Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_949/2023
Arrêt du 7 février 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
von Werdt et Bovey.
Greffier : M. Piccinin.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
B.________ SA,
intimée.
Objet
prononcé de faillite,
recours contre l'arrêt de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura du 27 novembre 2023
(CC 60 /2023).
Faits :
A.
A.a. Par décision du 26 septembre 2023, la juge civile du Tribunal de première instance du canton du Jura (ci-après: la juge civile) a notamment prononcé, sur réquisition de B.________ SA (ci-après: la créancière), la faillite de A.________ (ci-après: le débiteur), dans le cadre de la poursuite n° xxx de l'Office des poursuites et faillites de Porrentruy (ci-après: l'Office), pour la somme de 2'723 fr. 60, en capital, intérêts, frais de poursuite, frais judiciaires et autres frais, a fixé les frais judiciaires à 220 fr., a informé les parties que la décision pouvait faire l'objet d'un recours dans le délai de 10 jours, dès sa notification, auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura, le délai de recours n'étant pas suspendu par les féries judiciaires, et a informé le recourant qu'il lui appartenait, dans le délai de recours de 10 jours, conformément à l' art. 174 al. 2 LP , de produire toutes pièces justificatives rendant vraisemblable sa solvabilité (extrait du registre des poursuites, bilan, compte de pertes et profits, etc.) et d'établir par titre que l'une des conditions suivantes est remplie: 1. la dette, intérêts et frais compris (y compris ceux de première instance), a été payée; 2. la totalité du montant à rembourser a été déposée auprès de l'autorité judiciaire supérieure à l'intention du créancier; 3. le créancier a retiré sa réquisition de faillite, faute de quoi le recours pourrait être rejeté.
A.b. Statuant sur le recours formé par le débiteur le 6 octobre 2023, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura l'a rejeté par arrêt du 27 novembre 2023.
B.
Par acte posté le 13 décembre 2023, le débiteur exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 27 novembre 2023. Il conclut à sa réforme en ce sens que la réquisition de faillite de la créancière soit annulée (recte: rejetée).
Des déterminations n'ont pas été requises.
Considérant en droit :
1.
Interjeté dans le délai légal ( art. 100 al. 1 LTF ) contre une décision finale ( art. 90 LTF ; ATF 133 III 687 consid. 1.2) qui confirme, en dernière instance cantonale et sur recours ( art. 75 al. 1 LTF ), l'ouverture de la faillite du recourant ( art. 72 al. 2 let. a LTF ), le recours est en principe recevable, indépendamment de la valeur litigieuse ( art. 74 al. 2 let . d LTF); le failli, qui a succombé devant la juridiction précédente, a qualité pour recourir ( art. 76 al. 1 LTF ).
2.
2.1. La décision entreprise n'étant pas de nature provisionnelle au sens de l' art. 98 LTF , la cognition du Tribunal fédéral n'est pas restreinte à la violation des droits constitutionnels (ATF 133 III 687 consid. 1.2). Le recours en matière civile peut ainsi être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF ; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause ( art. 97 al. 1 LTF ). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l' art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).
2.3. Contrairement à ce que prévoit l' art. 174 al. 1 LP pour la procédure de recours cantonale, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente ( art. 99 al. 1 LTF ; arrêts 5A_891/2021 du 28 janvier 2022 consid. 2.3.1 et les références; 5A_243/2019 du 17 mai 2019 consid. 2.3 et les références, publié in SJ 2019 I 376). Cette exception, dont il appartient aux parties de démontrer que les conditions sont remplies (ATF 148 V 174 consid. 2.2; 143 V 19 consid. 1.2 et la référence; arrêt 5A_904/2015 du 29 septembre 2016 consid. 2.3, non publié in ATF 142 III 617, et les références), vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée, par exemple concernant le déroulement de la procédure devant l'instance précédente afin d'en contester la régularité, ou des faits postérieurs à l'arrêt attaqué permettant d'établir la recevabilité du recours ou encore qui sont propres à contrer une argumentation de l'autorité précédente objectivement imprévisible pour les parties avant la réception de la décision (arrêt 5A_904/2015 précité loc. cit. et les références, non publié in ATF 142 III 617). En dehors de ces cas, les nova ne sont pas admissibles, qu'il s'agisse de faits ou moyens de preuve survenus postérieurement à la décision attaquée (ATF 144 V 35 consid. 5.2.4; 143 V 19 consid. 1.2 et les références), ou d'éléments que les parties ont négligé de présenter aux autorités cantonales (ATF 143 V 19 consid. 1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3).
En l'espèce, les pièces nouvelles que le recourant a produites à l'appui de son recours (extrait du registre des poursuites, contrat de travail, dernières fiches de salaire, déclaration fiscale 2022) ne remplissent pas les conditions rappelées ci-dessus. Elles sont partant irrecevables.
3.
3.1.
3.1.1. En vertu de l' art. 174 al. 2 LP , l'autorité de recours peut annuler l'ouverture de la faillite lorsque le débiteur rend vraisemblable sa solvabilité et établit par titre que la dette, intérêts et frais compris, a été payée (ch. 1) ou que la totalité de la somme à rembourser a été déposée auprès de l'autorité judiciaire supérieure à l'intention du créancier (ch. 2), ou encore que celui-ci a retiré sa réquisition de faillite (ch. 3). Ces deux conditions, soit le paiement de la dette à l'origine de la faillite, le dépôt de la totalité de la somme à rembourser ou le retrait de la requête de faillite et la vraisemblance de la solvabilité, sont cumulatives (arrêt 5A_891/2021 précité consid. 6.1.1 et les références).
En l'espèce, il est établi que le recourant a payé la créance en poursuite dans le délai de recours cantonal et que seule la question de la solvabilité est litigieuse.
3.1.2. La solvabilité, au sens de l' art. 174 al. 2 LP , se définit par opposition à l'insolvabilité au sens de l' art. 191 LP ; elle consiste en la capacité du débiteur de disposer de liquidités suffisantes pour payer ses dettes échues et peut aussi être présente si cette capacité fait temporairement défaut, pour autant que des indices d'amélioration de la situation à court terme existent. Si le débiteur doit seulement rendre vraisemblable - et non prouver - sa solvabilité, il ne peut se contenter de simples allégations, mais doit fournir des indices concrets tels que récépissés de paiements, justificatifs des moyens financiers (avoirs en banque, crédit bancaire) à sa disposition, liste des débiteurs, extrait du registre des poursuites, comptes annuels récents, bilan intermédiaire, etc. En plus de ces documents, le poursuivi doit établir qu'aucune requête de faillite dans une poursuite ordinaire ou dans une poursuite pour effets de change n'est pendante contre lui et qu'aucune poursuite exécutoire n'est en cours contre lui. L'extrait du registre des poursuites constitue un document indispensable pour évaluer la solvabilité du failli. La condition selon laquelle le débiteur doit rendre vraisemblable sa solvabilité ne doit pas être soumise à des exigences trop sévères; il suffit que la solvabilité apparaisse plus probable que l'insolvabilité (arrêts 5A_918/2020 du 26 mars 2021 consid. 4.1; 5A_891/2021 précité consid. 6.1.2 et les références).
La question de savoir si l'autorité est partie d'une juste conception du degré de la preuve exigé par le droit fédéral, soit en l'occurrence la simple vraisemblance, relève du droit. En revanche, celle de savoir si le débiteur a, ou non, rendu vraisemblable sa solvabilité, soit si le degré de preuve exigé par le droit fédéral est atteint dans le cas particulier, relève du fait (cf. parmi plusieurs: arrêts 5A_122/2022 du 21 juin 2022 consid. 3.2.2; 5A_891/2021 précité loc. cit. et les références). Le recourant qui entend attaquer la décision cantonale sur ce point doit dès lors présenter une motivation fondée sur l' art. 9 Cst. , répondant aux exigences du principe d'allégation ( art. 106 al. 2 Cst. ; cf. supra consid. 2.1 et 2.2; arrêt 5A_891/2021 précité loc. cit.).
3.2. L'autorité cantonale a constaté que le recourant n'avait produit aucun document propre à établir sa solvabilité, alors que la juge civile, dans la décision attaquée, l'avait dûment rendu attentif à cette incombance. Le recourant n'avait ainsi fourni aucun justificatif permettant d'apprécier sa situation financière actuelle et future. Il n'avait, en particulier, pas déposé un extrait complet du registre des poursuites le concernant, portant notamment sur l'existence éventuelle d'actes de défaut de biens. Il n'avait donné aucun renseignement concret sur ses revenus et sa fortune, ni produit aucune pièce susceptible de rendre vraisemblable qu'il dispose des liquidités nécessaires pour faire face à ses dettes échues. Il apparaissait, au vu des pièces versées au dossier, d'une part, que ce n'était que par le biais d'une augmentation d'un prêt hypothécaire qu'il avait pu solder les poursuites qui étaient en cours contre lui, et, d'autre part, qu'un montant de 2'000 fr. avait dû être bloqué sur son compte-épargne par la Banque cantonale du Jura (BCJ), pour permettre le versement précité à l'Office. L'autorité cantonale en a conclu que le recourant n'avait par conséquent nullement rendu vraisemblable, ni même allégué, qu'il était solvable, de sorte que l'autre condition cumulative de l' art. 174 al. 2 LP faisait manifestement défaut. Le recours devait, partant, être rejeté, le recourant étant, à toutes fins utiles, rendu attentif à la possibilité d'obtenir la révocation de la faillite aux conditions de l' art. 195 LP .
3.3. Le recourant considère que c'est à tort que l'autorité cantonale a considéré qu'il n'avait pas fourni les pièces propres à rendre vraisemblable sa solvabilité. En effet, il avait notamment fourni un " accord de financement " établi par la BCJ, qu'il n'aurait à l'évidence jamais obtenu s'il n'était pas solvable. Il avait par ailleurs produit un " décompte débiteur " compilant " l'ensemble des dettes appelées dans la faillite ". Ce décompte lui avait été transmis par l'Office et équivalait à l'extrait complet du registre des poursuites dont l'autorité cantonale prétendait qu'il n'avait pas été produit.
