Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_471/2025
Arrêt du 19 juin 2025
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Koch et Hofmann.
Greffière : Mme Rubin-Fügi.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Christian Delaloye, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Détention pour des motifs de sûreté dans le cadre d'une procédure de révision ( art. 65 al. 2 CP ),
recours contre l'ordonnance de la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève du 23 avril 2025 (OARP/24/2025 - P/19237/2008-GBS).
Faits :
A.
A.a. Par jugement du 1er juin 2012, le Tribunal criminel de la République et canton de Genève a condamné A.________ à une peine privative de liberté de seize ans, sous déduction de 1'386 jours de détention avant jugement, pour l'assassinat de B.________, qu'il a commis en échange d'une rémunération de 50'000 francs. Par arrêt définitif et exécutoire du 8 février 2013, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a confirmé le jugement précité.
Dans le cadre de cette procédure pénale, A.________ a fait l'objet, le 13 avril 2010, d'une expertise psychiatrique dont il ressortait qu'il souffrait d'un trouble de la personnalité non spécifique, avec traits dyssociaux, qui se traduisait notamment par une certaine impulsivité, une agressivité parfois mal contenue et la capacité d'adopter des comportements violents. Il présentait un risque de commettre des infractions contre les personnes. Selon les experts, l'internement ne se justifiait toutefois pas d'un point de vue psychiatrique, la pathologie du recourant "n'étant pas jugée comme suffisamment sévère pour justifier une dangerosité qui ne sera[it] jugulée que par une mesure d'internement". Aucun traitement institutionnel ou ambulatoire n'avait en outre été préconisé.
A.b. A.________ a atteint les deux tiers de sa peine le 22 décembre 2019. Il a sollicité plusieurs fois sa libération conditionnelle, qui lui a été refusée les 19 décembre 2019, 20 mai 2020, 21 mai 2021, 26 juillet 2022 et le 6 novembre 2023, au motif que le pronostic était défavorable.
A.c. Le 18 octobre 2024, alors qu'il était incarcéré à la prison C.________, A.________ aurait exprimé à un codétenu son intention d'assassiner sa conseillère du Service de la réinsertion et du suivi pénal genevois (ci-après: SRSP) à sa sortie de prison, en ayant recours à des tueurs à gages mineurs qu'il recruterait sur Internet. Ces propos ont été rapportés par ce codétenu à la direction de l'établissement et une procédure pénale a été ouverte contre A.________, laquelle est actuellement pendante devant les autorités pénales genevoises.
A.d. Par jugement du 11 avril 2025, le Tribunal d'application des peines et des mesures genevois (ci-après: le TAPEM) a refusé une nouvelle fois la libération conditionnelle de A.________.
Dans le cadre de cette procédure, une expertise de la dangerosité de A.________ a été établie le 11 mars 2025 par les experts du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après: le CURML). Les experts ont fait état chez l'intéressé d'un trouble de la personnalité de sévérité moyenne, avec traits dyssociaux et paranoïaques, lequel était déjà présent au moment de la première expertise. Les experts ont estimé qu'en raison des caractéristiques de sa personnalité, il était sérieusement à craindre que A.________ commette de nouvelles infractions portant atteinte à l'intégrité physique d'autrui. Le risque de récidive pouvait, selon l'échelle VRAG-R, être qualifié de "moyen à élevé", ce qui signifiait une légère aggravation du pronostic légal, lequel aurait probablement été évalué comme "moyen" au moment de la première expertise. Selon les experts, un internement constituait une mesure de sécurité publique qui, par définition, réduirait le risque de récidive de violences par un contrôle externe fort; ils ont toutefois estimé que l'évaluation de la nécessité de cette mesure n'était pas de leur ressort mais de celui des tribunaux.
A.e. A.________ a terminé de purger sa peine privative de liberté de seize ans le 22 avril 2025.
B.
B.a. Le 16 avril 2025, le Ministère public a saisi la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise (ci-après: la Chambre pénale ou l'autorité précédente) d'une demande de révision de l'arrêt du 8 février 2013, aux fins du prononcé ultérieur de l'internement de A.________ au sens de l' art. 65 al. 2 CP . À titre provisionnel, le Ministère public a en outre sollicité le placement du précité en détention pour des motifs de sûreté.
Une audience s'est tenue le 22 avril 2025 par-devant la Présidente de la Chambre pénale. A.________ s'est opposé à sa mise en détention pour des motifs de sûreté et a conclu à ce que la demande de révision soit rejetée dans la mesure de sa recevabilité.
B.b. Par ordonnance du 23 avril 2025, la Présidente de la Chambre pénale a placé A.________ en détention pour des motifs de sûreté, rappelant que celle-ci n'était pas soumise à un contrôle périodique pendant la procédure de révision mais que le précité pouvait solliciter en tout temps sa mise en liberté.
C.
Par acte du 23 mai 2025, A.________ interjette un recours en matière pénale contre l'ordonnance du 23 avril 2025, en concluant principalement à sa réforme en ce sens qu'il soit immédiatement remis en liberté et que la cause soit renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle statue sur l'octroi d'une indemnité au sens de l' art. 429 CPP . À titre subsidiaire, il conclut à l'annulation de l'ordonnance attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite par ailleurs l'octroi de l'assistance judiciaire et la désignation de son conseil en qualité de défenseur d'office.
Invitée à se déterminer, la Présidente de la Chambre pénale a indiqué qu'elle n'avait pas d'observations à formuler, se référant aux considérants de l'ordonnance entreprise. Le Ministère public a conclu au rejet du recours. Le recourant s'est à nouveau prononcé le 6 juin 2025, persistant intégralement dans ses conclusions.
Considérant en droit :
1.
Par l'ordonnance attaquée, la Présidente de la Chambre pénale a ordonné la détention du recourant pour des motifs de sûreté dans le cadre d'une procédure de "révision" visant au prononcé ultérieur de l'internement ( art. 65 al. 2 CP en relation avec les art. 410 ss et 232 CPP ; cf. consid. 2.1.1 infra ). Le recours en matière pénale selon l' art. 78 al. 1 LTF est dès lors ouvert. Le recourant, qui a été placé en détention et exécute de manière anticipée la mesure d'internement depuis le 21 mai 2025 (cf. ordonnance de la direction de la procédure de la cour cantonale du 21 mai 2025; OARP/28/2025), a la qualité pour recourir (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF; cf. arrêt 7B_267/2025 du 2 mai 2025 consid. 1 et les références citées). Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile ( art. 100 al. 1 LTF ) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant qu'instance cantonale unique (art. 80 al. 2 in fine LTF, 412 al. 4, 388 al. 1 let. b et 232 CPP) et les conclusions présentées sont recevables. Il y a dès lors lieu d'entrer en matière.
2.
2.1.
2.1.1. En vertu de l' art. 65 al. 2 CP , si, pendant l'exécution de la peine privative de liberté, des faits ou des moyens de preuve nouveaux permettent d'établir qu'un condamné remplit les conditions de l'internement et que ces conditions étaient déjà remplies au moment du jugement sans que le juge ait pu en avoir connaissance, le juge peut ordonner l'internement ultérieurement. Aux termes de l' art. 65 al. 2 2 e phrase CP, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2024, la compétence et la procédure pour prononcer l'internement ultérieurement sont déterminées par les règles sur la révision décrites aux art. 410 à 415 CPP.
Comme cela ressort de l' art. 65 al. 2 CP et conformément aux principes développés en matière de révision, les conditions de l'internement au sens de l' art. 64 CP doivent non seulement être réalisées au moment où cette mesure est requise mais doivent également déjà avoir été remplies au moment du jugement. Le juge de la révision ne doit ainsi pas adapter un jugement entré en force à un autre état de fait, mais uniquement corriger une erreur commise dans une procédure précédente. Il ne saurait ainsi tenir compte de l'attitude du condamné ou de l'évolution de sa situation pendant sa détention (refus de traitement, menaces, agression; ATF 137 IV 59 consid. 5.1.3; arrêts 6B_1083/2018 du 5 juin 2019 consid. 2.1.3; 6B_157/2019 du 11 mars 2019 consid.1.1). Enfin, les faits et les moyens de preuve nouveaux doivent être sérieux. En d'autres termes, ils doivent être propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et l'état de fait ainsi modifié doit rendre vraisemblable le prononcé d'un internement (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.4; arrêts 6B_1083/2018 du 5 juin 2019 consid. 2.1.4; 6B_157/2019 du 11 mars 2019 consid.1.1).
2.1.2. Les règles sur la révision ne contiennent pas de dispositions spécifiques s'agissant de la détention pour des motifs de sûreté. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les art. 221 ss et 229 ss CPP sont toutefois applicables par analogie à la procédure de changement de sanction en défaveur du condamné fondée sur l' art. 65 al. 2 CP (cf. ATF 150 IV 38 consid. 4.3.3; 137 IV 333 consid. 2.2.2; arrêts 1B_149/2018 du 11 avril 2018 consid. 2.1; 1B_204/2018 du 15 mai 2018 consid. 1.3 et les références citées).
L' art. 221 al. 1 CP dispose que la détention pour des motifs de sûreté ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite (let. a) ou qu'il compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre (let. c). Pour prononcer ou ordonner la continuation de la détention pour des motifs de sûreté, dans le cadre d'une procédure de changement de sanction au sens de l' art. 65 al. 2 CP , il n'est pas nécessaire de prouver l'existence de forts soupçons dès lors qu'il existe déjà un jugement de condamnation entré en force. En revanche, il convient d'établir que le prononcé d'un internement de l'intéressé est vraisemblable et qu'un motif de détention particulier existe (ATF 137 IV 333 consid. 2.3.1; arrêts 1B_149/2018 du 11 avril 2018 consid. 2.1; 1B_548/2017 du 29 janvier 2018 consid. 3.2 et 3.3).
2.2. Par arrêt définitif et exécutoire du 8 février 2013, la cour cantonale a condamné le recourant à une peine privative de liberté de seize ans pour assassinat, peine qu'il a exécutée intégralement dans l'intervalle. L'existence de forts soupçons d'avoir commis un crime ou un délit au sens de l' art. 221 al. 1 CP n'a donc plus à être examinée, conformément à la jurisprudence précitée. Cela étant, il convient de déterminer s'il est suffisamment vraisemblable que la procédure pendante devant la Chambre pénale mènera au prononcé d'un internement du recourant et si ce dernier présente un risque de récidive et de fuite, ainsi que l'a retenu la Présidente de cette autorité.
3.
3.1. Le recourant soutient premièrement que le prononcé d'un internement ne serait pas suffisamment vraisemblable, faute de fait ou de moyen de preuve nouveau mis en lumière par l'expertise du 11 mars 2025. Il se plaint à cet égard d'une constatation arbitraire des faits et d'une violation du droit à la liberté personnelle ( art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH), sous l'angle d'un défaut de lien causalité suffisant entre sa condamnation initiale et la mesure d'internement envisagée.
3.2.
3.2.1. Aux termes de l' art. 5 par. 1 CEDH , toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf notamment s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent (let. a).
Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après: CourEDH) rendue en relation avec l' art. 5 par. 1 let. a CEDH , le mot "après" n'implique pas un simple ordre chronologique entre condamnation et détention; la seconde doit en outre résulter de la première, se produire "en vertu" de celle-ci (cf. arrêts CourEDH W.A. c. Suisse du 2 novembre 2021 [requête n° 38958/16] § 33, Del Río Prada c. Espagne du 21 octobre 2013 [requête n° 42750/09] § 124; ATF 136 IV 156 consid. 3.3 et les références citées). En bref, il doit exister entre elles un lien de causalité suffisant. Le lien entre la condamnation initiale et la prolongation de la privation de liberté se distend peu à peu avec l'écoulement du temps. Il pourrait finir par se rompre si une décision de ne pas libérer ou de réincarcérer se fondait sur des motifs étrangers aux objectifs visés par la décision initiale ou sur une appréciation non raisonnable eu égard à ces objectifs (cf. arrêts CourEDH Kadusic c. Suisse du 9 janvier 2018 [requête n° 43977/13] § 51; H.W. c. Allemagne du 19 septembre 2013 [requête n° 17167/11] § 102; arrêt 7B_35/2025 du 17 mars 2025 consid. 3.1.2 et les références citées).
Dans l'arrêt relativement récent W.A. c. Suisse du 2 novembre 2021, la CourEDH a examiné si la privation de liberté d'un requérant ordonnée dans le cadre de la procédure fondée sur l' art. 65 al. 2 CP était justifiée au regard de l' art. 5 par. 1 let. a CEDH . Dans ce cadre, elle a rappelé sa jurisprudence selon laquelle un jugement qui ordonnait la détention préventive d'une personne postérieurement à une infraction pour laquelle elle avait déjà été condamnée ne pouvait pas se justifier au regard de la disposition précitée, faute d'un lien de causalité suffisant entre la condamnation prononcée et la privation de liberté ordonnée ultérieurement. Elle a toutefois considéré qu'un tel lien de causalité pouvait exceptionnellement être admis en cas de véritable réouverture de la procédure pénale, à la suite de faits nouveaux ou nouvellement révélés qui étaient de nature à affecter le jugement initialement prononcé. La CourEDH a précisé qu'une "réouverture" impliquait généralement que le jugement initial rendu par la juridiction pénale soit annulé et que l'accusation pénale soit à nouveau examinée dans une nouvelle décision. Elle a considéré que tel n'avait pas été le cas dans l'affaire en question, puisque ni la commission des infractions fondant le jugement de culpabilité initial ni la peine privative de liberté prononcée et entièrement purgée n'avaient fait l'objet d'un nouvel examen; les autorités suisses avaient seulement examiné si les conditions pour ordonner l'internement du requérant étaient réunies et si elles l'étaient déjà au moment de sa condamnation. Dans ces conditions, la procédure réouverte sur la base de l' art. 65 al. 2 CP s'apparentait de facto à l'imposition d'une sanction supplémentaire - visant à protéger la société - pour une infraction pour laquelle le requérant avait déjà été condamné, sans qu'il y ait d'éléments nouveaux affectant la nature de l'infraction ou l'étendue de la culpabilité de ce dernier. La CourEDH a conclu que les conditions pour fonder exceptionnellement un lien de causalité entre la condamnation initiale du requérant et le prononcé ultérieur de l'internement n'étaient pas réunies, de sorte que la privation de liberté nouvellement prononcée n'était pas justifiée au regard de l' art. 5 par. 1 let. a CEDH et était en outre contraire au principe ne bis in idem (cf. arrêt de la CEDH W.A. c. Suisse précité, § 34-35, 42-45 et 71).
3.2.2. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral - rendue avant l'arrêt W.A. c. Suisse -, le prononcé ultérieur d'un internement sur la base d'une nouvelle expertise ne pouvait être admis que de manière très restrictive (ATF 144 IV 321 consid. 3.1; arrêts 6B_698/2021 du 1er octobre 2021 consid. 4.3; 6B_1083/2018 du 5 juin 2019 consid. 2.1.5; 6B_1192/2016 du 9 novembre 2017 consid. 4 non publié aux ATF 143 IV 445). Une révision au sens de l' art. 65 al. 2 CP n'entrait ainsi en considération que si les faits ou moyens de preuve invoqués, d'une part, existaient déjà au moment de la condamnation objet de la demande de révision et, d'autre part, ne pouvaient pas être connus du tribunal ayant prononcé la condamnation (ATF 144 IV 321 consid. 3.1; 137 IV 59 consid. 5.1.2; arrêts 6B_698/2021 du 1er octobre 2021 consid. 4.3; 6B_1083/2018 du 5 juin 2019 consid. 2.1.5). La formule était ainsi plus restrictive que celle de l' art. 385 CP , respectivement de l' art. 410 CPP , qui n'exigeait qu'une absence de connaissance effective. L' art. 65 al. 2 CP supposait que le juge n'ait pas pu objectivement connaître le fait ou le moyen de preuve nouveau (cf. ATF 144 IV 321 consid. 3.1; 137 IV 59 consid. 5.1.2; arrêts 6B_1083/2018 du 5 juin 2019 consid. 2.1.5; 6B_404/2011 du 2 mars 2012 consid. 2.2.2).
Depuis l'arrêt W.A. c. Suisse , le Tribunal fédéral a été saisi d'un recours contre la détention pour des motifs de sûreté d'un condamné dans le cadre d'une procédure fondée sur l' art. 65 al. 1 CP (prononcé ultérieur d'une mesure thérapeutique institutionnelle). Le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'y avait aucune raison de s'écarter des considérations développées par les juges de la CourEDH sous l'angle de l' art. 65 al. 2 CP ; les faits ou moyens de preuve nouveaux qui ne portaient que sur le prononcé ultérieur d'une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l' art. 65 al. 1 CP - et non sur la nature de l'infraction ou l'étendue de la culpabilité du recourant - n'étaient ainsi pas suffisants pour modifier un jugement entré en force en défaveur du condamné. Le Tribunal fédéral a retenu que, dans de telles circonstances, l'application de l' art. 65 al. 1 CP apparaissait contraire au droit conventionnel, raison pour laquelle il n'était pas possible de dire que le recourant risquait avec une vraisemblance suffisante le prononcé d'une mesure privative de liberté. Les conditions présidant à la mise en détention du recourant pour des motifs de sûreté dans le cadre de l' art. 65 al. 1 CP n'étaient ainsi pas réalisées (ATF 150 IV 83 consid. 4.3).
3.3. Il n'est pas contesté que le Ministère public fonde sa demande de révision de l'arrêt du 8 février 2013 sur l'expertise du 11 mars 2025. Comme cela ressort de l'ordonnance attaquée, le Ministère public considère que des nouvelles connaissances et méthodes d'analyse médicales - alors inconnues des juges - permettraient aujourd'hui d'affiner la pathologie du recourant, laquelle serait jugée comme suffisamment sévère et dangereuse pour justifier son internement ultérieur. La Présidente de la Chambre pénale a confirmé ce raisonnement, motivant en substance que le recourant souffrait d'un trouble mental - déjà présent en 2010 - et que des nouvelles connaissances scientifiques permettaient de retenir qu'il présentait un risque de récidive moyen à élevé pour des actes violents; ce risque n'avait pas été quantifié en 2010 car une telle analyse ne relevait pas de la pratique courante et certaines méthodes n'existaient pas à l'époque. La Présidente de la Chambre pénale a conclu que des motifs d'internement pourraient exister et qu'ils auraient déjà été remplis à l'époque de la première expertise, sans que le juge de l'époque ait pu en avoir connaissance; une mesure d'internement du recourant était partant vraisemblable (cf. ordonnance attaquée, p. 10).
Cela étant, force est de constater que les éventuels faits ou moyens de preuve nouveaux invoqués par les autorités pénales - pour réviser la condamnation entrée en force du recourant - n'ont trait qu'aux conditions préalables au prononcé de la mesure d'internement. Il ne ressort aucunement de l'ordonnance entreprise ou d'autres documents au dossier qu'il serait question de réexaminer les infractions pour lesquelles le recourant a été initialement condamné ou la peine privative de liberté de seize ans prononcée et entièrement exécutée. Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence de la CourEDH et du Tribunal fédéral précitée (cf. consid. 3.2.1 et 3.2.2 supra ), il apparaît que la procédure dirigée contre le recourant sur la base de l' art. 65 al. 2 CP n'est pas compatible avec l' art. 5 par. 1 let. a CEDH , car il n'y a pas de véritable "réouverture" de la procédure pénale initiale. La privation de liberté du recourant nouvellement prononcée n'est donc pas suffisamment en lien de causalité avec sa condamnation initiale, entrée en force. Pour cette seule raison, il n'est dès lors pas possible de considérer que la procédure pendante devant la Chambre pénale mènera vraisemblablement au prononcé d'un internement de l'intéressé. Le grief est ainsi fondé.
3.4. Au vu de ce qui précède, la question de savoir si la procédure de révision se fonde sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux de nature à ébranler l'arrêt de condamnation du 8 février 2013 - respectivement si la Présidente de la Chambre pénale a versé dans l'arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. (sur cette notion, cf. ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2) en retenant que tel était le cas - peut donc rester indécise.
On relèvera toutefois - comme cela ressort de l'ordonnance attaquée - que le trouble de la personnalité "de sévérité moyenne" affectant le recourant avec des traits dyssociaux et paranoïaques, que les experts ont diagnostiqué en 2025, existait déjà en 2010 et n'était ainsi pas inconnu des premiers juges. Les nouveaux experts ont en effet précisé que ce diagnostic ne s'écartait pas fondamentalement de celui qui figurait dans l'expertise de 2010, tout en précisant qu'ils s'en tenaient depuis lors au diagnostic et à sa sévérité, sans se prononcer sur la notion juridique de "grave trouble mental". En outre, le risque que le recourant commette de nouvelles infractions violentes avait déjà été évoqué comme réel par les experts en 2010. Or si les premiers experts n'ont certes utilisé aucun outil statistique standardisé tel que l'échelle VRAG-R - laquelle n'existait pas encore en 2010 - pour quantifier ce risque, il n'en demeure pas moins que les premiers juges ont expressément qualifié celui-ci de "modéré" ( cf. jugement du Tribunal criminel du 1er juin 20212, p. 50). Ainsi, sur la base de l'expertise de 2010, les juges de première instance ont considéré que le pronostic de récidive n'était pas négligeable, étant relevé que le tribunal doit apprécier l'expertise de manière indépendante et ne pas laisser la décision relative au pronostic à l'expert; il revient en fin de compte au tribunal de procéder à une évaluation indépendante de la preuve par expertise afin de pouvoir prendre une décision sous sa propre responsabilité quant à la dangerosité (arrêt 7B_878/2023 du 29 février 2024 consid. 5.2.2 et les références citées). Une telle appréciation n'est par ailleurs pas véritablement remise en cause par les nouveaux experts, lesquels ont considéré que la cotation de l'échelle VRAG-R au moment de l'expertise de 2010 aurait probablement conduit à l'évaluation d'un risque de récidive "moyen" chez le recourant. Il s'ensuit que l'utilisation de l'instrument précité au moment de la condamnation du recourant n'aurait de toute manière pas conduit à un résultat sensiblement différent de celui retenu par les premiers juges. Enfin, les nouveaux experts ne préconisent pas clairement un internement ni ne parviennent à la conclusion que les conditions d'une telle mesure auraient déjà été remplies au moment de la condamnation du recourant en 2013. Ils se limitent tout au plus à indiquer qu'une telle prise en charge permettrait de réduire le risque de récidive, lequel se serait légèrement aggravé au fil du temps, tout en laissant le soin aux tribunaux d'évaluer la nécessité de celle-ci (cf. ordonnance attaquée, pp. 5-7).
Comme le relève le recourant, il apparaît ainsi douteux que l'expertise du 11 mars 2025, qui se limite pour l'essentiel à affiner un diagnostic et un pronostic de récidive déjà essentiellement envisagés en 2010, puisse constituer un fait ou un moyen de preuve nouveau de nature à ébranler les constatations factuelles sur lesquelles repose le jugement de condamnation. Par conséquent, et indépendamment des considérations développées au consid. 3.3 ci-dessus, il n'apparaît pas possible d'établir que le recourant doive s'attendre avec une vraisemblance suffisante au prononcé ultérieur de son internement, les conditions de l' art. 65 al. 2 CP ne semblant pas remplies.
3.5. Il résulte de ce qui précède que la première condition relative au placement du recourant en détention pour des motifs de sûreté n'est pas réalisée.
Cela étant, le recourant fait actuellement l'objet d'une nouvelle procédure pénale pour les propos menaçants proférés contre sa conseillère du SRSP (cf. let. A.c supra ), lesquels pourraient, selon la Présidente de la Chambre pénale, être qualifiés d'actes préparatoires d'assassinat ( art. 260bis al. 1 let. b CP ). Il appartiendra ainsi à l'autorité pénale compétente d'apprécier si une éventuelle détention provisoire du recourant pourrait entrer en ligne de compte, en particulier en lien avec cette procédure distincte.
4.
Le recours doit par conséquent être admis, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant, en particulier ceux ayant trait aux risques de récidive et de fuite. L'ordonnance sera annulée et la libération immédiate du recourant ordonnée - sous réserve des considérations qui précèdent (cf. consid. 3.5 supra ) -, à charge pour la Présidente de la Chambre pénale d'organiser sans délai les modalités de celle-ci. La cause sera au surplus renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ).
Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens à la charge de la République et canton de Genève ( art. 68 al. 1 et 5 LTF ). Dans ces conditions, sa demande d'assistance judiciaire pour la présente procédure est sans objet. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires ( art. 66 al. 4 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis. L'ordonnance de la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision genevoise du 23 avril 2025 est annulée. La libération immédiate du recourant est ordonnée, à charge pour l'autorité précédente d'en organiser sans délai les modalités et de rendre une nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
2.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Une indemnité à titre de dépens, fixée à 2'000 fr., est allouée au mandataire du recourant, à la charge de la République et canton de Genève.
5.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Présidente de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 19 juin 2025
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Rubin-Fügi