COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 06 SEPTEMBRE 2019
N° 2019/320
Rôle N° RG 16/23195
N° Portalis DBVB-V-B7A-7YZD
[ZU] [NS] épouse [Z]
C/
SCA COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PI ERREVERT
Copie exécutoire délivrée le :
06 SEPTEMBRE 2019
à :
Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 15 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° F15/00051.
APPELANTE
Madame [ZU] [NS] épouse [Z]
née le [Date naissance 1] 1967de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SCA COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PI ERREVERT au nom commercial COOPERATIVE LES COTEAUX DE PIERREVERT,société coopérative agricole immatriculée au RCS de MANOSQUE, demeurant [Adresse 1]
représentée Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE et Me Jean-eymeric BLANC, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Nathalie FRENOY, Conseiller
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2019,
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [ZU] [NS] épouse [Z] a été embauchée en qualité de secrétaire le 1er avril 1999 par la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT.
Elle travaillait sous la responsabilité hiérarchique de sa mère, Madame [NS], responsable comptable, jusqu'au départ à la retraite de cette dernière en juillet 2003 et son remplacement par Monsieur [PA].
Madame [ZU] [Z] a écrit à plusieurs reprises auprès de sa direction entre 2004 et 2012 pour se plaindre de manquements de Monsieur [PA].
Elle a été élue en 2005 déléguée du personnel suppléante.
Elle a été en congé maternité en 2012, a repris son poste en février 2013, et a été en congé sans solde de mi-octobre 2013 à fin décembre 2013.
Elle a été en arrêt de travail à compter du 20 décembre 2014.
Par requête du 12 mars 2015, Madame [ZU] [Z] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et de demandes en paiement d'indemnités de rupture.
Elle a été déclarée inapte en une seule visite par le médecin du travail le 2 février 2016 et a été licenciée pour inaptitude le 4 mai 2016, après autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail en date du 26 avril 2016.
Par jugement du 15 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains a débouté Madame [ZU] [Z] de l'ensemble de ses demandes.
Ayant relevé appel, Madame [ZU] [NS] épouse [Z] conclut, aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 6 mars 2017, à ce qu'il soit jugé que la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT a manqué gravement à ses obligations de loyauté et de sécurité à l'égard de Madame [Z], à ce qu'il soit jugé que l'inaptitude prononcée par la médecine du travail à l'égard de la salariée revêt une origine professionnelle, à ce qu'il soit constaté que l'employeur n'a pas consulté les délégués du personnel, pour avis, à ce qu'il soit jugé que la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT n'a pas respecté son obligation de reclassement, à ce qu'il soit jugé que la demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur présentée par Madame [Z] était justifiée au jour de la saisine du Conseil, à ce qu'il soit jugé que la résiliation judiciaire prononcée emporte les conséquences d'un licenciement nul, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit jugé que le licenciement de Madame [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, à la condamnation de la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT au paiement des sommes suivantes au profit de Madame [Z] :
-55 230,72 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi par le caractère nul ou abusif du licenciement subi,
-9205,12 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur de Madame [Z],
-15 000 euros au titre du préjudice moral subi par Madame [Z] du fait des agissements déloyaux dont elle a fait l'objet durant plusieurs années et des conditions du licenciement subi,
-17 398,56 euros au titre du rappel de l'indemnité spéciale de licenciement,
-4602,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-460,25 euros au titre de l'incidence sur les congés payés,
-3898,14 euros à titre de rappel sur le solde des congés payés,
-3068,38 euros au titre du rappel des primes de 13ème mois pour les années 2015 et 2016,
- 3500 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel,
à la condamnation de la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT au paiement des dépens de l'instance, à ce qu'il soit enjoint à la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT de remettre à la salariée son bulletin de paie de février 2016, lequel ne lui a jamais été transmis, ainsi que les documents de rupture rectifiés compte tenu des condamnations entreprises, à ce qu'il soit enjoint à la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT de produire aux débats le registre d'entrées et de sorties du personnel sur la période de décembre 2014 à décembre 2016, au débouté de la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à ce que la moyenne des salaires soit fixée à la somme de 2301,28 euros, à ce qu'il soit jugé que les condamnations prononcées porteront intérêts de droit au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et à ce que soit ordonnée la capitalisation des intérêts.
La SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT conclut, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2019, à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes, à ce qu'il soit jugé :
-que Madame [Z] ne rapporte pas la preuve de manquements graves de la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT à ses obligations de loyauté et de sécurité à son égard,
-que l'inaptitude prononcée par la médecine du travail à l'égard de Madame [Z] n'a pas d'origine professionnelle,
à ce que soient rejetées :
-la demande principale de Madame [Z] de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur emportant les effets d'un licenciement nul,
-la demande subsidiaire visant à ce que le licenciement de Madame [Z] soit considéré comme sans cause réelle et sérieuse,
-l'intégralité des demandes indemnitaires présentées par Madame [Z], c'est-à-dire les demandes suivantes :
. 55 230,72 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi par le caractère nul ou abusif du licenciement subi,
. 9205,12 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur de Madame [Z],
. 15 000 euros au titre du préjudice moral subi par Madame [Z] du fait des agissements déloyaux dont elle a fait l'objet durant plusieurs années et des conditions du licenciement subi,
. 17 398,56 euros au titre du rappel de l'indemnité spéciale de licenciement,
. 4602,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 460,25 euros au titre de l'incidence sur les congés payés,
. 984,60 euros à titre de rappel sur le solde des congés payés,
. 3898,14 euros à titre de rappel de salaire sur le solde des congés payés,
. 3068,38 euros au titre du rappel des primes de 13ème mois pour les années 2015 et 2016,
. 3500 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700,
à ce qu'il soit constaté :
-au vu de l'article 954 du code de procédure civile et au vu du dispositif des conclusions d'appelant que la Cour n'est saisie d'aucune demande relative à un harcèlement moral et, à titre subsidiaire, si la Cour s'estimait saisie, à ce que soit rejetée la demande relative à la reconnaissance de l'existence d'un harcèlement moral et à son indemnisation,
-que compte tenu de l'autorisation administrative de licenciement, la cour d'appel ne peut se prononcer sur la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [Z] qui sera donc rejetée,
-que compte tenu de l'autorisation administrative de licenciement, les questions de l'obligation de reclassement et de la régularité de la procédure de licenciement (consultation des délégués du personnel) ne peuvent pas être examinées par la cour d'appel et en conséquence, que le licenciement sera jugé comme reposant sur un motif réel et sérieux,
-que la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT a parfaitement rempli ses obligations légales et contractuelles à l'égard de Madame [Z],
à ce que Madame [Z] soit condamnée :
-à payer à la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT la somme de 2000 euros à titre de dommages intérêts,
-à payer à la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée à la date du 24 janvier 2019.
