{T 0/2} 1C_270/2007 /col Arrêt du 31 octobre 2007 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Féraud, Président, Aeschlimann et Reeb. Greffier: M. Jomini. Parties A.________ et B.________, recourants, contre Chemins de fer fédéraux suisses SA (CFF), Division infrastructure, Service juridique, avenue de la Gare 43, case postale 345, 1001 Lausanne, Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, 3003 Berne, Tribunal administratif fédéral, Cour I, case postale, 3000 Berne 14. Objet mesures préparatoires, procédure d'approbation des plans d'un projet ferroviaire, recours en matière de droit public contre l'arrêt de la Cour I du Tribunal administratif fédéral, du 20 juillet 2007. Faits: A. Les Chemins de fer fédéraux suisses SA (CFF) ont élaboré un projet pour une nouvelle liaison ferroviaire sur le territoire du canton de Genève, le projet CEVA (Cornavin - Eaux-Vives - Annemasse). Le 10 novembre 2004, ils ont demandé au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) une autorisation pour effectuer, en vue de l'établissement des plans d'un tronçon "tunnel de Champel", deux forages de reconnaissance sur la parcelle n° 1945 du registre foncier sur le territoire de la commune de Genève (secteur Genève-Plainpalais). Cette parcelle appartient aux époux A.________ et B.________. Le premier forage (n° 501) devrait être effectué dans une falaise boisée. Une plate-forme de 2.5 m sur 11 m, composée de tubes d'échafaudage et de plateaux, serait mise en place par héliportage. La construction de cette plate-forme nécessiterait l'abattage ou l'élagage d'une arbre mort, de deux arbres presque secs, de trois arbres sains et de petits arbres de sous-bois (environ dix feuillus dont le diamètre du tronc est inférieur à 0.1 m). L'intervention devrait durer environ deux semaines. Un tube équipé d'un piézomètre (pour mesurer le niveau d'une nappe phréatique) serait installé pour une durée d'une dizaine d'années. Le second forage (n° 502), sur le plateau de Champel (hors de la forêt), à environ 40 m de l'habitation des recourants, serait exécuté au moyen d'une machine sur chenilles. L'intervention devrait durer approximativement deux semaines. Un tube équipé d'un inclinomètre (pour contrôler d'éventuelles déformations du terrain) serait installé pour une durée également d'une dizaine d'années. Les époux A.________ et B.________ n'ont pas donné leur accord pour ces deux forages. Par une décision rendue le 7 juillet 2005, le DETEC a accordé aux CFF l'autorisation d'effectuer ces actes préparatoires, en précisant que les demandes d'indemnité devraient être adressées à la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondissement. Cette décision se réfère à l'art. 18c de la loi fédérale sur les chemins de fer (LCdF, RS 742.101) ainsi qu'à l'art. 15 de la loi fédérale sur l'expropriation (LEx, RS 711). B. Les époux A.________ et B.________ ont recouru contre la décision du DETEC auprès de l'ancienne Commission fédérale de recours en matière d'infrastructures et d'environnement (CRINEN). L'instruction de la cause a été reprise d'office, dès le 1er janvier 2007, par le Tribunal administratif fédéral. Une audience publique a eu lieu le 7 mai 2007, au cours de laquelle les recourants ont pu s'exprimer. La Cour I du Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours par un arrêt rendu le 20 juillet 2007. Elle a considéré, en substance, qu'une autorisation de défricher n'était pas requise pour le forage n° 501, assimilé à une petite construction ou installation non forestière au sens de l'art. 4 let. a de l'ordonnance sur les forêts (OFo, RS 921.01). Les griefs des recourants au sujet de l'abattage ou élagage d'arbres à cet endroit ont donc été rejetés (consid. 4). Le Tribunal administratif a par ailleurs mentionné la nécessité, le cas échéant, d'obtenir d'une autorité cantonale une autorisation pour une "exploitation préjudiciable" à la forêt, au sens de l'art. 16 de la loi fédérale sur les forêts (LFo, RS 921.0), sans toutefois résoudre cette question, un préavis favorable ayant au demeurant été délivré par l'Inspectorat cantonal des forêts (consid. 5). Il a ensuite considéré qu'une autorisation de construire au sens du droit de l'aménagement du territoire n'était pas requise pour les deux forages (consid. 6), que ces mesures, reposant sur une base légale claire - l'art. 18c al. 3 LCdF - étaient des restrictions valables du droit de propriété garanti par l'art. 26 Cst. (consid. 7), et enfin que les griefs des recourants à propos des risques des travaux dans un terrain instable ou des dangers pour l'environnement, étaient mal fondés (consid. 8). C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les époux A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral. Les CFF demandent qu'il soit constaté que le recours ne conteste pas le forage n° 502. Ils concluent subsidiairement à l'irrecevabilité et au rejet du recours en tant qu'il est dirigé contre le forage n° 502. Ils concluent en outre au rejet du recours en tant qu'il est dirigé contre le forage n° 501. Le DETEC et le Tribunal administratif fédéral ont renoncé à déposer des observations. D. Les recourants requièrent l'effet suspensif. Les CFF s'opposent à cette requête. Par ordonnance du 18 septembre 2007, le Président de la Ire Cour de droit public a interdit, à titre super-provisoire, toute mesure d'exécution de la décision attaquée jusqu'à décision sur la requête d'effet suspensif. E. Les recourants demandent une audience publique du Tribunal fédéral, en se prévalant de l'art. 6 par. 1 CEDH. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1. Le présent arrêt rend sans objet la requête d'effet suspensif. 2. La loi sur le Tribunal fédéral ne prévoit en principe pas d'audience publique dans la procédure probatoire et la procédure de jugement. Un interrogatoire des parties ou des débats peuvent cependant être ordonnés, en cas de nécessité (art. 55 al. 3 LTF, art. 57 LTF). Cela ne s'impose manifestement pas en l'espèce, vu les griefs des recourants. En outre, la garantie de l'art. 6 par. 1 CEDH - qui prévoit que dans certaines contestations, la partie a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal indépendant et impartial - ne saurait être invoquée pour exiger une audience publique du Tribunal fédéral, quand la décision attaquée a été rendue par un tribunal qui, lui-même, a statué après une audience publique. Considérée globalement, la procédure a en effet permis aux parties de bénéficier de cette garantie du droit conventionnel (cf. notamment ATF 121 I 30 consid. 5e p. 36; 120 Ia 19 consid. 4a p. 28). 3. Les recourants soutiennent que, d'après des déclarations qu'ils auraient eux-mêmes recueillies de la part d'un représentant des CFF, cette entreprise ne voudrait plus réaliser la ligne ferroviaire CEVA. On peut déduire d'un passage de leur recours que la procédure devrait donc être considérée comme sans objet. Or cette affirmation des recourants quant au sort du projet ferroviaire litigieux est à l'évidence dénuée de pertinence, comme cela ressort clairement de la réponse des CFF au présent recours. Aucune autre mesure d'instruction ne doit être ordonnée à ce propos. 4. L'art. 15 al. 1 LEx (note marginale: "mesures préparatoires") dispose que "les actes préparatoires absolument nécessaires à l'exécution d'une entreprise pouvant donner lieu à expropriation, tels que passages, levés de plans, piquetages et mesurages, doivent faire l'objet d'un avis écrit au propriétaire cinq jours au moins avant d'être entrepris et ne peuvent avoir lieu contre sa volonté qu'avec l'autorisation du département compétent en l'espèce". La loi fédérale sur les chemins de fer (LCdF) contient également une disposition relative aux "actes préparatoires", l'art. 18c LCdF qui mentionne à ses alinéas 1 et 2 le piquetage et la pose de gabarits. Quant à l'art. 18c al. 3 LCdF, il prévoit que "la procédure visée à l'art. 15 LEx s'applique aux autres actes préparatoires, à la mise au point du projet et à la consolidation des bases de décision". Selon le message du Conseil fédéral relatif à la novelle contenant l'art. 18c LCdF (message relatif à la loi fédérale sur la coordination et la simplification des procédures d'approbation des plans, FF 1998 p. 2221 ss), le législateur a ainsi voulu étendre le champ d'application de l'art. 15 LEx, jugé trop étroit pour les grands projets ferroviaires (FF 1998 p. 2265). En l'espèce, c'est sur la base des art. 18c LCdF et 15 LEx que le département fédéral a autorisé les deux forages litigieux, avec les travaux de mise en place des machines. Les recourants ne prétendent pas que, pour de telles mesures, tendant effectivement à préparer le projet définitif de la ligne CEVA, le choix de cette procédure serait contraire au droit fédéral. Les griefs des recourants se rapportent en effet au fond, soit aux atteintes à leur propriété ou au site. 5. Les recourants estiment que leur cause n'a pas été traitée équitablement, contrairement aux exigences de l'art. 29 al. 1 Cst., parce que, en substance, les travaux nécessaires pour le forage n° 501 n'auraient pas été décrits de façon exacte dans la demande d'autorisation; notamment l'emprise du chantier serait plus importante, et la machine prévue initialement devrait être remplacée. Les recourants se plaignent d'une atteinte à leur propriété contraire à l'art. 26 Cst. (en relation avec l'art. 36 Cst.) parce que les CFF n'auraient pas donné des indications claires au sujet de l'ancrage de la plate-forme du forage n° 501, ni de garanties suffisantes au sujet des