{T 0/2} 1B_117/2010 Arrêt du 6 mai 2010 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Féraud, Président, Raselli et Eusebio. Greffière: Mme Mabillard. Participants à la procédure A.________, représentée par Maître Romain Jordan, avocat, et Maître Audrey Perrin, avocate-stagiaire, Etude de MMes Poncet Turrettini, Amaudruz Neyroud & Associés, recourante, contre Ministère public du canton de Genève, Palais de Justice, Place du Bourg-de-Four 1, 1204 Genève. Objet Prolongation de la détention préventive, recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 16 avril 2010. Faits: A. A.________, ressortissante roumaine vivant dans un camp de gitans à Annemasse/France, a été inculpée le 10 avril 2010 de vol pour avoir commis plusieurs vols à l'astuce en compagnie de deux compatriotes à Genève. Le mode opératoire consistait à accoster les personnes qui sortaient de la banque afin de leur vendre des journaux ou de leur faire signer des papiers, en profitant ensuite de la diversion pour s'emparer de l'argent que les victimes venaient de retirer. Elle est soupçonnée d'avoir dérobé 200 fr. le 1er avril 2010 à C. B et 200 fr. le 8 avril 2010 à D. W. Le même jour, la Juge d'instruction du canton du Genève (ci-après: la Juge d'instruction) a décerné un mandat d'arrêt en son encontre en raison des risques de fuite et de réitération. Le 15 avril 2010, la Juge d'instruction a sollicité de la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) la prolongation de la détention de A.________ pour une durée de deux mois. Par ordonnance du 16 avril 2010, la Chambre d'accusation a autorisé la détention avant jugement de l'inculpée jusqu'au 16 mai 2010. B. Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 16 avril 2010 et de prononcer sa mise en liberté immédiate. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Elle requiert en outre l'assistance judiciaire. Elle conteste pour l'essentiel l'existence de charges suffisantes et se plaint d'une violation de son droit d'être entendue ainsi que du principe de la proportionnalité. La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le Ministère public cantonal conclut au rejet du recours. La recourante a répliqué le 30 avril 2010. Elle persiste intégralement dans ses conclusions et produit une copie du procès-verbal de l'audience d'instruction du 28 avril 2010. Considérant en droit: 1. Les décisions relatives au maintien en détention préventive sont des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p. 273) et incidentes causant un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 1B_114/2009 du 15 juin 2009 consid. 1). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable. 2. Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 34 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE; cf. également l'art. 27 Cst./GE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. 34 let. a à c CPP/GE). En outre, il doit exister à l'égard du prévenu des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168; art. 34 in initio CPP/GE). 3. La recourante conteste l'existence de charges suffisantes à son encontre et se plaint d'une violation de son droit d'être entendue en relation avec une violation du principe de la proportionnalité. Les griefs relatifs à l'absence de charges suffisantes et à la proportionnalité de la détention n'ont toutefois pas besoin d'être examinés en l'espèce, la décision attaquée devant de toute manière être annulée pour le motif suivant. La recourante invoque en effet l'art. 29 al. 2 Cst., faisant valoir que l'ordonnance litigieuse n'examine pas la question de la proportionnalité de la détention, alors qu'elle avait notamment plaidé ce point en audience. L'ordonnance de la Chambre d'accusation est effectivement muette à ce sujet. Or, la proportionnalité de la détention est un élément fondamental à prendre en considération, s'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle (cf. consid. 2 ci-dessus). Les motifs invoqués par la Juge d'instruction, auxquels renvoie la Chambre d'accusation, ne mentionnent pas non plus la proportionnalité de la mesure. Cette absence de motivation ne satisfait dès lors pas aux art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 let. b LTF. La recourante allègue qu'elle est inculpée de vol simple, que les faits qui lui sont reprochés sont d'une gravité toute relative et qu'en cas d'application de l'art. 172ter CP, ils seront tout au plus passibles d'une amende; la peine à laquelle elle s'expose ne saurait donc justifier un maintien en détention au-delà de la durée légale du mandat d'arrêt. Or, en l'absence d'un état de fait auquel il est possible de rattacher la détermination juridique, de renseignements qui permettraient de justifier la mesure litigieuse et surtout de motivation topique, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de vérifier la disproportion invoquée de la détention sans devoir se plonger dans le dossier cantonal. De ce point de vue, il apparaît que l'ordonnance attaquée ne respecte pas les exigences de motivation posées aux art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 let. b LTF. 4. Lorsque le Tribunal fédéral constate que la procédure de prolongation de la détention n'a pas satisfait aux garanties constitutionnelles ou conventionnelles en cause, il n'en résulte pas obligatoirement que le prévenu doive être remis en liberté (ATF 116 Ia 60 consid. 3b p. 64; 115 Ia 293 consid. 5g p. 308; 114 Ia 88 consid. 5d p. 93). Tel est le cas en particulier lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée est annulée pour des raisons formelles liées à l'absence d'une motivation suffisante et que l'existence de motifs fondés de prolonger la détention préventive ne peut pas d'emblée être exclue. La conclusion prise en ce sens par le recourant doit donc être rejetée. Pour rétablir une situation conforme au droit, il appartiendra à la Chambre d'accusation de statuer à nouveau sur la demande de prolongation de la détention, à bref délai et dans le respect des garanties découlant des art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 LTF. 5. Le recours doit par conséquent être partiellement admis. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). L'Etat de Genève versera en revanche une indemnité de dépens à la recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). Vu l'issue du recours, la demande d'assistance judiciaire est sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est partiellement admis. L'ordonnance attaquée est annulée et la cause renvoyée à la Chambre d'accusation du canton de Genève pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 2. La demande de mise en liberté immédiate est rejetée. 3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 4. Une indemnité de 2'000 fr. à payer à la recourante à titre de dépens est mise à la charge du canton de Genève. 5. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, au Ministère public et à la Chambre d'accusation du canton de Genève. Lausanne, le 6 mai 2010 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière: Féraud Mabillard