Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_343/2024
Arrêt du 20 juin 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
Denys et Muschietti.
Greffier : M. Vallat.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me David Erard, avocat,
recourant,
contre
Parquet général du canton de Berne,
Nordring 8, case postale, 3001 Berne,
intimé.
Objet
Tentative de lésions corporelles graves; sursis; arbitraire,
recours contre le jugement de la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale, du 6 mars 2024 (SK 23 273-275 / 337-338).
Faits :
A.
Par jugement du 31 janvier 2023 le Tribunal régional du Jura bernois-Seeland a notamment reconnu A.________ (jugé avec un coprévenu) coupable de tentative de lésions corporelles graves par dol éventuel et empêchement d'accomplir un acte officiel. Il a révoqué le sursis à l'exécution d'une peine de 6 mois de privation de liberté, accordé à l'intéressé par jugement du 17 octobre 2019 ainsi que celui afférent à une peine de 60 jours-amende à 30 fr. le jour, accordé le 16 janvier 2020. Le tribunal a condamné A.________ à une peine d'ensemble de 24 mois de privation de liberté (sous imputation de 62 jours de détention provisoire) avec sursis pendant 3 ans subordonné à une assistance de probation (suivi psychothérapeutique et soutien professionnel), ainsi qu'à une peine pécuniaire de 65 jours-amende à 30 fr. le jour.
B.
Saisie d'appels par les condamnés et le ministère public, par jugement du 6 mars 2024, la 2e Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne, a notamment constaté l'entrée en force du jugement du 31 janvier 2023 en tant qu'il reconnaissait A.________ coupable d'empêchement d'accomplir un acte officiel. La cour cantonale l'a reconnu coupable de tentative de lésions corporelles graves au préjudice de B.________. Elle a révoqué les sursis à l'exécution des peines de 6 mois de privation de liberté (jugement du 17 octobre 2019) ainsi que de 60 jours-amende (prononcé du 16 janvier 2020) et condamné l'intéressé à 32 mois de privation de liberté (sous déduction de la détention provisoire subie) ainsi que 57 jours-amende à 30 fr., ces deux sanctions constituant chacune une peine d'ensemble comprenant la peine de même nature dont le sursis a été révoqué. Sous réserve de ce qui sera encore discuté en droit, ce jugement sur appel, auquel on renvoie dans son intégralité, repose, en résumé, sur les faits pertinents suivants.
Après qu'une dispute futile s'est déclenchée entre les prévenus et B.________ par la faute en particulier de A.________ qui avait notamment touché à plusieurs reprises B.________, y compris au visage, ce dernier a sorti un couteau afin que ses adversaires le laissent en paix. A.________ a pris la fuite et B.________ l'a suivi pour lui faire peur. Celui-là a alors poussé celui-ci, qui est tombé au sol et a lâché le couteau. A.________ a administré un coup de poing à la victime qui tentait de se relever, puis encore plusieurs coups de pied alors qu'elle était à terre, sans pouvoir se protéger efficacement. Ces frappes du pied ont été données sur le haut du corps (dos et côtes) et à la tête. Leur nombre précis est indéterminé, mais d'au moins quatre dont deux à la tête ou au visage. Au moins un coup à la tête a été donné dans un geste d'écrasement. L'autre assaillant s'est joint à A.________ et a également administré au moins deux coups de pied dans les côtes du lésé, alors que A.________ frappait encore. Par la suite, le coprévenu a calmé A.________ et l'a persuadé de s'éloigner. Les deux intéressés ont agi en sachant que leurs actions respectives et combinées pouvaient blesser gravement B.________ (par exemple en causant une hémorragie cérébrale ou une perforation des poumons). Ils ont occasionné diverses blessures à ce dernier, en particulier des tuméfactions et lésions au visage et au crâne, y compris dans la bouche, des hématomes à la tête et au dos notamment, ainsi que des fractures des côtes des deux côtés du corps et de la paroi osseuse du sinus maxillaire, ayant nécessité 2 jours d'hospitalisation et un traitement par antibiotiques.
C.
