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74. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 13 décembre 1994
dans la cause R. contre République d'Irak (recours en réforme)
A.- Le 18 juin 1990, la Mission permanente de la République d'Irak
auprès de l'Office des Nations Unies à Genève (ci-après: la Mission)
a engagé R., ressortissant marocain, en qualité de
traducteur-interprète, moyennant un salaire de 3'400 fr. par mois. Le
travail confié à cette personne consistait dans la traduction de
l'arabe en français de tous documents et lettres de la Mission
adressés à des destinataires de langue française et dans la
traduction en arabe de la correspondance reçue en français. S'y
ajoutait la rédaction de certaines lettres. R. fonctionnait aussi
comme interprète lorsque des conférences avaient lieu dans les locaux
de la Mission. L'ambassadeur auprès de ladite Mission l'a, en outre,
chargé d'assister ses enfants dans leurs tâches scolaires.
Les rapports de travail ont apparemment pris fin en 1992.
B.- Le 18 janvier 1993, R. a assigné la République d'Irak devant
les tribunaux genevois en vue d'obtenir le paiement d'un montant
qu'il a arrêté à 73'405 fr. 60 dans ses dernières conclusions. La
défenderesse a excipé de son immunité de juridiction.
Par jugement du 24 juin 1993, le Tribunal des prud'hommes du canton
de Genève a admis cette exception et prononcé l'irrecevabilité de la
demande.
Extrait des considérants:
5.- a) Il est admis, d'une manière générale, que le privilège de
l'immunité diplomatique n'est pas une règle absolue. L'Etat étranger
n'en bénéficie que lorsqu'il agit en vertu de sa souveraineté (jure
imperii). Il ne peut, en revanche, s'en prévaloir s'il se situe sur
le même plan qu'une personne privée, en particulier s'il agit en
qualité de titulaire d'un droit privé (jure gestionis).
Les actes accomplis jure imperii, ou actes de souveraineté, se
distinguent des actes accomplis jure gestionis, ou actes de gestion,
non par leur but mais par leur nature. Pour qualifier un acte donné,
l'autorité appelée à statuer peut également recourir à des critères
extérieurs à cet acte. Elle procédera aussi, dans chaque cas
d'espèce, à une comparaison de l'intérêt de l'Etat étranger à
bénéficier de l'immunité avec celui de l'Etat du for à exercer sa
souveraineté juridictionnelle et celui du demandeur à obtenir une
protection judiciaire de ses droits. Enfin, de tout temps, la
jurisprudence suisse a marqué une tendance à restreindre le domaine
de l'immunité (pour l'ensemble de ces principes, cf. l'ATF 113 Ia 172
consid. 2 et les arrêts cités).
b) En matière de contrat de travail, la jurisprudence admet que, si
l'Etat accréditant peut avoir un intérêt important à ce que les
litiges qui l'opposent à des membres de l'une de ses ambassades
exerçant des fonctions supérieures ne soient pas portés devant des
tribunaux étrangers, les circonstances ne sont pas les mêmes
lorsqu'il s'agit d'employés