{T 0/2}
5C.68/2006 /frs
Séance du 30 novembre 2006
IIe Cour civile
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Fellay.
Caisse de famille X.________,
défenderesse et recourante, représentée par Me Benoît Ribaux, avocat,
contre
A.Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Sylvie Fassbind-Ducommun, avocate,
fondation de famille,
recours en réforme contre le jugement de la Ie Cour civile du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel du 24 janvier 2006.
Faits:
A.
A.a La Caisse de famille X.________ est une fondation de famille au sens de
l'art. 335 CC. Elle a été constituée le 13 novembre 1922 par B.X.________ et
son épouse C.X.________, dans le "but de subvenir aux frais d'éducation,
d'assistance et autres frais analogues des membres de la famille" (art. 2 al.
1 des statuts) avec cette précision, concernant le cercle des bénéficiaires,
que "pourront seuls bénéficier de la fondation et recevoir d'elle des
allocations, subsides et subventions, les personnes descendant en loyal
mariage des fondateurs et portant le nom X.________" (art. 6 al. 1 des
statuts).
Le capital initial de la fondation était de 157'000 fr. Actuellement, la
valeur nette de ses biens immobiliers est de 2'170'600 fr., celle de ses
avoirs bancaires de 2'128'601 fr., celle de ses meubles, objets et bibelots
de 63'910 fr. et celle de ses bijoux de 20'570 fr., soit un total de
4'383'681 fr.
A.b Les fondateurs sont décédés en 1956 et 1964, laissant trois enfants:
D.X.________, E.Y.________, née X.________, et F.X.________.
A.c Le 13 juillet 1987, l'assemblée générale de la caisse de famille a élargi
le cercle des bénéficiaires par la décision suivante:
"Dans un souci d'équité et pour tenir compte de l'évolution des moeurs et
spécialement de l'entrée en vigueur prochaine du nouveau droit matrimonial,
la possibilité d'octroyer des allocations, subsides et subventions est
étendue aux filles nées X.________ et à leurs enfants (au premier degré
uniquement)".
B.
Par lettre du 21 juillet 1998, A.Y.________, fils de E.Y.________ née
X.________, et donc petit-fils des fondateurs, a demandé à la caisse de
famille d'examiner et d'approuver sa candidature et celle de ses enfants
comme membres de la caisse. Sa demande ayant été rejetée, il a ouvert action,
le 4 octobre 1999, contre la caisse de famille devant la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, concluant principalement à la
constatation de la nullité de la fondation, à ce que les biens de celle-ci
soient restitués aux héritiers légaux et à ce qu'ils soient partagés;
subsidiairement, il a conclu à ce que lui-même et ses descendants soient
admis comme membres de la caisse de famille dès le 1er janvier 1988. La
défenderesse a conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 24 janvier 2006, la cour cantonale a constaté la nullité
partielle de la caisse de famille dans la mesure où un patrimoine composé de
biens mobiliers, sous forme de meubles meublants, portraits, bibelots et
bijoux, lui avait été attribué et a ordonné la restitution aux fins de
partage de l'ensemble de ces biens aux héritiers légaux des fondateurs,
subséquemment le partage desdits biens selon les règles applicables à une
succession ab intestat. La cour cantonale a en outre prononcé l'admission du
demandeur et de ses descendants, pour autant que besoin et sous réserve d'une
clause de déchéance, dans le cercle des bénéficiaires de la caisse de
famille.
C.
Par acte du 24 février 2006, la défenderesse a interjeté un recours en
réforme au Tribunal fédéral, tendant au rejet de la demande. Elle invoque la
violation des art. 8, 86 et 335 al. 1 CC en relation avec la modification du
but de la fondation et de l'art. 335 al. 2 CC concernant la prohibition des
fidéicommis de famille.
Le demandeur conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement
attaqué.
Parallèlement, la défenderesse a saisi le Tribunal fédéral d'un recours de
droit public.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Interjeté en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art.
55 OJ) contre une décision finale rendue par le tribunal suprême du canton
(art. 48 al. 1 OJ) dans une contestation civile dont la valeur litigieuse est
manifestement supérieure à 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présent recours est
recevable.
2.
Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt
sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur un recours de droit public.
Selon la jurisprudence, cette disposition souffre toutefois des exceptions
dans des situations particulières, qui justifient l'examen préalable du
recours en réforme. Il en va ainsi, notamment, lorsque ce recours paraît
devoir être admis même sur la base des constatations de fait retenues par
l'autorité cantonale et critiquées dans le recours de droit public, ce
dernier devenant alors sans objet (ATF 117 II 630 consid. 1a et les
références).
3.
La défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir prononcé l'admission du
demandeur et de ses descendants dans le cercle des bénéficiaires de la caisse
de famille en application de l'art. 86 al. 1 CC.
3.1 Cette disposition prévoit que le but de la fondation peut être modifié
lorsque le caractère ou la portée du but primitif a varié au point que la
fondation a manifestement cessé de répondre aux intentions du fondateur.
Une modification du but de la fondation n'est possible d'après l'art. 86 al.
1 CC que si, objectivement, la portée et le caractère du but primitif ont
varié et que, subjectivement, la fondation a manifestement cessé de répondre
aux intentions du fondateur. On admet généralement que la fondation a cessé
de répondre aux intentions du fondateur lorsque le but primitif paraît
absurde ou complètement dépassé ou lorsque les moyens de la fondation
deviennent disproportionnés au but en raison des changements importants
intervenus, ou encore lorsque le cercle des destinataires doit être redéfini
(Hans Michael Riemer, Commentaire bernois, n. 2, 7, 10, 13 s. et 57 ad art.
85-86 CC; Parisima Vez, La fondation: lacunes et droit désirable, Berne 2004,
n. 998 ss et les références).
3.2 La cour cantonale a admis que la portée du but primitif de la fondation
avait objectivement changé au vu de l'évolution du droit matrimonial en
matière d'obligations d'entretien et de nom de famille: la femme n'avait en
effet désormais plus le droit d'être entretenue par son mari (art. 163 CC) et
elle pouvait conserver le nom qu'elle portait jusqu'au mariage, suivi du nom
de famille (art. 160 al. 2 CC). Puis, elle a recherché la volonté subjective
[hypothétique] des fondateurs, soit ce qu'ils auraient voulu s'ils avaient eu
connaissance de ces circonstances nouvelles. Elle a admis que, vu l'évolution
des moeurs et du droit, les fondateurs définiraient actuellement les critères
de rattachement au cercle des bénéficiaires en ne distinguant plus selon les
rôles du mari et de la femme au sein du couple, le critère le plus adéquat
étant le besoin financier. Auraient donc droit aux prestations, selon la cour
cantonale, tous ceux qui descendent (en loyal mariage) des fondateurs, dès
lors qu'ils en ont besoin parce que les débiteurs légaux de leur entretien ne
sont pas suffisamment en mesure d'y subvenir. Le fait de porter ou non le nom
X.________ ne serait en revanche pas déterminant. La décision prise à
l'unanimité le 13 juillet 1987 par l'assemblée générale de la fondation, qui
avait admis la possibilité d'octroyer des allocations, subsides et
subventions aux filles nées X.________ et à leurs enfants "dans un souci
d'équité et pour tenir compte de l'évolution des moeurs, et spécialement de
l'entrée en vigueur prochaine du nouveau droit matrimonial", prouvait que les
membres actuels de la caisse, que l'on ne pouvait soupçonner de vouloir
trahir les intentions des fondateurs, admettaient que le cercle des
bénéficiaires défini dans l'acte constitutif ne correspondait plus à la
volonté des fondateurs.
3.3 La défenderesse fait valoir que, dans les limites de la quotité
disponible, les fondateurs étaient libres de grever le capital de dotation de
charges et de conditions et que, usant de cette liberté, ils avaient
volontairement limité le cercle des bénéficiaires, aux fins notamment
d'assurer la pérennité de la fondation et d'éviter une rapide dilapidation de
ses biens par l'augmentation exponentielle de ses descendants. La cour
cantonale aurait méconnu les conditions strictes de l'art. 86 CC en admettant
que la portée du but primitif avait objectivement changé au vu de l'évolution
du droit constitutionnel et du droit privé de la famille.
3.4 Sur cette question, force est de donner raison à la défenderesse, car
rien dans le jugement attaqué ne permet de retenir comme remplie la première
condition posée par l'art. 86 al. 1 CC, à savoir que, objectivement, la
portée et le caractère du but primitif de la caisse de famille auraient
changé. Ce but, consistant à accorder à un cercle de bénéficiaires librement
déterminé en vertu du principe de la liberté du fondateur, pierre angulaire
du droit des fondations (Vez, op. cit., n. 93, 148 ss et les références de
doctrine), soit en l'occurrence aux "personnes descendant en loyal mariage
des fondateurs et portant le nom X.________", des subventions aux titres des
frais d'éducation, d'assistance et autres frais analogues, entre parfaitement
dans l'énumération exhaustive de l'art. 335 al. 1 CC. Ce but apparaît en
outre toujours objectivement réalisable, car il y a des descendants
X.________ et l'art. 22 des statuts prévoit la dissolution en cas d'absence
de descendants mâles. C'est donc à tort que la cour cantonale a fait
application de l'art. 86 CC.
Le recours devant être admis sur ce point, l'examen du grief de violation de
l'art. 8 CC, également invoqué par la défenderesse dans ce contexte, s'avère
superflu.
4.
Si les fondations de famille se distinguent des fondations ordinaires par
leurs buts et le cercle de leurs destinataires, expressément restreints par
la loi, elles sont en revanche soumises pour le surplus aux règles des art.
80 à 89 CC régissant les fondations ordinaires (Riemer, loc. cit., Die
Stiftungen, Syst. Teil n. 97, 104 et 161; Harold Grüninger, Commentaire
bâlois, n. 5 ad art. 335 CC; Vez, op. cit., n.127).
4.1 La liberté du fondateur doit notamment s'exercer dans les limites de la
loi, qui sont les mêmes que celles qui s'appliquent aux contrats. Des clauses
qui excluent certaines personnes ne sont pas a priori illicites ou contraires
au moeurs (Riemer, loc. cit., Syst. Teil n. 55 ss et n. 37 ad art. 80 CC;
Samantha Besson, L'égalité horizontale: l'égalité de traitement entre
particuliers, thèse Fribourg 1999, n. 938). Selon le but légitime qu'il vise,
le fondateur peut être amené à restreindre le cercle des bénéficiaires aux
personnes détenant certaines qualités. En revanche, si le but n'est pas
légitime ou que la discrimination des bénéficiaires n'est objectivement pas
nécessaire à ce but, la limitation du cercle des bénéficiaires doit être
considérée comme inadmissible et, partant, comme nulle.
En vertu de l'art. 88 al. 2 CC, la fondation doit être dissoute lorsque son
but est devenu illicite ou contraire aux moeurs. Selon la jurisprudence, la
décision de dissoudre une fondation dont le but a cessé d'être réalisable
(art. 88 al. 1 CC) devrait en principe revêtir un caractère subsidiaire par
rapport à d'autres mesures pouvant, le cas échéant, permettre la continuation
de la fondation, comme par exemple la modification de son but (art. 86 CC par
analogie) ou sa liquidation partielle (cf. ATF 119 Ib 46 consid. 3b et 3d p.
51 ss; 110 II 436 consid. 5 p. 444/445). Il doit en aller de même lorsque le
but de la fondation est devenu illicite; une modification du but permettant
une continuation de la fondation doit être préférée à la liquidation de
celle-ci.
4.2 Ainsi que l'expose le jugement cantonal, la Caisse de famille X.________
s'inscrit dans la tradition de nombre d'institutions semblables créées aux
XIXe voire XVIIIe siècles, sous l'empire de l'ancien droit neuchâtelois.
Elles étaient gérées par des hommes et réservées aux descendants par les
mâles. Dans cette tradition, les filles "sortaient" de la caisse au moment où
elles se mariaient, mais c'était normalement pour "entrer" dans une autre
caisse, celle de la famille du mari, dont leurs enfants devenaient
bénéficiaires.
Depuis la constitution de ladite caisse de famille en 1922, la position de la
femme dans la société et la famille a considérablement évolué. Désormais,
l'égalité de traitement entre homme et femme est garantie par l'art. 8 Cst.,
la loi devant pourvoir à l'égalité de droit et de fait, en particulier dans
les domaines de la famille, de la formation et du travail. Cette garantie
s'adresse toutefois à l'Etat et, sous réserve de l'égalité de salaire de
l'art. 8 al. 3 3e phr. Cst., ne produit pas d'effet horizontal direct dans
les relations entre personnes privées. Il n'existe pas, en droit privé, de
principe général d'égalité de traitement. Les particuliers ne sont pas tenus
de traiter de manière semblable toutes les situations semblables et de
manière dissemblable toutes les situations dissemblables. Un tel principe
n'existe en tout cas pas en matière de successions, de droits réels et de
contrats (arrêt 5C.58/2005 du 23 novembre 2005, consid. 1.2.2). L'autonomie
privée et la liberté de disposer, en particulier la liberté de la fondation
et du fondateur, ne sont pas limitées par l'interdiction des discriminations
du droit constitutionnel (Grüninger, loc. cit., n. 13d ad art. 335 CC).
Il s'ensuit que l'art. 335 al. 1 CC n'a pas à être interprété conformément au
principe de l'égalité de traitement entre homme et femme garanti par l'art. 8
Cst. et que, par conséquent, l'exclusion des femmes du cercle des
bénéficiaires de la caisse de famille ici en cause, dès qu'elles se marient
et changent de nom, ainsi que de leurs descendants, n'est pas critiquable
sous cet angle. Au demeurant, le problème a perdu de son acuité depuis
qu'existe la possibilité pour les fiancés de porter, dès la célébration du
mariage, le nom de la femme comme nom de famille (art. 30 al. 2 CC) et pour
la femme de conserver le nom qu'elle
portait avant son mariage (art. 160 al.
2 CC).
4.3 Est contraire aux moeurs au sens de l'art. 20 al. 1 CO, par renvoi de
l'art. 7 CC, un contrat ou une clause qui va à l'encontre d'un principe moral
généralement reconnu, porte atteinte aux principes et jugements de valeur
inhérents à notre ordre juridique (ATF 129 III 604 consid. 5.3 p. 617; 115 II
232 consid. 4a).
Dans le contexte juridique et social qui prévalait à l'époque de la
constitution de la fondation en cause, la famille et sa conception de
l'assistance se concentraient en priorité sur la descendance masculine dès
lors qu'en se mariant une fille entrait dans une autre famille et que son
mari était tenu légalement de lui apporter aide et assistance, ainsi que de
pourvoir convenablement à son entretien (art. 160 al. 2 aCC). La limitation
du cercle des bénéficiaires qui en découlait répondait en outre à une
nécessité d'ordre pratique: comme le relève la défenderesse, il convenait en
effet d'assurer la pérennité de la fondation et d'éviter une rapide
dilapidation des biens du fait de l'augmentation exponentielle de la
descendance (cf. Grüninger, loc. cit., n. 13e ad art. 335 CC).
En l'espèce, l'on constate que les normes statutaires litigieuses n'excluent
pas les femmes du cercle des bénéficiaires de la fondation de façon générale,
mais seulement lorsqu'elles se marient et qu'elles changent de nom de
famille. En outre, c'est notamment pour tenir compte de l'évolution des
moeurs que la fondation a, le 13 juillet 1987, élargi le cercle des
bénéficiaires "aux filles nées X.________ et à leurs enfants (au premier
degré uniquement)". Il s'ensuit que le demandeur lui-même, en tant qu'enfant
au premier degré d'une fille née X.________, n'est pas du tout discriminé. De
plus, la possibilité - déjà mentionnée (consid. 4.2) - pour les fiancés de
porter, dès la célébration du mariage, le nom de la femme comme nom de
famille (art. 30 al. 2 CC) permet d'empêcher qu'une femme née X.________ soit
exclue du cercle des bénéficiaires de la caisse de famille.
Tout bien considéré, les clauses statutaires en question ne s'avèrent donc
pas contraires aux moeurs, que l'on se place à l'époque de leur adoption ou à
l'heure actuelle, compte tenu notamment de la modification statutaire du 13
juillet 1987. En outre, elles n'apparaissent nullement illicites, le droit en
vigueur conférant au fondateur, ainsi qu'on l'a relevé plus haut, une liberté
qui lui permet, à l'instar du testateur, de limiter le cercle des
destinataires à un groupe déterminé de membres de sa famille (Vez, op. cit.,
n. 93, 148 et 962).
4.4 En conséquence, c'est à tort que la cour cantonale a admis que les
conditions d'une modification étaient réunies et qu'elle a élargi le cercle
des bénéficiaires au demandeur et à ses descendants.
5.
