Arrêt N°010/CS/CJ/SC/2001
du 21/06/2001
Affaire: A X
C/
MAHAMAT WAKAI
Objet: Pourvoi en cassation contre l'arrêt civil n° 060/2000 du 24/01/2000 de la cour d'appel de NDJAMENA
RÉPUBLIQUE DU TCHAD
LA COUR SUPRÊME,
CHAMBRE JUCIAIAIRE
SECTION CIVILE COUTUMIÈRE et COMMERCIALE
En son audience publique tenue au siège de ladite Cour, le vingt et un juin deux mille un, a rendu l'arrêt suivant:
- M. AHMED BARTCHIRET, Président;
- M. DOLOTAN NOUDJALBAYE. Conseiller;
- M. ADJIB KOULAMALLAH.. Conseiller;
En présence de ISSA KOGRI, Avocat Général;
Avec l'assistance de Me ABDELKERIM SALEH, Greffier ;
Statuant sur le pourvoi en cassation formé par A X (ayant pour conseil Me DJAIBE);
Contre l'arrêt civil n° O6O/2OOO du 24/01/2OOO de la Cour d'Appel de N'djamena rendu contradictoirement à l'égard des parties, ainsi conçu en son dispositif:«Au fond confirme le jugement n°395/96 du 1O/1O/96 en toutes ses dispositions;
Condamne A X aux dépens»;
Après lecture du rapport de M. DOLOTAN NOUDJALBAYE Conseiller Rapporteur;
Vu les articles 1599, 1625 et 163O du code civil;
Attendu selon les juges du fond que courant 1993, A X a acheté des mains de C Y un véhicule de marque Aa immatriculé TKA O224 A qu'il revendit quelques années plus tard au Commissaire MAHAMAT WAKAI; que fin avril 1996, la Aa susmentionnée a été arrêtée par la gendarmerie aux fins d'investigation; le Directeur Général de la Gendarmerie demanda à MAHAMAT WAKAI de justifier de sa qualité de propriétaire; il fit appel à A X qui appellera à son tour en garantie C Y lequel présentera à la gendarmerie les pièces afférentes au véhicule saisi; invité à reprendre ledit véhicule, MAHAMAT WAKAI refusa et préférera saisir la Justice pour demander que A X lui remboursât l'intégralité du prix d'achat dudit véhicule et qu'en outre des dommages et intérêts lui soient versés; par décision du 1O octobre 1996, le Tribunal de Première Instance de N'Djamena accéda à cette demande en validant la saisie conservatoire opérée sur le véhicule TCB 4O49 A appartenant à A X et condamna l'intéressé à payer à Z B la somme de quatre millions( 4.OOO.OOO) F CFA à titre de dommages et intérêts; appel ayant été de cette décision, la Cour d'Appel l'infirmera puis la reformera pour condamner MAHAMAT WAKAI à payer la somme de dix( 1O.OOO.OOO) F CFA à titre de dommages et intérêts à A X pour immobilisation de son véhicule TCB 4O49 A; en requête civile, la même Cour autrement composée, statuant à nouveau par arrêt n° O6O du 24 janvier 2OOO confirmera le jugement n° 395 du 1O janvier 1996 en toutes ses dispositions;
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi par fausse application de l'article 1599 du code civil
Attendu que l'arrêt attaqué, reproche à C Y qui a vendu le véhicule TKA O224 A à A X, lequel l'a revendu à WAKAI de n'avoir pas justifié de la légitimité de sa détention; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat pour servir d'immatriculation d'un véhicule importé, certificat n° 8094 établi par la Direction des Douanes à N'Djamena le 6 avril 1989 et la fiche de déclaration du véhicule automobile du 11 avril 1989 que le véhicule genre voiture de marque Aa type LN 106 N° de série 5745 objet du litige est la propriété de la Cotontchad qui l'avait immatriculé en 1989 en TCB 3012 B; qu'il n'a été versé ou rapporté aucune pièce ou autre preuve attestant que la propriété dudit véhicule lui a été transférée par la Cotontchad; qu'à défaut de ce titre de propriété, ledit véhicule reste jusqu'à preuve du contraire la propriété de la Cotontchad; que celle-ci peut à tout moment user de son droit de suite pour le revendiquer dans la main de qui le détient; que par conséquent en refusant de reprendre ledit véhicule, MAHAMAT WAKAI évite par-là d'être poursuivi éventuellement par la Cotontchad; aussi, suivant les dispositions de l'article 1599 du code civil, la vente de la chose d'autrui est nulle; la voiture n'étant pas à TEGUEN , la vente contractée par lui est nulle;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la carte grise qui constitue le titre de propriété est établie au nom de C Y et ce au vu d'un acte translatif de propriété et que s'il s'était agi d'un véhicule volé ou perdu, la Cotontchad dont on prétend qu'elle est propriétaire aurait dû le revendiquer depuis 1992, date à partir de laquelle court la prescription triennale, s'agissant de la perte ou du vol d'une chose mobilière en application de l'article 2279 du code civil; qu'en tout état de cause, la cour d'Appel a violé le texte susvisé par fausse application;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi par fausse application des articles 1625 et 1630 du code civil
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt précité, d'avoir décidé que A X, , en application de l'article 1625 du code civil, n'a pas garanti à MAHAMAT WAKAI la possession paisible du véhicule TCB 224 A, possession dont il peut être évincé à tout moment par la Cotontchad véritable propriétaire; que l'interpellation de la gendarmerie ayant suscité la méfiance de WAKAI quant à l'origine de la marchandise vendue, c'est à bon droit qu'il a refusé de reprendre le véhicule TCB 224 A qui lui a été restitué; qu'en conséquence, c'est à tort qu'a été infirmé le jugement qui a accordé à Z B la somme de quatre millions (4.OOO.OOO) F CFA en application de l'article 163O du code civil;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que Z B qui avait été interpellé par la gendarmerie au cours d'un contrôle de routine, appela en garantie le vendeur A X, lequel fit à son tour appel à C Y qui justifia de l'origine de la propriété du véhicule qui aussitôt a été restitué à WAKAI qui refusa de le reprendre; qu'en conséquence, c'est à tort que l'arrêt attaqué a évoqué le défaut de l'obligation de garantie incombant à A X au regard de l'article 1625 du code civil; qu' il s' en suit que n' est pas fondée
l'application de l'article 163O du code civil sur la restitution du prix et l'allocation des dommages et intérêts à l'acquéreur évincé lorsque la garantie n'est pas due; qu'ainsi, en rétractant l'arrêt n° 413 du 2 octobre 1998 et en confirmant le jugement condamnant A X à payer quatre millions(4.OOO.OOO) F CFA , la Cour d'Appel a violé les textes susvisés par fausse application;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule dans toutes ses dispositions l'arrêt n° O6O rendu le 24 Janvier 2OOO entre les parties par la Cour d'Appel de N'Djamena ;
Remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la même Cour autrement composée;
Réserve les dépens.
En foi de quoi le présent arrêt est signé par le Président, le Rapporteur et le Greffier.
Le Rapporteur Le Greffier
DOLOTAN NOUDJALBAYE ABDELKERIM SALEH
Le Président
AHMED BARTCHIRET