A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au Siège de la Cour à Lomé, le jeudi seize juin deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Sur le rapport de Monsieur Badjona SAMTA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt N°44/13 rendu en matière civile le 26 février 2013 par la Cour d’Appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Christophe BISSARI, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maître EDORH-KOMAHE, conseil de la défenderesse au pourvoi ;
Nul pour maître LATEVI, conseil de la défenderesse au pourvoi, faute pour lui de n’avoir pas produit son mémoire en réponse,;
Vu le mémoire en réplique de maître BISSARI, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de Monsieur le Troisième Avocat Général ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique N°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême et le décret N°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller Badjona SAMTA en son rapport ;
Ouï X BISSARI, conseil de la demanderesse au pourvoi ;
Nul pour maîtres EDORH-KOMAHE et LATEVI, conseils de la défenderesse au pourvoi ;
Le Ministère Public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile et en état de cassation sur le pourvoi formé le 19 décembre 2013 par maître Christophe BISSARI, Avocat à la Cour à Lomé, agissant au nom et pour le compte de la Collectivité C représentée par Ae Ab Ag, contre l’arrêt N°44/2013 rendu le 26 février 2013 par la Cour d’Appel de Lomé qui a déclaré l’appel de la collectivité C mal fondé et confirmé le jugement N°212/00 du 22 février 2000 du Tribunal de Première Instance de Lomé, jugement qui avait dit que, l’immeuble litigieux est la propriété de la Collectivité Z ;
EN LA FORME
Attendu que tous les actes de procédure ont été faits dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de recevoir le pourvoi ;
AU FOND
Attendu qu’il ressort de la procédure que, saisi d’une action en revendication de droit de propriété d’un immeuble d’une contenance de 39ha 51a 13ca sis à Aa au lieu dit « Amédenta », le Tribunal de première instance de Lomé a, par jugement N°212/00 rendu le 22 février 2000, déclaré ledit immeuble propriété de la Collectivité Z ; que sur appel de cette décision par la Collectivité C, la Cour d’appel de Lomé a, par arrêt N°137/02 du 22 mai 2002, déclaré l’appel irrecevable ;
Attendu que statuant sur le pourvoi formé contre cet arrêt, la Cour Suprême a cassé ledit arrêt et renvoyé cause et parties devant la Cour d’appel (arrêt N°59/10 du 18 novembre 2010) ; que par la suite, la Cour d’appel, juridiction de renvoi, a rendu l’arrêt N°44/13 dont pourvoi, lequel a déclaré l’appel de la Collectivité C recevable mais mal fondé et au fond, confirmé le jugement du tribunal de première instance en ce qu’il avait dit et jugé l’immeuble litigieux propriété de la Collectivité Z ;
Sur le moyen unique pris de la violation de la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité ;
Attendu que la Collectivité C, demanderesse au pourvoi, soutient que la Cour d’appel, en ayant statué alors que le représentant de la Collectivité Z, sieur A Af, était décédé depuis le 08 août 2003, il y avait donc perte ou défaut de qualité de la Collectivité Z constitutif de fin non recevoir, fin de non recevoir qui est un motif de cassation ;
Attendu que pour agir en justice, il faut, entre autres conditions, la qualité ; que c’est bien pour cela que lorsque la personne investie de la qualité la perd en cours de procédure (déchéance, décès…), il y a, en pratique, la reprise d’instance ;
Attendu qu’il se déduit que le défaut de qualité est un obstacle à l’action en justice et à sa poursuite ; que cela est juridiquement exprimé par l’article 29 du code de procédure civile selon lequel « constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée » ;
Attendu qu’en l’espèce, le représentant d’une collectivité, partie au procès, étant décédé avant le rendu de l’arrêt attaqué, il y a eu perte ou défaut de qualité de cette collectivité ;
Mais attendu que s’il est constant comme démontré plus haut qu’il y a défaut de qualité donc une fin de non recevoir et par principe un obstacle à la poursuite de l’instance contre la collectivité dépourvue de qualité, encore faut-il déterminer le régime de cette fin de non recevoir ;
Attendu que sur ce point, d’une part, l’article 30 du code de procédure civile dispose que « les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause… » et, d’autre part, l’article 32 du même code retient que « les fins de non recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours.
Le juge peut recevoir d’office la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt » ;
Attendu que de la lecture et de l’interprétation des textes susvisés, le défaut de qualité est une fin de non recevoir à laquelle la loi n’a pas attribué le caractère d’ordre public ; qu’il ne peut donc être soulevé pour la première fois devant la Cour Suprême ; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Le rejette ;
Prononce la confiscation de la taxe de pourvoi ;
Condamne la demanderesse au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi seize juin deux mille seize (16-06-2016) à laquelle siégeaient :
Monsieur Essozinam ADI-KPAKPABIA, Conseiller à la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Badjona SAMTA, Ananou Galley Gbeboumey EDORH, Kuma LOXOGA et Léeyé Koffi BLAMCK, tous quatre Conseillers à ladite Chambre, MEMBRES ;
En présence de Madame Y Ad Ah, Premier Avocat Général près la Cour Suprême ;
Et avec l’assistance de Maître Awié ATCHOLADI, Attaché d’Administration, Greffier à ladite Cour, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier
PRESENTS : MM
ADI-KPAKPABIA: PRESIDENT
SAMTA, EDORH, LOXOGA, BLAMCK Membres
AG: M. Ac
B : GREFFIER
POURVOI N°195/RS/13 DU 19 DECEMBRE 2013