REPUBLIQUE DU TCHAD
AU NOM DU PEUPLE TCHADIEN
COUR SUPREME, SECTION CIVILE
Après lecture des conclusions de l'Avocat Général ;
Après les observations des conseils respectifs des parties en cause ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen de cassation tiré de la violation de la loi
Vu l'article 931 du code civil
Attendu que selon ce texte, ((Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires, dans la forme ordinaire des contrats ; il en restera minute, sous peine de nullité » ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (n'Djamena, 16/11/2007) que Y B a pris MADE DJALBEDE dès l'âge de 9 ans pour l'élever et s'occuper de ses études jusqu'à ce qu'il entre dans la vie active ;
qu'il lui a gratifié un de ses terrains sis à Ambriguebé sur lequel il a construit des chambres pour les mettre en location et qu'il a, par ailleurs mis à sa disposition une concession sise à Ambassatna où il habitait avec toute sa famille ; qu'après la mort de son bienfaiteur en 1989, MADE DJALBEDE s'est fait établir une attestation de donation entre vifs pour s'approprier la concession d'Ambassatna;
Attendu que sur arrêt de renvoi, la cour d'appel de n'Djamena, par arrêt n° 25 du 24/03/2005, a confirmé en toutes ses dispositions, le jugement querellé, ordonné en conséquence, le déguerpissement de MADE DJALBEDE des lieux, et condamné A B à 4.000.000 F CFA de dommages-intérêts ;
Attendu que par requête civile introduite contre l'arrêt n° 25, la cour d'appel de n'Djamena ; par arrêt n° 140 du 16/11/2007, a rétracté l'arrêt querellé et évoquant et statuant à nouveau :
Dit que la concession querellée est bien la propriété de MADE DJALBEDE ;
Que pour justifier sa décision, la cour retient «qu'à l'examen des pièces versées au dossier, cet acte incriminé porte bien la signature du decujus Y et mieux, I'article938 du code civil dispose que « la donation dûment acceptée sera parfaite par le seul consentement des parties et la propriété des objets sera transférée au donataire sans qu'il soit besoin d'autre tradition » ;
Que de l'interprétation de cet article susvisé, il résulte que ces termes viennent atténuer la rigueur des dispositions de l'article 931 du même code ;
Que le juge tchadien, statuant publiquement en matière civile et coutumière, doit tenir compte des circonstances du moment et de la volonté manifeste des parties sans s'égarer dans une interprétation littérale sans commune mesure avec les réalités tchadiennes du moment ;
qu'il est établi que Y B et X C vivaient sans heurt jusqu'au décès de Y ; que cette harmonie a déterminé Y à céder une partie de son patrimoine à MADE ; qu'il n'est point besoin de démontrer le consentement des parties ; qu'en confirmant le jugement en toutes ses dispositions, la cour d'appel a fait une mauvaise appréciation des faits ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi décidé alors que selon le moyen, l'attestation de donation exhibée par le contradicteur, n'a pas respecté les formalités prescrites à peine de nullité ;
Que la cour a fait de l'amalgame entre le faux et la validité d'un acte au regard des règles de droit ;
qu'après l'arrêt de renvoi, «l'attestation de don étant vivant», établie le 10/08/1982, et qui n'avait pas été authentifiée, a été curieusement légalisée le 27 Septembre 2005, et ce, après le décès du prétendu bénéficiaire MADE DJALBEDE ;
Que d'une part, la cour admet que l'acte incriminé soit valable au regard des dispositions de l'article 938 du code civil accepte en même temps que cet acte soit authentifié comme l'exige l'article 931 du même code et versé au dossier ;
Que d'autre part, en évoquant «les circonstances du moment» et « les réalités tchadiennes du moment » elle entretient de confusion telle qu'il est difficile de savoir avec exactitude ce qu'elle voulait dire ;
qu'en procédant comme, elle l'a fait alors que les règles de formalités exigées sont d'ordre public, la cour a violé la loi par une mauvaise interprétation ;
Attendu qu'il résulte de la constatation de l'arrêt attaqué qu'une «attestation de don entre vifs» portant sur une propriété immobilière, signée de Y B et X C, n'a pas rempli les formalités exigées sous peine de nullité par l'article 931 du code civil ; que la cour a estimé valable cette attestation au regard de l'article 938 du même code en justifiant d'une part que les dispositions de l'article 938 viennent atténuer celles de l'article 931 et d'autre part que le juge tchadien, statuant en matière civile et coutumière,^üttl^mscompte des réalités tchadiennes du moment ;
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que la position de la cour totalement incompréhensible sinon ambiguë ne repose sur aucune base légale ; et qu'en se déterminant ainsi la cour d'appel a violé les dispositions du texte susvisé et qu'en conséquence, la cassation doit être encourue ;
Attendu par ailleurs que conformément aux dispositions de l'article 61 al. 2 de la loi organique N°006/PR/98 du 07/08/1998 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême, le dossier étant donc en état, évoquer et statuer à nouveau ;
Par ces motifs :
Sans qu'on n'ait besoin d'examiner le second moyen ;
Casse et annule l'arrêt n° 140/07 du 16/11/07 de la Cour d'Appel de N'Djamena ;
Evoque et statue à nouveau :
Dit que la concession sise au quartier Ambassatna est la propriété de GOUNIBEDE DJIBRINE ;
Ordonne l'expulsion de tous occupants de ladite concession ;
Déboute le demandeur de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
Condamne le défendeur aux dépens.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président, le Rapporteur et le Greffier.