SUR CE :
Sur la communication des conclusions de l'appelante :
Le conseil de Madame [Z] a déposé à l'audience des "conclusions récapitulatives et en réponse n° 3 d'appelant principal", sur la première page desquelles il est précisé qu'elles ont été "notifiées par RPVA le 29/11/2018", auxquelles est joint "un bordereau n° 2 de transmission de pièces", sur lequel apparaissent de nouvelles pièces numérotées 152, 153 et 154.
Ces conclusions n'ont nullement été communiquées par voie électronique à la partie adverse, pas plus que les pièces 152 à 154.
En conséquence, la Cour est saisie des conclusions de l'appelante notifiées par voie électronique le 6 mars 2017 et les pièces 152 à 154 sont écartées des débats.
Sur les demandes de résiliation judiciaire et d'indemnité pour violation du statut protecteur :
Madame [ZU] [Z] fait valoir qu'elle a présenté une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur préalablement au licenciement notifié le 4 mai 2016, que conformément aux arrêts de principe rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation le 7 novembre 2006, lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, que la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur en raison notamment du harcèlement moral dont la salariée a été victime sur son lieu de travail produit les effets d'un licenciement nul, qu'il en est de même de la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié qui bénéficie de la protection dictée par les dispositions de l'article L.2411-5 du code du travail, qu'il conviendra, par conséquent, à la Cour de constater que la rupture du contrat de travail de Madame [Z] produit les effets d'un licenciement nul d'un salarié protégé, qu'elle a droit au paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur dont elle bénéficiait jusqu'au mois de septembre 2016 à hauteur de quatre mois, soit 9205,12 euros, ainsi qu'au paiement de dommages intérêts pour le préjudice subi du fait de la nullité du licenciement.
La SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT réplique que lorsqu'un licenciement d'un salarié protégé a été notifié à la suite d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur, ni le conseil de prud'hommes, ni la cour d'appel ne peuvent, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié même si, comme en l'espèce, sa saisine était antérieure à la rupture du contrat de travail, que la Cour constatera donc l'impossibilité qui est la sienne de se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [ZU] [Z], que de même, lorsque le licenciement a été autorisé par l'inspection du travail, le salarié ne peut prétendre à l'indemnité pour violation du statut protecteur, que la Cour devra rejeter la demande de Madame [Z], au demeurant, qu'ils agit d'une demande nouvelle en cause d'appel et donc irrecevable, et prescrite de surcroît.
Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l'administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement ; il ne lui appartient pas en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d'un harcèlement dont l'effet serait la nullité de la rupture du contrat de travail ; ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations ; toutefois, le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur.
Madame [ZU] [Z], qui a saisi la juridiction prud'homale par requête du 12 mars 2015 d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 4 mai 2016 après autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail en date du 26 avril 2016.
En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, la Cour ne peut se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire de Madame [ZU] [Z], laquelle est donc déclarée irrecevable.
Par ailleurs, alors que la salariée a été licenciée le 4 mai 2016 après autorisation de l'inspecteur du travail, la rupture du contrat de travail de Madame [ZU] [Z] n'est donc pas intervenue en méconnaissance de son statut protecteur. Il s'ensuit que la salariée doit être déboutée de sa demande d'indemnité pour violation du statut protecteur.
Sur les manquements de l'employeur à ses obligations de loyauté et de sécurité :
Madame [ZU] [Z] invoque, au titre des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles et légales de loyauté et de sécurité en méconnaissance des articles L.1222-1, L.4121-1 et suivants du code du travail et L.1152-1 du même code, les manquements suivants :
-des agissements de harcèlement moral répétés sur plusieurs mois, voire années,
-des différences de traitement dans le salaire,
-la modification progressive de ses attributions et sa mutation/sanction dès le 31 août 2004 à un poste de traçabilité, sans même qu'un avenant à son contrat de travail ne lui soit proposé, avec un déménagement effectif et sans préavis de son bureau durant un weekend par la direction, à l'issue duquel elle a été placée dans un local dépourvu de porte, de chauffage et d'outils de travail,
-l'absence de formation professionnelle lors de son affectation au nouveau poste créé, malgré ses demandes,
-l'absence de toute évolution salariale à l'exception des augmentations légales depuis son embauche,
-l'absence totale de réaction de la direction à ses plaintes légitimes,
-l'absence de réponse de la direction à ses demandes de réunion une fois élue déléguée du personnel suppléante en 2005,
-à son retour à son poste de travail en janvier 2014, les moqueries de ses Présidents, auxquels s'associaient désormais certains collègues de travail,
-une altercation dont elle était victime à son poste de travail de la part de Messieurs [ZT] et [HA] au sujet de plannings modifiés sans délai de prévenance,
-une nouvelle éviction à son poste de travail pendant 15 jours, début décembre 2014, la direction la plaçant en plein hall d'entrée, sans aucun outil de travail,
-l'absence totale de loyauté des deux présidents dans leurs courriers adressés tant à la salariée qu'à sa mère,
-les propos mensongers de la direction et ses préposés dans le cadre de l'enquête entreprise par la MSA suite au refus d'AT soulevé par l'employeur,
-l'accident du travail dont la salariée a été victime le 19 décembre 2014 et qui a finalement été reconnu par le tribunal des affaires de sécurité sociale par jugement du 21 décembre 2016,
-l'inaptitude définitive reconnue par le médecin du travail en une seule visite pour danger immédiat,
-le défaut de paiement des salaires dus à la salariée à l'issue du mois suivant sa mise en inaptitude définitive,
-une dégradation de ses conditions de travail, ayant entraîné une grave réaction anxieuse dépressive de la salariée et finalement l'inaptitude définitive prononcée par la médecine du travail.
Madame [ZU] [Z] réclame au titre du préjudice moral qu'elle a subi du fait des agissements déloyaux de son employeur la somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts.
La SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT réplique que la majeure partie des faits relatés par Madame [Z] est prescrite, qu'elle ne peut en effet faire état que de faits se situant entre le 12 mars 2013 et le 12 mars 2015 eu égard à la prescription biennale de l'article L.1471-1 du code du travail, que le fait de se prévaloir de griefs aussi anciens démontre la vacuité du dossier de Madame [Z], que les faits prescrits ne sauraient être invoqués à l'appui d'une demande d'indemnisation, que les griefs ne sont pas établis, que la coopérative PIERREVERT n'a nullement manqué à ses obligations de loyauté et de sécurité à l'égard de Madame [Z], que l'accident du travail ne saurait être pris en considération pour apprécier une éventuelle indemnisation de la salariée puisqu'il a nécessairement été pris en considération par l'inspection du travail dans le cadre de la procédure d'autorisation du licenciement de la salariée, que l'avis d'inaptitude mentionne que l'inaptitude est sans lien avec une maladie ou un accident professionnel et n'a fait l'objet d'aucune contestation, qu'il ne peut être fait droit à la demande d'indemnisation au titre de fautes commises par l'employeur lorsque les manquements invoqués par la salariée ont nécessairement été pris en considération par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure d'autorisation de licenciement, qu'à l'évidence, la question de l'accident du travail de Madame [Z] a été prise en considération par l'inspecteur du travail, que dès lors le grief tenant d'une part à l'accident du 19 décembre 2014 et d'autre part à l'inaptitude ne peut venir justifier une demande d'indemnisation de Madame [Z], qui doit être déboutée de sa demande en paiement de 15 000 euros pour préjudice moral.
La SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT invoque également qu'à la lecture du dispositif des conclusions d'appelant, la Cour constatera qu'elle n'est saisie d'aucune demande visant non seulement à la reconnaissance d'un prétendu harcèlement moral, ni même d'une demande d'indemnisation à ce titre, et qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable du 1er janvier 2011 au 1er septembre 2017, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, que la Cour n'est donc saisie d'aucune demande relative à un harcèlement moral et, à titre subsidiaire, si la Cour s'estimait saisie, elle constatera l'absence du caractère répétitif des comportements dénoncés par Madame [Z], l'absence de conditions de travail dégradantes, l'évolution professionnelle avérée de Madame [Z], le fonctionnement équitable de la coopérative dans le traitement de ses salariés, l'absence de violence physique et verbale à l'encontre de Madame [Z] sur son lieu de travail et l'absence de situation de harcèlement moral.
Alors que la société LES COTEAUX DE PIERREVERT invoque la prescription biennale de l'article L.1471-1 du code du travail, qui a réduit de 5 ans à 2 ans le délai de prescription pour engager une action prud'homale, il convient toutefois d'observer que Madame [Z] a introduit son action devant le conseil de prud'hommes le 12 mars 2015, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la prescription des actions en justice et qu'à la date de la promulgation de ce texte, la prescription quinquennale des actions en justice pour les faits postérieurs au 12 mars 2010 n'était pas acquise, de sorte que le nouveau délai de 2 ans a commencé à courir à cette date sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée de 5 ans prévue par la loi antérieure. De surcroît, le deuxième alinéa de l'article L.1471-1 du code du travail dispose que le premier alinéa, qui prévoit une prescription spéciale, n'est pas applicable aux actions exercées notamment en application de l'article L.1152-1 du code du travail, soit au titre d'un harcèlement moral.
Il s'ensuit que Madame [ZU] [Z] peut invoquer, au titre des manquements reprochés à l'employeur à ses obligations contractuelles et légales, les faits postérieurs au 12 mars 2010 et non prescrits.
Ne seront donc pas examinés par la Cour les éléments se rapportant à des faits antérieurs au 12 mars 2010 et notamment les attestations de Messieurs [FS] [X], [A] [D], [G] [LB] et [IJ] [J] [R] qui relatent des faits prescrits (pièces 94, 96, 97, 98).
Si Madame [Z] ne présente pas, dans le dispositif de ses conclusions, de demande de reconnaissance d'un hacèlement moral, elle invoque toutefois dans le corps de ses conclusions des agissements d'harcèlement moral au titre des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles et légales de loyauté et de sécurité, au titre de l'origine professionnelle de son inaptitude et de la nullité de la rupture de son contrat de travail, et que la Cour doit donc examiner le harcèlement moral évoqué par la salariée comme moyen de fait et de droit sur lequel ses autres prétentions sont fondées.
Il a été vu ci-dessus qu'il n'appartient pas à l'administration du travail, chargée de vérifier que l'inaptitude physique de la salariée est réelle et justifie son licenciement, de rechercher la cause de cette inaptitude ; ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que la salariée fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'elle l'attribue à des manquements de l'employeur à ses obligations ; le juge judiciaire est donc compétent, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement et notamment des agissements de harcèlement moral.
Madame [ZU] [Z] produit les éléments suivants, postérieurs au 12 mars 2010 :
-un tableau des augmentations de salaire de Madame [Z], correspondant aux augmentations légales sur les années 2004 à 2014 (pièce 114) ;
-un courrier du 17 novembre 2013 de Madame [Y] [PB] s'étonnant de ne pas avoir d'heures de nuit sur ses bulletins de salaire des mois de septembre et octobre 2013, indiquant être la seule employée du personnel des vendanges à ne pas bénéficier de ces heures de nuit, et se plaignant par ailleurs du "comportement irrespectueux et agressif (de M. [PA]), des gestes déplacés à (son) égard et envers diverses personnes'" (pièce 46) ;
-un courrier de Madame [Z] du 3 juin 2010 demandant la régularisation de son bulletin de salaire de mai 2010 quant au décompte des congés payés, au calcul de l'indemnité de congés payés, au décompte des heures de maladie, au non paiement d'heures supplémentaires et au "positionnement et contrat de travail au 1er janvier 2008. À régulariser" (pièce 38) ; le courriel en réponse du 9 juin 2010 de [IJ] [J] [R] indiquant prendre note de ses remarques, ayant transmis ses demandes au cabinet chargé des paies et ayant demandé une régularisation "pour ce mois ci" (pièce 39) ;
-une liste des tâches de Madame [Z] "sous l'autorité du responsable de cave [F] [QJ]" "hors période de vendanges" éditée le 19 novembre 2010 (pièce 40) ;
-l'attestation du 1er juin 2015 de Monsieur [C] [PA] qui relate des faits non datés ne permettant pas de savoir s'ils sont prescrits (" Le Conseil d'administration au travers de son Président s'évertue à entretenir une relation compliquée avec les salariés et notamment Mme [Z]. L'absence de directives écrites crée un déséquilibre permanent toujours favorable à l'employeur "tu n'as pas compris'j'ai pas demandé ça" de plus il n'existe aucune fiche de poste par salarié'"), mais également d'autres faits datés :
« On peut aussi remarquer que l'employeur s'évertue à priver la salariée de la "veille" réglementaire en ne l'invitant pas à assister à des réunions de formation ou d'informations tant au niveau des services douaniers et autres que des organismes tels l'ODG des vins des Alpes, ou Certipaq' organisme de certification, ce qui complique encore un peu plus la tâche quotidienne de la salariée. En avril 2013 Mme [Z] a été écartée d'une formation sur le logiciel Adhérents alors qu'elle était censée s'en occuper à terme' Le Président pratiquait sans cesse l'ironie vis-à-vis de Mme [Z], ne se gênant pas pour lui opposer ses absences pour grossesse ou maladie en non réponse à la non organisation du travail et à l'arbitrage qui lui revient. Malgré toute sa bonne volonté, intégration du bureau "open space" en 2013 Mme [Z] n'a pu que subir en permanence ce harcèlement, qui est allé jusqu'à déplacer Mme [Z] dans un local technique ne répondant pas aux normes en vigueur de locaux à usage de bureaux » (pièce 100) ;
-un courrier recommandé du 5 février 2014 de Madame [ZU] [Z] adressé au président de la coopérative, Monsieur [UK] [HA], en ces termes :
« Depuis le 03 janvier 2014, date de ma reprise de travail, je n'ai subi de votre part que moqueries, agressivité et harcèlement
-soit en qualité de salariée
-soit en qualité de déléguée du personnel suppléante.
Je peux comprendre que le début de l'année 2014 vous soit difficile, mais je vous demande d'user de plus de respect et de tact lorsque vous vous adresserez à moi.
En espérant que cette mise en garde ne perturbe pas la vie dans l'entreprise, veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées » (pièce 52) ;
-un courrier du 10 février 2014 de Madame [ZU] [Z] adressé aux "Présidents [HA] et [S]", faisant état des formations qu'elle avait suivies :
« j'ai rencontré le formateur [JS] 4 fois tout au plus depuis 2010
j'ai rencontré le formateur [Q] 2 fois tout au plus depuis 2010.
Je vous rappelle aussi que j'étais isolée à l'autre bout du service administratif et comptable durant les années 2010, 2011, 2012. Vous avez déménagé mon bureau pour être au plus près du service administratif courant mai ou juin 2013 avec pour exigence que je sois au plus près de la vie de l'entreprise.
C'est ainsi que je n'ai pas été conviée, tout au long des années 2010, 2011, aux différents entretiens entre le service administratif et comptable et les formateurs [JS]. Par exemple : cahiers des charges, gestion des circuits de vtes, d'achats, gestion des statistiques, etc.
Pour information, vous trouverez ci-après les différentes dates de formations auxquelles j'ai assisté'
Or dans le cursus prévisionnel de formation de VITAREA (Fournisseur des programmes) :
Pour MERKER-GESTION et DOUANES : 15 jours ont été prévus.
Pour MERKER-CAISSE : 3 ont été prévus.
Je devais participer à toutes ces formations et je n'ai eu que 3 jours 1/2 de formation'
Par ailleurs, je vous rappelle que j'ai été absente durant toute l'année 2012, suite à ma grossesse difficile. Lors de mon retour de maternité en février 2013, Mr [HA] me propose et me demande de bien vouloir participer à la formation à venir concernant l'établissement de la déclaration de récolte suite au prochain départ de Mr [PA] : j'accepte.
Or, une formation a eu lieu le 14 avril 2013, concernant les coopérateurs' en présence de Mme [PB] et Mr [YJ]. Et je n'y ai pas été conviée' » (pièce 53) ;
-le courrier en réponse du 14 février 2014 de Monsieur [UK] [HA], Co-président, en ces termes : « J'ai bien reçu votre dernière lettre recommandée avec AR, dont les termes m'ont beaucoup surpris.
Il n'a jamais été dans mes intentions ni de me moquer ni de vous déranger, ni de vous agresser, et encore moins de vous harceler.
Je ne conçois ni ne comprends que vous ayez pu vous sentir l'objet d'un quelconque ressentiment de ma part.
La coopérative dans son ensemble traverse une période difficile, et il s'agit pour moi de tenter de régler le maximum de problèmes, en demandant à chacun un effort dans son travail. Je n'ai peut-être pas le temps en ce moment de faire très attention à mes expressions, et ce que vous avez pu prendre pour des mots désagréables et agressifs, et heureusement que vous êtes la seule dans ce cas, n'est en réalité qu'une expression verbale que l'on pourrait peut-être qualifier de "brute de décoffrage", sans plus, et en tout cas sans aucune acrimonie.
La coopérative compte sur vous comme sur tous ses autres salarié(e)s pour parvenir à une qualité de travail optimale, dans la plus grande sérénité. C'est au nom de cet objectif que je vous réponds par lettre simple que je vous remets personnellement' » (pièce 55) ;
-un courrier du 7 avril 2014 de Monsieur et Madame [Z], en leur qualité de délégués du personnel, adressé au président de la coopérative pour réclamer des régularisations de salaires (augmentation conventionnelle de 1% applicable à compter du 1er février 2014, augmentation de l'avantage logement, demande de versement de l'indemnité de congés payés 2012/2013) (pièce 58) ;
-un courriel du 21 mai 2014 de Madame [ZU] [Z] adressé à Monsieur [UK] [HA] pour lui fournir des explications sur le choix des médailles, précisant qu'elle ne décide pas si l'on doit mettre des médailles sur les produits (pièce 60) ;
-un courrier du 30 septembre 2014 de Monsieur et Madame [Z], en leur qualité de délégués du personnel, demandant des modifications à apporter sur la feuille d'heures pour les salariés permanents et rappelant que leurs propres indemnités de congés payés n'ont toujours pas été réglées (pièce 63) ;
-un courriel du 30 septembre 2014 de Madame [ZU] [Z] adressé à Monsieur [ZT] sur la "parité lors des réunions DP" (pièce 64) ;
-un courrier recommandé du 3 décembre 2014 des Présidents de la société LES COTEAUX DE PIERREVERT adressé à Madame [ZU] [Z] : « Madame,
Nous avons de très bonnes raisons de penser que vous rapportez à l'extérieur de notre coopérative tous les événements qui s'y déroulent, discussions et propos qui s'y tiennent, et que vous exposez sans retenue nos règles d'organisation et nos structures professionnelles. Le fait que ce le soit dans un cercle familial (du moins voulons-nous le penser) n'enlève rien à la contrariété que cela nous procure' Aussi, nous vous rappelons si besoin est que, comme tout salarié, vous êtes tenue à un devoir de loyauté envers votre employeur, et à une obligation de discrétion et de réserve sur tout ce qui s'y passe et qui vient à votre connaissance' » (pièce 65), ainsi qu'un courrier recommandé du 3 décembre 2014 adressé par les présidents de la coopérative à Madame [T] [NS] (mère de Mme [Z]) pour lui rappeler qu'elle ne fait plus partie du personnel salarié depuis au moins 10 années, suite à son départ à la retraite, et qu'elle intervient "de façon récurrente auprès des présidents qui se sont succédé depuis (son) départ, pour (se) plaindre de l'organisation et de la gestion de notre coopérative et critiquer vertement tout ce que nous faisons ou entreprenons. Le vendredi 28 novembre 2014, tard le soir, vous avez une nouvelle fois téléphoné au président [UK] [HA]. La "conversation" a duré une heure et quarante cinq minutes. Le moins que l'on puisse dire est que vous êtes parfaitement renseignée sur tout ce qui se passe dans la coopérative'" et demandant à Madame [T] [NS] de ne plus mettre en cause ni dénigrer la coopérative (pièce 66) ; le courrier en réponse du 13 décembre 2014 de Madame [T] [NS] indiquant que le fonctionnement de la cave n'a plus aucun intérêt pour elle, "par contre, je m'intéresse au bien-être physique et moral de mes enfants" (pièce 68) ;
-le courrier du 1er décembre 2014 adressé par Monsieur et Madame [Z] à Madame [Y] [PB], faisant état de "quelques erreurs et manquement" sur leurs bulletins de salaire et lui demandant "expressément, et au plus tard le 5 décembre 2014" de régulariser les bulletins de salaire du mois de novembre 2014 "en y ajoutant des lignes pour rappel de salaires", de fournir par écrit des explications demandées et de transmettre "les copies des demandes de dérogation et d'autorisation relatives aux vendanges 2014 accompagnées des réponses de la DIRECCTE" (pièce 67-2) ;
-le courrier recommandé du 12 décembre 2014 de Madame [ZU] [Z], adressant aux présidents de la coopérative la copie du courrier adressé à [Y] [PB] le 1er décembre 2014 "concernant une explication (déjà demandée en date du 7 avril 2014) des erreurs ou revendications relatives aux bulletins de salaire du mois d'octobre 2014 de [E] et [ZU] [Z]", expliquant que "le 10 décembre 2014, [Y] [PB] me remet mon bulletin de salaire du mois de novembre 2014 et, me rendant mon courrier du 1er décembre 2014 (ce qui me paraît anormal), me signifie avec méchanceté et agressivité :
1- qu'elle n'avait pas apprécié le terme "expressément",
2- qu'elle ne s'occupait pas des bulletins de salaire,
3- que ce courrier ne la concernait pas.
Malgré tout, je constate que certaines des revendications ont été réglées sur le bulletin de salaire du mois de novembre 2014'
Je me permets de vous demander à qui doit-on s'adresser lorsque nous constatons des erreurs ou irrégularités ou lorsque nous avons des questions à poser d'ordre social '" (pièce 67-1) ;
-le courrier recommandé du 12 janvier 2015 de Madame [ZU] [Z] adressé à son employeur, sollicitant la régularisation des erreurs sur le décompte des jours ouvrables d'arrêt maladie et du calcul du maintien du salaire, la salariée indiquant qu'il restait à lui devoir la somme de 48,19 euros (pièce 73) ;
-le courrier du 23 décembre 2014 de [Y] [PB] adressé à [ZU] [Z] en ces termes : « Vous avez pris l'habitude depuis quelque temps de me remettre en main propre des lettres qui me sont personnellement adressées et qui contiennent des revendications ou récriminations relatives à vos bulletins de salaire ou à celles de votre époux. En dehors du fait que je suis toujours étonnée que vous jugiez utile de communiquer par lettre avec vos collègues de travail (deux ou trois mètres seulement séparent nos deux bureaux, dans la même pièce) je tiens à vous faire remarquer que, pas plus que vous, je n'ai un statut de responsable administratif, et qu'il ne vous appartient pas de me remettre des plis quelque soit leur contenu quand ils concernent l'administration ou le fonctionnement de la cave.
La dernière fois, je suis allée vous rendre votre pli, en présence de votre mari, et non loin de plusieurs membres du personnel, et vous vous êtes à ce moment-là, l'un et l'autre, violemment emportés contre moi car je vous rendais votre courrier.
Je tiens à vous faire savoir qu'il s'agit là d'un comportement inadmissible, pour la double raison que je suis une de vos très anciennes collègues de travail, et que vous êtes déléguée élue du personnel, suppléante de votre mari lui-même délégué titulaire, et que votre rôle devrait plutôt être de maintenir la cohésion sociale au sein de l'entreprise, au lieu de succomber à vos sautes d'humeur personnelles ou de provoquer des polémiques qui n'intéressent que vous.
Vous avez jugé utile de faire parvenir ce courrier au conseil d'administration, qui en a pris connaissance et qui m'a entendu dans mes explications.
Je vous remercie de vous adresser à l'avenir à votre supérieur hiérarchique qui soit réceptionnera vos nombreux plis, soit vous désignera la personne habilitée à les recevoir. S'ils me désignent et seulement dans ce cas-là, vous me le remettrez » (pièce 72) ;
-le courrier recommandé du 16 décembre 2014 de Madame [ZU] [Z] dénonçant des irrégularités sur son bulletin de salaire de novembre 2014 (décompte des jours ouvrables d'arrêt maladie du 17 au 26 novembre 2014 et calcul du maintien du salaire, dont elle indique qu'il reste à lui devoir la somme de 48,19 €) (pièce 69) ;
-le procès verbal d'audition de Madame [ZU] [Z] le 17 décembre 2014 devant les services de gendarmerie, dénonçant des agissements de harcèlement moral sur son lieu de travail (pièce 70) ;
-le planning des vendanges 2015 à PIERREVERT, sur lequel il est précisé que l'horaire hebdomadaire maximal est de 7 heures pendant 6 jours, l'appelante précisant que seuls certains employés avaient l'interdiction de dépasser les horaires (pièce 113) ;
-l'arrêt de travail initial pour maladie de [ZU] [Z] du 20 décembre 2014 mentionnant un "état anxio-dépressif réactionnel aigu", l'arrêt de travail initial du 23 janvier 2015 de l'accident du travail et les arrêts de prolongation jusqu'au 20 mars 2015 ; l'arrêt de prolongation du 25 mars 2015 pour accident du travail avec pour motif "horaires libre pour lutter contre l'isolement social consécutif à la pathologie socio dépressive" (pièces 75-1 à 79-1) ;
-le courrier du 24 février 2015 de la société LES COTEAUX DE PIERREVERT de contestation du caractère professionnel de l'accident du travail déclaré (pièce 103) ;
-le courrier du 6 mars 2015 de la MSA indiquant avoir sollicité l'employeur afin qu'il établisse une déclaration d'accident du travail, ce qu'il n'a pas fait "malgré plusieurs relances" et demandant à la salariée de compléter un formulaire d'accident du travail (pièce 80) ;
-la déclaration d'accident du travail remplie le 13 mars 2015 par Madame [ZU] [Z] mentionnant un "état anxio-dépressif majeur pour harcèlement professionnel" en date du 20 décembre 2014, avec le courrier joint de "déclaration d'accident du travail du 20/12/2014" mentionnant au titre des "circonstances de l'accident : À partir du 27 novembre 2014 au sein de mon travail et, suite à des réprimandes continues, pressions verbales, morales et écrites, ricanements, humiliations, surcharge de travail, honnêteté bafouée, ainsi que même des pressions familiales et déstabilisantes, venant de mes Présidents, de Mr [ZT] ainsi que de Mme [PB] [Y]'" (pièces 81 et 82) ;
-le courrier du 9 avril 2015 de la MSA annonçant une instruction complémentaire quant à la demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident et les procès-verbaux d'audition de Messieurs [L] [S] (co-président de la SCAV Coteaux de Pierrevert), [HB] [ZT] (auditeur externe) et [UK] [HA] et de Madame [Y] [PB] (secrétaire comptable) qui tous contestent les déclarations de harcèlement moral de Madame [ZU] [Z] (pièces 84 à 87) ;
-les attestations de Monsieur [E] [Z], époux de Madame [ZU] [Z], et de Madame [T] [NS], mère de Madame [ZU] [Z], établies à la demande de la MSA (pièces 88 à 91) ;
-le courrier du 26 mai 2015 de la MSA de notification de refus de reconnaissance de l'accident du travail (pièces 93) ;
-un rapport d'évaluation clinique du Docteur [O] [MK], médecin psychiatre, établi le 2 février 2015 à la demande de Madame [ZU] [Z] et concluant que "l'état de souffrance psychique actuel observé (chez Mme [Z]) constitue un diagnostic de "Troubles de l'adaptation à des facteurs de stress psychosocial avec réaction mixte anxieuse dépressive" et le diagnostic clinique retenu est compatible avec les allégations de facteurs de stress psychosociaux récurrents'" (pièce 101) ;
-la copie de son dossier individuel de santé au travail éditée le 23 février 2015, qui mentionne pour la première fois, à la date du 22 décembre 2014, les déclarations de la salariée relatives à un harcèlement moral subi (pièce 102) ;
-l'attestation du 15 janvier 2015 d'adhésion de Madame [ZU] [Z] à l'association de prévention et de lutte contre le harcèlement moral au travail en PACA, indiquant que la situation de l'intéressée "correspondait tout à fait aux critères d'adhésion que s'est fixé l'ALPHAMOTRA-PACA cooptant ses adhérents, à savoir : "Peut faire partie de l'association toute personne en situation de harcèlement moral au travail, reconnue victime de tels agissements par des professionnels de santé (psychologues du travail, psychiatres, médecins du travail)"..." (pièce 104) ;
-le certificat médical du 23 décembre 2015 du Docteur [E] [K], médecin psychiatre, qui déclare assurer "le suivi médico psychologique de Mme [Z] [ZU] depuis le 21 janvier 2015 pour un syndrome anxio-dépressif très sévère réactionnel à d'importantes difficultés rencontrées au travail' Toute reprise d'activité dans l'entreprise revêt un caractère dangereux pour la santé mentale de Mme [Z] : risque de rechute dépressive et majoration de l'angoisse'" (pièce 119) ;
-l'attestation du 26 janvier 2016 de Monsieur [E] [Z], délégué du personnel titulaire et époux de Madame [ZU] [Z] (17 pages d'attestation-pièce 124) ;
-la fiche d'examen médical du 2 février 2016 déclarant l'inaptitude de Madame [ZU] [Z] : "inaptitude totale et définitive à tous postes de travail dans l'entreprise. Il ne sera fait qu'une seule visite car danger immédiat à reprendre un quelconque poste de travail dans l'entreprise selon l'article R717-18 du code rural" (pièce 125) ;
-le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes de Haute-Provence en date du 21 décembre 2016, infirmant la décision du 26 mai 2015 de la caisse de mutualité sociale agricole Alpes Vaucluse refusant la prise en charge au titre de la législation du travail de l'accident du 19 décembre 2014 subi par Madame [ZU] [Z], et déclarant que celle-ci a été victime d'un accident du travail le 19 décembre 2014 pour les motifs suivants : « [...] L'existence d'un contexte professionnel général très difficile à vivre pour Mme [Z] pendant des années corrobore l'hypothèse d'un choc émotionnel soudain en 2014, lié à l'usure psychologique après tant d'années difficiles pour cette dernière. S'agissant plus particulièrement de l'épisode de crise du 19 décembre 2014, même si l'on met de côté les témoignages des proches de Mme [Z] (à savoir sa mère et son mari), les éléments médicaux tout à fait sérieux et nombreux versés aux débats attestent d'une crise émotionnelle soudaine subie par Mme [Z] sur son lieu de travail ou à cause de son travail' » (pièce 151).
Au vu des éléments ainsi produits par l'appelante, Madame [ZU] [Z] établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En réplique aux faits dénoncés par Madame [ZU] [Z] et jugés prescrits, la société LES COTEAUX DE PIERREVERT a produit des éléments concernant également la période antérieure au 12 mars 2010 et qui ne seront pas examinés par la Cour.