La cour cantonale a prononcé la nullité partielle de la fondation dans la
mesure où un patrimoine composé de biens mobiliers (meubles, portraits,
bibelots et bijoux) lui a été attribué et a ordonné la restitution de ces
biens aux héritiers légaux des fondateurs, subséquemment leur partage selon
les règles applicables à une succession ab intestat. Elle a considéré que
l'attribution à la fondation des biens en question, dès lors qu'ils ne
pouvaient servir ni directement ni indirectement à la poursuite des buts
principaux décrits à l'art. 2 des statuts, contrevenait à l'interdiction des
fidéicommis de famille prévue à l'art. 335 al. 2 CC.
La défenderesse invoque la violation de cette disposition.
5.1 Le fidéicommis de famille prohibé par l'art. 335 al. 2 CC est un
patrimoine spécial (Sondervermögen) dont jouit un membre de la famille; le
bénéficiaire a la charge de maintenir la substance de ce patrimoine et de le
transmettre, à son décès, selon un ordre successoral déterminé, à une autre
personne, grevée de la même charge, choisie au sein de la famille, et ainsi
de suite sur un nombre illimité de générations (cf. arrêts 2P.168/2002 du 25
novembre 2002 consid. 3 et 2A.457/2001 du 4 mars 2002 consid. 4.5; Vez, op.
cit. n.137 et les références). Contreviennent à l'interdiction des
fidéicommis de famille les fondations qui accordent à leurs destinataires des
avantages provenant des biens de la fondation simplement pour leur permettre
de mener un plus grand train de vie ou de vivre plus agréablement, sans poser
de conditions spéciales liées à une situation déterminée (ATF 108 II 393
consid. 6a, 398 consid. 4; 93 II 439 consid. 4 p. 448 ss et les références).
Est légitime, en revanche, la fondation de famille qui, outre son but
admissible au regard de l'art.335 CC, a pour but accessoire la conservation
de livres (bibliothèque de famille) ou d'archives de famille ou d'autres
biens sans valeur économique, quand bien même la jouissance de ces biens
serait inconditionnelle (Vez, op. cit. n. 133 et les références à Grüninger
et Riemer).
5.2 Les statuts de la défenderesse traitent de façon générale des "biens
composant la fortune de la fondation" (art. 3) sans faire de distinction
entre ces biens, ni prévoir d'affectation spéciale pour tels ou tels d'entre
eux. En particulier, ils n'assignent pas à la fondation un but accessoire de
conservation des biens mobiliers (meubles, portraits, bibelots et bijoux).
Ces derniers ne constituent donc pas un patrimoine spécial permettant à un ou
plusieurs bénéficiaires de mener un plus grand train de vie; ils sont
affectés à la réalisation du but de la fondation prévu à l'art. 2 des statuts
(subvenir aux frais d'éducation, d'assistance et autres frais analogues des
membres de la famille) au même titre que les biens immobiliers et les avoirs
bancaires; ils sont par conséquent susceptibles d'être vendus à cette fin en
cas de besoin, sur décision de l'organe compétent (art. 9 ss des statuts),
éventualité qu'a d'ailleurs expressément évoquée un représentant de la
gérante de fortune de la défenderesse. Ces considérations suffisent à sceller
le sort du grief de violation de l'art.335 al. 2 CC, qui doit donc également
être admis.
On relève au demeurant, sans qu'il y ait lieu de trancher la question, qu'au
vu de la valeur des biens mobiliers en question (à peine 2 % de la fortune
totale de la fondation), leur conservation éventuelle en raison de leur
intérêt historique et affectif, qui a été constaté, constituerait un but
accessoire d'importance tout à fait secondaire par rapport au but principal
de la fondation et n'autoriserait donc pas en soi à qualifier d'illégitime la
fondation en cause (cf. Riemer, loc. cit., Syst. Teil n. 150; Grüninger, loc.
cit., n. 12 ad art. 335 CC).
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, le jugement de
la cour cantonale annulé et, par voie de conséquence, la demande rejetée.
Vu cette issue de la procédure, les frais et dépens de l'instance fédérale
doivent être mis à la charge du demandeur, qui succombe (art. 156 al. 1 et
159 al. 1 OJ).
Conformément à la pratique habituelle, il y a lieu de renvoyer la cause à
l'autorité inférieure pour qu'elle fixe définitivement les frais et dépens de
la procédure cantonale (art. 157 et 159 al. 6 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et le jugement attaqué est annulé. La demande est
rejetée.
2.
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge du demandeur.
3.
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 6'000 fr. à titre de
dépens.
4.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les
frais et dépens de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Ie Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 30 novembre 2006
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: