AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU JEUDI SEIZE JUIN DEUX MILLE SEIZE (16-06-2016)
A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au Siège de la Cour à Lomé, le jeudi seize juin deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
LA COUR
Sur le rapport de Monsieur Kuma LOXOGA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt N°138/14 rendu en matière civile le 09 avril 2014 par la Cour d’Appel de Lomé ;
Vu la requête afin de pourvoi de maître Kodjo ALONYO, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maître Kouevi AGBEKPONOU, conseil de la défenderesse au pourvoi ;
Nul pour maître Kodjo ALONYO, faute pour lui de n’avoir pas produit son mémoire en réplique, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de Monsieur le Troisième Avocat Général ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique N°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême et le décret N°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller Kuma LOXOGA en son rapport ;
Nul pour maître Kodjo ALONYO, absent et non représenté, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Ouï C AGBEKPONOU, conseil de la défenderesse au pourvoi ;
Le Ministère Public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 19 septembre 2014 par maître Kodjo ALONYO, Avocat à la Cour à Lomé, agissant au nom et pour le compte de la Collectivité A représentée par A Ad demeurant et domicilié à Agoenyivé, quartier Houmbi, contre l’arrêt N°138/2014 rendu le 9 avril 2014 par la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Lomé qui, ayant constaté que l’arrêt N°009/2011 rendu le 17 février 2011 par la Chambre Judiciaire de la Cour suprême, a définitivement tranché le litige foncier opposant les parties sur le domaine sis à Agoenyivé au lieudit « ancienne SORAD », a rétracté l’arrêt N°146/2012 intervenu ultérieurement le 26 juillet 2012 ;
EN LA FORME
Attendu que tous les actes de la procédure ont été faits et produits dans les forme et délai de la loi ; qu’il suit que le pourvoi est recevable ;
AU FOND
Attendu que des énonciations de l’arrêt attaqué et d’autres éléments du dossier, il ressort qu’un litige foncier portant sur un domaine sis à Agoenyivé au lieudit « ancienne SORAD » a opposé la collectivité FIGAH à la collectivité A ; que, saisi de ce litige, le Chef canton d’Agoenyivé, pour concilier les deux parties, a procédé à un partage dudit immeuble en attribuant à la collectivité FIGAH une superficie de 20 hectares 20 ares et 80 centiares et à la collectivité A, celle de 6 hectares 39 ares, en plus de la partie qui a été mise en gage par cette dernière encore dite collectivité WEMENE ainsi que par X, à la collectivité ATCHON de sorte que la parcelle revenue à la collectivité A est égale en superficie à celle de la collectivité FIGAH ; que, contestant cette décision, la collectivité A saisit le tribunal coutumier de première instance de Lomé qui, dans son jugement N°694 du 23 avril 1974, a confirmé « en son principe l’arbitrage de la Cour du Chef de Canton d’Agoenyivé, SEDJRO Denis III », lequel jugement sera confirmé par le Tribunal Coutumier d’Appel, en toutes ses dispositions ; que le pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal coutumier d’appel de Lomé a été rejeté par la Chambre d’annulation de la Cour d’appel de Lomé ; qu’en dépit de ces décisions susmentionnées, rendues toutes en faveur de la collectivité AG, et de leur exécution, la collectivité A a, le 21 avril 1999, attrait par-devant le Tribunal de première instance de Lomé, la collectivité FIGAH pour s’entendre ordonner l’expulsion de cette dernière de son domaine sis à Agoenyivé au lieudit Houmbigble qu’elle avait donné à bail à la SORAD maritime ; qu’en réaction à cette action, la collectivité FIGAH fait valoir que le terrain dont s’agit a fait l’objet de litige tranché en sa faveur suivant les décisions susindiquées qui ont été toutes exécutées ; que, par jugement N°51/2000 du 21 janvier 2000, le Tribunal de Lomé a débouté la collectivité A de toutes ses demandes, fins et conclusions ; que, saisie par cette dernière de son recours en appel, la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé a, par arrêt N°50/2003, relevé qu’il y avait autorité de la chose jugée relativement à la parcelle revendiquée par la collectivité A ; qu’alors que l’affaire était pendante devant la Cour suprême, la Cour d’appel de Lomé a, suivant arrêt N°146/2012 du 26 juillet 2012, homologué un rapport d’expertise fait par le géomètre Y Ab commis par ordonnance N°188/2005 du 29 août 2005 