121 IV 109
21. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 17 février
1995 dans la cause R. contre Procureur général du canton de Vaud
(pourvoi en nullité)
A.- R., ressortissant suisse né en 1941, licencié en droit, a été
nommé par le Conseil fédéral, le 1er octobre 1989, directeur général
du département des télécommunications des PTT. Marié et père de trois
enfants à sa charge, il réalise un salaire annuel brut de 250'000 fr.
environ et il est imposé sur une fortune de 75'000 fr. Il bénéficie
d'une excellente réputation et son casier judiciaire est vierge.
Le 7 mai 1991, R., agissant dans l'exercice de ses fonctions, a
pris seul la responsabilité d'ordonner, à titre d'essai,
l'introduction du télékiosque 156. Il s'agit d'un système permettant
à un exploitant de fournir des messages au public, moyennant
paiement, par le truchement de plusieurs lignes téléphoniques
commençant par le numéro 156; toute personne
Considérant en droit:
1.- (Recevabilité).
2.- a) Le recourant a été condamné pour complicité (art. 25 CP) de
publications obscènes (art. 204 aCP) et de pornographie (art. 197 CP).
Cette qualification suppose tout d'abord que les exploitants des
numéros 156 se soient rendus coupables de publications obscènes (art.
204 aCP) et de pornographie (art. 197 CP). Il convient donc tout
d'abord d'examiner cette question.
3.- Après avoir constaté, pour ce qui est des enregistrements de
messages et d'annonces relevant de la pornographie douce, que les
exploitants des lignes 156 s'étaient rendus coupables sous l'empire
de l'ancien droit de publications obscènes et sous l'empire du
nouveau droit de pornographie, il faut ensuite se demander si le
recourant a été complice de ces infractions.
a) Selon l'art. 25 CP, le complice est "celui qui aura
intentionnellement prêté assistance pour commettre un crime ou un
délit"; la complicité, qui est une forme de participation accessoire
à l'infraction, suppose que le complice apporte à l'auteur principal
une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle
sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même
manière sans cet acte de favorisation; il n'est toutefois pas
nécessaire que l'assistance du complice soit une condition sine qua
non à la réalisation de l'infraction (ATF 119 IV 289 consid. 2c);
l'assistance prêtée par le complice peut être matérielle,
intellectuelle ou consister en une simple abstention; le complice peut
4.- Le recourant soutient qu'il n'est pas punissable car il doit
être mis au bénéfice de l'art. 32 CP.
a) Il fait valoir tout d'abord que son comportement lui aurait été
"ordonné par la loi".
Il ne peut cependant citer aucune disposition qui ordonnerait au
directeur des télécommunications de mettre un raccordement
téléphonique à disposition
5.- Le recourant invoque ensuite l'erreur sur les faits (art. 19
CP) ou l'erreur de droit (art. 20 CP).
a) Il ressort des constatations de fait cantonales - qui lient la
Cour de cassation - que le recourant a su, par la lettre du procureur
vaudois, que certains exploitants déterminés utilisaient le
télékiosque 156 pour diffuser des enregistrements relevant de la
pornographie douce; des transcriptions lui ont été soumises, de sorte
qu'il a pu se faire son opinion personnelle. Il savait également, en
tant que responsable du télékiosque 156, que ce système, tel qu'il
était pratiqué, permettait même à des enfants d'accéder aux messages.
Il a été informé par le procureur vaudois que ces enregistrements
allaient continuer d'être diffusés. Dans de telles circonstances, il
n'y a pas de place pour une erreur sur les faits.
b) Comme on vient de le voir, le DFTCE et le Conseil fédéral n'ont
fait que reprendre la ligne de défense adoptée précédemment par la
Direction des
6.- a) Le recourant se plaint de ce que l'autorité cantonale,
ayant admis la complicité, n'aurait pas fait application de l'art. 65
CP.
Il ressort clairement de l'arrêt cantonal que le recourant a été
condamné comme complice, et non pas comme auteur ou coauteur. C'est
également une activité de complice qui est analysée, pour apprécier
la faute, au moment de la fixation de la peine. On ne saurait donc
dire que la peine a été mesurée en perdant de vue que le recourant
était complice; s'il est vrai que l'art. 65 CP n'est pas expressément
mentionné dans l'arrêt attaqué, il figure dans le jugement de
première instance, qui a été confirmé sur ce point, de sorte que l'on
doit considérer qu'il a été repris par l'autorité cantonale.
b) Le grief du recourant concernant les frais et dépens vise
manifestement l'hypothèse où la Cour de cassation serait parvenue à
la conclusion qu'il ne devait pas être condamné et puni. Cette
hypothèse n'étant pas réalisée, ce grief est dépourvu de tout
fondement.
7.- Il résulte de ce qui précède que l'arrêt attaqué doit être
annulé et que l'autorité cantonale doit fixer à nouveau la peine en
tenant compte du fait qu'il n'y a pas de complicité de publications
obscènes ou de pornographie lorsqu'il s'agissait de conversations de
vive voix. Tous les points qui n'ont pas été remis en cause ici
demeurent acquis (art. 277ter al. 2 PPF; ATF 119 IV 10 consid. 4c/bb,
117 IV 97 consid. 4, 106 IV 194 consid. 1c, 103 IV 73 consid. 1).
(Suite de frais).