{T 0/2}1A.213/2006 /svc Arrêt du 7 novembre 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. L. ________,M.________,recourants, représentés par Me Mohamed Mardam Bey, avocat, Etude Dunand GuthMardam Bey, contre Ministère public de la Confédération,Taubenstrasse 16, 3003 Berne. entraide judiciaire internationale en matière pénaleau Royaume-Uni, recours de droit administratif contre l'ordonnancedu Ministère public de la Confédérationdu 19 septembre 2006. Faits: A.Le 26 juin 2006, le Ministère public de la Confédération (MPC) est entré enmatière sur une demande d'entraide et des compléments formés par le SeriousFraud Office, dans le cadre d'une enquête ouverte pour des délits decorruption, entente frauduleuse, association de malfaiteurs et escroquerie.Le MPC a notamment ordonné la production de la documentation relative àdivers comptes ouverts auprès de la Banque Y.________.Par demande complémentaire du 24 août 2006, l'autorité requérante a demandé àpouvoir assister aux auditions de témoins et à pouvoir examiner ladocumentation bancaire recueillie. Le 11 septembre 2006, le MPC fit parvenirà l'autorité requérante un formulaire de "déclaration de garantie" parlaquelle les personnes admises à participer aux actes d'entraides'engageaient à adopter une attitude purement passive (ch.1). Les faitsressortissant au domaine secret ne devaient pas être exploités aux finsd'investigations ou comme moyens de preuve avant la décision sur l'octroi etl'étendue de l'entraide (ch. 2). Les enquêteurs pourraient assister aux actesd'entraide, consulter les pièces et participer à leur tri, sous la directiondu MPC (ch. 3). Ils pourraient proposer des questions complémentaires à poseraux témoins, sans toutefois les poser directement (ch. 4). Les renseignementsrecueillis par les représentants de l'Etat étranger durant leur déplacementen Suisse pourraient être utilisés en tout temps pour former une demanded'entraide complémentaire à la Suisse (ch. 5). Cette déclaration a été signéepar dix personnes. B.Par décision incidente du 19 septembre 2006, le MPC a décidé de donner suiteà la demande du 24 août 2006. La participation de fonctionnaires étrangersétait justifiée compte tenu de la complexité de la procédure. L'établissementbancaire était tenu de notifier cette décision aux personnes touchées par lamesure d'entraide. C.Par acte du 2 octobre 2006, L.________ et M.________ forment un recours dedroit administratif avec demande d'effet suspensif. Ils demandentprincipalement l'annulation de la décision incidente duMPC.Le MPC conclut à l'irrecevabilité du recours, faute de préjudice immédiat etirréparable. L'OFJ conclut à l'admission partielle du recours et àl'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle permet aux autoritésbritanniques d'utiliser les informations recueillies en Suisse pour formerune demande d'entraide complémentaire.L'effet suspensif a été accordé par ordonnance présidentielle du 24octobre2006. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours est formé en temps utile, soit dans le délai de dix jours prévu àl'art. 80k EIMP. Les recourants, titulaires de comptes dont la documentationa été saisie, ont qualité pour agir (art. 80h let. b EIMP et 9a let. aOEIMP). 2.A teneur des art. 80e let. b et 80g al. 2 EIMP, les décisions incidentesrendues par l'autorité fédérale d'exécution antérieurement à la décision declôture sont attaquables séparément par la voie du recours de droitadministratif, lorsqu'elles causent à leur destinataire un dommage immédiatet irréparable découlant de la saisie d'objets ou de valeurs (ch. 1) ou de laprésence de personnes qui participent à la procédure à l'étranger (ch. 2). 2.1 Contrairement à ce que le libellé du texte légal laisse supposer, leprononcé d'un séquestre ou l'autorisation accordée à des fonctionnairesétrangers de participer à l'exécution de la demande ne causent pas, ipsofacto, un dommage immédiat et irréparable au sens de l'art. 80e let. b EIMP(cf. ATF 128 II 211 consid. 