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1P.517/1998
Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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Séance du 3 mai 2000
Présidence de M. le Juge Aemisegger, Président de la Cour.
Présents: MM. les Juges Nay, Aeschlimann, Féraud et
Jacot-Guillarmod.
Greffier: M. Zimmermann.
Statuant sur le recours de droit public
formé par
F.________, représentée par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à
Genève,
contre
la décision prise le 27 août 1998 par l'Officier de police
du
canton de Genève;
(art. 6 par. 3 CEDH; liberté personnelle;
art. 107A CPP gen.; droits de la personne arrêtée)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Le 27 août 1998 vers 7h., la gendarmerie gene-
voise a arrêté, avec d'autres personnes, F.________, ressor-
tissante allemande domiciliée à Lüneburg, alors qu'elle cam-
pait sur le territoire de la commune de Cologny, dans un
lieu
où cette activité est interdite.
Les personnes arrêtées ont d'abord été conduites au
poste de police de la Pallanterie, en vue de la vérification
de leur identité. Elles ont toutes été relâchées, sauf
F.________ dont il est apparu qu'elle faisait l'objet d'une
interdiction d'entrée en Suisse prononcée par l'Office
fédéral des étrangers le 21 mai 1998, avec effet jusqu'au 20
mai 2003.
Pour la suite des opérations, les gendarmes ont
conduit F.________ d'abord dans les locaux de la brigade
d'intervention, puis à l'Hôtel de Police, où elle est
arrivée
vers 10h30.
A 10h12, Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève, a
adressé un message télécopié à l'officier de police. S'annon-
çant comme le mandataire de F.________, il a demandé à pou-
voir s'entretenir avec elle immédiatement. Ce message compor-
te le passage suivant:
"Je sais que le Code de procédure pénale n'autorise
la visite qu'après l'interrogatoire par l'officier
de police, mais j'estime que ce droit résulte de
l'art. 4 Cst. féd. et 6 ch. 1 c) CEDH (..)".
Vers 10h55, l'un des gendarmes ayant procédé à l'ar-
restation de F.________ a téléphoné à Me Garbade pour lui in-
diquer que sa cliente devant être probablement relâchée, une
visite n'entrait pas en ligne de compte à ce stade.
A 12h04, l'officier de police a décerné un mandat
d'amener contre F.________ pour infraction à l'art. 23 LSEE.
A 13h., un gendarme maîtrisant l'allemand a procédé
à l'audition de F.________ et lui a remis une copie de
l'art.
107A CPP gen., régissant les droits de la personne entendue
par la police.
Après l'établissement du rapport d'enquête,
F.________ a été conduite dans les cellules de l'Hôtel de
Police ("violons"), à 16h35. C'est à ce moment que le mandat
d'amener lui a été notifié.
L'officier de police a entendu F.________ à 17h35.
Il lui a signifié son arrestation pour infraction à l'art.
23
LSEE et ordonné son transfert à la prison de Champ-Dollon
pour être mise à la disposition du juge d'instruction. Il
lui
a rappelé la teneur de l'art. 107A CPP gen.
A 17h35, l'officier de police a adressé à Me Garbade
un message télécopié l'informant de la notification du
mandat
d'amener et de l'arrestation de sa cliente, laquelle avait
exprimé le souhait de rencontrer son avocat. L'officier de
police a invité Me Garbade à s'adresser au Juge
d'instruction
en charge de la procédure, "pour la suite des modalités".
Me Garbade a eu connaissance de ce message à 18h30.
F.________ a été placée au relais carcéral de
l'Hôtel de police avant d'être conduite à la prison de
Champ-Dollon, où son arrivée a été enregistrée à 18h20.
Le 28 août 1998 à 10h., F.________ a pu s'entretenir
avec Me Garbade. Au terme de l'audition qui a suivi, en pré-
sence de Me Garbade, le Juge d'instruction a ordonné la re-
laxe de F.________, qui a été reconduite immédiatement à la
frontière.
B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
F.________ demande au Tribunal fédéral de constater que la
police aurait violé ses droits constitutionnels, notamment
la
liberté personnelle, l'art. 4 aCst. et l'art. 6 par. 3 let.
b
et c CEDH, en ne lui remettant pas le message télécopié de
Me
Garbade et en ne l'autorisant pas à rencontrer son avocat
dans les locaux de la police le 27 août 1998 avant 13h., ou
au moins avant son transfert dans le relais carcéral.
F.________ requiert l'assistance judiciaire.
C.- Par ordonnance du 30 septembre 1998, le Prési-
dent de la Ie Cour de droit public a suspendu la procédure
jusqu'à ce que le Conseil d'Etat et le Procureur général du
canton de Genève aient statué sur les recours formés parallè-
lement auprès d'eux par F.________.
Le 24 novembre 1998, le Procureur général a déclaré
le recours irrecevable, faute de compétence pour en connaî-
tre. Le 10 novembre 1999, le Conseil d'Etat en a fait de
même.
La procédure a été reprise le 19 novembre 1999.
Le Chef de la police cantonale conclut au rejet du
recours.
Invitée à répliquer, la recourante a maintenu ses
conclusions.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 125 I 253 consid. 1a p. 254, 412 consid. 1a p.
414; 125 II 193 consid. 1a p. 299; 124 I 11 consid. 1 p. 13,
159 consid. 1 p. 161, et les arrêts cités).
a) Aucune voie de recours n'étant ouverte sur le
plan cantonal contre le refus d'autoriser la présence de
l'avocat au stade de l'arrestation, la condition de la
subsidiarité du recours de droit public est remplie (art. 86
al. 1 OJ; arrêt non publié I. du 11 avril 1994, consid. 2).
b) aa) Le recours de droit public exige un intérêt
actuel et pratique à l'annulation de la décision attaquée et
à l'examen des griefs soulevés (art. 88 OJ; ATF 120 Ia 165
consid. 1a p. 166; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53, 488 consid.
1a
p. 490 et les arrêts cités). L'intérêt au recours doit
encore
exister au moment où statue le Tribunal fédéral, lequel se
prononce sur des questions concrètes et non théoriques (ATF
125 I 86 consid. 5b p. 97, 394 consid. 4a p. 397; 120 Ia 165
consid. 1a p. 166; 118 Ia 488 consid. 1a p. 490). L'intérêt
actuel nécessaire fait défaut en particulier lorsque l'acte
de l'autorité a été exécuté ou est devenu sans objet (ATF
125
I 86 consid. 5b p. 97; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166; 106 Ia
151 consid. 1a p. 152/153; 104 Ia 487). Le Tribunal fédéral
renonce toutefois à faire de l'intérêt actuel une condition
de recevabilité du recours de droit public lorsque cette exi-
gence l'empêcherait de contrôler un acte qui peut se repro-
duire en tout temps, qui, en raison de la brève durée de ses
effets, échapperait toujours à sa censure et lorsqu'il
existe
un intérêt public important à résoudre la question de princi-
pe que soulève le recours (ATF 125 I 394 consid. 4b p. 397;
124 I 231 consid. 1b p. 233; 121 I 279 consid. 1 p. 281/282,
et les arrêts cités).
bb) L'officier de police a ordonné l'arrestation de
la recourante et décerné contre elle un mandat d'amener, par
quoi on entend, selon l'art. 15 Cst. gen., l'acte par lequel
un magistrat ou un fonctionnaire compétent ordonne d'appré-
hender la personne prévenue d'un crime ou d'un délit et de
la
faire détenir provisoirement en vue d'un interrogatoire (al.
1); la personne ainsi arrêtée doit être interrogée au plus
vite par l'autorité qui a décerné le mandat (al. 2); dans un
délai maximal de vingt-quatre heures, la personne doit, si
elle n'a pas été relaxée dans l'intervalle, être mise à la
disposition du juge d'instruction, lequel dispose d'un nou-
veau délai maximal de vingt-quatre heures pour l'interroger
et la relaxer ou décerner un mandat d'arrêt (al. 3). A
teneur
de l'art. 16 al. 1 Cst. gen., sont compétents pour décerner
le mandat d'amener le Procureur général (let. a); le juge
d'instruction (let. b); le Conseiller d'Etat chargé du dépar-
tement de justice et police (let. c); le chef de la police
et
les autres officiers de police désignés par la loi (let. d).
En cas de flagrant délit, les autres officiers de police et
les maires peuvent également décerner des mandats d'amener
(art. 16 al. 2 Cst. gen.). Les art. 32 et 111 CPP gen., re-
prenant littéralement et intégralement la teneur des art. 15
et 16 Cst. gen., n'ont pas de portée propre à cet égard.
Quant à l'art. 14 al. 1 de la loi genevoise sur la police,
du
26 octobre 1957 (LPol), il précise l'art. 16 al. 1 let. d
Cst. gen. en désignant le chef de la police, le chef d'état-
major, le commandant de la gendarmerie, le chef de la sûreté
ainsi qu'un à trois officiers de police, désignés par le
Conseil d'Etat en qualité de commissaires, comme autorités
compétentes pour décerner les mandats d'amener.
cc) En l'occurrence, la recourante ne conteste pas
le mandat d'amener en tant que tel, ni la légalité de son
arrestation et de la détention qui en ont suivi. Elle ne
prétend pas davantage que les règles de forme à cet égard
n'auraient pas été respectées, ni que la durée de la garde à
vue aurait été excessive. Elle se plaint uniquement de
n'avoir pas reçu le message télécopié expédié le 27 août
1998
à 10h12 par son avocat à la police et de n'avoir pas pu ren-
contrer son avocat avant 13h., ou du moins avant son trans-
fert au relais carcéral. La recourante ne disposant d'aucune
voie de droit cantonale pour faire constater et, le cas
échéant, réparer la violation de la Constitution et de la
Convention qu'elle allègue dans le cadre d'une autre procé-
dure - par exemple celle relative à l'indemnisation selon
l'art. 5 par. 5 CEDH (cf. ATF 125 I 394), la présente cause
se distingue de celle qui a donné lieu à l'arrêt I.,
précité.
Ainsi, eu égard à la brièveté de la garde à vue, il était ma-
tériellement impossible à la recourante de saisir le
Tribunal
fédéral pour faire constater la violation de la Constitution
et de la Convention dont elle se plaint avant que la mesure
de détention ne prenne fin, ce qui aurait privé du même coup
de son objet le recours. Celui-ci soulève en outre une ques-
tion que l'intérêt public commande de trancher en raison de
son caractère de principe, ce qui justifie en l'occurrence
de
déroger à l'exigence d'un intérêt actuel et pratique au re-
cours et d'entrer en matière selon la jurisprudence qui
vient
d'être rappelée.
2.- a) Les griefs soulevés par la recourante, tou-
chant au droit de la personne arrêtée de recevoir des messa-
ges de son avocat et de s'entretenir librement avec lui pen-
dant la garde à vue, doivent être examinés à la lumière des
art. 4 aCst. (cf. désormais l'art. 31 al. 2 Cst.) et 6 par.
3
CEDH. En relation avec l'art. 8 CEDH dont la recourante ne
se
prévaut pas, ces dispositions donnent à la personne arrêtée
les garanties minimales nécessaires pour assurer le respect
des droits de la défense dans la procédure pénale, comme élé-
ment du procès équitable garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH
(cf. ATF 125 I 127 consid. 6a p. 131/132).
b) Outre les art. 4 aCst. et 6 par. 3 CEDH, la re-
courante invoque la liberté personnelle (cf. désormais
l'art.
10 al. 2 Cst.). Il est douteux que celle-ci confère à la
personne arrêtée le droit de s'entretenir librement avec son
avocat dès son arrestation, non pas pour les besoins de la
défense, mais pour la protection de son intégrité
personnelle
contre d'éventuels mauvais traitements qu'elle pourrait
subir
au cours de sa détention - comme le soutient la recourante.
Cette mission n'entre pas dans les tâches de l'avocat et on
ne voit pas pourquoi elle serait assumée par celui-ci plutôt
que par un tiers. En l'espèce, eu égard au fait que l'inter-
vention du mandataire s'inscrivait exclusivement dans la
perspective de la défense de la recourante au stade initial
de la procédure pénale, il est superflu d'examiner si les
faits de la présente cause pourraient également entrer dans
le champ d'application de la liberté personnelle.
Pour ce qui concerne la base légale topique, il con-
vient de relever que l'art. 107A al. 3 let. b CPP gen.
permet
à la personne détenue de requérir en tout temps la visite
d'un médecin, disposition qui vise précisément à écarter
tout
risque de mauvais traitement. Confier prioritairement au mé-
decin la tâche de protéger la personne arrêtée contre d'éven-
tuelles violences policières procède d'un choix délibéré du
législateur (Mémorial des séances du Grand Conseil 1993, p.
2425 ss; 1996, p. 2114 ss), lequel avait opté dans un
premier
temps en faveur d'une version selon laquelle "toute personne
entendue par la police a le droit d'être assistée d'un avo-
cat".
3.- a) L'art. 107A CPP gen., régissant les droits de
la personne entendue par la police, introduit selon la no-
velle du 23 avril 1998, a la teneur suivante:
"1. Dans le cadre de ses auditions, la police indi-
que à la personne entendue qu'elle doit se soumet-
tre aux mesures nécessaires au contrôle de son
identité. Elle doit porter à sa connaissance sans
délai si elle est entendue à titre de renseigne-
ments ou d'auteur présumé de l'infraction.
2. Lorsqu'une personne est entendue à titre de
renseignements, les art. 46 à 49 sont applicables
par analogie.
3. Lorsqu'une personne est entendue comme auteur
présumé d'une infraction, elle est rendue atten-
tive, sans délai, par la remise du présent article
dans une langue comprise par elle, à ce:
a) qu'elle doit, dans les vingt-quatre heures au
plus, si elle n'est pas relaxée, être mise à la
disposition du juge d'instruction et que celui-ci
dispose de vingt-quatre heures au plus pour l'in-
terroger et la relaxer ou décerner contre elle
un
mandat d'arrêt;
b) qu'elle peut demander à tout moment, pendant la
durée de son interrogatoire et au moment de quitter
les locaux de police, à faire l'objet d'un examen
médical et qu'un tel examen a également lieu sur
demande de la police;
c) qu'elle peut prendre connaissance des charges
dirigées contre elle et des faits qui lui sont re-
prochés;
d) qu'elle ne peut être forcée de déposer contre
elle-même ou de s'avouer coupable;
e) qu'elle peut informer de sa détention un proche,
un familier ou son employeur, sauf risque de collu-
sion ou de danger pour le cours de l'enquête, ainsi
que de faire prévenir son avocat;
f) qu'elle peut informer de sa détention son con-
sulat, si elle est étrangère;
g) qu'elle a le droit d'obtenir la visite d'un avo-
cat et de conférer librement avec lui, dès la fin
de son interrogatoire par l'officier de police,
mais au plus tard à la première heure ouvrable à
l'issue des vingt-quatre heures suivant le début de
l'audition par la police, sauf risque de collusion
ou de danger pour le cours de l'enquête, les horai-
res de visite des avocats à la prison pouvant tou-
tefois être limités à deux heures le samedi, le di-
manche et les jours fériés;
h) qu'elle peut, si elle ne connaît pas d'avocat,
s'en faire désigner un;
i) qu'elle peut, le cas échéant, faire appel à
l'assistance juridique, aux conditions prévues par
la loi.
4. Mention est faite de ces communications au rap-
port de police".
b) Il est constant que la recourante a été entendue
par la police comme personne soupçonnée d'avoir commis une
infraction, soit la violation de la décision du 21 mai 1998
lui interdisant l'entrée sur le territoire suisse (art. 23
LSEE). Elle a reçu une copie de l'art. 107A CPP gen. et eu
la
possibilité de faire avertir de son arrestation le consulat
d'Allemagne, mesure à laquelle elle a renoncé spontanément.
c) Pour déterminer le moment à partir duquel la per-
sonne arrêtée a le droit de rencontrer son défenseur, l'art.
107A al. 3 let. g CPP gen. se réfère à l'interrogatoire par
l'officier de police et non à la notification du mandat
d'amener. Il faut en conclure que le délai fixé par cette
norme du droit cantonal a commencé à courir dès le 27 août
1998 à 17h35, ce que la recourante ne conteste pas au demeu-
rant et ce que confirme aussi le message télécopié adressé
par Me Garbade à l'officier de police le 27 août 1998 à
10h12.
Pour le reste, le délai de seize heures et
vingt-cinq minutes qui s'est écoulé entre le moment où
l'officier de police a informé Me Garbade du sort de sa
cliente et celui où l'entrevue réclamée a pu avoir lieu -
soit le 28 août 1998 à 10h. -, s'explique par des motifs
organisationnels. Selon l'art. 38 CPP gen., toute personne
appréhendée en vertu d'un mandat d'amener doit être conduite
sans retard à la maison de détention préventive, soit la
prison de Champ-Dollon (cf. l'art. 1 al. 1 du Règlement
genevois sur le régime intérieur de la prison et le statut
des personnes incarcérées, du 30 septembre 1985 - le
Règlement), à moins que le Juge d'instruction ne décide
immédiatement de ne pas écrouer la personne - hypothèse non
réalisée en l'espèce. Conformément à l'art. 38 CPP gen.,
immédiatement après son interrogatoire par l'officier de
police, la recourante a été conduite à la prison de
Champ-Dollon, où elle est arrivée à 18h20. Dès cet instant,
Me Garbade avait le droit de rendre visite à sa cliente,
mais
seulement après l'audition de celle-ci par le juge
d'instruction (art. 36 al. 1 du Règlement) ou avec l'au-
torisation de celui-ci (art. 37 al. 3 du Règlement). En l'es-
pèce, aucune de ces formalités n'a pu être accomplie avant
le
28 août 1998, l'office des juges d'instruction étant fermé
au
moment où la recourante a été écrouée à la prison de Champ-
Dollon.
L'officier de police a interrogé le 27 août 1998 à
17h35 la recourante, qui a pu s'entretenir avec Me Garbade
le
28 août 1998 à 10h. Le délai maximal de vingt-quatre heures,
fixé par l'art. 107A al. 3 let. g CPP gen., a ainsi été res-
pecté.
d) Cela étant, il aurait sans doute été conforme à
l'esprit de l'art. 107A CPP gen. (disposition conçue essen-
tiellement en vue du cas où la personne arrêtée n'est pas as-
sistée par un avocat s'annonçant spontanément à la police,
contrairement au cas d'espèce) de donner connaissance à la
recourante du message télécopié de Me Garbade (ou simplement
l'en informer et lui en relater le contenu), dès l'instant
où, le 27 août 1998 à 12h04, un mandat d'amener a été
décerné
contre elle, voire à 13h., où elle a été interrogée par un
policier parlant l'allemand. Il n'aurait en effet pas été in-
différent à la recourante de savoir que Me Garbade cherchait
à intervenir en sa faveur en réclamant la possibilité de
s'entretenir immédiatement avec elle. De même, il semble,
sur
le vu du dossier cantonal, que les démarches nécessaires
pour
clarifier la situation de la recourante étaient terminées
vers 13h. Si l'officier de police avait procédé
immédiatement
à l'interrogatoire de la recourante, il aurait sans doute
été
possible d'aménager la rencontre demandée avec Me Garbade en-
core avant la fin de l'après-midi. Une plus grande promptitu-
de aurait ainsi assuré une application optimale des art. 15
al. 2 Cst. gen. et 107A CPP gen., sans que l'on puisse pour
autant reprocher à l'autorité cantonale d'avoir violé ces
normes, dont la recourante ne se prévaut pas.
e) Il convient dans ce contexte de souligner que
l'art. 107A CPP gen. fait appel à des notions juridiques in-
déterminées (telles que le risque de collusion ou le danger
pour les besoins de l'enquête), ce qui justifie pleinement
le
choix du législateur de confier à l'officier de police, fonc-
tionnaire supérieur disposant d'une formation juridique com-
plète, l'application - parfois délicate - de cette norme in-
novatrice et équilibrée.
4.- Il reste à examiner si l'application en soi cor-
recte du droit cantonal a conduit à une violation des art. 4
aCst. et 6 par. 3 CEDH, comme le soutient la recourante.
a) A teneur de l'art. 6 par. 3 CEDH, tout accusé a
le droit notamment d'être informé, dans le plus court délai,
dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée,
de
la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui
(let. a), de disposer du temps et des facilités nécessaires
à
la préparation de sa défense (let. b) et de se défendre lui-
même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix (let.
c). Ces garanties constituent un aspect particulier du droit
au procès équitable au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 125
I 127 consid. 6a p. 131/132; arrêt de la Cour européenne des
droits de l'homme Pélissier et Sassi c. France du 25 mars
1999 par. 52). Les garanties offertes par l'art. 6 par. 3
let. a et b CEDH sont liées, en ce sens que le droit d'être
informé de la nature et de la cause de l'accusation doit
être
envisagé à la lumière du droit de l'accusé de préparer sa dé-
fense (arrêt Pélissier et Sassi c. France, précité, par. 54;
Jochen A. Frowein/Wolfgang Peukert, EMRK-Kommentar, 2ème
éd.,
Kehl, Strasbourg, Arlington, 1996, N.175 ad art. 6).
b) La Cour européenne des droits de l'homme inter-
prète de manière autonome les notions d'"accusation en ma-
tière pénale", de "personne accusée d'une infraction" et
d'"accusé", auxquelles se réfère l'art. 6 par. 1 et par. 3
CEDH (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
Deweer c. Belgique du 27 février 1980, Série A, vol. 35,
par.
42). Ces notions sont équivalentes (arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme Lutz c. Allemagne du
25 août 1987, Série A, vol. 123, par. 52). L'accusation se
définit comme la notification officielle, émanant de l'auto-
rité compétente, du reproche d'avoir commis une infraction
pénale (arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme
Pélissier et Sassi c. France, précité, par. 51; Brozicek c.
Italie du 19 décembre 1989, Série A, vol. 167, par. 38;
Corigliano c. Italie, Série A, vol. 57, par. 34; Deweer, pré-
cité, par. 46). Les dispositions de l'art. 6 par. 3 let. a
n'imposent aucune forme particulière quant à la manière dont
l'accusé doit être informé de la nature et de la cause de
l'accusation portée contre lui (arrêt Pélissier et Sassi,
précité, par. 53). Cette notification peut intervenir avant
le renvoi en jugement, soit notamment au moment de l'arresta-
tion, de l'inculpation ou de l'ouverture des enquêtes préli-
minaires (arrêt Corigliano, précité, par. 34).
Le mandat d'amener au sens des art. 15 Cst. gen. et
32 CPP gen. doit être tenu comme un acte par lequel l'autori-
té compétente notifie à la personne arrêtée qu'elle est soup-
çonnée d'avoir commis un crime ou un délit et qu'elle est, à
ce titre, détenue provisoirement en vue d'un interrogatoire.
Dès la remise de ce mandat, la personne arrêtée doit être
considérée comme "accusée" au sens de l'art. 6 CEDH, quand
bien même aucune inculpation (art. 134 CPP gen.) n'a été pro-
noncée, ni, partant, aucun mandat d'arrêt (art. 33 CPP gen.)
décerné contre elle. La recourante bénéficiait dès la noti-
fication du mandat d'amener - soit le 27 août 1998 à 16h35 -
des garanties énoncées à l'art. 6 par. 3 CEDH.
c) Les art. 4 aCst. et 6 par. 3 let. c CEDH donnent
à l'accusé le droit de s'entretenir librement avec son défen-
seur (ATF 121 I 164 consid. 2c p. 167 ss; 111 Ia 341 consid.
3c p. 346; arrêt non publié K. du 11 septembre 1996 consid.
2a), au moins dès le stade de l'enquête préliminaire
("Voruntersuchung"; ATF 106 Ia 219 consid. 3c p. 222/223;
105
Ia 98 consid. 2 p. 100/101, et les arrêts cités; arrêt non
publié U. du 2 septembre 1993, consid. 2a/aa). La liberté
personnelle et l'art. 14 par. 3 let. b du Pacte ONU II n'ont
pas de portée propre à cet égard.
Selon la jurisprudence récente de la Cour européenne
des droits de l'homme, l'art. 6 par. 3 let. c CEDH confère à
l'accusé le droit de bénéficier de l'assistance d'un avocat
dès les premiers stades des interrogatoires de police. Ce
droit, que la Convention n'énonce pas expressément, peut ce-
pendant être restreint pour des motifs valables; il convient
de déterminer dans chaque cas si, à la lumière de l'ensemble
de la procédure, la restriction critiquée a privé l'accusé
d'un procès équitable (arrêts de la Cour européenne des
droits de l'homme Murray c. Royaume-Uni du 8 février 1996,
par. 63, et Can c. Autriche du 30 septembre 1985, par. 17,
renvoyant au rapport établi dans cette affaire le 12 juillet
1984 par la Commission européenne des droits de l'homme, ch.
45-61; pour Mark E. Villiger, Handbuch der Europäischen
Menschenrechtskonvention, 2ème éd., Zurich, 1999, N.516,
l'arrêt Murray doit conduire à un réexamen de la jurispru-
dence relative à l'art. 4 aCst. qui vient d'être rappelée).
Dans cette affaire, la Cour a jugé que refuser tout contact
entre l'accusé et son défenseur pendant quarante-huit heures
n'est pas compatible avec l'art. 6 CEDH (arrêt Murray, pré-
cité, par. 66).
d) Au regard de ces principes, on ne saurait sous-
crire à la thèse de la recourante qui prétend que les art. 4
aCst. et 6 par. 3 CEDH imposeraient d'emblée et sans restric-
tion à l'autorité de police d'autoriser la personne arrêtée
à
s'entretenir librement avec son défenseur dès les premières
heures de l'interrogatoire ou, du moins, dès l'instant où le
défenseur s'annonce comme tel à la police et demande à exer-
cer ce droit, soit en l'espèce le 27 août 1998 à 10h12.
L'art. 107A al. 3 let. g CPP gen. répond aux exigences de la
Convention, dans la mesure où il prévoit que la personne ar-
rêtée a le droit de s'entretenir avec son avocat immédiate-
ment après son interrogatoire par l'officier de police, mais
vingt-quatre heures au plus après sa première audition par
la
police. Ce mécanisme est suffisamment souple pour tenir
compte à la fois des cas où la situation peut être éclaircie
rapidement, parce que la relaxe ou la notification d'un man-
dat d'amener s'impose d'emblée, et de ceux, plus complexes,
réclamant des mesures d'investigations plus approfondies,
les
risques de collusion et du danger pour l'enquête devant en
outre être réservés dans tous les cas.
Après son arrestation avec d'autres personnes, la
recourante a d'abord été conduite au poste de la Pallanterie
où ont été effectués les premiers contrôles usuels.
Lorsqu'il
est apparu qu'elle était interdite d'entrée sur le
territoire
de la Confédération, la recourante a été transférée dans les
locaux de la brigade d'intervention, puis à l'Hôtel de po-
lice, distant de plusieurs kilomètres. Si la décision du 21
mai 1998 a pu être facilement repérée, il a fallu s'assurer
qu'elle était toujours en force, ce qui a nécessité, selon
les indications de la police, de faire des vérifications
tant
auprès de l'Office cantonal de la population que de l'Office
fédéral des étrangers à Berne. S'il semble, sur le vu du dos-
sier, que ces opérations étaient terminées le 27 août 1998 à
13h., il se peut que l'exécution de tâches prioritaires
aient
empêché l'officier de police, après avoir décerné le mandat
d'amener le 27 août 1998 à 12h04, d'interroger la recourante
avant 17h35. Une action plus rapide aurait été opportune
(cf.
consid. 3d ci-dessus). Il n'en demeure pas moins que l'auto-
rité a traité dans un délai raisonnable le cas de la recou-
rante, laquelle n'adresse au demeurant aucune critique à la
police sur ce point précis.
e) La recourante se prévaut dans ce contexte de la
Résolution (73) 5 adoptée le 19 janvier 1973 par le Comité
des Ministres du Conseil de l'Europe, relative aux règles
minima à observer pour le traitement des détenus, remplacée
depuis par la Recommandation n°R(87) 3 intitulée
"Règles pé-
nitentiaires européennes", adoptée par le Comité des Minis-
tres le 12 février 1987. Selon le ch. 93 de cette Recommanda-
tion, tout prévenu doit pouvoir, dès son incarcération, choi-
sir son avocat ou être autorisé à demander la désignation
d'un avocat d'office, lorsqu'une telle assistance est
prévue,
et à recevoir des visites de son avocat en vue de sa
défense;
il doit pouvoir en outre préparer et remettre à son avocat
des instructions confidentielles, et en recevoir. Ces
règles,
dont le Tribunal fédéral s'inspire dans la concrétisation de
la liberté personnelle et des autres droits fondamentaux ga-
rantis par la CEDH et la Constitution (ATF 124 I 231 consid.
2b p. 236/237), ne constituent pas des normes obligatoires
liant les Etats, mais de simples directives dont la
prétendue
violation ne peut faire séparément l'objet d'un recours de
droit public (ATF 111 Ia 341 consid. 3b p. 345).
f) Dans son rapport du 7 février 1992, le Comité
institué selon la Convention européenne pour la prévention
de
la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégra-
dants, conclue à Strasbourg le 26 novembre 1987 et entrée en
vigueur pour la Suisse le 1er février 1989 (CPT; RS 0.106) a
émis, à l'adresse du Conseil fédéral, une recommandation
n° 121 invitant les autorités suisses à consacrer expressé-
ment, dans les meilleurs délais, le droit pour les personnes
arrêtées par la police d'avoir accès à un avocat dès le
début
de la garde à vue; ce droit devrait comprendre à la fois la
visite de l'avocat et la présence de celui-ci lors des inter-
rogatoires. Dans sa prise de position du 14 décembre 1992,
le
Conseil fédéral a indiqué expressément qu'il ne pouvait sous-
crire à la recommandation n° 121, laquelle ne produit pas
d'effet obligatoire à l'égard des Etats et va au-delà des ga-
ranties offertes par l'art. 6 par. 3 CEDH. Bien que cette
prise de position ne lie pas le Tribunal fédéral, celui-ci
ne
saurait méconnaître que les travaux intergouvernementaux me-
nés dans le cadre du Conseil de l'Europe, tendant à
consacrer
certains droits des personnes arrêtées, n'ont pas abouti en
l'état et que certaines des garanties envisagées iraient
moins loin que l'art. 107A CPP gen. (cf. art. 3 du projet
établi par un groupe de travail du Comité directeur pour les
droits de l'homme, qui considérait comme suffisant que la
personne privée de liberté puisse, "sans retard injustifié",
informer un avocat du fait et du lieu de sa détention). Dans
son rapport intermédiaire adopté à la suite de la visite en
Suisse, du 11 au 23 février 1996, du Comité institué par la
CPT, le Conseil fédéral a estimé qu'"une réévaluation de
cette question sera opportune au moment des travaux législa-
tifs tendant à l'unification de la procédure pénale en
Suisse". Ces travaux sont en cours (cf. l'art. 123 al. 1
Cst.; FF 1999 p. 7831). Dans cette période d'incertitude nor-
mative, tant au niveau européen que suisse, le juge constitu-
tionnel doit faire preuve d'une réserve d'autant plus justi-
fiée que la norme cantonale litigieuse est particulièrement
précise et novatrice.
5.- Le recours doit ainsi être rejeté. La recourante
demande l'assistance judiciaire, dont les conditions sont
remplies (art. 152 OJ). Il convient de statuer sans frais,
de
désigner Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève, comme avo-
cat d'office de la recourante et d'allouer à Me Garbade une
indemnité à titre d'honoraires. Il n'y a pas lieu d'allouer
des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
1. Rejette le recours.
2. Admet la demande d'assistance judiciaire.
3. Désigne Me Jean-Pierre Garbade, avocat à Genève,
comme avocat d'office de la recourante et alloue à Me
Garbade
une indemnité de 2000 fr. à titre d'honoraires.
4. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens.
5. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante et à l'Officier de police du canton
de
Genève.
Lausanne, le 3 mai 2000
ZIR/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
Le Greffier,