{T 0/2}
5A_673/2009
Arrêt du 3 décembre 2009
IIe Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Escher, Marazzi, von Werdt et Herrmann.
Greffière: Mme Aguet.
Parties
X.________,
représenté par Me François Canonica, avocat,
recourant,
contre
Y.________,
représentée par Me Pierre Fauconnet, avocat,
intimée,
Office des faillites,
Objet
prononcé de faillite,
recours contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève du 3 septembre 2009.
Faits:
A.
A.a Le 6 novembre 2006, Y.________ a fait notifier à X.________ un commandement de payer la somme de 200'000 fr. Le débiteur a fait opposition.
Une requête de mainlevée provisoire a été déposée le 27 novembre 2006 par la créancière. Par jugement du 6 février 2007, notifié aux parties le 15 février 2007, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition.
A.b Y.________ a requis la continuation de la poursuite le 26 mars 2007.
A.c Le 4 avril 2007, le débiteur a déposé devant le Tribunal de première instance de Genève une action en libération de dette, assortie d'une requête en restitution du délai et d'une demande reconventionnelle.
B.
B.a Le 27 avril 2007, l'Office des poursuites de Genève a notifié au débiteur une commination de faillite, contre laquelle celui-ci a déposé une plainte le 7 mai 2007 auprès de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites; il concluait principalement à son annulation et, subsidiairement, à la suspension de ses effets jusqu'à droit connu sur l'action en libération de dette du 4 avril 2007.
Par ordonnance du 9 mai 2007, la Commission de surveillance a accordé l'effet suspensif et suspendu la cause jusqu'à droit jugé sur l'action en libération de dette. Cette décision a été annulée par le Tribunal fédéral par arrêt du 18 septembre 2007 (5A_244/2007) pour violation du droit d'être entendu.
B.b Par jugement du 1er novembre 2007, le Tribunal de première instance de Genève a déclaré irrecevable l'action en libération de dette intentée par le débiteur. Celui-ci a fait appel contre cette décision le 6 décembre 2007 devant la Cour de justice du canton de Genève.
B.c Le 10 décembre 2007, la Commission de surveillance a rendu une nouvelle ordonnance, suspendant la procédure de plainte contre la commination de faillite jusqu'à droit jugé sur l'action en libération de dette. Par arrêt du 26 février 2008 (5A_739/2007), le Tribunal fédéral a annulé cette décision et invité la commission à procéder sur la plainte déposée le 7 mai 2007.
Le 5 mai 2008, la Commission de surveillance a rejeté la plainte du débiteur.
C.
C.a Le 27 mai 2008, la créancière a déposé une réquisition de faillite ordinaire à l'encontre du débiteur, fondée sur le commandement de payer notifié le 6 novembre 2006 et la commination de faillite du 27 avril 2007.
C.b Le même jour, le débiteur a intenté une action en annulation de la poursuite, concluant, sur mesures provisoires, à ce que le Tribunal de première instance de Genève ordonne la suspension de la poursuite jusqu'à droit jugé par la Cour de justice du canton de Genève sur l'action en libération de dette et jusqu'à droit jugé au fond dans ladite cause.
Le 20 juin 2008, la cour cantonale a confirmé le jugement du Tribunal de première instance du 1er novembre 2007, déclarant l'action en libération de dette irrecevable.
C.c Par jugement du 27 juin 2008, le Tribunal de première instance a sursis à statuer sur la requête de faillite jusqu'à droit connu sur la demande de suspension provisoire de la poursuite formée par le débiteur.
C.d Par jugement du 29 janvier 2009, le Tribunal de première instance a débouté le débiteur de toutes ses conclusions en annulation de la poursuite. Celui-ci a fait appel le 4 mars 2009 contre cette décision.
D.
Par courrier du 15 mai 2009, la créancière a sollicité du Tribunal de première instance qu'il statue sur le prononcé de la faillite du débiteur. Par jugement du 23 juin 2009, le tribunal a déclaré le débiteur en état de faillite.
