120 Ia 377
52. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 22 décembre 1994
dans la cause Huyton Inc. contre Etat de Genève et Cour de justice du
canton de Genève (recours de droit public)
A.- Statuant, le 8 novembre 1990, sur la requête de la société
Huyton Inc., le Tribunal de première instance de Genève a accordé
l'exequatur à une sentence arbitrale du 28 juin 1990 et levé
définitivement l'opposition au commandement de payer formée par Sudan
Oil Seeds Co. Ltd. à concurrence de 25'289 fr. 06. Requis de
continuer la poursuite, l'Office des poursuites de Genève a exécuté,
le 18 mars 1991, une saisie définitive pour ce montant sur une
créance de la débitrice qui avait été séquestrée le 25 janvier 1989
auprès du Crédit Lyonnais. Sur l'invitation de l'office, la Caisse
d'Epargne de Genève - en main de laquelle les fonds séquestrés
avaient été placés - a versé 20'049,10 US$ à la poursuivante et le
solde, à savoir 1'642'830,48 US$, sur le compte de l'avocat genevois
de la poursuivie. Par requête du 1er novembre 1991, Huyton Inc. a
demandé l'exequatur de trois nouvelles sentences arbitrales ainsi que
la mainlevée définitive; le jour précédent, elle s'était enquise du
montant encore bloqué auprès de la Caisse d'Epargne. L'office
l'informa alors que les avoirs séquestrés avaient été libérés; il
invita, mais en vain, le conseil de la débitrice à restituer les
fonds versés à tort.
B.- Par demande déposée en conciliation le 18 juin 1992, Huyton
Inc. a assigné l'Etat de Genève en paiement de 1'677'532,84 US$ plus
intérêts à 10% dès le 13 mars 1992, à titre de réparation du dommage
causé par le fonctionnaire de l'office des poursuites.
Le 25 juin 1993, le Tribunal de première instance de Genève a
condamné le défendeur à payer à la demanderesse la somme de
1'583'114,65 US$ avec intérêts à 5% dès le 15 juin 1992. Statuant le
22 avril 1994 sur l'appel du défendeur, la Cour de justice civile a
réduit l'indemnité à 633'245,85 US$ en capital.
C.- Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal
fédéral, Huyton Inc. demande l'annulation de cet arrêt.
La demanderesse a également interjeté un recours en réforme, en
concluant à ce que le défendeur soit condamné à lui payer la somme de
1'583'114,65 US$ avec intérêts à 5% dès le 15 juin 1992.
Extrait des considérants:
1.- Selon l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à
l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours
de droit public. Cette disposition est justifiée du fait que, si le
Tribunal fédéral devait d'abord examiner le recours en réforme, son
arrêt se substituerait à la décision cantonale, rendant ainsi sans
objet le recours de droit public, faute de décision susceptible
d'être attaquée par cette voie (ATF 118 II
2.- Aux termes de l'art. 5 LP, les préposés et les fonctionnaires
de l'office des faillites sont responsables du dommage causé par leur
faute ou par celle de l'employé qu'ils ont nommé. En vertu de l'art.
6 al. 1 LP, le canton répond du préjudice que les fonctionnaires ou
employés responsables ou leurs cautions ne sont pas en mesure de
réparer. Les cantons sont cependant libres de prévoir une
responsabilité primaire à l'égard du lésé, avec la possibilité
d'exercer un recours contre le responsable (FRITZSCHE/WALDER,
Schuldbetreibung und Konkurs nach schweizerischem Recht, vol. I, 3e
éd., Zurich 1984, p. 45 ch. 12 et n. 18; FAVRE, Droit des poursuites,
3e éd., Fribourg 1974, p. 42 let. e; GILLIÉRON, Poursuite pour
dettes, faillite et concordat, 3e éd., Lausanne 1993, p. 50).
a) Le canton de Genève a institué une responsabilité directe de
l'Etat et des communes pour le dommage causé aux tiers par les actes
illicites commis soit intentionnellement soit par négligence par
leurs fonctionnaires ou