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23/10/2024 | SUISSE | N°9C_236/2024

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIIe Cour de droit public  , Arrêt du 23 octobre 2024  , 9C 236/2024


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_236/2024  
 
 
Arrêt du 23 octobre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
agissant par ses parents,Â

 
représentés par M e Caroline Schlunke, avocate, Service juridique de PROCAP, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (évaluation de l'impotence), 
 
recours contre l'arr...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_236/2024  
 
 
Arrêt du 23 octobre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
agissant par ses parents, 
représentés par M e Caroline Schlunke, avocate, Service juridique de PROCAP, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (évaluation de l'impotence), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 mars 2024 (AI 191/23 - 99/2024). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Invoquant un besoin d'aide pour accomplir certains actes ordinaires de la vie en raison des différents troubles (trouble déficitaire de l'attention, dyspraxie, dysgraphie) dont il souffrait, A.________, né en 2013, a présenté le 11 mai 2022 une demande d'allocation pour impotent à l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI). Ce dernier a recueilli l'avis de la doctoresse B.________, médecin traitant, spécialiste en pédiatrie (rapport du 1er juin 2022). Il a en outre mis en oeuvre une enquête à domicile (rapport du 13 octobre 2022). Il a averti l'assuré que, compte tenu des informations récoltées, il entendait rejeter sa demande (projet de décision du 16 novembre 2022). En dépit des critiques de l'intéressé contre ce projet, soutenues par le docteur C.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d'enfants et d'adolescents (rapport du 7 mars 2023), il a entériné le refus d'octroyer des prestations (décision du 24 mai 2023). 
 
B.  
Saisi du recours formé par A.________ contre la décision du 24 mai 2023, à l'appui duquel divers témoignages et avis médicaux ont été déposés, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, l'a admis par arrêt du 26 mars 2024. Il a réformé la décision entreprise en ce sens que l'assuré avait droit dès le 1er mai 2021 à une allocation pour impotent de degré moyen. 
 
C.  
L'office AI forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt. Il en sollicite l'annulation et conclut à la confirmation de sa décision du 24 mai 2023. 
A.________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF ) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF ). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière ( art. 105 al. 1 LTF ). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause ( art. 97 al. 1 LTF ). 
 
2.  
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une allocation pour impotent. Compte tenu des arguments soulevés dans le recours, il s'agit d'examiner si la cour cantonale a fait montre d'arbitraire (dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves) et violé le droit fédéral en accordant à l'assuré une allocation pour impotent de degré moyen dès le 1er mai 2021. 
 
3.  
 
3.1. Dans le cadre du "développement continu de l'AI", la LAI, le RAI et la LPGA - notamment - ont été modifiés avec effet au 1er janvier 2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Dans la mesure où les modifications en question n'ont aucun effet sur la présente cause, il n'y a pas lieu de se prononcer plus avant sur d'éventuels aspects de droit transitoire.  
 
3.2. L'arrêt attaqué expose les normes et la jurisprudence relatives à la notion d'impotence ( art. 9 LPGA ), aux conditions du droit à une allocation pour impotent (art. 42 al. 1 à 3 LAI), aux critères d'évaluation de l'impotence (art. 37 al. 1 à 3 RAI) en fonction du besoin d'aide - directe ou indirecte - pour accomplir les actes ordinaires de la vie (ATF 133 V 450 consid. 9-10; 127 V 94 consid. 3.; 121 V 88 consid. 6c; arrêt 9C_360/2014 du 14 octobre 2014 consid. 4.4; ch. 2020 ss de la Circulaire sur l'impotence [CSI], édictée par l'OFAS [ch. 8010 ss de la Circulaire sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité {CIIAI}, en vigueur jusqu'à la fin 2021]) et à la notion de surveillance personnelle permanente (art. 37 al. 2 let. b et al. 3 let. b RAI; arrêt 9C_831/2017 du 3 avril 2018 consid. 3.1) en lien avec les mineurs ( art. 42bis al. 5 LAI ; art. 37 al. 4 RAI ; annexes I et II de la CSI [annexes III et IV de la CIIAI en vigueur jusqu'à la fin 2021]). Il cite aussi la jurisprudence concernant le niveau de vraisemblance que doit atteindre un fait pour être considéré comme établi (ATF 144 V 427 consid. 3.2) ainsi que les différents critères que doivent remplir les rapports d'enquête à domicile pour être considérés comme probants (ATF 130 V 61 consid. 6.2). Il suffit d'y renvoyer.  
 
4.  
 
4.1. Le tribunal cantonal a examiné si l'intimé avait besoin de l'aide de tiers pour accomplir les actes demeurés litigieux "se vêtir/se dévêtir", ainsi que "faire sa toilette", l'existence effective d'un tel besoin pour l'acte "manger" étant reconnue, et si une surveillance personnelle permanente était nécessaire.  
 
4.2.  
 
4.2.1. À propos de l'acte "se vêtir/se dévêtir", la juridiction cantonale a relevé que, selon le rapport d'enquête et sous réserve d'injonctions, l'assuré était capable de s'habiller et se déshabiller tout seul, de lacer ses chaussures et de choisir ses habits en fonction de la météorologie, bien qu'il rencontrât des difficultés avec la fermeture de certains types de boutons. Elle a en revanche tiré de la demande du 11 mai 2022 et des témoignages produits durant la procédure cantonale de recours que la présence d'un tiers était nécessaire pour éviter que l'habillage ne se prolongeât ou que des habits ne fussent enfilés dans un mauvais sens ou ne fussent choisis de façon inadéquate selon l'activité à entreprendre ou la météorologie. Elle a inféré de ces éléments que l'aide indirecte et régulière d'un tiers était requise, faute de quoi l'acte en question serait accompli imparfaitement et à contre-temps.  
 
4.2.2. Pour ce qui concerne l'acte "faire sa toilette", la cour cantonale a inféré du rapport d'enquête que l'intimé se montrait autonome pour se brosser les dents et se laver, sauf pour le réglage de la température de l'eau, même s'il fallait lui rappeler de se savonner. Par contre, elle a déduit des témoignages, rapports médicaux et photographies produits en première instance qu'une incitation permanente était impérative afin que les gestes utiles fussent concrètement réalisés. Elle a aussi retenu que l'intervention de tiers était indispensable pour que certaines zones du corps fussent lavées correctement. Elle a déduit de ces éléments que l'aide indirecte et régulière d'un tiers était requise pour la réalisation de l'acte en question.  
 
4.2.3. S'agissant de la surveillance personnelle permanente, le tribunal cantonal a constaté que, selon le rapport d'enquête, la mise en place de mesures de sécurité n'avait pas été jugée utile dès lors que l'assuré respectait les règles de la maison, qu'il pouvait jouer dans une pièce sans surveillance et être laissé un moment seul à domicile avec son petit frère, qu'il ne présentait pas de comportement auto ni hétéro-agressif et qu'il ne jetait ni ne cassait d'objets. Il a en revanche inféré des témoignages et rapports médicaux produits pendant la procédure cantonale de recours que l'intimé ne pouvait pas être laissé sans surveillance dans la mesure où, en raison de sa dyspraxie et de son trouble déficitaire de l'attention, il avait souvent été victime de blessures et en avait causé à son frère. Il a déduit de ces éléments que l'assuré nécessitait une surveillance personnelle permanente qui excédait celle devant être portée à un enfant du même âge.  
 
4.3. Compte tenu de ce qui précède, les premiers juges ont considéré que l'intimé avait besoin d'aide pour réaliser trois actes ordinaires de la vie et d'une surveillance personnelle permanente, de sorte que son droit à une allocation pour impotent de degré moyen devait être reconnu dès le 1er mai 2021.  
 
5.  
L'office recourant fait grief à la juridiction cantonale d'avoir apprécié de façon arbitraire les preuves, singulièrement le rapport de la doctoresse B.________ du 31 mars 2021 et celui de l'ergothérapeute D.________ du 29 mars 2022 (recte: 29 mars 2021), déposés dans le cadre d'une précédente demande de prestations relative à l'octroi de mesures médicales, de mesures d'ordre professionnel et de moyens auxiliaires. Il soutient que ces documents décrivent avant tout une lenteur dans l'exécution des actes de la vie quotidienne et dans la transition d'une activité à l'autre et non un besoin objectif d'aide pour accomplir les actes en question. Il considère que l'accomplissement plus lent de tâches ne permet pas de justifier une impotence et que des indications verbales ou des rappels ne constituent pas des critères reconnus pour admettre une aide indirecte. Il relève que les troubles diagnostiqués en 2021, dans le contexte de très bonnes compétences intellectuelles et du traitement instauré en 2021/2022, est compatible avec une atteinte peu sévère, dont l'incidence sur l'autonomie au quotidien ne nécessite habituellement pas une aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie, ni une surveillance personnelle permanente. Il considère en outre que les témoignages écrits apportés par les membres de la famille de l'assuré (rester longtemps sous la douche, ne pas ranger son peignoir, avoir des ongles sales ou ne pas ranger ses affaires après le goûter) sont des observations communes à de nombreux parents de l'âge de celui-ci. Il constate encore que les accidents dont l'intimé a été victime ou dont il a été la cause lorsqu'il était sans surveillance ont donné lieu à quatre consultations aux urgences en quatre ans et ont entraîné des traumatismes d'une gravité ne nécessitant pas d'hospitalisation, ce qui n'était pas hors de proportion pour un enfant de son âge. Il conteste en conséquence le besoin d'aide régulière et importante pour accomplir les actes "se vêtir/se dévêtir" et "faire sa toilette" ainsi que le besoin d'une surveillance personnelle permanente. Il relève par ailleurs que la cour cantonale s'est fondée seulement sur les pièces déposées devant elle et qu'elle n'a même pas évoqué les rapports médicaux produits en procédure administrative. Elle constate enfin que le tribunal cantonal n'a pas mentionné le fait que l'assuré jouait du violon et considère que ce fait atteste une habilité qui contredit les constatations des premiers juges. 
 
6.  
 
6.1.  
 
6.1.1. S'agissant d'abord de l'acte "se vêtir/se dévêtir", on relèvera que la description faite par l'enquêtrice de l'administration de l'aide requise pour réaliser cet acte est foncièrement identique à celle décrite par les membres de la famille de l'intimé. Ce dernier était apte du point de vue fonctionnel à se vêtir et à se dévêtir tout seul. Il avait toutefois besoin de rappels ou d'injonctions pour que l'acte fût accompli correctement, de façon adéquate selon l'activité à entreprendre ou la météorologie et dans un laps de temps raisonnable. Les premiers juges ont considéré que ces rappels ou injonctions constituaient une aide indirecte et régulière de la part d'un tiers. Leur appréciation est conforme au droit dès lors que, selon la jurisprudence, un assuré qui doit être cadré quotidiennement dans le choix de ses vêtements en fonction du temps qu'il fait remplit les conditions de l' art. 37 RAI concernant l'aide requise (cf. arrêt 9C_138/2022 du 3 août 2022 consid. 4.2.1).  
 
6.1.2. En ce qui concerne l'acte "faire sa toilette", on relèvera que la juridiction cantonale s'est non seulement fondée sur les déclarations et les témoignages écrits des parents, mais également sur les déclarations du docteur C.________ du 5 octobre 2023, qui confirment et complètent celles des parents. Dans la mesure où toutes ces observations concordent quant au besoin d'aide notamment pour régler la température de l'eau et accomplir certains gestes utiles ou quant au besoin d'incitations permanentes pour éviter que l'intimé ne se laisse distraire, on ne saurait valablement reprocher au tribunal cantonal d'avoir fait preuve d'arbitraire en admettant le besoin d'aide indirecte et régulière pour accomplir l'acte en question.  
 
6.1.3. S'agissant finalement du besoin de surveillance personnelle permanente, les premiers juges se sont contentés de se référer d'une manière générale aux témoignages ou aux rapports du Service des urgences de l'Hôpital de l'enfance de U.________ (cinq rapports entre 2018 et 2023) pour en déduire un comportement dangereux de l'intimé envers lui-même ou autrui, sans expliquer pourquoi les éléments contraires retenus dans le rapport d'enquête à domicile - correspondant aux premières déclarations des parents de l'assuré - seraient manifestement erronés. On relèvera à cet égard que les blessures ayant amené l'intimé à consulter des services d'urgence (contusion nasale après s'être cogné le nez contre un bob; brûlure au deuxième degré après s'être versé du bouillon sur la jambe; plaie superficielle après s'être encoublé dans un fil de fer barbelé; traumatisme crânien mineur après une chute de trente centimètres) ne présentent pas un degré particulier de gravité, ne se sont heureusement pas produites à une fréquence singulièrement élevée et ne sont pas inhabituelles chez un enfant de moins de dix ans au point de justifier une surveillance constante par un tiers.  
 
6.2. Compte tenu de ce qui précède, les conditions d'une impotence de degré moyen au sens de l' art. 37 al. 2 let. b RAI ne sont pas réalisées, mais celles d'une impotence de degré faible au sens de l' art. 37 al. 3 let. a RAI le sont (trois actes ordinaires de la vie, à savoir "manger", "se vêtir/se dévêtir" et "faire sa toilette"). Il convient dès lors de réformer l'arrêt attaqué et la décision administrative litigieuse en ce sens que l'intimé a droit à une allocation pour impotent de degré léger dès le 1er mai 2021.  
 
7.  
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont répartis par moitié entre les parties ( art. 66 al. 1 LTF ). L'intimé a droit à une indemnité de dépens réduite à la charge de l'office intimé ( art. 68 al. 1 LTF ). Ce dernier n'a pas droit à des dépens, même s'il obtient partiellement gain de cause ( art. 68 al. 3 LTF ). La cause est renvoyée au tribunal cantonal pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 26 mars 2024 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 24 mai 2023 sont réformés en ce sens que l'intimé a droit à une allocation pour impotent de degré léger dès le 1er mai 2021. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis pour 250 fr. à la charge du recourant et pour 250 fr. à la charge de l'intimé. 
 
3.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 23 octobre 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Cretton 


Synthèse
Formation : Iiie cour de droit public  
Numéro d'arrêt : 9C_236/2024
Date de la décision : 23/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2024
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2024-10-23;9c.236.2024 ?

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