Par arrêt du 3 septembre 2009, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé cette décision.
E.
Le débiteur interjette le 8 octobre 2009 un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation, respectivement à celle du jugement du Tribunal de première instance du canton de Genève du 25 juin [recte: 23 juin] 2009. Il se plaint d'une violation de l'art. 166 LP.
Par ordonnance du 23 octobre 2009, la Présidente de la IIe Cour de droit civil du Tribunal fédéral a accordé l'effet suspensif au recours en ce sens qu'aucun acte d'exécution de la décision attaquée ne doit être entrepris.
L'intimée n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond.
Considérant en droit:
1.
1.1 La décision par laquelle le juge prononce la faillite est une décision finale (art. 90 LTF) qui peut faire l'objet d'un recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF; ATF 133 III 687 consid. 1.2 p. 689), quelle que soit la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF). Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), par une partie ayant été déboutée de ses conclusions prises devant la juridiction précédente (art. 76 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable.
1.2 Le mémoire de recours doit indiquer des conclusions (art. 42 al. 1 LTF). Si le Tribunal fédéral admet le recours, il peut en principe statuer lui-même sur le fond (art. 107 al. 2 LTF). La partie recourante ne peut dès lors se borner à demander l'annulation de la décision attaquée, mais elle doit également, en principe, prendre des conclusions sur le fond du litige. En l'espèce, le recourant conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. On comprend néanmoins que son recours tend à la réforme de la décision entreprise, en se sens que la requête de faillite soit rejetée. Partant, ses conclusions sont recevables.
1.3 Le recours en matière civile peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique en principe le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres arguments que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 133 III 545 consid. 2.2 p. 550). Compte tenu des exigences de motivation posées, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), à l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 104/105).
2.
La cour cantonale a considéré que le délai de péremption de l'art. 166 al. 2 LP, de quinze mois depuis la notification du commandement de payer, pour requérir la faillite a couru du 6 novembre 2006 (notification du commandement de payer) jusqu'au 27 novembre 2006 (dépôt de la requête de mainlevée), pour être ensuite suspendu dès cette date jusqu'au 15 février 2007 (notification du jugement prononçant la mainlevée); il a ensuite couru jusqu'au 4 avril 2007 (dépôt de l'action en libération de dette), pour être suspendu à nouveau dès cette date jusqu'au 20 juin 2008 (confirmation par la cour cantonale du jugement de première instance rejetant l'action en libération de dette). Selon les juges précédents, à cela s'ajoute que ledit délai a également cessé de courir du 27 avril 2007 (notification de la commination de faillite) jusqu'au 5 mai 2008 (rejet de la plainte déposée contre cette commination), en raison de l'effet suspensif ex tunc dont la plainte du 7 mai 2007 a été assortie.
3.
Le recourant soutient que le droit de requérir sa faillite était périmé et se plaint d'une violation de l'art. 166 al. 2 LP. Selon lui, l'action en libération de dette tardive assortie d'une demande de restitution de délai qu'il a déposée n'a pas suspendu le délai de l'art. 166 al. 2 LP, dès lors que cette demande de restitution n'a pas été admise; il fait valoir que ce n'est que si le délai avait été restitué et que le juge s'était prononcé sur l'action en libération de dette que le délai de quinze mois pour requérir la faillite aurait été suspendu. En outre, il considère que le délai de l'art. 166 al. 2 LP n'a pas non plus été suspendu par le dépôt de la plainte contre la commination de faillite. Enfin, le recourant invoque que le délai de 20 jours de l'art. 166 al. 1 LP ne peut pas être suspendu et ne l'a pas été par le dépôt de la plainte à l'autorité de surveillance contre la commination de faillite, de sorte que l'intimée n'aurait pas été empêchée par cette disposition de déposer, dans le délai de quinze mois, sa réquisition de faillite.
4.
4.1 Conformément à l'art. 166 al. 2 LP, le droit de requérir la faillite se périme par quinze mois à compter de la notification du commandement de payer; si opposition a été formée, ce délai ne court pas entre l'introduction de la procédure judiciaire et le jugement définitif.
Le délai est suspendu pendant la durée du procès en reconnaissance de dette (art. 79 et 279 LP), de la procédure de mainlevée - provisoire ou définitive - de l'opposition (art. 80 à 83 LP), du procès en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) et de la procédure en constatation du retour ou du non-retour à meilleure fortune (art. 265a LP). Il appartient au juge, et non aux autorités de surveillance, de déterminer si la réquisition de faillite a été déposée en temps utile (ATF 113 III 120 consid. 2 p. 122 et les références). Le but de l'art. 166 al. 2 LP est de prévenir un allongement démesuré de la durée de la poursuite par la déchéance dont il frappe le poursuivant qui s'est désintéressé de la procédure d'exécution forcée. La péremption constituant la sanction de l'inaction du poursuivant, le délai demeure suspendu aussi longtemps que dure l'instance qui vise à la levée de l'opposition et ne recommence à courir que si, après avoir obtenu une décision exécutoire, l'intéressé n'en fait pas usage pour requérir la continuation de la poursuite. Le poursuivant ne peut faire notifier une commination de faillite (art. 159 ss LP) qu'en justifiant par titre de la suppression de l'opposition; le délai reste ainsi suspendu tant qu'il ne peut pas obtenir une déclaration authentique établissant le caractère définitif et exécutoire du jugement qui annule l'opposition au commandement de payer (ATF 106 III 51 consid. 3 p. 55). Il doit en aller de même lorsque, comme en l'espèce, une plainte contre la commination de faillite a été déposée et que l'effet suspensif (art. 36 LP) a été octroyé avant le dépôt de la réquisition de faillite; le créancier est, en effet, empêché dans un tel cas de figure de requérir la faillite, faute de commination entrée en force à joindre à sa requête (art. 166 al. 1 LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. 3, Lausanne 2001, n° 25 ad art. 166 LP; cf. également Nordmann, in Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, SchKG II, n° 11 ad art. 166 LP, et Cometta, in Poursuite et faillite, Commentaire romand, n° 3 ad art. 166 LP, qui traitent uniquement de la suspension du délai de l'art. 166 al. 2 LP en cas de plainte déposée par le poursuivi au sens de l'art. 160 al. 1 ch. 4 LP, lorsque l'effet suspensif a été accordé en conformité avec l'art. 36 LP).
4.2 Vu ce qui précède, c'est avec raison que la cour cantonale a considéré que le délai pour requérir la faillite du recourant a été suspendu par l'effet suspensif accordé à la plainte déposée contre la commination de faillite, jusqu'au rejet de celle-là, à savoir du 9 mai 2007 au 5 mai 2008. A cet égard, il y a lieu de préciser encore que, contrairement à ce qu'ont admis les juges précédents, l'octroi de l'effet suspensif ne déploie pas un effet ex tunc mais ex nunc, dans la mesure où il appartient au juge de la faillite d'ajourner celle-ci lorsque la suspension de la poursuite a été ordonnée par l'autorité de surveillance saisie d'une plainte (art. 173 al. 1 LP). Compte tenu de cette suspension et de celle de la procédure de mainlevée (du 27 novembre 2006 au 15 février 2007), moins de quinze mois se sont écoulés entre la notification du commandement de payer, le 6 novembre 2006, et la réquisition de faillite présentée par l'intimée le 27 mai 2008.
4.3 Dans ces circonstances, la question de savoir si le délai de l'art. 166 al. 2 LP a également été suspendu par le dépôt de l'action en libération de dette (tardive), quand bien même la restitution de délai dont elle était assortie a été refusée, peut demeurer indécise en l'espèce.
5.
Vu ce qui précède, le recours est rejeté. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires. Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui s'en est remise à justice quant à la requête d'effet suspensif, laquelle a été admise, et qui n'a pas été invitée à se déterminer sur le fond.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 3 décembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Hohl Aguet