{T 0/2} 4A_95/2007 /ech Arrêt du 21 juin 2007 Ire Cour de droit civil Composition MM. et Mme les Juges Corboz, président, Rottenberg Liatowitsch et Kolly. Greffière: Mme Cornaz. Parties A.________, B.________, recourants, tous deux représentés par Me Damien Blanc, contre X.________, intimée. Objet contrat de travail; heures supplémentaires, recours en matière civile contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 28 février 2007. Faits : A. Le 1er septembre 2003, X.________, ressortissante philippine, a été engagée par les époux A.B.________ en qualité d'employée de maison. Les parties n'ont pas conclu de contrat de travail écrit et l'activité de X.________ n'a pas été déclarée aux autorités. Le 5 octobre 2005, X.________ est tombée malade. A son retour au travail le 23 octobre 2005, son licenciement lui a été signifié oralement. Le jour suivant, elle a de nouveau été malade. Par lettre du 27 octobre 2005, B.________ a confirmé le licenciement pour la plus proche échéance légale. L'incapacité de travail de X.________ s'est prolongée de manière ininterrompue jusqu'au 31 décembre 2005. B. Le 12 décembre 2005, X.________ a saisi la juridiction des prud'hommes du canton de Genève d'une demande tendant au paiement, par les époux A.B.________, de la somme de 93'174 fr. 50 (6'800 fr. bruts à titre de salaire pour les mois d'octobre et novembre 2005, 4'711 fr. 30 bruts à titre d'indemnité pour vacances non prises en nature, 77'263 fr. 20 bruts à titre de paiement d'heures supplémentaires et 4'400 fr. nets à titre de tort moral) avec intérêt à 5% l'an dès le 1er décembre 2005; elle sollicitait en outre la remise d'un certificat de travail. Les époux A.B.________ ont conclu au rejet et, reconventionnellement, à la condamnation de X.________ à leur payer la somme de 24'186 fr. avec intérêt de 5% l'an dès le 13 février 2006 (10'000 fr. à titre de remboursement d'un prêt, 5'020 fr. 25 à titre de remboursement des frais d'un traitement dentaire et 14'715 fr. 60 à titre de remboursement de salaire perçu en trop par rapport au salaire minimum du contrat-type de travail). Par jugement du 17 juillet 2006, le Tribunal des prud'hommes a condamné les époux A.B.________ à payer à X.________ la somme de 34'931 fr. bruts avec intérêt à 5% l'an dès le 1er décembre 2005 et à lui délivrer un certificat de travail; il a par ailleurs condamné X.________ à verser aux époux A.B.________ la somme de 15'020 fr. 25 avec intérêt à 5% l'an dès le 13 février 2006. Les deux parties ont appelé du jugement du 17 juillet 2006. Contestant chacune devoir payer la moindre somme à l'autre, elles ont conclu au rejet de l'action en paiement de leur adverse partie et, pour le surplus, à la confirmation de la décision attaquée. Par arrêt du 28 février 2007, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a réformé le jugement du 17 juillet 2006 en ce sens qu'elle a condamné les époux A.B.________ à payer à X.________ la somme de 34'465 fr. 10 bruts avec intérêt à 5% l'an dès le 23 janvier 2006 et à lui remettre un certificat de travail; elle a en outre condamné X.________ à verser aux époux A.B.________ la somme de 5'020 fr. 25 avec intérêt à 5% l'an dès le 13 février 2006. C. Les époux A.B.________ (les recourants) interjettent le présent recours en matière civile au Tribunal fédéral. Contestant uniquement le montant de 18'635 fr. 30 bruts alloué en paiement d'heures supplémentaires, ils concluent principalement à la réforme de l'arrêt du 28 février 2007 en ce sens qu'ils ne doivent payer à X.________ que la somme de 15'829 fr. 80 et à sa confirmation pour le surplus, subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance cantonale, avec suite de frais et dépens. X.________ (l'intimée), non assistée d'un avocat, n'a pas déposé de réponse, mais a simplement écrit qu'elle demandait la confirmation de l'arrêt querellé. Pour sa part, la cour cantonale s'est référée à sa décision, dans les termes de laquelle elle a persisté. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1. Comme la décision attaquée a été rendue après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF). 2. Interjeté par la partie qui a partiellement succombé dans ses conclusions libératoires et reconventionnelles en paiement (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse, déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF), en l'occurrence de 49'951 fr., atteint le seuil de 15'000 fr. déterminant dans les causes de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF), le présent recours en matière civile est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai - compte tenu des féries - (art. 45 al. 1, 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 3. Le présent recours porte uniquement sur des questions de faits. Les recourants contestent les heures supplémentaires retenues par l'autorité cantonale. 