{T 0/2}
1P.531/2001/col
Arrêt du 29 janvier 2002
Ire Cour de droit public
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président
du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Fonjallaz,
greffier Thélin.
A.________, recourant, représenté par Me Susannah L. Maas, avocate,
rue
Eynard 6, 1205 Genève,
contre
B.________, intimé, représenté par le Chef de la police du canton de
Genève,
Nouvel hôtel de Police, chemin de la Gravière 5, case postale 236,
1211
Genève 8,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case
postale
3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1,
case
postale 3108, 1211 Genève 3.
procédure pénale; ordonnance de classement
(recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre
d'accusation du
canton de Genève du 28 mai 2001)
Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit:
1.
Le 11 décembre 2000, A.________ a été interpellé par un agent de la
gendarmerie genevoise, l'appointé C.________, et a pris la fuite en
courant
sur le trottoir de la rue Versonnex à Genève. Un autre agent, le
sous-brigadier B.________, a suivi le fuyard au volant d'une voiture,
puis il
a obliqué à gauche, vers l'entrée d'une cour, pour lui couper la
route. Un
choc s'est produit entre le fuyard, qui a subi une fracture ouverte
de la
jambe droite, et le côté avant gauche du véhicule.
A. ________ a déposé plainte pénale contre B.________, pour lésions
corporelles et abus d'autorité; il lui reprochait de l'avoir
volontairement
heurté. Selon la version des deux agents, recueillie dans l'enquête
préliminaire consécutive à la plainte, c'est au contraire A.________
qui,
dans sa course, a heurté le véhicule venu s'immobiliser devant lui.
La police
a également entendu deux personnes qui, sans voir le choc, ont
entendu le
bruit et, en particulier, le freinage de la voiture. Deux autres
personnes,
qui avaient donné les premiers soins au blessé, n'ont pas pu être
interrogées
car leur identité n'avait pas été relevée.
2.
Le Procureur général du canton de Genève, considérant que B.________
avait
agi conformément à son devoir de fonction, a classé la plainte par
ordonnance
du 22 mars 2001. A.________ a recouru sans succès contre ce prononcé,
que la
Chambre d'accusation du canton de Genève a confirmé le 28 mai 2001.
3.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ requiert
le
Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation.
Il se
plaint d'une appréciation arbitraire des résultats de l'enquête
préliminaire,
et il soutient que compte tenu des indices de culpabilité déjà
recueillis,
une enquête du Juge d'instruction doit être ordonnée.
Invités à répondre, le Procureur général et le chef de la police, ce
dernier
agissant au nom de B.________, proposent le rejet du recours; la
Chambre
d'accusation a renoncé à déposer des observations.
Une demande d'assistance judiciaire est jointe au recours.
4.
Le recourant agit à titre de victime d'une atteinte à l'intégrité
corporelle,
au sens de l'art. 2 de la loi fédérale sur l'aide aux victimes
d'infractions,
et la décision de classement pourrait avoir des effets sur le
jugement de ses
éventuelles prétentions civiles contre l'intimé. Dans ces conditions,
il a
qualité pour recourir au regard de l'art. 88 OJ (ATF 121 IV 317
consid. 3 p.
323, 120 Ia 101 consid. 2f p. 109).
5.
5.1Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst.,
lorsqu'elle
viole gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité.
Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité
cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît
insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans
motifs
objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit
pas que
les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que
celle-ci
soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non
plus
qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale
puisse
être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable
(ATF 127
I 54 consid. 2b p. 56, 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid.
2a p.
168; 125 II 10 consid. 3a p. 15).
5.2 Selon la déposition de B.________, A.________ courait tout en se
retournant, à chaque instant, pour regarder en direction de l'agent
C.________ qui le poursuivait; c'est ainsi qu'il n'a pas vu la
voiture venue
se placer juste devant lui, et qu'il en a violemment heurté l'aile
avant
gauche. Cette version est corroborée par des photographies du
véhicule, qui
en montrent l'aile cabossée au dessus de la roue, vers l'avant. Elle
ne
comporte aucune invraisemblance et on ne trouve, dans le dossier,
aucun
élément propre à la mettre en doute. La version contraire du recourant
supposerait que le véhicule soit endommagé à l'avant, ou à l'angle
avant
gauche, or les photos ne montrent aucun dégât à cet endroit.
L'une des personnes présentes dans le salon de coiffure voisin a fait
état
d'une manoeuvre soudaine et très rapide du véhicule, dangereuse pour
d'éventuels piétons qui se seraient trouvés sur le trottoir, mais
cela ne
n'exclut pas que les faits se soient produits conformément aux dires
des
agents. Les deux personnes présentes dans ce commerce ont entendu,
semble-t-il, la sirène du véhicule, tandis que selon B.________, cet
avertisseur n'était pas enclenché; on constate donc une divergence à
ce
sujet, mais elle n'a aucune incidence sur le point litigieux.
On ne discerne guère comment l'enquête pourrait se poursuivre de
façon à
apporter, éventuellement, des éléments d'appréciation
supplémentaires. Il est
douteux qu'une expertise scientifique puisse être utilement accomplie
sur la
seule base de la description des blessures subies par le recourant et
des
photos du véhicule, et on ne peut pas non plus compter sur
l'efficacité d'un
appel public aux deux inconnus qui ont fourni les premiers soins au
blessé.
Ces mesures pourraient, à la rigueur, être ordonnées, mais elles ne
s'imposent pas au point que l'appréciation de la Chambre d'accusation
puisse
être jugée arbitraire.
Le grief tiré de l'art. 9 Cst. se révèle donc mal fondé, ce qui
entraîne le
rejet du recours.
6.
Selon l'art. 152 OJ, le Tribunal fédéral peut accorder l'assistance
judiciaire à une partie, à condition que celle-ci soit dans le besoin
et que
ses conclusions ne paraissent pas d'emblée vouées à l'échec. Il
semble que le
recourant soit dépourvu de ressources, mais la procédure entreprise
devant le
Tribunal fédéral ne présentait, de toute manière, pas suffisamment de
chances
de succès, de sorte que la demande d'assistance judiciaire doit être
rejetée.
Le Tribunal fédéral peut toutefois, en raison des circonstances de la
cause
et sur la base de l'art. 154 OJ, renoncer à percevoir l'émolument
judiciaire.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Procureur
général et
à la Chambre d'accusation du canton de Genève.
Lausanne, le 29 janvier 2002
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier: