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17/12/2024 | SUISSE | N°9C_487/2024

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIIe Cour de droit public  , Arrêt du 17 décembre 2024  , 9C 487/2024


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_487/2024  
 
 
Arrêt du 17 décembre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Me Maxime Crisinel, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, 
route de Bern

e 46, 1014 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux du canton de Vaud et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2005 à 2007, 
 
recours contre l'arrêt du Tr...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_487/2024  
 
 
Arrêt du 17 décembre 2024  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, 
Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représenté par Me Maxime Crisinel, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, 
route de Berne 46, 1014 Lausanne, 
intimée. 
 
Objet 
Impôts cantonaux et communaux du canton de Vaud et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2005 à 2007, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 22 juillet 2024 (FI.2024.0051). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.A.________ (ci-après: le contribuable) et B.A.________, qui étaient mariés, ont été taxés d'office pour les années fiscales 2005 et 2006 (décisions des 6 novembre et 29 décembre 2008). À la suite de la séparation du couple, A.A.________ a fait l'objet d'une taxation séparée et a été taxé d'office pour la période fiscale 2007 (décision du 4 mai 2009).  
 
A.b. L'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'Administration fiscale) a ouvert une procédure en rappel d'impôt et en soustraction fiscale contre les contribuables pour les années fiscales 2005 à 2007. Par décisions de rappel d'impôt et d'amende du 1er décembre 2011, l'Administration fiscale a fixé le montant dû par les contribuables à 1'062'733 fr. 60 pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et les impôts cantonaux et communaux (ci-après: ICC) des années fiscales 2005 et 2006. Pour la période fiscale 2007, l'IFD et les ICC dus par A.A.________ ont été fixés à 609'116 fr. 85.  
Par décision sur réclamation du 20 juin 2013, l'Administration fiscale a rejeté les réclamations formées par le contribuable contre les décisions du 1er décembre 2011. A.A.________ a formé un recours contre cette décision sur réclamation auprès du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public (ci-après: le Tribunal cantonal). 
Entre novembre et décembre 2013, les contribuables ont signé un document intitulé "Engagements", par lequel ils ont déclaré se reconnaître débiteurs solidaires des dettes fiscales et des intérêts moratoires légaux relatifs aux périodes fiscales 2005 à 2007. 
Le 19 décembre 2013, A.A.________ a retiré son recours auprès du Tribunal cantonal. Par décision du 23 décembre 2013, le juge instructeur a rayé la cause du rôle. 
 
A.c. Le 21 août 2018, l'Administration fiscale a dénoncé l'acte d'engagement des 29 novembre et 24 décembre 2013 et son avenant (signé en 2014 par les contribuables et l'Administration fiscale), faute pour les contribuables d'avoir respecté les échéances de paiement convenues.  
À la suite de procédures de poursuites notamment introduites par l'État de Vaud, une vente aux enchères de la parcelle n° xxx du Registre foncier de U.________, dont A.A.________ est propriétaire, a été organisée. Une plainte à l'encontre de cette procédure est pendante devant les juridictions civiles compétentes. 
 
B.  
Le 22 janvier 2024, A.A.________ a introduit une action en annulation de la poursuite en application de l' art. 85a LP (RS 281.1) contre l'État de Vaud auprès du Tribunal de district de Sierre en concluant, notamment sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, à la suspension des poursuites (introduites par l'État de Vaud) SIE yyy, SIE zzz, SIE www, SIE vvv, SIE uuu, SIE ttt, SIE sss, SIE rrr, SIE qqq, SIE ppp et, au fond, à l'annulation de ces poursuites. Il a en outre conclu à ce qu'il soit dit qu'il ne doit pas à l'État de Vaud le montant faisant l'objet des poursuites. À l'appui de cette demande, le contribuable s'est notamment prévalu de la prescription absolue de dix ans frappant les créances réclamées par l'État de Vaud pour les périodes fiscales 2005 à 2007. 
Par ordonnance du 24 janvier 2024, le Juge du Tribunal de district de Sierre a rejeté la requête de mesures provisionnelles. Cette ordonnance a été confirmée par la Juge unique de la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. Par arrêt du 25 avril 2024, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par A.A.________ (cause 5A_133/2024). La procédure a ensuite été classée, faute pour A.A.________ d'avoir payé l'avance de frais (décision de classement du Juge II du Tribunal de Sierre du 9 septembre 2024). 
 
C.  
Par courrier du 25 janvier 2024, A.A.________ a requis de l'Administration fiscale qu'elle rende une décision constatant que la prescription absolue du droit de percevoir l'impôt pour les périodes fiscales 2005 à 2007 était acquise. 
Par décision du 16 février 2024, l'Administration fiscale a constaté que cette prescription n'était pas acquise pour les périodes fiscales 2005 à 2007. 
Par décision sur réclamation du 5 mars 2024, l'Administration fiscale a rejeté la réclamation du contribuable contre la décision du 16 février 2024 et a confirmé que la prescription absolue n'était pas atteinte. 
 
D.  
Statuant par arrêt du 22 juillet 2024, le Tribunal cantonal a rejeté le recours de A.A.________ (ch. I du dispositif). Il a réformé la décision sur réclamation de l'Administration fiscale du 5 mars 2025, en ce sens qu'il n'est pas entré en matière sur la requête du 25 janvier 2024 tendant à ce qu'il soit constaté que la prescription des créances fiscales relatives aux périodes 2005 à 2007 est acquise (ch. II du dispositif). 
 
E.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ conclut à titre principal à ce que l'arrêt cantonal du 22 juillet 2024 soit réformé en ce sens qu'il est constaté que la prescription absolue du droit de percevoir l'impôt en lien avec les décisions de rappel d'impôt et les prononcés d'amendes du 1er janvier 2011 portant sur les périodes fiscales 2005 à 2007 est "échu" au 31 décembre 2023. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Encore plus subsidiairement, il conclut à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens qu'il est constaté que le droit de percevoir l'impôt est "échu" au 31 décembre 2024. 
Après que l'Administration fiscale et l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'AFC) ont conclu au rejet du recours, le contribuable s'est encore déterminé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur ( art. 86 al. 1 let . d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public ( art. 82 let. a LTF ) qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l' art. 83 LTF . La voie du recours en matière de droit public est donc ouverte (cf. aussi art. 146 LIFD [RS 642.11] et 73 al. 1 [LHID; RS 642.14]).  
 
1.2. L'instance précédente a traité dans un seul arrêt de l'IFD et des ICC, ce qui est admissible. Partant, le dépôt d'un seul acte de recours est aussi autorisé, dans la mesure où le recourant s'en prend clairement aux deux catégories d'impôts (ATF 142 II 293 consid. 1.2; 135 II 260 consid. 1.3.1). Il y a donc lieu d'entrer en matière.  
 
1.3.  
 
1.3.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ). Il n'examine toutefois la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée ( art. 106 al. 2 LTF ; cf. ATF 146 I 62 consid. 3).  
 
1.3.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ), hormis dans les cas prévus à l' art. 105 al. 2 LTF .  
 
2.  
Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que le Tribunal cantonal a considéré que le recourant ne pouvait faire valoir aucun intérêt actuel à ce que l'autorité intimée statuât par la voie d'une décision en constatation sur la prescription absolue du droit de percevoir l'impôt pour les périodes fiscales 2005 à 2007. Dans l'hypothèse où un tel intérêt du contribuable digne de protection devrait être donné, il conviendra également de déterminer si une telle prescription est intervenue au 31 décembre 2023. 
 
3.  
Le Tribunal cantonal a constaté que le Juge de district avait rejeté la requête de mesures provisionnelles tendant à la suspension des poursuites en application de l' art. 85a LP , au motif qu'il n'aurait pas été compétent pour se prononcer sur la prescription des créances fiscales litigieuses. Cependant, le juge civil ne s'était prononcé qu'au stade des mesures provisionnelles et il n'était pas exclu que le Tribunal du district de Sierre se prononçât sur la question de la prescription du droit de percevoir l'impôt en lien avec les créances fiscales des années 2005 à 2007 dans la procédure au fond. Les juges cantonaux en ont conclu que la question de la compétence de l'autorité administrative vaudoise pour se prononcer sur la prescription par la voie d'une décision était prématurée. Par ailleurs, si le recourant venait à payer les créances qu'il considérait comme prescrites, l'autorité pourrait se prononcer par la voie de décision sur une demande de restitution des montants payés à tort en application des art. 168 LIFD et 226 al. 2 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI; rs/VD 642.11). Le recourant pouvait donc, au besoin, préserver ses intérêts par le biais d'une décision formatrice ultérieure. En conséquence, il ne pouvait faire valoir aucun intérêt digne de protection à ce que l'intimée rendît une décision en constatation sur la prescription absolue du droit de percevoir l'impôt pour les périodes fiscales 2005 à 2007, de sorte que celle-ci n'aurait pas dû entrer en matière sur la demande du recourant. 
 
4.  
Le recourant reproche à la juridiction cantonale de lui avoir dénié un intérêt actuel à la constatation d'un droit en lien avec la prescription absolue du droit de percevoir l'impôt des périodes fiscales 2005 à 2007. Il affirme que le juge civil ne serait pas compétent pour statuer sur cette question dans le contexte d'une procédure ouverte sur le fondement de l' art. 85a LP et qu'une incertitude sur la question de la prescription subsisterait. En lui ayant refusé le droit à obtenir une décision en constatation, le Tribunal cantonal l'empêcherait de faire entièrement valoir ses droits dans le cadre de la procédure d'exécution forcée relative à son immeuble et d'obtenir la suspension des poursuites litigieuses. 
 
5.  
 
5.1. À teneur de l' art. 85a al. 1 LP , le débiteur poursuivi peut agir en tout temps au for de la poursuite, selon la procédure ordinaire ou simplifiée, pour faire constater que la dette n'existe pas ou plus ou qu'un sursis a été accordé.  
Cette action a une double nature. À l'instar de l'action en libération de dette, elle est d'une part une action de droit matériel visant la constatation de l'inexistence de la créance ou l'octroi d'un sursis; d'autre part, elle a, comme l' art. 85 LP , un effet de droit des poursuites, en ceci que le juge qui admet l'action ordonne l'annulation ou la suspension de la poursuite (ATF 132 III 89 consid. 1.1; 125 III 149 consid. 2c; arrêt 5A_133/2024 du 25 avril 2024 consid. 5.1.1). 
L'introduction de l'action au fond n'a pas pour effet de suspendre la poursuite en cours, c'est-à-dire de faire obstacle à sa continuation. Le juge saisi de l'action au fond peut toutefois suspendre provisoirement la poursuite dans la mesure où, après avoir d'entrée de cause entendu les parties et examiné les pièces produites, il estime que la demande est très vraisemblablement fondée ( art. 85a al. 2 LP ). 
 
5.2. La voie ouverte par l' art. 85a LP est également applicable pour les créances de droit public fondées sur des décisions administratives, à l'instar des bordereaux de taxation; dans ce cas, le juge civil n'est compétent que pour statuer sur les questions de droit des poursuites au sens de l' art. 85a al. 3 LP (annulation ou suspension de la poursuite) et pour, le cas échéant, ordonner la suspension provisoire de la poursuite conformément à l' art. 85a al. 2 LP ; il appartient en revanche à l'autorité administrative de trancher les questions de fond qui relèvent de sa compétence, telle que l'existence ou l'inexistence de la créance de droit public considérée ( art. 85a al. 1 LP ; arrêts 5A_133/2024 du 25 avril 2024 consid. 5.1.2 et les références; 2C_305/2022 du 12 octobre 2022 consid. 1.2.2 et 1.3.2).  
 
6.  
 
6.1. Dans le cas d'espèce et dans le contexte des procédures du droit des poursuites dont le contribuable fait l'objet, la jurisprudence du Tribunal fédéral conduit à retenir qu'en présence d'une demande judiciaire déposée devant le juge civil au sens de l' art. 85a LP , il appartenait uniquement à l'autorité administrative de trancher les questions de fond qui relèvent de sa compétence, telle que l'existence ou l'inexistence de la créance de droit public en cause (par exemple parce qu'elle serait prescrite), et ce contrairement à ce que l'intimée soutient en alléguant que la "question de la compétence n'es[...]t pas tranchée de manière claire par la jurisprudence". Il en découle donc que la cour cantonale a commis une erreur de droit en ayant d'emblée écarté tout intérêt du recourant à obtenir une décision en constatation au motif qu'"il n'était pas exclu" que le Tribunal de district de Sierre, qui devait encore statuer au fond, se prononçât sur la question de la prescription du droit de percevoir l'impôt en lien avec les créances fiscales 2005 à 2007.  
 
6.2. Par ailleurs, les juges cantonaux ne sauraient être suivis lorsqu'ils considèrent que le recourant pourrait obtenir une décision de restitution (et donc une décision formatrice) fondée sur l' art. 168 LIFD et la disposition topique de droit cantonal, s'il devait payer des créances qu'il considère comme prescrites. En effet, on ne saurait exiger du contribuable, qui soutient que les créances fiscales qui fondent la réalisation forcée de son immeuble sont prescrites, de voir son bien immobilier être vendu aux enchères puis, une fois que les deniers sont distribués, de requérir de l'Administration fiscale une décision formatrice au sens de l' art. 168 LIFD pour récupérer les montants qui auraient été payés à tort. En ce sens, le recourant dispose d'un intérêt à une constatation immédiate d'un droit en lien avec la prescription des créances fiscales qui lui sont réclamées.  
 
6.3. La circonstance selon laquelle la procédure qu'avait initiée le contribuable au sens de l' art. 85a LP a été "classée" faute de paiement de l'avance de frais ne change rien à ce qui précède au sujet de son intérêt à obtenir une décision en constatation sur la prescription des créances fiscales litigieuses. En effet, une nouvelle procédure au sens de l' art. 85a al. 2 LP n'est pas exclue.  
 
6.4. En définitive, la motivation de l'arrêt attaqué ayant abouti au rejet du recours cantonal n'est pas conforme au droit fédéral, puisque le contribuable disposait d'un intérêt actuel à obtenir une décision en constatation de la part de l'autorité compétente au sujet de la prescription du droit de percevoir l'impôt pour les années fiscales 2005 à 2007.  
 
7.  
 
7.1. Il convient maintenant d'examiner la question de la prescription du droit de percevoir l'impôt relatif aux périodes fiscales 2005 à 2007, qui est réclamé au contribuable. Bien que la cour cantonale n'ait pas procédé aux constatations de fait nécessaires en lien avec la prescription de la dette fiscale en raison du résultat auquel elle est parvenue, il ne se justifie cependant pas de lui renvoyer la cause pour qu'elle procède en ce sens, les parties s'étant exprimées à ce sujet.  
On rappellera que le recourant a déposé le 15 juillet 2013 un recours auprès du Tribunal cantonal contre les décisions sur réclamation de l'Administration fiscale du 20 juin 2013, par lesquelles elle avait confirmé ses décisions du 1er décembre 2011 relatives au rappel d'impôt et aux prononcés d'amendes pour l'IFD et l'ICC des périodes fiscales 2005 à 2007. Le contribuable et son épouse ont signé (respectivement le 29 novembre et le 2 décembre 2013) un document "Engagement" dans lequel ils se reconnaissaient débiteurs solidaires des dettes fiscales et des intérêts moratoires légaux relatifs aux périodes fiscales 2005 à 2007. Puis, en date du 19 décembre 2013, le recourant a déclaré retirer son recours auprès du Tribunal cantonal et, par décision du 23 décembre 2013, le juge instructeur de ce tribunal a rayé la cause du rôle à la suite du retrait du recours. 
 
7.2.  
 
7.2.1. Le recourant soutient en substance que les décisions litigieuses seraient entrées en force en 2013, soit au jour où le juge instructeur a rendu sa décision de radiation du rôle le 23 décembre 2013, puisque plus aucun moyen de droit ordinaire n'aurait été susceptible d'être utilisé par les parties à l'encontre des décisions qui faisaient l'objet d'un recours au niveau cantonal. Celles-ci seraient donc, à cette date, devenues définitives. Par conséquent, la prescription de dix ans pour percevoir l'impôt et les amendes relatifs aux périodes fiscales 2005 à 2007 serait intervenue le 31 décembre 2023.  
 
7.2.2. Pour l'Administration fiscale, l'entrée en force des décisions litigieuses n'a eu lieu qu'au début de l'année 2014, soit au moment où la décision de radiation du juge instructeur ne pouvait plus être contestée par la voie de droit ordinaire, qui correspondait à l'échéance du délai de recours de trente jours devant le Tribunal fédéral. La prescription litigieuse n'interviendrait dès lors que dix ans plus tard, soit au 31 décembre 2024.  
 
7.2.3. Tout en se ralliant à la position de l'Administration fiscale, l'AFC fait de surcroît valoir qu'en tant qu'autorité de surveillance, elle n'était pas liée par l'accord passé entre le recourant et l'autorité cantonale et qu'elle demeurait pleinement légitimée, en tant que besoin et sur la base de l' art. 89 al. 2 let. a LTF , à recourir contre la décision de radiation du juge instructeur du 23 décembre 2013. Partant, la voie du recours ordinaire devant le Tribunal fédéral était toujours ouverte à cette date, faisant obstacle à l'entrée en force de la taxation en 2013. Celle-ci était donc bien intervenue début 2014, à l'issue du délai de recours.  
 
7.3. Selon l' art. 121 al. 3 LIFD , qui porte sur la prescription du droit de percevoir l'impôt, "la prescription est acquise dans tous les cas dix ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle la taxation est entrée en force".  
Selon la jurisprudence relative à cette disposition, l'entrée en force (formelle) d'une décision de taxation intervient en particulier le jour à partir duquel celle-ci ne peut plus être contestée au moyen d'un recours ordinaire (ATF 139 II 404 consid. 8.1; arrêt 2C_772/2019 du 4 février 2020 consid. 3.1). S'agissant des procédures de rappel d'impôt, l' art. 153 LIFD en prévoit la procédure et renvoie notamment à l' art. 121 LIFD (cf. arrêt 2C_772/2019 précité consid. 3.1). 
En cas de retrait du moyen de droit ordinaire interjeté contre une décision, l'entrée en force formelle de celle-ci n'intervient que si, durant le délai prévu par la loi, aucun recours n'a été déposé contre la radiation de la procédure. Il n'est en effet pas exclu que la décision de radiation du rôle soit attaquée pour des motifs liés à la protection de la confiance ou en raison de vices de la volonté (cf. ATF 109 V 234 consid. 3; arrêt 1C_19/2010 du 17 septembre 2010 consid. 3.1 et la référence; RENÉ WIEDERKEHR/KASPAR PLÜSS, Praxis des öffentlichen Verfahrensrechts, 2020, n° 3395 p. 859; ALFRED KÖLZ/ISABELLE HÄNER/MARTIN BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3e éd. 2013, n° 1195 p. 415). 
 
7.4. Vu ce qui précède, les décisions litigieuses en lien avec le rappel d'impôt et les amendes prononcés pour les périodes fiscales 2005 à 2007 ne sont donc entrées en force qu'à l'échéance du délai de trente jours pour recourir devant le Tribunal fédéral contre la décision de radiation du juge instructeur du 23 décembre 2013, soit en 2014. Il n'était en effet pas exclu, contrairement à ce que fait valoir le recourant qui se réfère notamment à l'accord conclu avec l'Administration fiscale, qu'il contestât la décision de radiation de la procédure dans la limite des motifs admis par la jurisprudence. L'analogie que le recourant fait avec la jurisprudence rendue en application du Code de procédure civile, selon laquelle la décision du tribunal de rayer l'affaire du rôle ensuite d'une transaction ne peut pas faire l'objet d'un recours en dehors de la question des frais de la procédure (cf. ATF 139 III 133), n'est pas pertinente au vu de la possibilité (certes limitée du point de vue matériel) de déposer un recours contre une décision de radiation dans le domaine du droit public.  
L'argumentation du contribuable qui prétend que l'Administration fiscale aurait dû reconnaître que la prescription était intervenue au 31 décembre 2023 au motif que dans sa décision sur réclamation, l'intimée avait soutenu que la décision du 23 décembre 2013 était immédiatement exécutoire et qu'elle avait donc adopté un comportement contraire à la bonne foi doit être écartée. En effet, le Tribunal fédéral a jugé que dans le cadre des limites temporelles prévues par les délais de prescription, il n'était pas possible de déduire une possibilité supplémentaire de péremption de la créance fiscale en se fondant sur le principe de la bonne foi ou du comportement contradictoire de l'autorité, rattachés à l' art. 5 al. 3 Cst. (cf. arrêt 9C_774/2023 du 5 mars 2024 consid. 6.4 et les références). 
 
8.  
Sous le titre marginal "prescription du droit de percevoir l'impôt", l'art. 238 al. 3 LI, prévoit que la prescription est acquise dans tous les cas dix ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle la décision est entrée en force. Cette disposition, qui est par ailleurs conforme à l' art. 47 al. 2 LHID , correspond à l' art. 121 al. 3 LIFD . Partant, les considérants qui précèdent s'appliquent mutatis mutandis aux ICC des périodes fiscales sous revue. 
 
9.  
Il suit de ce qui précède que le recours doit être partiellement admis et le ch. II de l'arrêt attaqué annulé. 
 
10.  
Le résultat auquel parvient la Cour de céans correspond à celui de la décision de l'Administration fiscale du 16 février 2024, confirmée sur réclamation le 5 mars 2024. Partant, le recours cantonal devait dans tous les cas être rejeté (ch. I du dispositif de l'arrêt cantonal du 22 juillet 2024), ce qui a pour conséquence que le recourant succombe devant le Tribunal fédéral. Les frais de la procédure fédérale seront donc mis à sa charge ( art. 66 al. 1 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens ( art. 68 al. 1 et 3 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis et le ch. II de l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 22 juillet 2024 est annulé. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 14'000 fr., sont mis à charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lucerne, le 17 décembre 2024 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bürgisser 


Synthèse
Formation : Iiie cour de droit public  
Numéro d'arrêt : 9C_487/2024
Date de la décision : 17/12/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2024
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2024-12-17;9c.487.2024 ?

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