Par acte du 29 avril 2024, A.________ recourt en matière pénale au Tribunal fédéral contre ce jugement sur appel. En substance, il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme de cette décision dans le sens de son acquittement de l'accusation de tentative de lésions corporelles graves, à sa condamnation, pour empêchement d'accomplir un acte officiel, à 12 jours-amende à 30 fr. l'un, avec sursis pendant 5 ans conditionné à un traitement ambulatoire, les deux sursis précédemment octroyés n'étant pas révoqués, mais leur durée portée à 5 ans. À titre subsidiaire, il demande l'annulation de la décision querellée et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Le recourant, qui se prévaut d'avoir signé un contrat d'apprentissage le 11 avril 2024 en lien avec ses perspectives d'amendement, critique l'état de fait retenu par la cour cantonale.
2.
Conformément à l' art. 99 al. 1 LTF , aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Comme le souligne à bon escient le recourant, cette cautèle vise les faits qui sont rendus pertinents pour la première fois par la décision attaquée (ATF 136 III 123 consid. 4.4.3). Il perd cependant de vue que selon une jurisprudence bien établie, les vrais nova portant sur l'application du droit matériel en sont exclus (cf. ATF 143 V 19 consid. 1.2; 139 III 120 consid. 3.1.2; 133 IV 342 consid. 2.1; v. aussi GREGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 35 ad art. 99 LTF ; JOHANNA DORMANN, in Basler Kommentar Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, no 43 ad art. 99 LTF ).
En l'espèce, le contrat dont la conclusion est alléguée n'est venu à chef que postérieurement à la date de la décision de dernière instance cantonale. Il s'agit donc d'un vrai novum et le recourant entend en déduire un droit au sursis. Son allégation n'est pas admissible à l'appui du recours en matière pénale.
3.
Dans le recours en matière pénale, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise ( art. 105 al. 1 LTF ), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits (sur cette notion, v. ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2). Il en va ainsi notamment du contenu de la pensée (ATF 142 IV 137 consid. 12; 135 IV 152 consid. 2.3.2). Le principe in dubio pro reo n'a pas de portée plus large que l' art. 9 Cst. lorsqu'il est invoqué à l'appui de telles critiques (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs ainsi que, de manière plus générale, tous ceux qui relèvent de la violation de droits fondamentaux, que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant ( art. 106 al. 2 LTF ), soit s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 356 consid. 2.1, 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).
4.
Le recourant conteste la violence ou l'intensité des coups portés à la partie plaignante ainsi que son intention en frappant ainsi. Interprétant les déclarations d'un témoin, il discute les termes " shoot " et " vers le haut du corps ". On ne pourrait pas non plus, selon lui, établir la violence des coups en partant des explications d'un autre témoin, qui ne se serait pas prononcé sur ce point mais aurait nié toute volonté homicide du recourant. Quant à son intention, la cour cantonale l'aurait déduite arbitrairement de ses déclarations.
Sous couvert d'arbitraire, le recourant oppose sa propre appréciation à celle de la cour cantonale. Cette démarche est essentiellement appellatoire. Le moyen apparaît irrecevable. En tant que de besoin, on peut se limiter à relever que pour établir la manière dont les coups ont été portés, la cour cantonale a notamment mis en exergue les explications d'un troisième témoin, qui a utilisé le terme " s'acharner " et attesté de manière claire de la violence des coups tout en restant mesuré nonobstant ses liens avec le lésé. Or, le recourant ne remet pas en question les conclusions de la cour cantonale sur ce point et il ne démontre donc pas en quoi la décision entreprise serait insoutenable dans son résultat, ce qui suffit à conduire au rejet du grief. De surcroît, le deuxième témoin dont le recourant discute les explications a dit avoir appelé la police pour " éviter un mort ". Que cette expression fût, cas échéant, métaphorique et que ce témoin ait ensuite nié avoir constaté une volonté homicide n'est pas de nature à remettre en question la violence du comportement du recourant. Enfin, un quatrième témoin, dont le recourant ne discute pas les explications, a décrit des coups donnés avec la semelle de la chaussure et dans un geste d'écrasement (jugement sur appel, consid. 20.1 p. 30). Il n'y a rien d'insoutenable à qualifier de " violent " un tel comportement.
Pour ce qui est de l'intention, la cour cantonale a souligné que la violence exercée (y compris le mouvement d'écrasement de la tête sur le sol avec le pied) n'était pas justifiée. Elle a relevé l'état de santé et la fragilité générale du lésé, qui souffrait d'addictions diverses, ainsi que la stature imposante du recourant, qui n'avait pas poursuivi sa fuite lorsque le lésé l'avait suivi avec un couteau, mais s'était au contraire retourné pour le mettre au sol et lui avait asséné plusieurs coups de pied sur le haut du corps et à la tête, alors que son adversaire, en infériorité numérique, s'était retrouvé rapidement désarmé. La cour cantonale en a conclu que le recourant avait accepté, s'il se réalisait, le risque de le blesser gravement (jugement sur appel, consid. 20.3 p. 31 s.). Il n'y a rien d'insoutenable dans ce raisonnement, de sorte que le recourant discute ensuite en vain les conclusions que la cour cantonale a tirées de ses propres déclarations au stade de la qualification de cette intention comme relevant d'un dol éventuel extrêmement proche du dol direct (jugement sur appel, consid. 25.4 p. 37 s.).
5.
Le recourant ne tente pas de démontrer que, sur la base de l'état de fait dûment constaté par la cour cantonale, sa condamnation pour tentative de lésions corporelles graves violerait le droit fédéral. Il n'y a pas lieu d'examiner la cause sous cet angle ( art. 42 al. 2 LTF ).
6.
En ce qui concerne la quotité de la sanction, la conclusion du recourant tendant au prononcé de 12 jours-amende n'a de sens qu'en relation avec celle tendant à son acquittement de l'accusation de tentative de lésions corporelles graves et pour le surplus sa " perplexité " (mémoire de recours, p. 11) ensuite de l'aggravation de sa peine en appel de 24 à 32 mois de privation de liberté ne suffit manifestement pas à démontrer que la cour cantonale aurait fait un usage critiquable du pouvoir d'appréciation étendu dont elle disposait sur ce point (ATF 149 IV 217 consid. 1.1 p. 220; 144 IV 313 consid. 1.2 p. 319). Il suffit, dès lors, de souligner que le ministère public a également appelé du jugement de première instance, ce qui exclut la violation de l'interdiction de la reformatio in pejus ( art. 391 al. 2 CPP ), et que la cour cantonale a dûment expliqué cette aggravation par la nouvelle condamnation du recourant survenue durant la procédure d'appel (jugement sur appel, consid. 38.2 p. 50).
7.
Prétendant au sursis et à la non-révocation de ceux précédemment octroyés, le recourant ne tente pas plus de démontrer que la cour cantonale aurait mal appliqué le droit fédéral aux faits qu'elle a constatés, mais que ses efforts pour trouver une place d'apprentissage en lien avec son jeune âge, le changement dans ses fréquentations et la reprise en main de sa vie de famille plaideraient en faveur d'un pronostic favorable.
On renvoie sur le premier moyen à ce qui a été exposé à propos des nova (v. supra consid. 2). La peine prononcée en l'espèce exclut un sursis complet ( art. 42 al. 1 CP ). Quant au pronostic permettant l'octroi d'un sursis partiel, on recherche en vain dans la décision entreprise la constatation d'un changement dans les fréquentations du recourant ou la reprise en main de sa vie de famille. Il y a lieu de faire abstraction de ces allégations (v. supra consid. 3). La cour cantonale n'a, en revanche, pas ignoré les efforts du recourant pour s'intégrer dans le monde du travail, mais les a jugés tardifs et a considéré qu'ils ne suffisaient pas à remettre en question le pronostic clairement défavorable ressortant de l'ensemble du dossier, que son absence de remords sincères accentuait. Elle a relevé également que cinq infractions avaient été commises après que l'intéressé eut passé 2 mois en détention avant jugement et qu'après 9 mois de détention en lien avec une autre procédure, il avait encore commis des actes de violence (voies de fait) au préjudice de la mère d'une de ses filles (jugement sur appel, consid. 35.2 p. 44 et 42.2 p. 53). Il n'y a rien de critiquable, en présence de telles circonstances, à apprécier avec pessimisme les perspectives d'amendement du recourant sans exécution des peines prononcées en l'espèce et de celles dont le sursis a été révoqué. On renvoie pour le surplus intégralement à la motivation du jugement sur appel, qui ne prête pas le flanc à la critique.
8.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Manifestement infondé ( art. 109 al. 2 let. a LTF ) dans la mesure où il est recevable, il était dénué de chances de succès, ce qui conduit au refus de l'assistance judiciaire ( art. 64 al. 1 LTF ). Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure, qui seront fixés en tenant compte de sa situation, qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
L'assistance judiciaire est refusée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour suprême du canton de Berne, 2e Chambre pénale.
Lausanne, le 20 juin 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
Le Greffier : Vallat