Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_314/2024
Arrêt du 21 juin 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mme la Juge fédérale
Jacquemoud-Rossari, Présidente.
Greffier : M. Rosselet.
Participants à la procédure
Les héritiers de feu A.A.________,
B.A.________, C.A.________, D.A.________
et E.A.________,
représentés par Me Hrant Hovagemyan, avocat,
recourants,
contre
1. F.________,
représenté par Me Nicolas Gillard, avocat,
2. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
intimés.
Objet
Irrecevabilité formelle du recours en matière pénale; défaut de qualité pour recourir des parties plaignantes (faux témoignage),
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 15 février 2024
(P/20468/2019 AARP/61/2024).
Considérant en fait et en droit :
1.
1.1. Par jugement du 10 mai 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a, en bref, reconnu F.________ coupable de faux témoignage et l'a condamné à verser à B.A.________, C.A.________, D.A.________ et E.A.________ (ci-après: les héritiers A.________) le montant de 4'635 fr. à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Pour le surplus, il a renvoyé ces derniers à agir par la voie civile.
1.2. Par arrêt du 15 février 2024, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise, statuant sur appel de F.________ et sur appel joint des héritiers A.________, a admis le premier et rejeté le second. La cour cantonale a annulé le jugement du 10 mai 2023 et l'a réformé en ce sens qu'elle a, en substance, acquitté F.________ de faux témoignage, rejeté les conclusions en indemnisation formées par les héritiers A.________ et renvoyé, pour le surplus, ceux-ci à agir par la voie civile.
La cour cantonale a retenu que le 3 octobre 2019, A.A.________ - substitué, à son décès, par ses héritiers, B.A.________, C.A.________, D.A.________ et E.A.________ - avait déposé plainte contre F.________ pour faux témoignage. Dans le cadre de son activité professionnelle au sein de G.________, il avait été victime du comportement adopté à son égard par le précité, alors son supérieur. Après la fin des rapports de travail, il avait déposé une demande par-devant le tribunal des prud'hommes contre G.________ pour un cas de mobbing dont il avait été la victime. Dans le cadre de l'instruction de cette procédure civile (C/xxxxx/2017), F.________, entendu en qualité de témoin le 27 mai 2019 et rendu attentif à son obligation de dire la vérité, avait nié, d'une part, les accusations de mobbing dont il avait fait l'objet de la part de sept employés sur douze dont il était le supérieur hiérarchique direct et, d'autre part, l'existence d'enquêtes diligentées par la banque à son sujet compte tenu de ces accusations.
2.
Les héritiers A.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 15 février 2024. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, principalement à l'annulation de l'arrêt entrepris et à sa réforme en ce sens que F.________ est déclaré coupable de faux témoignage, que leurs prétentions civiles à l'encontre du prénommé du fait de faux témoignage sont réservées, et qu'une indemnité d'un montant de 11'925 fr. pour leurs frais de défense en première instance, ainsi qu'une indemnité équitable pour leurs honoraires d'avocat en instances cantonales et fédérale, leurs sont allouées. Subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt querellé et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
3.
3.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui, résultant directement de l'infraction alléguée, sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils, soit principalement les prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 148 IV 432 consid. 3.1.2; 146 IV 76 consid. 3.1).
L' art. 307 CP (faux témoignage) protège en premier lieu l'administration de la justice et la recherche de la vérité matérielle contre les fausses preuves (ATF 141 IV 444 consid. 3.2 et 3.5; arrêt 6B_140/2022 du 9 mai 2023 consid. 3.3.2). La disposition protège également, dans une certaine mesure, les intérêts privés des parties (ATF 141 IV 444 consid. 3.2; arrêt 6B_140/2022 du 9 mai 2023 consid. 3.3.2). La jurisprudence admet ainsi que cette disposition protège secondairement et non seulement de manière indirecte, les droits d'une partie à la procédure, de telle manière que cette dernière peut être considérée comme lésée. Cette lésion touche, toutefois, essentiellement les droits de procédure de cette partie (arrêts 6B_140/2022 du 9 mai 2023 consid. 3.3.2; 6B_1014/2020 du 10 février 2021 consid. 3.2; 6B_1281/2018 du 4 mars 2019 consid. 2.2; 6B_419/2017 du 28 novembre 2018 consid. 2.1).
