Arrêt
N° 012/CS/CJ/SS/2005
du 19/07/2005
Affaire: B X
(Me Belkoulayo D. Augustine)ine)
C/
CEFOD
(Me Zassino Fitalsiguel Paul)l)
Objet: Pourvoi en cassation contre l'arrêt N° 112/04 du 17/11/2004 de la Cour d'appel de N'Djamena.
RÉPUBLIQUE DU TCHAD
AU NOM DU PEUPLE TCHADIEN
COUR SUPRÊME
Chambre judiciaire
Section Sociale
En son audience publique tenue au siège de ladite Cour le dix neuf juillet deux mille cinq, où étaient présents :
ü M. AI AG .......Président rapporteur;
ü M. A Ab AH, .........Conseiller ;
ü M. C Y.........Conseiller ;
ü M. Aa Z............1er Avocat Général;
ü Maître NANTIGA Julien................Greffier;
a rendu l'arrêt suivant:
sur le pourvoi en cassation introduit par Maître Belkoulayo D. Augustine, avocate au barreau du Tchad, conseil de B X, contre l'arrêt social N° 112/04 du 17 novembre 2004 rendu par la Cour d'appel de N'Djamena;
Après lecture du rapport du Président rapporteur, des conclusions de l'Avocat Général ;
Après les observations des conseils des parties ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Faits et procédure
Attendu que le 3 septembre 1999, le Centre d'Étude pour la Formation et le Développement (CEFOD) et dame B X avaient signé un contrat de prestation de service dont l'objet était la vente des produits de CEFOD notamment Tchad et Culture, fascicules, textes de conférences.
Attendu qu'en plus de cette activité, et conformément au cahier de charge, elle devait s'occuper des abonnements à Tchad et Culture.
Attendu que le contrat stipulait que le CEFOD devait lui verser une rémunération mensuelle de 70.000 FCFA et précisait qu'elle n'était pas une employée mais une collaboratrice qui recevrait des informations
du gestionnaire des salles de conférences et de séminaires pour élaborer son programme hebdomadaire.
Attendu que le 14 janvier 2000, dame B X s'est vue notifier la fin de son contrat au lieu du 3 mars 2000 comme il y était prévu.
Attendu que le tribunal de première instance de N'Djamena puis la Cour d'appel saisis de l'affaire se sont déclarés incompétents au motif qu'elle relevait de la compétence des juridictions sociales.
Attendu que dame B X a attrait le CEFOD devant le tribunal du travail et de la sécurité sociale de AJ qui, par jugement du 28 mars 2002 a condamné celui-ci à lui verser 1.545.833 FCFA représentant le reliquat de salaire de la période du contrat restant à courir, les indemnités pour non respect de la procédure de licenciement, de congé payé et des dommages-intérêts.
Attendu que ledit jugement fut confirmé par la l'arrêt N° 112/04 du 17 novembre 2004 de la Cour d'appel de N'Djamena en ce qu'il a condamné le CEFOD à payer à dame B X la somme correspondant au salaire de la période restant à courir et en ramenant le montant à 70.000 F CFA au lieu de 170.000 F CFA ;
Qu'il fut infirmé en ce qui concerne les autres chefs de demande.
Attendu qu'au nom de sa cliente, Maître Belkoulayo D. Augustine s'est pourvue en cassation contre cet arrêt le 22 novembre 2004 devant la Cour Suprême.
Attendu que les conditions de recevabilité exigées par la loi N° 006/PR/98 du 7 août 1998 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême sont remplies par la demanderesse, le pourvoi est recevable en la forme.
Les moyens de cassation
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir d'une part refusé de condamner le CEFOD à lui verser les indemnités de fin de contrat et les allocations de congé alors que l'article 141 du code du travail
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et de la sécurité sociale énonce que " à l'échéance du contrat à durée déterminée à moins que les relations contractuelles de travail ne se poursuivent dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, l'employeur doit au salarié une indemnité de fin de contrat égale à
5 % du montant des salaires et avantages de toute nature acquis par celui-ci pendant l'exécution du contrat.
Il lui sera également versé une allocation compensatrice de congé payé calculée en fonction des mois de service effectif conformément aux dispositions de l'article 223. "
Que le CEFOD a rompu unilatéralement le contrat avant l'échéance du terme et n'a payé ni les indemnités de fin de contrat, ni les allocations compensatrices de congé de 19 mois de travail effectif, ni le salaire de janvier et février ;
Qu'en refusant de lui octroyer ces droits sociaux, la Cour d'appel a violé l'article susvisé ;
Que d'autre part les alinéas 2 et 3 de l'article 142 du code du travail et de la sécurité sociale disposent que " Toute rupture du fait de l'employeur qui n'est pas justifiée par une faute lourde du salarié ouvre droit pour ce dernier à une indemnité égale aux salaires et avantages de toute nature dont ce salarié aurait bénéficié pour la période restant à courir jusqu'au terme de son contrat.
Toute rupture du fait de l'employeur, justifiée ou non par une faute lourde du salarié, mais prononcée sans respect de la procédure disciplinaire, ouvre droit pour le salarié à une indemnité égale au quart de l'indemnité précédente, que celle-ci soit due ou non. "
Qu'en l'espèce, le juge du fond ne lui a octroyé aucun avantage alors qu'à la fin de chaque mois, en sus de sa rémunération forfaitaire de 70.000 F CFA, elle reçoit entre 35.000 F CFA et 57.000 F CFA de remise sur le produit de vente.
Qu'aucune procédure de licenciement n'a été respectée ; que le juge du fond a fait fi des dispositions sus-évoquées.
Que par ailleurs, le Secrétaire général du CEFOD ayant constaté son état de grossesse lui a demandé d'arrêter le travail alors que l'article 112 du code du travail et de la sécurité sociale énonce que " En dehors du cas de faute lourde non liée à la grossesse et du cas d'impossibilité dans lequel il se trouve de maintenir le contrat, aucun employeur ne peut licencier une femme en état de grossesse apparente ou médicalement constaté."
Que l'article 113 du code du travail et de la sécurité sociale renchérit que " Toute violation des dispositions de l'article précédent entraîne au profit de la femme et à la charge de l'employeur, le paiement d'une indemnité forfaitaire égale à douze mois de salaire calculé conformément aux règles prévues à l'alinéa 2 de l'article 148.
Cette indemnité est cumulable avec toutes autres indemnités auxquelles le licenciement est susceptible de donner naissance, y compris l'indemnité prévue à l'article 148 s'il s'avère que le licenciement est dépourvu de tout motif objectif et sérieux."
Qu'un certificat de grossesse est versé au dossier attestant irréfutablement que son état de grossesse est la cause de son licenciement.
Que la Cour d'appel n'a cumulé aucune des indemnités, qu'au contraire elle a anéanti celles qui lui étaient accordées par le tribunal du travail.
Que la Cour d'appel a de ce fait violé les articles susvisés.
Que l'article 138 du code du travail et de la sécurité sociale fait obligation à l'employeur de délivrer immédiatement un certificat de travail au salarié à la fin du contrat sous peine des dommages-intérêts;
Que jusqu'à ce jour ce document ne lui est pas délivré ;
Que le juge du fond a fait fi de cette disposition.
Attendu que dame B X demande que l'arrêt n° 112/04 du 17 novembre 2004 soit cassé et annulé et que la cause et les parties soient renvoyées devant la Cour d'appel autrement composée.
Sur les premier et deuxième moyens
Vu les articles 141 et 142 alinéas 2 et 3 du code du travail et de la sécurité sociale
Attendu que la Cour d'appel dans son arrêt querellé a reconnu que le CEFOD a rompu unilatéralement le contrat de travail le liant à dame B X avant qu'il n'arrive à terme.
Attendu qu'elle a infirmé le jugement du 28 mars 2002 au motif qu'il s'agit d'un contrat à durée déterminée et que sa rupture ne donne pas lieu au paiement des indemnités pour non respect de la procédure de licenciement.
Mais attendu que l'article 142 alinéa 1 du code du travail et de la sécurité sociale énonce que " Sous réserve des dispositions relatives à la période d'essai, l'employeur ne peut unilatéralement mettre fin au contrat avant l'échéance du terme qu'en raison d'une faute lourde commise par le salarié et en respectant les dispositions relatives à la procédure disciplinaire prévue aux articles 91 à 98."
Attendu que la lettre du 14 janvier 2000 lui notifiant la fin du contrat précise que son employeur " a apprécié ces six mois de collaboration et lui souhaite plein succès dans ses initiatives futures."
Attendu que tout ceci explique que dame B X n'a commis aucune faute pouvant justifier son départ du CEFOD avant le terme fixé dans le contrat.
Attendu que le CEFOD a fait fi de l'obligation qui lui est faite de respecter les dispositions relatives à la procédure disciplinaire.
Attendu qu'en décidant comme elle a fait, la Cour d'appel de N'Djamena a violé les articles précités et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, il convient de casser et d'annuler l'arrêt n° 112/04 du 17 novembre 2004 et renvoyer la cause et les parties devant la même Cour autrement composée ;
Par ces motifs
Casse et annule l'arrêt N° 112/04 du 17 novembre 2004 de la Cour d'appel de N'Djamena ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel autrement composée ;
Réserve les dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président rapporteur et le Greffier.