risques de dégâts lors de l'exécution du même forage n° 501 et lors du déplacement de la machine pour le forage n° 502. Ils reprochent au Tribunal administratif de ne pas avoir tenu compte de la présence éventuelle d'espèces animales et végétales menacées d'extinction à l'emplacement du forage n° 501 ou aux abords de cet emplacement; ils se plaignent à ce propos d'une violation de l'art. 78 al. 4 Cst. En vertu de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, les mémoires de recours destinés au Tribunal fédéral doivent être motivés et exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. En l'occurrence, les recourants invoquent des normes du droit constitutionnel fédéral, à l'exclusion de règles de la législation fédérale. De tels griefs entrent dans le cadre de l'art. 95 let. a LTF, disposition selon laquelle le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit fédéral, cette notion incluant le droit constitutionnel fédéral. A propos de tels griefs, l'art. 106 al. 2 LTF prévoit, pour la motivation du recours, des exigences qualifiées, qui correspondent à celles prescrites par l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254; cf. également arrêt 6B_178/2007 du 23 juillet 2007, destiné à la publication, consid. 1.4). Le Tribunal fédéral, qui n'est pas une juridiction d'appel, n'examine pas d'office si la décision attaquée retient les faits pertinents ni si elle est conforme aux règles de droit; il incombe au recourant d'expliquer de manière claire et précise en quoi cette décision pourrait être contraire aux garanties de la Constitution, lorsqu'elles sont invoquées. Le mémoire des recourants ne respecte pas ces exigences en matière de motivation. Premièrement, on ne voit pas clairement en quoi les garanties générales de procédure de l'art. 29 al. 1 Cst. auraient été violées. Cette disposition prévoit que la cause doit être traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable, mais elle ne concerne pas spécifiquement les constatations de fait ni l'administration des preuves. Au demeurant, le Tribunal administratif a décrit avec précision les mesures préparatoires du forage n° 501 et les recourants n'ont pas cherché à démontrer l'inexactitude de ces constatations. Deuxièmement, les recourants invoquent la garantie de la propriété (art. 26 Cst.) en se bornant à signaler des incertitudes et des risques liés à l'exécution des travaux. Ces effets hypothétiques des mesures préparatoires sont allégués d'une manière très abstraite, sans argumentation précise; des conséquences envisagées, comme l'effondrement d'un pan de falaise, ne sont au demeurant pas alléguées de manière sérieure. Les recourants reprochent en outre aux CFF de leur avoir fourni des garanties insuffisantes mais ils n'expliquent pas ce qu'ils auraient dû obtenir à ce stade sur la base du droit fédéral, étant rappelé que la loi prévoit, en cas de dommage résultant des actes préparatoires, une procédure d'indemnisation (art. 15 al. 2 LEx, auquel renvoie également l'art. 18c al. 3 LCdF). Ce système légal n'est en définitive pas critiqué; les recourants ne démontrent donc pas en quoi son application dans le cas d'espèce serait contraire à la garantie de la propriété. Troisièmement, l'art. 78 al. 4 Cst. n'est pas une norme que l'on peut invoquer pour obtenir, dans un cas particulier, la protection d'espèces animales et végétales. Le constituant s'est borné, dans cette disposition, à donner à la Confédération le mandat de légiférer, en protégeant les espèces menacées d'extinction. Les recourants n'ont invoqué en revanche aucune règle de la législation fédérale dans ce domaine, ni du reste aucune règle de la législation cantonale sur la protection de la nature. Dans la mesure où ils critiquent le fait qu'il n'aurait pas été tenu compte de la présence éventuelle d'espèces animales et végétales menacées d'extinction à l'emplacement du forage n° 501, les recourants n'invoquent donc aucune règle pertinente du droit fédéral et leur mémoire est, de ce point de vue également, dépourvu d'une motivation suffisante. Il s'ensuit que le recours, ne respectant pas les exigences formelles de l'art. 42 al. 2 LTF et de l'art. 106 al. 2 LTF, doit être déclaré irrecevable. 6. Les recourants, qui succombent, doivent payer les frais judiciaires (art. 65 al. 1 et art. 66 al. 1 LTF). Les CFF n'ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est irrecevable. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 3. Il n'est pas alloué de dépens. 4. Le présent arrêt est communiqué en copie aux recourants, aux Chemins de fer fédéraux suisses SA, au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication et au Tribunal administratif fédéral. Lausanne, le 31 octobre 2007 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier: