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1E.26/1999
Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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22 mars 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Catenazzi. Greffier: M. Jomini.
Statuant sur le recours de droit administratif
formé par
les communautés des copropriétaires en PPE des parcelles
nos aaa, bbb, ccc, ddd, eee et fff, représentées par Me
Henri
Carron, avocat à Monthey,
contre
la décision prise le 5 novembre 1999 par le Président de la
Commission fédérale d'estimation du 3ème arrondissement,
dans
la cause qui oppose les recourantes à la Compagnie du Chemin
de fer Aigle-Ollon-Monthey-Champéry (actuellement: la
société
anonyme Transports Publics du Chablais S.A.), à Aigle, repré-
sentée par Me Fernand Mariétan, avocat à Monthey;
(expropriation, chemins de fer)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Le 21 mars 1988, l'Office fédéral des trans-
ports a approuvé les plans du prolongement de la ligne de
chemin de fer Aigle-Ollon-Monthey-Champéry (AOMC) dans le
village de Champéry; ce projet consistait à aménager une
nouvelle voie ferrée le long de la route de la Fin, entre
l'ancienne gare de Champéry et une nouvelle station à créer.
Auparavant, une procédure d'approbation des plans
combinée avec une procédure d'expropriation avait été
ouverte
("procédure combinée" au sens de l'art. 20 let. c de l'ordon-
nance sur les projets de construction de chemins de fer [RS
742.142.1]) et le projet avait été mis à l'enquête publique
conformément aux prescriptions de l'art. 30 de la loi fédéra-
le sur l'expropriation (LEx, RS 711). Dans le délai fixé (en
automne 1986), C.________ avait formé opposition au nom des
communautés des copropriétaires en PPE des parcelles nos
aaa,
bbb, ccc, ddd, eee et fff, biens-fonds où se trouvent plu-
sieurs bâtiments résidentiels (immeubles Bel-Air et Val-Air)
proches de la nouvelle voie de chemin de fer et de la route
de la Fin; ces copropriétaires critiquaient alors la sup-
pression d'un accès à cette route communale. Dans sa
décision
d'approbation des plans, l'Office fédéral des transports a
considéré que l'opposition était devenue sans objet, vu un
projet de nouvelle route communale entre l'ancienne gare
(avec passage inférieur à cet endroit) et les quartiers
résidentiels en aval de la nouvelle voie de chemin de fer.
Selon l'Office fédéral des transports, ce projet routier "ne
fait pas partie de la procédure d'approbation des plans du
prolongement du chemin de fer et n'est donc pas objet de la
présente décision" (p. 12 de la décision du 21 mars 1988).
Les opposants n'ont pas recouru contre cette déci-
sion auprès du Département fédéral des transports, des commu-
nications et de l'énergie.
La Commission fédérale d'estimation du 3ème arron-
dissement, qui a traité les demandes des expropriés en rela-
tion avec le prolongement de la voie de chemin de fer, a pu
clore les différentes procédures au plus tard en 1993.
B.- La commune de Champéry a engagé des procédures
administratives en vue de la réalisation de nouvelles desser-
tes routières du quartier des immeubles Bel-Air et Val-Air.
En vertu de la législation cantonale sur l'expropriation,
elle a obtenu en 1991 du Département cantonal des travaux
publics l'autorisation de prise de possession immédiate des
terrains nécessaires à cet effet. Dans l'intervalle, un
accès
par passage à niveau, qualifié de provisoire, a été aménagé
entre la route de la Fin et le quartier précité.
En 1999, cette route communale n'était toujours pas
construite.
C.- Par requête du 2 avril 1999 signée de leur avo-
cat, les communautés des copropriétaires en PPE des
parcelles
nos aaa, bbb, ccc, ddd, eee et fff ont demandé à la Commis-
sion fédérale d'estimation du 3ème arrondissement d'ordonner
à la Compagnie du Chemin de fer
Aigle-Ollon-Monthey-Champéry,
à titre d'indemnité en nature dans le cadre de l'expropria-
tion des droits nécessaires pour la réalisation du prolonge-
ment de sa voie de chemin de fer à Champéry, de rétablir un
accès suffisant aux parcelles des immeubles Bel-Air et Val-
Air, en aval de ceux-ci.
Le Président de la Commission fédérale d'estimation
a statué le 5 novembre 1999 sur cette requête, qu'il a décla-
rée irrecevable.
D.- Agissant - toujours conjointement - par la voie
du recours de droit administratif, les communautés des copro-
priétaires en PPE des parcelles nos aaa, bbb, ccc, ddd, eee
et fff demandent au Tribunal fédéral d'annuler ou de
réformer
la décision du Président de la Commission fédérale d'estima-
tion; quant à l'injonction qui devrait selon eux être
ensuite
donnée à la Compagnie du Chemin de fer Aigle-Ollon-Monthey-
Champéry (actuellement: la société anonyme Transports
Publics
du Chablais S.A.), ils reprennent leur conclusion présentée
en première instance. Les recourants invoquent le droit à la
protection de la bonne foi en faisant valoir que la
compagnie
de chemin de fer et la commune de Champéry leur avaient
promis, dans le cadre d'un accord, l'aménagement de nouveaux
accès par une route en aval de la voie prolongée; ils affir-
ment que la solution actuelle du passage à niveau avec débou-
ché sur la route de la Fin, qualifiée de provisoire mais ef-
fective depuis douze ans, serait dangereuse.
La société Transports Publics du Chablais S.A. s'est
déterminée sur le recours, sans prendre de conclusions. Le
Président de la Commission fédérale d'estimation a renoncé à
répondre.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.- Les recourants prétendent à une indemnité d'ex-
propriation en nature, sous la forme de l'aménagement d'un
nouvel accès à leurs bâtiments. En s'adressant au Président
de la Commission fédérale d'estimation, ils ne demandaient
pas l'ouverture d'une nouvelle procédure d'expropriation
selon la législation fédérale - seul l'expropriant peut du
reste, sauf exceptions, présenter une requête dans ce sens
(cf. ATF 124 II 543 consid. 5c/bb p. 554; 119 Ib 334 consid.
2a p. 338; 112 Ib 124 consid. 2 p. 125) - mais sollicitaient
en quelque sorte une reprise de la procédure menée en rela-
tion avec l'approbation des plans du prolongement de la
ligne
AOMC en 1988.
2.- a) Même s'ils évoquent une réparation en nature
(qui peut en certaines circonstances remplacer l'indemnité
en
argent - cf. art. 18 LEx), les recourants ne font pas valoir
que le projet ferroviaire approuvé en 1988 aurait eu pour
conséquence l'expropriation partielle de leurs droits de co-
propriétaires d'immeubles. Leur démarche consiste bien
plutôt
à présenter une demande fondée sur l'art. 7 al. 2 LEx,
lequel
dispose que lorsque l'exécution ou l'exploitation de l'entre-
prise de l'expropriant porte atteinte à des travaux publics
existants (tels que voies, ponts, conduites, etc.), l'expro-
priant est tenu de prendre toutes les mesures pour assurer
l'utilisation de ces ouvrages, dans la mesure où l'intérêt
public l'exige. Il ne s'agissait donc pas, pour le Président
de la Commission fédérale d'estimation, de vérifier si les
conditions de l'art. 41 LEx pour la production tardive de
demandes d'indemnité étaient remplies le 2 avril 1999 - date
du dépôt de la requête à l'origine de la décision attaquée
-,
mais de se prononcer sur la recevabilité d'une opposition ou
requête concernant un projet soumis à la procédure combinée.
En effet, comme la requête litigieuse a été déposée après le
délai fixé lors de la publication du projet (cf. art. 35
LEx), il appartenait au magistrat précité de statuer sur sa
recevabilité, par une décision attaquable par la voie du re-
cours de droit administratif (art. 19 de l'ordonnance concer-
nant les commissions fédérales d'estimation, RS 711.1). La
décision sur le fond, le cas échéant, relève en revanche de
l'autorité administrative compétente pour l'approbation des
plans (cf. ATF 111 Ib 280 consid. 2 p. 283).
b) La décision attaquée mentionne l'opposition dé-
posée en 1986 par Gilbert C.________, au nom des recourants.
La décision de l'autorité compétente - en procédure
combinée,
l'Office fédéral des transports - à ce sujet n'a pas été
contestée par la voie de recours ordinaire; elle est donc
entrée en force et elle ne saurait ensuite faire l'objet
d'un
nouvel examen par le juge de l'expropriation. Au demeurant,
ce n'est pas ce que, formellement, les recourants demandent.
L'objet de la requête du 2 avril 1999 est analogue,
à plusieurs égards, à celui de l'opposition de 1986. Il ne
se
justifie cependant pas d'examiner plus avant en quoi la der-
nière intervention des recourants aurait sur le fond, le cas
échéant, une portée indépendante de leur première
opposition.
Même dans l'hypothèse où la requête litigieuse contiendrait
de nouveaux griefs ou arguments, il est manifeste que les
délais fixés aux art. 39 et 40 LEx pour les oppositions ou
requêtes tardives n'ont pas été observés. L'art. 39 LEx per-
met de formuler une opposition dans les trente jours dès la
cessation de l'empêchement, au cas où l'opposant aurait été
sans faute de sa part empêché de produire dans le délai or-
dinaire; or les recourants ne se prévalent d'aucun empêche-
ment au sens de cette disposition. Quant à la possibilité
réservée à l'art. 40 LEx, qui concerne spécifiquement les
demandes tendant au rétablissement de chemins et renvoie
ainsi implicitement à l'art. 7 LEx (cf. Heinz Hess/Heinrich
Weibel, Das Enteignungsrecht des Bundes, Berne 1986, vol. I,
n. 3 ad art. 40 LEx), elle n'était plus offerte en 1999,
plusieurs années après la clôture de la procédure de conci-
liation, limite absolue pour une réclamation tardive. Les
délais des art. 39 et 40 LEx sont des délais de péremption
(ATF 116 Ib 141 consid. 1 p. 144). Dans ces circonstances,
le
Président de la Commission fédérale d'estimation était fondé
à déclarer irrecevable, sur la base de ces dispositions, la
requête qui lui était soumise.
La question d'une application par analogie de l'art.
41 LEx pourrait encore se poser. Celle-ci est admissible en
cas de demande de mesures de protection contre les
immissions
(cf. art. 7 al. 3 LEx); il n'est en revanche pas certain
qu'elle soit concevable pour une réclamation fondée sur
l'art. 7 al. 2 LEx (cf. ATF 111 Ib 280 consid. 3b p. 283).
Quoi qu'il en soit, l'art. 41 al. 2 let. b LEx prévoit un
délai de six mois dès la connaissance de l'atteinte ou du
dommage non prévisibles au moment du dépôt des plans; or les
problèmes d'accès au quartier des recourants - justifiant le
cas échéant des mesures complémentaires dans le cadre du pro-
jet, soumis à la procédure fédérale, de prolongement de la
voie ferrée - pouvaient objectivement être constatés nette-
ment plus de six mois avant le 2 avril 1999. Même dans cette
hypothèse, le prononcé d'irrecevabilité ne serait pas
contraire au droit fédéral.
c) La décision attaquée ne se prononce pas sur le
fond, ni sur les voies éventuellement ouvertes, devant d'au-
tres autorités, pour obtenir l'exécution de décisions
prises,
par des autorités cantonales ou communales voire par l'admi-
nistration fédérale, dans le contexte de l'amélioration des
accès au quartier où se trouvent les bâtiments des recou-
rants. Leurs griefs, tirés du droit à la protection de la
bonne foi, se rapportent plutôt à ces décisions-là. Ils sont
sans pertinence pour la contrôle de la légalité du prononcé
d'irrecevabilité entrepris.
3.- Il s'ensuit que le recours de droit adminis-
tratif doit être rejeté. Compte tenu des griefs des recou-
rants (cf. supra, consid. 2c), il était manifestement voué à
l'échec; aussi convient-il de mettre à leur charge un émolu-
ment judiciaire, ainsi qu'une indemnité réduite due à la
compagnie de chemin de fer intimée à titre de dépens (art.
116 al. 1, 2ème phrase LEx).
Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
1. Rejette le recours de droit administratif.
2. Met à la charge des recourants, solidairement
entre eux:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 500 fr. à verser à la société
intimée, à titre de dépens.
3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Commission fédérale d'estimation
du 3ème arrondissement.
Lausanne, le 22 mars 2000
JIA/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,