rendue par le président de la Cour d’appel de Lomé aux fins de vérification des opérations de partage ordonnées par arrêt N°007/1982 du 6 mai 1982 de la Chambre d’annulation intervenu sur pourvoi formé par la collectivité A contre l’arrêt N°006/1978 rendu le 27 février 1978 par le Tribunal coutumier d’appel de Lomé ; que par requête civile en date du 14 février 2013, la collectivité FIGAH a attrait par-devant la Cour d’appel de Lomé, la collectivité A aux fins de rétractation de l’arrêt N°146/2012 du 26 juillet 2012 susvisé ; que, suivant l’arrêt dont pourvoi, la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé, après avoir constaté que l’arrêt N°009/2011 du 17 février 2011 rendu par la Chambre Judiciaire de la Cour suprême est antérieur à l’arrêt N°146/2012 précité, a dit n’y avoir lieu à homologation du rapport d’expertise du géomètre Y Ab et a rétracté ledit arrêt rendu le 26 juillet 2012 par la Cour d’appel de Lomé ;
Sur le moyen unique du pourvoi
Vu l’article 9 de l’ordonnance N°78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire ;
Attendu que « les jugements et arrêts doivent être motivés à peine de nullité » ;
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir favorablement accueilli la requête civile de la collectivité AG, alors que le partage opéré par le géomètre expert Y Ab est intervenu suite à une requête introduite par cette dernière elle-même et que ledit partage ne préjudicie aux intérêts d’aucune des parties, de sorte que le dol dont fait état la défenderesse au pourvoi n’existe pas ;
Mais attendu que pour justifier l’existence du dol ayant fondé la requête civile et dont les deux parties litigantes se sont rendues coupables, les juges d’appel ont énoncé « qu’il ressort des pièces de la procédure la constance que l’arrêt attaqué ne serait pas rendu si les parties avaient révélé à la Cour d’appel l’existence de l’arrêt N°09/2011 du 17 février 2011 de la Chambre judiciaire de la Cour suprême, lequel a annulé, cassé sans renvoi l’arrêt N°50/2003 du 22 mai 2003 de la Cour d’appel ; que le dol ici est établi par la carence des deux parties qui n’ont pas révélé à la Cour d’appel au moment de l’homologation du rapport de l’expert Y, l’existence de l’arrêt de la Cour suprême dont elles ont toutes connaissance ; que la poursuite de la procédure d’homologation malgré l’intervention de cet arrêt et le comportement même de la requérante qui s’est associée à ladite procédure bien qu’en possession de l’arrêt en cause constituent le dol personnel prévu par l’article 224-1 du code de procédure civile ; que la procédure d’homologation est devenue caduque et sans objet dès lors que l’arrêt de la Cour suprême est intervenu » ;
Attendu que pour ainsi statuer, les juges d’appel se sont fondés sur les pièces du dossier notamment les différentes décisions judiciaires antérieures qui ont acquis l’autorité de la chose jugée et surtout l’arrêt N°009/2011 rendu le 17 février 2011 par la Chambre judiciaire de la Cour suprême qui a définitivement mis fin au litige opposant les deux parties et portant sur l’immeuble sis au lieudit « ancienne AH ou Houmbigbé » et qui dès lors, prive rétroactivement toutes la procédure d’homologation de son objet et substance, la rendant ainsi nulle et non avenue, sachant que ces pièces qui relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond, échappent au contrôle de la Cour suprême ;
Qu’ainsi, les juges d’appel, en statuant comme ils l’ont fait, ont suffisamment motivé leur décision à laquelle ils ont conféré de base légale et n’ont point violé l’article 9 de l’ordonnance N°78-35 du 7 septembre 1978 portant organisation judiciaire ; qu’il suit que le pourvoi n’est pas fondé en son moyen unique et qu’il y a lieu de le rejeter ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Le rejette comme non fondé ;
Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi seize juin deux mille seize (16-06-2016) à laquelle siégeaient :
Monsieur Essozinam ADI-KPAKPABIA, Conseiller à la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Badjona SAMTA, Ananou Galley Gbeboumey EDORH, Koffi DEGBOVI et Kuma LOXOGA, tous quatre Conseillers à ladite Chambre, MEMBRES ;
En présence de Madame AI Ae Aa, Premier Avocat Général près la Cour Suprême ;
Et avec l’assistance de Maître Awié ATCHOLADI, Attaché d’Administration, Greffier à ladite Cour, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier
PRESENTS : MM
ADI-KPAKPABIA : PRESIDENT
LOXOGA, DEGBOVI, EDORH, SAMTA Membres
Z : M. Ac
B : GREFFIER
POURVOI N°111/RS/14 DU 19 SEPTEMBRE 2014