ARRET N° 09/CS/CJ/SS/2001
DU 09/10/2001
Affaire: ATETIP (Me Betel N. Marcel)
C/ Ad Aa A (Me Amady Nathé)é)
Pourvoi en cassation C/ l'arrêt n° 134/99 du 17/11/99 de la Cour d'appel de N'Djamena;
REPUBLIQUE DU TCHAD
AU NOM DU PEUPLE TCHADIEN
COUR SUPREME
CHAMBRE JUDICIAIRE
SECTION SOCIALE
En son audience publique tenue au siège de ladite Cour le neuf octobre deux mille un où étaient présents et siégeaient:
- M. AH Z...................................................Président ;
- M. AG Ac X........Conseiller;
- M. C Y......Conseillerrapporteur ;
- M. Ab AI........................................................Avocat Général ;
- Maître TOUBARO DENEMADJI Géraldine.......Greffier;
Après lecture du rapport du conseiller rapporteur;
Après lecture des conclusions de l'avocat général;
Après les observations des conseils respectifs des parties en cause;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
La Cour
En la forme
Attendu que l'ATETIP, par le canal de son conseil Me Betel NINGANADJI Marcel a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 134/99 du 17/11/99 de la Cour d'appel de N'Djamena;
Que le pourvoi introduit dans les forme et délai prescrits par la loi, est donc recevable;
Au fond
Attendu que dame Ad Aa A, agent de l'Etat, régi par l'ordonnance n° 015/86 du 20 septembre 1986 portant Statut Général de la Fonction Publique, a été détachée auprès de l'ATETIP en qualité de Directrice des Affaires Administratives et Financières par arrêté n° 287/MFP/DEP/SG2/511 du 16 septembre 1995 du Ministre de la Fonction Publique; qu'entre l'ATETIP et dame Ad Aa, est intervenu un contrat écrit à durée indéterminée;
Attendu que l'ATETIP, pour l'exécution de ses travaux d'intérêts publics, avait bénéficié par l'entremise de l'Etat tchadien, des crédits de la Banque Mondiale; que l'utilisation de ces crédits est soumise à certaines conditions exigées par la Banque Mondiale; que celle-ci, lors de ses multiples missions, avait constaté les faiblesses de l'ATETIP et lui avait, à maintes reprises, attiré l'attention;
Attendu que les difficultés auxquelles est confrontée l'ATETIP n'ont pas toujours trouvé de solutions; que ce manquement grave du fait de ses dirigeants a amené la Banque Mondiale à suspendre le droit de la République du Tchad de procéder aux retraits supplémentaires au titre de crédit 2614-CD; que suite à cette suspension, le Gouvernement tchadien avait réagi par le truchement de son Ministre du Plan et de la Coopération qui, par lettre n° 687 du 12 mai 1987, avait demandé le relèvement de ses fonctions, l'équipe dirigeante de l'ATETIP; qu'ainsi, les membres du Conseil d'Administration de ladite entreprise, réunis en Assemblée générale extraordinaire le 16 mai 1996, ont décidé de mettre fin au contrat de dame Ad Aa;A;A;
Attendu que le Ministre de la Fonction Publique, par arrêté n° 194 du 21 janvier 1998, avait entériné la décision de l'Assemblée générale extraordinaire de l'ATETIP, mettant ainsi fin au détachement de la dame Ad Aa;A;A;
Attendu que les conditions de détachement et de la révocation d'un fonctionnaire sont fixées par les dispositions des articles 184 et suivants de l'Ordonnance n° 015/86 du 20/09/1986, portant Statut Général de la Fonction Publique; que le détachement d'un fonctionnaire est un acte réglementaire relevant de la compétence du Président de la République qui décide dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'affecter tel ou tel fonctionnaire auprès d'une entreprise en fonction de ses compétences; que ce pouvoir discrétionnaire est dévolu au Ministre de la Fonction Publique en sa qualité de gestionnaire de l'Administration Publique;
Attendu que le détachement est essentiellement révocable (article 85 de l'Ordonnance susvisée); que selon une doctrine constante, le fonctionnaire détaché n'est assuré d'aucune stabilité dans son empli de détachement; que l'autorité de nomination ou de tutelle dont relève le fonctionnaire demeure le seul maître pour y mettre un terme à tout moment par acte réglementaire;
Attendu qu'en l'espèce, dame Ad Aa A, agent de l'Etat, choisi parmi tant d'autres, a été détachée auprès de l'ATETIP, par un arrêté ministériel puis réintégré dans son corps d'origine dans les mêmes conditions; qu'en décidant sous la pression de la Banque Mondiale, pourvoyeur de fonds, de mettre fin au détachement de dame Ad Aa A, le Ministre de la Fonction Publique a voulu mettre fin aux difficultés occasionnées par l'équipe dirigeante de l'ATETIP;
Attendu que le remerciement de dame Ad Aa A n'est nullement le fait de l'employeur; qu'il s'agit alors d'une révocation, acte réglementaire de l'autorité de tutelle, en l'occurrence le Ministre de la Fonction Publique; que cette révocation ne peut être considérée comme un licenciement pouvant donner lieu à une quelconque revendication; que dans une affaire similaire, une jurisprudence édifiante a retenu qu' «il est sans intérêt de rechercher si le prétendu licenciement est ou non abusif ou légitime; qu'en conséquence, il y a lieu de débouter la demanderesse de sa demande en paiement d'indemnité de préavis, de licenciement et de dommages et intérêts, car, même si les parties ont conclu un contrat en bonne et due forme, cette convention demeure inopérante, en d'autres termes, elle ne saurait soustraire l'employé à son statut de fonctionnaire et le placer sous le régime du code de travail» (Cour d'appel de Ouagadougou, 20 juillet 1984, Cour Suprême de Yaoundé, 20 décembre 1986);
Attendu ue dame Ad Aa A, remise dans son corps d'origine après avoir perçu tous ses droits sociaux à hauteur de 13.767.333 F CFA, n'a subi aucun préjudice, car, sa situation ne s'est pas du tout trouvée affectée;
Attendu que la Cour d'appel de N'Djamena, en infirmant le jugement querellé en ce qu'il a déclaré le licenciement abusif, a par ailleurs, condamné l'ATETIP à verser à dame Ad Aa, l'indemnité d'une somme de 2.000.000 F CFA pour non-respect de procédure;
Attendu que l'autorité de nomination ou de tutelle notamment le Ministre de l fonction Publique disposant du pouvoir discrétionnaire et de prérogatives qui lui sont conférées par les textes législatifs et réglementaires, peu, à tout moment, mettre fin au détachement de son agent et le remettre à son corps d'origine; que l'acte réglementaire mettant fin au détachement rend caduc le contrat intervenu entre dame Ad Aa A et l'ATETIP;
Attendu que l'article 6 du code civil dispose: «On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mours »;
Qu'ainsi, il est hors de question de parler d'une quelconque procédure; qu'en condamnant l'ATETIP à verser une indemnité à dame Ad Aa A, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article susvisé;
Par ces motifs
Casse et annule l'arrêt n° 134/99 du 17/11/99 de la Cour d'appel de N'Djamena;
Evoque et statue;
Dit que l'action de dame Ad Aa A est mal fondée;
L'en déboute;
Met les dépens à la charge du trésor public.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président, le rapporteur et le Greffier.