En cas d'acquittement du prévenu, la qualité pour recourir de la partie plaignante implique qu'elle ait fait valoir dans la procédure pénale, autant que cela pouvait raisonnablement être exigée d'elle, des prétentions civiles découlant de l'infraction qui peuvent être élevées au plus tard lors des plaidoiries devant le tribunal de première instance ( art. 123 al. 2 CPP , dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2024; ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1). Si la partie plaignante n'est pas à même de le faire, notamment parce que son dommage n'est pas encore ou pas entièrement établi, par hypothèse dans le cas d'un dommage évolutif, elle doit indiquer quelles sortes de prétentions civiles elle entend faire valoir et demander qu'elles lui soient allouées dans leur principe (ATF 127 IV 185 consid. 1a; arrêt 6B_769/2019 du 25 octobre 2019 consid. 3.1; CHRISTIAN DENYS, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, no 58 ad art. 81 LTF ). La partie plaignante ne saurait en tous les cas se limiter à demander la réserve de ses prétentions civiles ou, en d'autres termes, à signaler simplement qu'elle pourrait les faire valoir ultérieurement, dans une autre procédure. Ce faisant, elle ne prend pas de conclusions civiles sur le fond (ATF 127 IV 185 consid. 1b; arrêt 6B_769/2019 du 25 octobre 2019 consid. 3.1). Selon l' art. 42 al. 1 LTF , il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir (ATF 141 IV 1 consid. 1.1).
3.2. En l'espèce, il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que les recourants auraient formulé des prétentions civiles ou, à tout le moins, auraient conclu à ce que ces dernières leur soient allouées dans leur principe, compte tenu d'un éventuel dommage évolutif comme ils l'allèguent. Les intéressés indiquent eux-mêmes avoir conclu devant le tribunal de police à la réserve de leurs prétentions civiles. Partant, les recourants n'ont pas pris de conclusions civiles sur le fond.
Par surabondance, l'on ne discerne pas - et les recourants ne l'exposent pas à satisfaction de droit (cf. art. 42 al. 1 LTF ) - en quoi un éventuel dommage lié au fait que feu A.A.________ n'aurait pas pu développer les activités de sa société en raison du temps passé à rétablir la vérité sur ce qu'il avait subi résulterait directement de l'infraction de faux témoignage dénoncée, sous l'angle d'une lésion des droits de procédure des intéressés.
Pour le surplus, les prétentions émises par les recourants concernant l'allocation d'une indemnité pour leurs dépenses dans les procédures de première instance et d'appel, fondées sur l' art. 433 CPP , ne constituent pas des prétentions civiles au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (cf. arrêt 6B_1065/2020 du 12 janvier 2022 consid. 1.2 et les références citées). Il en va de même d'éventuels honoraires d'avocat engagés pour " établir par d'autres témoignages, et d'autres mesures probatoires les faits qui auraient été masqués par le témoignage de M. F.________ ", pour autant que de telles dépenses soient induites par la procédure pénale et non par le litige civil actuellement pendant devant le tribunal des prud'hommes contre la banque défenderesse.
Compte tenu de ce qui précède, les recourants n'ont pas la qualité pour recourir sur le fond au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. Le recours est à cet égard irrecevable.
4.
L'hypothèse visée par l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF n'entre pas en considération, vu que l'infraction alléguée ( art. 307 CP ) se poursuit d'office. Par ailleurs, les recourants ne dénoncent aucune violation de leurs droits de partie équivalant à un déni de justice formel, ce qui ne leur permettrait d'ailleurs pas de faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (cf. ATF 141 IV 1 consid. 1.1). Le recours n'apparaît donc pas plus recevable sous ces différents angles.
5.
L'irrecevabilité est manifeste, ce qu'il convient de constater dans la procédure prévue par l' art. 108 al. 1 let. a LTF . Les recourants, qui succombent, supporteront solidairement les frais judiciaires (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 et 5 LTF).
Par ces motifs, la Présidente prononce :
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 21 juin 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
Le Greffier : Rosselet