêteurs eux-mêmes aient intérêt à ne pas octroyer de
crédits qui ne peuvent être recouvrés, vu le surendettement, et
qu'ils s'y efforcent ne remet pas en question l'intérêt public de
prescriptions protectrices de droit public à ce sujet. Il en va de
même du fait qu'apparemment presque tous les établissements de crédit
sont reliés à une centrale d'information en matière de crédit, auprès
de laquelle sont enregistrés les opérations de crédit effectuées par
les établissements raccordés et, le cas échéant, les incidents
négatifs s'y rapportant. Même si, sur la base des indications des
recourants, on admettait que seule une petite partie des emprunteurs
4.- a) D'après les art. 70 al. 2 et 28 lettre g LPC, le fait
d'octroyer professionnellement des crédits à la consommation ou de
s'entremettre en vue de la conclusion de tels contrats nécessite une
autorisation cantonale qui n'est délivrée qu'à une personne physique
(art. 29 LPC) et doit être périodiquement renouvelée (art. 30 LPC).
b) Les recourants voient là-dedans une mesure tracassière et
inutile qu'aucun besoin de police ne justifierait et qui irait à
l'encontre du principe de la proportionnalité et par là-même de
l'art. 31 Cst.
En général, le législateur cantonal apprécie librement s'il
convient de soumettre à autorisation des activités industrielles qui
sont associées à certains risques pour le public, respectivement les
cocontractants. La réglementation en question ici intervient dans le
cadre des limites fixées par l'art. 31 Cst.
Le fait que les établissements de crédit recourants disposent d'une
autorisation d'exploitation en vertu de l'art. 3 de la loi fédérale
sur les banques et les caisses d'épargne du 8 novembre 1934 (LB; RS
952.0) ne s'oppose pas à ce qu'ils soient soumis à l'obligation
d'obtenir une autorisation cantonale supplémentaire. Le contrôle
fédéral exercé sur les banques vise avant tout à protéger les
créanciers bancaires (CHRISTOPH MÜLLER, Die Bewilligung zum
Geschäftsbetrieb einer nach schweizerischem Recht organisierten Bank,
thèse Zurich 1977, p. 49). La réglementation cantonale ici en cause
tend au contraire à protéger les intérêts des emprunteurs et à les
préserver du surendettement.
Quand les cantons sont autorisés à édicter des normes autonomes de
ce genre - poursuivant un autre but que les prescriptions fédérales
-, ils doivent aussi pouvoir en principe prévoir les mesures de
contrôle et de protection
5.- a) L'art. 12 al. 3 RLPC exige que la publicité faite pour le
crédit à la consommation rappelle qu'un tel crédit est interdit
lorsqu'il a pour effet de provoquer le surendettement de l'emprunteur.
b) Les recourants y voient une limitation, disproportionnée et
discriminatoire pour leur branche, apportée à la liberté du commerce
et de l'industrie. Dans leur premier mémoire complémentaire, ils font
valoir en outre que la matière en cause serait réglée exclusivement
par la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre
1986 (LCD; RS 241; modification du 18 juin 1993, RO 1994 p. 375).
c) D'après l'art. 3 lettre l LCD, agit de façon déloyale celui qui
"omet, dans des annonces publiques en matière de crédit à la
consommation, de désigner clairement sa raison de commerce ou de
donner des indications claires sur le montant net du crédit, le coût
total du crédit et le taux annuel effectif global". Cette
réglementation institue, sur le plan fédéral, une obligation de
déclaration minimum lors d'annonces publiques de petits crédits; elle
n'exclut pas des exigences supérieures du droit cantonal ou
concordataire (STREULI-YOUSSEF, Unlautere Werbe- und Verkaufsmethoden
(Art. 3 UWG), in Schweizerisches Immaterialgüter- und
Wettbewerbsrecht, publié sous la direction de Von Büren et David,
Bâle 1994, vol. V/1, Lauterkeitsrecht, p. 77, p. 111/112). La
révision de cette disposition, adoptée le 18 juin 1993 dans le cadre
du projet Swisslex, a permis d'adapter ces normes minimums aux
directives du droit européen