3.1 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, ci-après: Message, FF 2001 p. 4000 ss, spéc. p. 4135) -, ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, en particulier en violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire (art. 97 al. 1 LTF). Ce n'est que dans ces cas que le Tribunal fédéral peut s'écarter de l'état de fait souverainement constaté par l'autorité cantonale (art. 105 al. 2 LTF). La LTF, qui a remplacé l'ancienne OJ, n'a pas élargi les compétences du Tribunal fédéral en matière d'examen des faits et celui-ci ne revoit pas les faits comme le ferait une cour d'appel. 3.2 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1). Dans la mesure où l'arbitraire est invoqué en relation avec l'établissement des faits, il convient de rappeler que le juge dispose d'un large pouvoir lorsqu'il apprécie les preuves. La partie recourante doit ainsi démontrer dans quelle mesure le juge a abusé de son pouvoir d'appréciation et, plus particulièrement, s'il a omis, sans aucune raison sérieuse, de prendre en compte un élément de preuve propre à modifier la décision attaquée, s'il s'est manifestement trompé sur son sens et sa portée ou encore si, en se fondant sur les éléments recueillis, il en a tiré des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 138 consid. 1.4). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 3.3 En l'espèce, l'autorité cantonale, après instruction, a retenu que l'intimée avait effectué six heures de travail supplémentaire par semaine pour du "baby-sitting". Elle a procédé à une estimation en appliquant l'art. 42 al. 2 CO par analogie. Cette disposition du droit de la responsabilité permet au juge, lorsque le montant exact du dommage ne peut pas être établi, de le déterminer équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée; il s'agit d'une règle de preuve de droit fédéral dont le but est de faciliter au lésé l'établissement du dommage. Elle est applicable par analogie lorsqu'il s'agit de déterminer l'ampleur des heures supplémentaires d'un travailleur (cf. ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). 3.4 Sous les titres "établissement inexact des faits" et "appréciation arbitraire des faits", les recourants rediscutent les motifs de l'arrêt de la cour cantonale. Il s'agit d'une argumentation appellatoire dans laquelle ils donnent leur interprétation du résultat de la procédure probatoire; qu'ils utilisent les termes "manifestement inexact" ou "arbitraire" n'y change rien. Quoi qu'il en soit, même si l'argumentation des recourants n'est pas dénuée de toute pertinence, l'état de fait retenu par l'autorité cantonale n'en est pas pour autant insoutenable. Qui plus est, l'autorité cantonale a procédé à une estimation, ce qui implique nécessairement quelques incertitudes. En définitive, on ne saurait admettre que la constatation critiquée est arbitraire. 4. Se référant à l'art. 8 CC, les recourants se plaignent en outre d'une violation du droit à la preuve. 4.1 A teneur de cette disposition, chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge qu'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus et le grief tiré de la violation de l'art. 8 CC devient sans objet. Il s'agit alors d'une question de pure appréciation des preuves (cf. ATF 127 III 519 consid. 2a). 4.2 En l'espèce, l'autorité cantonale, sur la base de l'instruction, a retenu en fait que l'intimée avait fait des heures supplémentaires de "baby-sitting" et, en appliquant par analogie l'art. 42 al. 2 CO, les a estimées à six par semaine. La question du fardeau de la preuve ne se pose donc pas. La motivation du grief s'épuise d'ailleurs dans une discussion de l'appréciation des preuves, les recourants soutenant que l'autorité cantonale ne pouvait pas "tenir pour clairement prouvé que l'intimée a bel et bien effectué des heures supplémentaires". 5. L'arrêt rejetant un recours manifestement infondé est motivé sommairement (art. 109 al. 3 LTF). 6. Comme la valeur litigieuse, calculée selon les prétentions à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41; cf. Message, p. 4103), en l'occurrence de 93'174 fr. 50, dépasse le seuil de 30'000 fr., le montant de l'émolument judiciaire est fixé selon le tarif ordinaire (art. 65 al. 3 let. b LTF) et non réduit (art. 65 al. 4 let. c LTF). Compte tenu de l'issue du litige, les frais sont mis solidairement à la charge des recourants, qui succombent (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui s'est abstenue de répondre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2. Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 3. Il n'est pas alloué de dépens. 4. Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Lausanne, le 21 juin 2007 Au nom de la Ire Cour de droit civil du Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière: