«AZA 3»
1A.18/2000
1P.52/2000
Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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27 juin 2000
Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Catenazzi. Greffier: M. Jomini.
Statuant sur les recours de droit public
et de droit administratif
formés par
la fondation World Wide Fund For Nature, WWF Suisse et le
WWF-Section de Genève, p.a. rue Villereuse 10, à Genève,
contre
l'arrêt rendu le 7 décembre 1999 par le Tribunal administra-
tif de la République et canton de Genève, dans la cause re-
lative à la loi 7846-I "abrogeant la loi 7471, du 23 janvier
1997, modifiant le régime des zones sur le territoire de la
commune de Veyrier (création d'une zone sportive destinée au
tennis)", adoptée le 5 novembre 1998 par le Grand Conseil de
la République et canton de Genève, cause qui oppose les or-
ganisations recourantes à la commune de Veyrier, représentée
par Me Pierre-Louis Manfrini, avocat à Genève, ainsi qu'à la
société anonyme La Nouvelle Société des Tennis de Champel
S.A. et à l'association Le Tennis-Club de Genève-Champel,
toutes deux à Genève et représentées par Me Nicolas Peyrot,
avocat à Genève;
(plan d'affectation)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- Le Grand Conseil de la République et canton de Ge-
nève a adopté le 23 janvier 1997 la loi 7471 modifiant le
régime des zones sur le territoire de la commune de Veyrier
(création d'une zone sportive destinée au tennis). L'arrêté
de promulgation de cette loi a été publié dans la Feuille
d'Avis Officielle du 21 mars 1997, l'entrée en vigueur étant
fixée au lendemain de cette publication.
La fondation World Wide Fund For Nature, WWF Suisse, et
le WWF-Section de Genève (ci-après: le WWF Suisse et le WWF
Genève) ont recouru contre cette loi auprès du Tribunal ad-
ministratif de la République et canton de Genève. Leur re-
cours a été rejeté par un arrêt rendu le 26 mai 1998. Le WWF
Suisse et le WWF Genève ont alors formé contre cet arrêt,
devant le Tribunal fédéral, un recours de droit public et un
recours de droit administratif (causes 1P.350/1998 et
1A.140/1998). L'instruction des deux causes a été suspendue
par une ordonnance du 24 août 1998 du Président de la Ie
Cour de droit public. Ces procédures sont actuellement tou-
jours en suspens.
B.- Le Grand Conseil a adopté le 5 novembre 1998 une
autre loi (loi 7846-I), abrogeant la loi 7471 précitée.
L'article unique de cette loi a la teneur suivante: "La loi
7471, du 23 janvier 1997, modifiant le régime des zones sur
le territoire de la commune de Veyrier (création d'une zone
sportive destinée au tennis) est abrogée".
Cette loi a fait l'objet de deux recours devant le Tri-
bunal administratif: le premier formé par la commune de Vey-
rier, le second par la société anonyme La Nouvelle Société
des Tennis de Champel S.A. et l'association Le Tennis-Club
de Genève-Champel. Le Tribunal administratif a admis ces re-
cours et annulé la loi 7846-I par un arrêt rendu le 7 décem-
bre 1999. Il a considéré en substance que cette loi était un
plan d'affectation et qu'avant d'être soumise au Grand
Conseil, elle aurait dû suivre les différentes étapes de la
procédure prévue par la loi cantonale d'application de la
loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LALAT) pour
l'adoption ou la révision des plans d'affectation; le projet
aurait notamment dû être mis à l'enquête publique et les in-
téressés auraient dû pouvoir s'y opposer avant que le Grand
Conseil ne se prononce.
C.- Agissant par les voies du recours de droit public
(1P.52/2000) et du recours de droit administratif
(1A.18/2000) - leurs argumentation et conclusions étant tou-
tefois présentées dans un seul acte -, le WWF Suisse et le
WWF Genève, qui avaient été parties à la procédure devant le
Tribunal administratif, demandent au Tribunal fédéral d'an-
nuler l'arrêt du Tribunal administratif du 7 décembre 1999.
En se plaignant d'une application arbitraire des règles can-
tonales de procédure ainsi que d'une violation de l'art. 58
de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA; RS
172.021), les deux organisations soutiennent que cette auto-
rité judiciaire n'aurait pas dû entrer en matière, la loi
7846-I ne pouvant pas être assimilée à une loi d'approbation
d'un plan de zone, seule susceptible d'un recours au niveau
cantonal. Elles prétendent que cette loi 7846-I, ayant sim-
plement pour effet l'abrogation d'une mesure d'aménagement
du territoire faisant encore l'objet de recours - ceux for-
més devant le Tribunal fédéral dans les causes 1P.350/1998
et 1A.140/1998 -, aurait dû le cas échéant être interprétée
comme un acte de retrait en cours d'instance, par l'autorité
inférieure, de la décision attaquée (soit la loi 7471); dès
lors, les prescriptions sur la procédure d'adoption ou de
révision des plans d'affectation ne s'appliqueraient pas. Le
Grand Conseil pouvait donc valablement, selon les recouran-
tes, adopter la loi litigieuse.
La commune de Veyrier, la Nouvelle Société des Tennis
de Champel S.A. et le Tennis-Club de Genève-Champel
concluent à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet des
recours de droit public et de droit administratif.
Le Grand Conseil adhère pour sa part aux conclusions
des organisations recourantes.
D.- Par une ordonnance du 4 février 2000, le Président
de la Ie Cour de droit public a admis la demande d'effet
suspensif présentée par les organisations recourantes, en ce
sens qu'il a interdit à titre provisionnel l'octroi d'auto-
risations de construire de nouvelles installations destinées
à la pratique du tennis dans le périmètre de la zone sporti-
ve prévue par la loi 7471.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.- Selon l'arrêt attaqué, la loi 7846-I abrogeant la
loi 7471 est un plan d'affectation au sens des art. 12 ss
LALAT (cf. aussi art. 14 ss de la loi fédérale sur l'aména-
gement du territoire [LAT; RS 700]). Les organisations re-
courantes le contestent: il s'agit pour elles seulement
d'une décision prise dans le cadre de la procédure relative
à la loi 7471, la nature de plan d'affectation de cette der-
nière loi étant quant à elle évidente. Dans le canton de Ge-
nève, il appartient en effet en principe au Grand Conseil
d'adopter les plans d'affectation fixant ou modifiant les
limites des zones (art. 12, 15 ss LALAT). Cela étant, que
l'on traite ou non la loi 7846-I comme un plan d'affecta-
tion, le litige porte en définitive sur la réglementation du
mode d'utilisation du sol dans le périmètre de la loi 7471,
donc sur le contenu du plan d'affectation devant régir ce
secteur (cf. art. 14 al. 1 LAT).
En vertu de l'art. 34 al. 3 LAT, seule la voie du re-
cours de droit public est en principe ouverte, devant le
Tribunal fédéral, contre les décisions cantonales relatives
aux plans d'affectation. La jurisprudence admet cependant
qu'une décision relative à l'adoption d'un plan d'affecta-
tion fasse l'objet d'un recours de droit administratif,
lorsque l'application du droit fédéral de la protection de
l'environnement, ou d'autres prescriptions fédérales spécia-
les en matière de protection des biotopes, des forêts, etc.,
est en jeu, notamment quand le plan se rapporte à un projet
concret (ATF 125 II 10 consid. 2a p. 13; 123 II 88 consid.
1a p. 91, 231 consid. 2 p. 233; 121 II 72 consid. 1b p. 75
et les arrêts cités).
Dans le cas particulier, la contestation porte unique-
ment sur le sort d'une zone sportive déjà adoptée, compte
tenu de la volonté de l'autorité de planification d'annuler
une mesure prise par elle précédemment, ou plus précisément
sur la procédure à suivre en pareil cas (procédure applica-
ble à la révision des plans d'affectation ou règles généra-
les sur le réexamen ou le retrait d'une décision administra-
tive avant le jugement définitif de l'autorité de recours à
ce sujet). Le litige ne concerne donc pas les exigences for-
melles et matérielles auxquelles était soumise l'adoption de
cette zone sportive, en fonction des particularités de son
emplacement, le cas échéant des milieux naturels à préser-
ver; ces questions font l'objet d'autres recours au Tribunal
fédéral, actuellement suspendus (causes 1P.350/1998 et
1A.140/1998). Les organisations recourantes ne prétendent du
reste pas que l'arrêt attaqué, concernant l'abrogation de la
zone sportive, compromettrait l'application des prescrip-
tions fédérales sur la protection de l'environnement, des
biotopes, des forêts, etc.: elles se bornent à invoquer des
règles de procédure administrative. Le Tribunal administra-
tif n'a au demeurant pas exclu une nouvelle décision du
Grand Conseil, sur le même projet de loi, à l'issue d'une
procédure adéquate. Il n'y a donc aucun motif de déroger à
la règle de l'art. 34 al. 3 LAT; c'est du reste, en l'occur-
rence, la voie du recours de droit public qui a été choisie
à titre principal, le recours de droit administratif ayant
un caractère accessoire. Le grief de violation de l'art. 58
PA - disposition qui permet, dans une procédure de recours
administratif fédéral, à l'autorité inférieure de procéder à
un nouvel examen de la décision attaquée - n'a aucune in-
fluence sur la recevabilité de l'un ou l'autre recours:
cette disposition est en effet manifestement inapplicable à
la procédure devant une autorité cantonale de recours (cf.
art. 1er al. 3 PA).
Il s'ensuit que le recours de droit administratif est
d'emblée irrecevable.
2.- Aux termes de l'art. 88 OJ, ont qualité pour re-
courir, par la voie du recours de droit public, les parti-
culiers ou les collectivités lésés par des arrêtés ou déci-
sions qui les concernent personnellement ou qui sont d'une
portée générale. Selon l'interprétation que la jurisprudence
a donnée de cette disposition, il faut que le recourant soit
atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts propres et ju-
ridiquement protégés; le recours de droit public formé pour
sauvegarder l'intérêt général, ou visant à préserver de purs
avantages de fait, est en revanche irrecevable (ATF 125 I
474 consid. 1d p. 477; 125 II 440 consid. 1c p. 442; 124 I
159 consid. 1c p. 161; 123 I 41 consid. 5b p. 42 et les ar-
rêts cités - cf. aussi l'arrêt P. du 3 avril 2000, destiné à
la publication, dont il ressort que la jurisprudence relati-
ve à l'art. 88 OJ est maintenue, aussi dans le cas du re-
cours pour arbitraire, après l'entrée en vigueur de la nou-
velle Constitution fédérale le 1er janvier 2000).
Le WWF Suisse agit manifestement, dans la présente af-
faire, en tant qu'organisation d'importance nationale à but
idéal, qui se voue à la protection de la nature, du paysage
et de l'environnement. A ce titre et en vertu d'une régle-
mentation spéciale adoptée pour assurer la sauvegarde de ces
intérêts généraux, cette organisation a en principe qualité
pour agir contre les décisions cantonales par la voie du re-
cours de droit administratif, le cas échéant, même si elle
n'a pas directement un intérêt digne de protection à en ob-
tenir l'annulation ou la modification (cf. art. 103 let. c
OJ en relation avec l'art. 12 de la loi fédérale sur la pro-
tection de la nature et du paysage [LPN; RS 451] et l'art.
55 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement
[LPE; RS 814.01]; cf. aussi l'ordonnance relative à la dési-
gnation des organisations habilitées à recourir dans les do-
maines de la protection de l'environnement ainsi que de la
protection de la nature et du paysage [ODO; RS 814.076]).
Mais comme, précisément en pareil cas, elle vise alors à
sauvegarder l'intérêt général, indépendamment d'une atteinte
à ses intérêts propres et juridiquement protégés - lesquels
pourraient éventuellement être invoqués si l'organisation
dénonçait un déni de justice formel à son détriment, ou une
violation de ses droits de partie à la procédure devant le
Tribunal administratif, ce qu'elle ne fait pas en l'occur-
rence -, elle ne remplit pas les conditions de l'art. 88 OJ
et elle ne peut donc pas agir par la voie du recours de
droit public quand celle du recours de droit administratif
n'est pas ouverte. Dans la présente cause, la qualité pour
recourir doit ainsi être déniée au WWF Suisse.
Quant au WWF Genève, il ne donne aucune indication sur
la structure selon laquelle il est organisé. A supposer
qu'il soit constitué en association, on ne voit pas en quoi
il serait directement touché dans ses intérêts propres et
juridiquement protégés; il apparaît bien plutôt qu'il défend
les mêmes intérêts généraux que le WWF Suisse, aux côtés du-
quel il recourt en tant qu'organe ou représentant régional
(cf. ATF 118 Ib 296 consid. 1c p. 300). Le WWF Genève ne
prétend du reste pas agir en vue de sauvegarder ses propres
intérêts juridiquement protégés, ni les intérêts de ses mem-
bres, lesquels seraient eux-mêmes, en majorité ou en grand
nombre, personnellement touchés au sens de l'art. 88 OJ (à
propos de la qualité pour recourir des associations, cf. ATF
125 I 71 consid. 1b/aa p. 75, 369 consid. 1a p. 372; 122 I
90 consid. 2c p. 92 et les arrêts cités). Il en découle que
la qualité pour recourir fait également défaut à cette sec-
tion cantonale de l'organisation d'importance nationale.
Le recours de droit public est en conséquence lui aussi
irrecevable.
3.- Les organisations recourantes, qui succombent,
doivent payer l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156
al. 1 OJ). Comme elles ont agi par la voie du recours de
droit public, il n'y a pas lieu de les en dispenser selon la
pratique suivie dans les cas où le recours de droit adminis-
tratif est ouvert (cf. ATF 123 II 337 consid. 10a p. 357 et
l'arrêt non publié du 16 avril 1998 dans la cause WWF Suisse
et
WWF Genève c. Genève, 1A.182/1997, consid. 6).
Les organisations recourantes auront en outre à verser
des dépens à la commune de Veyrier, d'une part - celle-ci
étant assistée d'un avocat et ne disposant pas d'une admi-
nistration suffisamment développée pour procéder sans le
concours d'un mandataire - et aux intimées La Nouvelle So-
ciété des Tennis de Champel S.A. et Le Tennis-Club de Genè-
ve-Champel, d'autre part (art. 159 OJ).
Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
1. Déclare le recours de droit administratif irreceva-
ble.
2. Déclare le recours de droit public irrecevable.
3. Met à la charge de la fondation World Wide Fund For
Nature, WWF Suisse et du WWF-Section de Genève, solidaire-
ment entre eux:
a) un émolument judiciaire de 3'000 fr.;
b) une indemnité de 3'000 fr. à payer à la commune de
Veyrier, à titre de dépens;
c) une indemnité de 3'000 fr. à payer à la société ano-
nyme La Nouvelle Société des Tennis de Champel S.A. et à
l'association Le Tennis-Club de Genève-Champel, prises soli-
dairement, à titre de dépens.
4. Communique le présent arrêt en copie aux organisa-
tions recourantes, aux mandataires des intimées, au Grand
Conseil et au Tribunal administratif de la République et
canton de Genève.
Lausanne, le 27 juin 2000
JIA/mnv
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,