A l’audience publique ordinaire de la chambre judiciaire de la Cour suprême, tenue au siège de la Cour à Lomé, le jeudi vingt-deux décembre deux mille seize, est intervenu l’arrêt suivant :
LA COUR,
Sur le rapport de monsieur Koffi KODA, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême ;
Vu l’arrêt N°383/13 rendu en matière civile, le 18 décembre 2013 par la Cour d’appel de Lomé ;
Vu la requête à fin de pourvoi de maître Tchaou TCHEKPI, conseil des demandeurs au pourvoi ;
Vu le mémoire en réponse de maître Mawuvi MOUKE, conseil des défendeurs au pourvoi ;
Vu le mémoire en réplique de maître TCHEKPI, conseil des demandeurs au pourvoi ;
Vu les conclusions écrites de monsieur le troisième avocat général près la Cour suprême ;
Vu les autres pièces de la procédure ;
Vu la loi organique N°97-05 du 06 mars 1997 portant organisation et fonctionnement de la Cour suprême et le décret N°82-50 du 15 mars 1982 portant code de procédure civile ;
Ouï le conseiller Koffi KODA en son rapport ;
Nul pour maître Tchaou TCHEKPI, absent et non représenté, conseil des demandeurs au pourvoi ;
Nul pour maître Mawuvi MOUKE, absent et non représenté, conseil des défendeurs au pourvoi ;
Le ministère public entendu ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant en matière civile sur le pourvoi formé le 6 mai 2014 par maître Tchaou TCHEKPI, avocat à la cour à Lomé, agissant au nom et pour le compte des nommés X An, Aa Ac Z, Ad Ab AK, Ae Ak AJ, Ah AL née ATUIJENNY, C Aj Af, Aq Ag et autres, contre l’arrêt N°383/2013 rendu le 18 décembre 2013 par la chambre civile de la Cour d’appel de Lomé qui a ordonné l’expulsion des demandeurs au pourvoi des lots de terrain querellés, après avoir infirmé l’ordonnance N°0447/2012 rendue le 9 juillet 2012 par le vice-président du tribunal de première instance de Lomé qui s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’expulsion sollicitée ;
EN LA FORME
Attendu que tous les actes de procédure ont été faits dans les forme et délai de la loi ; qu’il y a lieu de recevoir le pourvoi ;
AU FOND
Vu l’article 242 du code de procédure civile ;
Attendu que « Les jugements passés en force de chose jugée, portant condamnation à délaisser la possession d’un héritage sont exécutés contre les parties condamnées nonobstant la tierce opposition et sans y préjudicier » ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les éléments du dossier, que suivant exploit en date du 3 juillet 2012 de maître Foli TEKO, huissier de justice à Lomé, les héritiers de feue Ao Ag Y, représentés par messieurs Ac AI et Ab A, ont, en vertu de l’ordonnance N°1439/2012 du 2 juillet 2012 les autorisant à assigner à bref délai, fait donner assignation aux nommés An X, Aa Ac Z, Ad Ab AK, Ae Ak AJ, veuve AKOESON née ATUIJENNY et autres, à comparaître par-devant le vice-président du Tribunal de première instance de Lomé, statuant en qualité de juge des référés, pour, entre autres, voir ordonner, tant de corps que de biens ainsi que de tous occupants de leur chef, l’expulsion pure et simple des requis des lots de terrain querellés ;
Qu’au soutien de leur action, les requérants ont exposé qu’ils sont propriétaires par voie d’héritage de l’immeuble sis à Lomé Agoè-Nyivé au lieudit Ai, objet des lots N°59, 272, 273, 274, 301, 354, 357, 381 et des demis lots N°275 bis, 298 bis, 335 bis et 340 bis, dépendant de la succession AZOYOTO ; que leur droit de propriété sur ledit immeuble a été confirmé par le jugement N°2960/2010 rendu le 24 septembre 2010 par le Tribunal de première instance de Lomé, lequel jugement est passé en force de chose jugée, ainsi qu’en fait foi l’attestation de non appel N°05/2011 du 10 janvier 2011 du greffier en chef près la Cour d’appel de Lomé ; qu’en vertu de ce droit de propriété dont ils jouissent sur les lieux, ils sont en train d’entreprendre des travaux de construction sur le terrain dont s’agit ; que contre toute attente, ils viennent d’avoir connaissance de l’ordonnance N°1024/2012 du 11 mai 2012 par laquelle le président du Tribunal de première instance de Lomé a ordonné la cessation des travaux entrepris sur ledit immeuble ;
Que pour leur part, les requis ont soutenu avoir acquis par voie d’achat les parcelles de terrain en cause auprès des nommés BIAM Agbéméhian et AG Am et ont versé au dossier, les reçus d’achat à eux délivrés par leurs vendeurs ; qu’ils entendent donc faire valoir leurs droits et ont sollicité en conséquence que le juge des référés qui n’est que le juge de l’évidence ne pouvant pas statuer sur des questions de droit de propriété, se déclare incompétent pour contestations sérieuses ; que le jugement N°2960/2010 rendu le 24 septembre 2010 dont font état les requérants ne leur est pas opposable car ils n’en étaient pas parties ;
Que par ordonnance N°0447/2012 rendue le 9 juillet 2012, le vice-président du Tribunal de première instance de Lomé a dit que le jugement N°2960/2010 du 24 septembre 2010 est inopposable aux requis et s’est déclaré incompétent pour statuer sur l’expulsion sollicitée ;
Que suivant l’arrêt N°383/2013 rendu le 18 décembre 2013, la Cour d’appel de Lomé a infirmé l’ordonnance susvisée et statuant à nouveau, ordonné l’expulsion des demandeurs au pourvoi de l’immeuble dont s’agit au motif qu’aux termes de l’article 242 alinéa 1 du code de procédure civile, « Les jugements passés en force de chose jugée, portant condamnation à délaisser la possession d’un héritage, sont exécutés contre les parties condamnées nonobstant la tierce opposition et sans y préjudicier » ;
Attendu qu’en statuant ainsi alors que les demandeurs au pourvoi n’ont jamais été parties au jugement N°2960 rendu le 24 septembre 2010 ni appelés à cette instance et n’ont pas été condamnés par ledit jugement, la Cour d’appel de Lomé a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, publiquement, en matière civile et en état de cassation ;
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi ;
AU FOND
Casse et annule l’arrêt N°383/2013 rendu le 18 décembre 2013 par la Cour d’appel de Lomé ;
Renvoie cause et parties devant la même Cour autrement composée pour qu’il soit par elle statué, à nouveau, conformément à la loi ;
Ordonne la restitution de la taxe de pourvoi aux demandeurs au pourvoi ;
Condamne les défendeurs au pourvoi aux dépens ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge ou au pied de la décision critiquée ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience publique ordinaire du jeudi vingt-deux décembre deux mille seize (22-12-2016) à laquelle siégeaient :
Monsieur Agbenyo Koffi BASSAH, conseiller à la chambre judiciaire de la Cour suprême, PRESIDENT ;
Messieurs Koffi KODA, Essozinam ADI-KPAKPABIA, Badjona SAMTA et Gbeboumey Ananou Galley EDORH, tous quatre conseillers à ladite chambre, MEMBRES ;
En présence de monsieur Ap AH, deuxième avocat général près la Cour suprême ;
Et avec l’assistance de maître Awié ATCHOLADI, Attaché d’Administration, greffier à ladite cour, GREFFIER ;
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier
PRESENTS :
MM
BASSAH : PRESIDENT
KODA, ADI-KPAKPABIA, SAMTA, EDORH : Membres
KANTCHIL-LARRE: M. Al
B : GREFFIER
ARRET N°112/16 DU 22 DECEMBRE 2016
POURVOI N°62/RS/14 DU 06 MAI 2014