Le recourant s'en prend par ailleurs au dispositif de la décision de première instance (page 2), qui ne serait pas suffisamment précis ni en adéquation avec ce dont l'autorité de recours a besoin pour statuer. La juge civile aurait dû préciser si la solvabilité qu'il fallait rendre vraisemblable en instance de recours s'entendait à court ou à long terme. Les documents listés étaient également critiquables puisque " 67 % de la population suisse " ne possède pas de " bilan, compte de pertes et profits, etc. ". Il aurait mieux valu indiquer: " cdd, cdi, contrat d'apprentissage,... ". A aucun moment, il ne lui avait été demandé de fournir sa dernière déclaration d'impôts, son contrat de travail ainsi que ses dernières fiches de salaire.
Le recourant reproche encore à l'autorité cantonale de s'être référée à une " page 23" de la décision de première instance, pour retenir que la juge civile l'avait rendu attentif au fait qu'il devait rendre vraisemblable sa solvabilité devant l'autorité de recours, alors que cette décision ne comporte que deux pages.
3.4. D'emblée, il sera relevé que l'autorité cantonale s'est référée à la " page 23" non pas de la décision de faillite mais du dossier de première instance. Or la page 23 dudit dossier correspond à la page 2 de la décision de faillite, laquelle comporte l'information dont la teneur est présentement critiquée par le recourant. La critique est sans consistance.
Pour le reste, quoi qu'en dise le recourant, le " décompte débiteur " qu'il a fourni (pièce 3 annexée au recours cantonal) ne saurait équivaloir à l'extrait du registre des poursuites dont la production est indispensable pour pouvoir juger de la solvabilité (cf. supra consid. 3.1.2). En effet, contrairement à l'extrait du registre des poursuites, le " décompte débiteur " figurant au dossier ne renseigne aucunement sur le stade d'avancement des poursuites qui y sont listées. Quant à l'" accord de financement " avec la BCJ (pièce 5 annexée au recours cantonal) relatif notamment à l'augmentation du prêt hypothécaire portant sur la maison familiale du recourant, force est de constater que l'autorité cantonale en a bien tenu compte. Il appartenait dès lors au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de dûment soulever un grief d'arbitraire ( art. 9 Cst. ) dans l'appréciation qui en a été faite par l'autorité cantonale, ce qu'il n'a pas fait, se limitant, pour seule motivation, à une affirmation péremptoire et purement appellatoire.
S'agissant enfin de l'information figurant dans le dispositif de la décision de première instance, qui viserait notamment des documents dont la plupart des justiciables ne disposeraient pas et qui seraient de surcroît insuffisants dans l'optique d'un recours, il n'apparaît pas que le recourant s'en soit plaint devant l'autorité cantonale (cf. art. 75 al. 1 LTF ; ATF 146 III 203 consid. 3.3.4; 145 III 42 consid. 2.2.2; 143 III 290 consid. 1.1). Quoi qu'il en soit, l'intéressé n'expose pas quelle norme ou quelle garantie procédurale auraient en l'occurrence été violées. Il n'invoque, s'agissant en particulier de l'extrait du registre des poursuites, aucune violation de la maxime inquisitoire ( art. 255 let. a CPC ) par l'autorité cantonale qui ne l'a pas requis d'office, ni ne fait valoir une violation des art. 5 al. 3 et 9 Cst. au motif qu'il aurait dû être protégé dans sa bonne foi compte tenu de la teneur prétendument incomplète du dispositif de la décision de première instance. Le recours ne respecte ainsi, sur ce point là également, aucunement les exigences de motivation susrappelées (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2.1). Au demeurant, il n'apparaît pas que le prononcé de faillite doive comporter des informations relatives aux moyens à faire valoir devant l'autorité de recours, la seule indication de la voie du recours selon l' art. 174 LP étant suffisante (cf. PHILIP TALBOT, in Schulthess Kommentar SchKG, 4ème éd. 2017, n° 9 ad art. 171 LP ; ROGER GIROUD/FABIANA THEUS SIMONI, in Basler Kommentar, SchKG II, 3ème éd. 2021, n° 5 ad art. 171 LP et les références). Par ailleurs, contrairement à ce que le recourant semble soutenir, l'autorité cantonale n'avait en l'occurence pas à l'interpeller ( art. 56 CPC ) pour qu'il produise les pièces idoines censées démontrer la vraisemblance de sa solvabilité (cf. arrêts 5A_108/2021 du 29 septembre 2021 consid. 3; 5A_417/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2; GIROUD/THEUS SIMONI, op. cit., n° 16d ad art. 174 LP ).
4.
En définitive, insuffisamment motivé, le recours est irrecevable, aux frais de son auteur ( art. 66 al. 1 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton du Jura.
Lausanne, le 7 février 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
Le Greffier : Piccinin