2.1 p. 215/216, 353consid. 3 p. 254). Il fautpour cela que la personne touchée démontre que la mesure qu'elle critique luicause un tel dommage et en quoi l'annulation de la décision attaquée ne leréparerait pas (ATF 128 II 211 consid. 2.1 p. 215/216). 2.2 En l'occurrence, les recourants expliquent de manière suffisante en quoiconsiste le préjudice auquel ils se disent exposés. Celui-ci résulte enparticulier du ch. 5 de la déclaration de garantie, qui permettrait uneutilisation anticipée des renseignements recueillis en Suisse. Il endécoulerait une violation de l'art. 65a EIMP, qui ne serait pas réparable.Ces indications suffisent, au stade de la recevabilité. 3.Les recourants estiment que la déclaration de garantie signée par lesenquêteurs étrangers souffrirait de nombreux défauts formels, selon euxrédhibitoires. Elle n'aurait pas été souscrite par le directeur du SeriousFraud Office, mais par des collaborateurs dont on ignorerait la fonctionexacte au sein de cette autorité. Les formulaires ne seraient que desphotocopies, sans indication du lieu d'exécution et, pour la plupart, sanssignature. Le prénom de l'un des enquêteurs serait inconnu. Ces déclarationsétant rédigées en français, il serait douteux que les agents aient compris lesens de leur engagement. 3.1 Lorsque des personnes qui participent à la procédure étrangère sontautorisées à assister aux actes d'enquête, cette présence doit demeurerpassive; la prise de notes et des questions posées directement aux témoins nesont pas autorisées, ce dernier point ayant d'ailleurs été expressémentrappelé par le MPC. L'exécution des actes d'entraide s'effectuera sous ladirection de l'autorité suisse, laquelle devra s'assurer du respect desconditions posées, tout au long des opérations (ATF 131 II 132 consid. 2.2 p.134/135). Cela étant, il appartiendra au MPC de vérifier l'identité et lafonction exacte des personnes qui se présenteront, et de s'assurer égalementque celles-ci ont bien compris le sens et la portée de l'engagement auquelelles ont souscrit. Les différentes irrégularités dénoncées par lesrecourants n'ont donc rien d'irréparable. 3.2 Par ailleurs, même s'ils n'ont pas encore eu accès au dossier d'entraide,les recourants ont été à même, sur le vu de la décision attaquée, d'encontester le bien-fondé en ce qui concerne les modalités de participation desfonctionnaires étrangers. Leur droit d'être entendus est dès lors respecté àce stade, et il ne se justifie pas d'autoriser un second échange d'écritures. 4.Les recourants estiment que la faculté d'assister aux actes d'enquête ne doitêtre accordée qu'exceptionnellement aux enquêteurs étrangers. Ils nesoutiennent toutefois pas sérieusement que les conditions posées à l'art. 65aal. 2 EIMP ne seraient pas réalisées dans le cas particulier. 4.1 Selon cette disposition, lorsque l'Etat requérant le demande en vertu deson propre droit, les personnes qui participent à la procédure peuvent êtreautorisées à assister aux actes d'entraide et à consulter le dossier (al. 1).Cette présence peut également être admise si elle permet de faciliterconsidérablement l'exécution de la demande ou la procédure pénale étrangère(al. 2). L'autorité d'exécution statue sur le droit des personnes étrangèresqui participent à la procédure de poser des questions et de demander dessuppléments d'enquête (art. 26 al.2 OEIMP). 4.2 Lorsque l'autorité requérante requiert expressément la présence de sesenquêteurs, on peut en général présumer que celle-ci est propre à faciliterl'exécution de la demande. Rien ne permet de revenir sur cette présomption enl'espèce. Outre les recourants, de nombreuses autres personnes sont viséespar la demande d'entraide, ce qui a conduit à la saisie d'une documentationconsidérable. Celle-ci devra faire l'objet d'un examen d'ensemble, et laparticipation des enquêteurs ayant suivi l'affaire dès le début etconnaissant parfaitement le dossier permettra d'identifier de manière plussûre les données importantes, et d'écarter d'emblée celles qui ne présententpas d'intérêt. Le cas échéant, les enquêteurs étrangers seront à mêmed'orienter la suite des recherches. Leur présence pourrait ainsi notammentpermettre de prévenir une éventuelle demande complémentaire, conformément auxexigences d'une entraide judiciaire rapide et efficace. Elle est doncmanifestement propre à accroître l'efficacité des mesures requises. Dans sonprincipe, la présence d'enquêteurs étrangers n'est donc pas critiquable. 4.3 Le ch. 5 de la déclaration de garantie pose en revanche un problèmeparticulier. En effet, celui-ci prévoit que les renseignements recueillispourront être "utilisés en tout temps pour formuler une demande d'entraidecomplémentaire à la Suisse". Pour le MPC, il ne s'agirait pas d'unetransmission ou d'une utilisation anticipée de moyens de preuve, mais d'unsimple cas d'application de l'art. 26 al. 1 in fine OEIMP, soit de lapossibilité pour les personnes présentes de poser des questions et dedemander des suppléments d'enquête. Il n'en demeure pas moins que la clausecontestée autorise une véritable utilisation des renseignements, puisqueceux-ci figureront, en tout cas, dans la demande d'entraide, et parconséquent dans le dossier de la procédure pénale étrangère. Ils pourrontparvenir, par ce biais, à la connaissance non seulement de l'autoritérequérante (ce qui constitue déjà une violation d'un principe fondamental del'entraide judiciaire, cf. ATF 132 II 1 consid. 3.3 p. 8 et la jurisprudencecitée), mais aussi de toute personne ayant accès au dossier; rien nes'opposera alors à une divulgation incontrôlée de ces informations. Lajurisprudence citée par le MPC à l'appui de sa thèse (arrêts 1A.157 et158/2001, SJ 2002 I 171) concerne le cas particulier de l'utilisation, parl'Etat étranger, de renseignements dont il a eu connaissance en tant quepartie civile à une procédure pénale ouverte en Suisse; elle ne sauraits'appliquer au cas d'espèce.Selon l'OFJ, la clause litigieuse pourrait être interprétée comme lapossibilité, pour les agents étrangers, de demander sur place desinvestigations complémentaires. Il relève toutefois à juste titre que,s'agissant de définir les droits et obligations de l'autorité requérante, ily a lieu d'éviter tout risque d'équivoque en posant des règles claires. LeMPC suggère pour sa part de reformuler la déclaration de garantie en ce sensque l'autorité requérante pourra suggérer à l'autorité suisse d'entreprendredes mesures d'investigation complémentaires. Une telle précision est certespossible, mais elle n'est pas nécessaire puisqu'elle découle déjà de l'art.26 al. 2 OEIMP. 5.Il y a donc lieu d'admettre le recours sur ce point et d'annuler la décisionattaquée en tant qu'elle autorise l'utilisation des renseignements recueillisen Suisse pour présenter une demande d'entraide complémentaire, avant toutedécision de clôture. Il appartiendra au MPC de faire signer par l'autoritérequérante, avant son déplacement, une nouvelle déclaration de garantie dontle ch. 5 aura été supprimé ou reformulé dans le sens suggéré par le MPC.Compte tenu de l'issue de la cause, une indemnité de dépens est allouée auxrecourants, à la charge du MPC (art. 159 al. 1 OJ). Il n'est pas perçud'émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est partiellement admis et la décision du Ministère public de laConfédération du 19 septembre 2006 est annulée en tant qu'elle autorisel'utilisation des renseignements recueillis en Suisse pour présenter unedemande d'entraide complémentaire. Le recours est rejeté pour le surplus. 2.Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée aux recourants, à la chargedu MPC. 3.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et auMinistère public de la Confédération ainsi qu'à l'Office fédéral de lajustice, Division des affaires internationales, Section de l'entraidejudiciaire. Lausanne, le 7 novembre 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier: