REPUBLIQUE DU TCHAD
AU NOM DU PEUPLE TCHADIEN
COUR SUPREME, SECTION CIVILE
Après lecture des conclusions de l'avocat général ;
Après observations des conseils respectifs des parties en cause ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'à son décès survenu à n'djaména le 17 novembre 1996, Ah Ae Ad laissa un testament daté du 28 septembre 1995 par lequel il a fait un legs à titre universel aux enfants de Aj, et a procédé pour le reste de ses biens immeubles à l'organisation et à la gestion de l'indivision ; qu'il est précisé dans le testament que : « M. Af aura la responsabilité et la gestion des immeubles et terrains. Il doit le faire en bon père de famille pour ses frères et soeurs; que les loyers doivent servir à donner des subsides à Gilette tout le temps qu'elle sera au Tchad » ; qu'elle aura par ailleurs le droit de loger dans la concession de Moursal tout le temps qu'elle sera au Tchad et non remariée ; que Aa Ad, estimant que Af assumait mal la responsabilité qui lui a été confiée ou plutôt qu'il l'exerçait uniquement au profit de ses frères et soeurs utérins, a sollicité et obtenu du tribunal la désignation d'un administrateur provisoire en la personne de Ac Ab; que par ordonnance n°221/03 du 12 mai 1999, alors que le mandat de Ac Ab n'était pas encore expiré, Af A à se faire désigner administrateur ; que la demande en rétractation de cette ordonnance ayant été rejetée par le tribunal, dame Gilette saisira la cour d'appel de n'djaména qui par arrêt n° 307/00 du 25 mai 2000, nommera un administrateur en la personne de Ak Ai ; que l'arrêt sus mentionné ayant été rétracté par défaut à rencontre de dame Gilette par décision n°387/03 du 10 octobre 2003, celle-ci saisira la cour d'appel et obtiendra par arrêt n° 00/04 du 12/02/2004, la rétractation de l'arrêt n° 387/03 du 10 octobre 2003, rétablissant ainsi l'administrateur Ak Ai dans ses fonctions ;
Sur le moyen tiré du défaut de qualité de dame Aa Ad
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir accédé à la demande de dame Aa Ad, qui agissant sans mandat des héritiers légaux, a sollicité la nullité du testament, alors selon le moyen que son action ne pourrait être fondée qu'en réclamation de subsides dont le montant n'a pas été fixé par le testateur et à la seule condition qu'elle continue de vivre à n'djaména ;
Mais attendu que dame Gilette qui s'est mariée le 12 juin 1976 avec feu Madjadoum sous le régime de la communauté légale des biens a droit à sa part de communauté par l'effet du régime matrimonial qui sera déduit avant toute liquidation ; que de plus le testament laissé par le de cujus lui accorde un droit d'usufruit sur la succession à savoir droit au logement et aux subsides ; qu'à ce double titre elle a intérêt à surveiller la gestion de la succession afin d'éviter qu'elle ne passe entre des mains peu scrupuleuses et qu'elle n'a nullement besoin par voie de conséquence, d'un mandat des autres héritiers pour faire valoir ses droits par une action aux fins de nomination d'un administrateur provisoire ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen tiré de la violation des termes du testament
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir violé la loi relative à la succession testamentaire, alors selon le moyen que celle-ci ne saurait être confondue à la succession légale ;
Mais attendu que le mémoire qui ne contient que des moyens vagues et imprécis en ce qu'il ne précise pas quelle est la disposition de la loi qui a été violée, se contentant de faire allusion tantôt à l'article 895 du code civil qui définit la notion de testament, tantôt à celle de l'article 1035 du même code qui détermine les conditions de révocation des testaments, ne répond pas aux exigences de l'article 48 alinéa 2 de la loi du 07/08/1998 ; qu'il convient de le rejeter ;
Sur le moyen tiré du défaut de motivation
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt querellé d'avoir dans le dispositif signalé l'urgence, alors selon le moyen que l'énoncé de cette mention doit être suivi-d'une motivation qui le justifie conformément à l'article 5 de la loi n°004/PR/98 qui dispose que les « arrêts et jugements doivent être motivés à peine de nullité » ;
Mais attendu que l'arrêt rendu sur référé qui fait ressortir que « le souci de Af est de disposer sans contrôle des fonds de la succession et d'en jouir impunément au détriment des autres héritiers à telle enseigne que les héritiers qui percevaient habituellement leurs subsides les 20 du mois, n'ont pu avoir ceux du 20 janvier 2004...»,
motive suffisamment la nécessité et l'urgence qui s'imposent de retirer à Af la gestion des biens de la succession pour la confier à un administrateur afin d'éviter qu'il ne les dilapide ; que par ailleurs s'agissant de référé, il est de jurisprudence établi que l'existence de l'urgence est souverainement appréciée par le juge et peut résulter de la seule mention « vu l'urgence » et même être implicite ; d'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Par ces motifs
- Rejette le pourvoi formé par Ag Af Ad contre l'arrêt n° 002/04 rendu le 12.02.04 par la 1ère chambre civile de la cour d'appel de n'djamena ;
- Condamne le demandeur aux dépens.