La société LES COTEAUX DE PIERREVERT fait valoir :
-que l'affirmation de l'appelante selon laquelle des différences de traitement existeraient au sein de l'entreprise est en totale contradiction avec le contenu de la pièce adverse n° 113 ; qu'en tout état de cause, en vertu de son pouvoir d'organisation, l'employeur peut demander à certains salariés d'effectuer des heures supplémentaires sans pour autant être dans l'obligation de proposer la même chose à l'intégralité des effectifs alors qu'il est évident que la période de vendanges impacte certains postes de travail plus que d'autres ;
-qu'une liste non exhaustive de ses tâches a été communiquée à Madame [Z] le 19 novembre 2010, rappelant la nécessaire polyvalence qu'impliquait son poste ; que celle-ci n'a jamais contesté la liste de ses tâches ; qu'une fiche de poste "définition du poste : employée traçabilité" (pièce 1.10) a été établie à la suite d'un audit à l'automne 2010 par un cabinet extérieur et a été proposée à Madame [Z], qui a refusé de la signer ;
La Cour observe que rien ne permet d'authentifier et de dater la fiche de poste ainsi versée par l'employeur, de même qu'il n'est pas justifié que cette fiche de poste aurait été présentée à Madame [Z] qui aurait refusé de la signer ;
-que Madame [ZU] [Z] confirme que la coopérative a systématiquement fait application des augmentations légales de salaires, la société intimée soulignant que la salariée n'a saisi la Cour d'aucune demande visant à bénéficier rétroactivement d'un coefficient supérieur à celui dont elle bénéficiait ou d'un rappel de salaire et que son salaire est passé de 1445,50 euros en janvier 2004 à 2088,98 euros en décembre 2014, soit une augmentation annuelle moyenne de 3,80 % ;
-que Madame [ZU] [Z] a refusé le poste de responsable comptable occupé par sa mère, lors du départ à la retraite de cette dernière (pièce 4-1) ;
-que la dénonciation de "moqueries" et d'agressivité des Présidents de la coopérative dans les courriers des 5 et 10 février 2014 de Madame [ZU] [Z] a fait l'objet de réponses de Monsieur [HA] (pièces 4.5 et 4.6) ;
-que le courrier du 10 février 2014 de Madame [ZU] [Z] (pièce adverse 53) démontre que la salariée reconnaît elle-même qu'elle a pu bénéficier de nombreuses formations, à hauteur d'une quinzaine de jours de formation sur trois ans ; que la société intimée justifie que Madame [Z] a bénéficié des formations requises par la production d'un tableau des formations qu'elle a effectuées du 21 janvier 2008 au 13 novembre 2014 avec des feuilles de présence (pièces 1-3), relevant par ailleurs les absences pour maladie et congés de la salariée dans un tableau versé en pièce 1-4, notamment ses absences pour maladie, maternité et congés à partir du 18 janvier 2012 jusqu'au 31 janvier 2013 ;
La Cour observe que les signatures de Madame [Z] apposées sur les feuilles de présence ne sont pas toutes identiques, que la liste des formations que la salariée a déclaré avoir suivies dans son courrier du 10 février 2014 pour une durée de 3 jours 1/2 au lieu de 18 jours prévus n'a pas été contredite par l'employeur dans son courrier en réponse du 14 février 2014, l'employeur n'ayant pas non plus contredit l'absence de convocation de la salariée à une formation le 14 avril 2013 et indiquant dans ses écritures que Madame [Z] a été privée de formation le 14 avril 2013 "du fait d'un simple oubli de convocation" et qu'elle a pu suivre cette formation quelques mois plus tard ;
-que le 27 novembre 2014, pour répondre à une problématique temporaire, Madame [Z] a été déplacée pour 14 jours dans le hall de la coopérative, dans le bureau de la Logistique, car elle ne parvenait pas à effectuer la déclaration de récolte pour laquelle elle avait été formée un mois auparavant, par une formation de trois jours sur site, et le logiciel étant uniquement installé sur son poste, Monsieur [N] et Madame [PB] se voyaient contraints d'occuper ce poste le temps d'effectuer ladite déclaration ;
-que le 1er décembre 2014, Madame [Z] a remis un courrier autoritaire à Madame [PB] en charge des paies avec copie à la direction, lui demandant la régularisation de celles-ci, alors même que les deux salariées travaillaient côte à côte ; que le 10 décembre, Madame [PB] est allée rendre en main propre le courrier qu'il ne lui appartenait pas de traiter, que s'en suivirent de violentes réprimandes de la part des époux [Z] ;
-que Madame [ZU] [Z] a régularisé le 23 janvier 2015 un certificat médical initial d'accident du travail, ce certificat n'étant pas porté à la connaissance de la coopérative, qu'aucun élément n'avait été porté à la connaissance de l'employeur concernant ce prétendu accident du travail ;
-que l'analyse des arrêts de travail et des prescriptions médicales produits par Madame [Z] montre que celle-ci s'est vu prescrire un traitement homéopathique pour traiter un syndrome dépressif, que le médecin traitant n'a pas renvoyé Madame [Z] vers un spécialiste, que l'arrêt de travail requalifié d'accident de travail a été antidaté et que la survenance de cet accident n'a jamais été notifiée par Madame [Z] à l'employeur ;
-que l'avis rendu par la médecine du travail le 2 février 2016 a précisé qu'il s'agissait d'une maladie ou d'un accident non professionnel et n'a jamais été contesté par la salariée.
La société LES COTEAUX DE PIERREVERT produit également, outre les procès-verbaux d'audition de Messieurs [HA], [S], [ZT] et [N] et de Madame [PB] devant l'enquêteur de la MSA, un courrier du 10 mai 2015 de Madame [Y] [PB] adressé à l'enquêteur de la MSA pour lui indiquer qu'elle "n'accepte pas les accusations de Mme [Z] (la) concernant (qu'elle) trouve calomnieuses, voire insultantes..." ainsi qu'un avis d'arrêt de travail de Madame [PB] du 17 au 24 avril 2015 et une prescription médicamenteuse d'un mois concernant Madame [PB], les témoignages suivants :
-les attestations dactylographiées des deux co présidents de la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT, Messieurs [L] [S] et [UK] [HA] démentant les accusations de Madame [ZU] [Z], ainsi que les attestations dactylographiées de Monsieur [IJ] [XB], administrateur de la cooperative et de Monsieur [P] [YJ], ancien président de la coopérative PIERREVERT de 2004 à 2009 et ensuite administrateur, rapportant qu'il n'y a jamais eu au sein de l'entreprise de harcèlement et faisant état de la "revendication fallacieuse d'accident du travail" de Madame [ZU] [Z] ;
-l'attestation du 15 décembre 2015 de Monsieur [F] [QJ], salarié de la coopérative depuis le 20 novembre 1977, qui présente l'historique de l'entreprise et rapporte que "quand du personnel se plaint et notamment de harcèlement moral et autres griefs, cela me peine car franchement à la cave de Pierrevert, certes il faut faire son travail mais ce n'est pas impossible loin de là'" ;
-l'attestation du 12 décembre 2015 de Madame [B] [M], entrée au service de la coopérative de Pierrevert en mai 2002, qui "atteste à ce jour n'avoir jamais fait l'objet ni de pressions verbales ou écrites, ni de remarques désagréables ou négatives, ni de remontrances infondées de la part des dirigeants et cadres qui se sont succédé. Mon employeur a toujours appliqué en conscience et en droit toutes ses obligations sociales (classifications légales, des congés, etc.) ainsi que ses obligations humaines" ;
-les attestations d'octobre à décembre 2015 de Madame [B] [W] et de Messieurs [CJ] [I], [U] [DA], [V] [H] et [MJ] [PB], salariés de la société LES COTEAUX DE PIERREVERT, qui déclarent n'avoir jamais fait l'objet de pressions verbales ou écrites, ni de remontrances injustifiées, ou n'avoir jamais subi de harcèlement ;
-l'attestation dactylographiée, non datée, de Monsieur [HB] [ZT], salarié de la société KIRILOF, travaillant partiellement au sein de la coopérative PIERREVERT à laquelle il rend des prestations de services en matière d'administration et de gestion, qui rapporte que Madame [Z] a bénéficié d'une formation de trois jours sur site mais qu'elle s'est révélée incapable d'établir la déclaration de récolte, finalement établie par Madame [PB] et Monsieur [N], Monsieur [ZT] relatant ce qu'il a "appris par la suite de la part de témoins directs de la scène lorsque Madame [PB] a remis sa dernière lettre à Madame [Z] en lui demandant de remettre désormais ces courriers directement au destinataire concerné'" et attestant n'avoir jamais "constaté directement, ni entendu dire ou parler, de situations de pressions quelconques et encore moins de harcèlement' Je déclare que les faits de violence verbale ou de bousculade ou d'empoignade que m'impute Madame [Z] sont faux et mensongers' Madame [Z] a vraisemblablement tenté après coup de monter de toutes pièces un accident du travail imaginaire'", outre le procès verbal d'audition de Monsieur [ZT] devant l'enquêteur de la MSA ;
-l'attestation 6 décembre 2015 de Monsieur [UJ] [N], salarié de la société LES COTEAUX DE PIERREVERT, qui témoigne : « La direction de la cave a toujours été compréhensive envers ses employés' Toutefois, des petites discordes ou altercations ont lieu de temps à autre. Cela est normal dans le monde du travail. Mais je dois dire que cela concernait particulièrement Mme [Z]. Il y a un an en particulier, j'ai été témoin d'une altercation entre cette dernière et Mme [PB] [Y], employée de la cave. Mme [Z] s'est montrée particulièrement agressive envers Mme [PB] à propos de documents à remettre à la cave. Cet épisode a eu lieu dans le hall de stockage, au bureau de la logistique. J'ajoute en outre que Mme [Z] était toujours réticente à l'emploi de nouveaux logiciels ou méthodes de travail. De façon récurrente, elle disait ne pas être suffisamment formée pour son travail. Pourtant, quand la déclaration de récolte 2014 lui a été confiée, elle a reçu la même formation que M. [Z] [E], Mme [PB] et moi-même. J'ai personnellement aidé Mme [Z] sur ce dossier à son début. L'échéance du dépôt final de la déclaration arrivait (10 décembre) ; voyant qu'elle n'avançait pas malgré de l'aide et une formation, M. [HA], Président de la Cave, lui a retiré le dossier et l'a confié à Mme [PB] et surtout moi-même. De fait, Mme [Z] a changé de bureau et pris place dans le bureau de la Logistique au plus près de la production, cela sans être mise à l'écart. De temps en temps, le personnel de la Cave se retrouve ensemble pour déjeuner à midi. Jamais M. et Mme [Z] (qui sont pourtant délégué et délégué adjoint du personnel) n'ont voulu se joindre à nous' Voilà, je conclus en répétant que l'ambiance est bonne au sein de mon entreprise, même meilleur depuis le début de l'absence de Mme [Z] ».
Au vu des éléments versés par les parties, la société LES COTEAUX DE PIERREVERT ne justifie pas par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement :
-l'absence de définition du poste de travail de Madame [ZU] [Z] malgré les réclamations de cette dernière notamment par courrier du 3 juin 2010, la communication d'une liste de tâches le 19 novembre 2010 apparaissant insuffisante à clarifier la situation contractuelle de la salariée dont d'autres tâches étaient susceptibles de lui être confiées en "période de vendanges",
-les divers manquements répétés signalés par la salariée quant à l'établissement de ses fiches de paie et calcul de ses salaires surtout les derniers mois de travail (courriers de réclamation des 3 juin 2010, des 30 septembre, 1er et 16 décembre 2014),
-l'isolement de la salariée "à l'autre bout du service administratif et comptable durant les années 2010, 2011 et 2012" dénoncé par Madame [Z] dans son courrier du 10 février 2014, sans que cette situation ne soit contredite par le co-président de la société LES COTEAUX DE PIERREVERT, Monsieur [EJ] [HA], dans son courrier en réponse du 14 février 2014, de même que ce dernier n'a pas démenti dans son courrier que la salariée avait suivi trois jours et demi de formation et qu'elle avait été privée de formation le 14 avril 2013 ("écartée d'une formation" selon le témoignage de M. [PA]) ;
-l'expression "brute de décoffrage" de Monsieur [EJ] [HA] vis-à-vis de Madame [ZU] [Z], même si le co président dénie toutes "moqueries, agressivité et harcèlement" dénoncés par la salariée, et "l'ironie" pratiquée sans cesse par le co président vis-à-vis de Madame [Z] selon le témoignage de Monsieur [PA],
-le contexte professionnel "très difficile" existant depuis des années, amenant la salariée à "une usure professionnelle" reconnue par le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui a reconnu le caractère professionnel de "l'épisode de crise du 19 décembre 2014" corroboré par les éléments médicaux versés aux débats.
En conséquence, la Cour reconnaît les agissements déloyaux de l'employeur et de harcèlement moral subis par la salariée.
Eu égard aux manquements de l'employeur qui n'a pas assuré la protection de la santé et de la sécurité de Madame [ZU] [Z] dans l'entreprise et qui n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail et au vu des certificats médicaux versés par l'appelante, la Cour accorde à Madame [Z] la somme de 7000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral.
Sur le licenciement :
Madame [ZU] [Z] invoque que son inaptitude, d'origine professionnelle a été consécutive à des manquements préalables de l'employeur, qu'à défaut d'annulation de son licenciement, la concluante sollicite sa requalification en un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme prévu légalement lorsque celui-ci est la conséquence directe d'un harcèlement moral, que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, que la coopérative LES COTEAUX DE PIERREVERT était parfaitement informée du recours entrepris par la salariée à l'encontre du refus de prise en charge de son accident au titre de la législation sur les risques professionnels et alors que l'inspecteur du travail a autorisé "le licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement de Mme [Z] [ZU]", la coopérative n'a pas consulté les délégués du personnel et qu'il s'ensuit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La société LES COTEAUX DE PIERREVERT réplique que l'avis d'inaptitude rendu par la médecine du travail précisait qu'il s'agissait d'une maladie ou d'un accident non professionnel et n'a jamais été contesté par la salariée, que la décision de l'inspecteur du travail ayant nécessairement pris en compte la question de l'accident du 19 décembre 2014 et l'inaptitude de la salariée s'impose à la Cour, qu'en tout état de cause l'employeur n'a pas eu connaissance du caractère professionnel de l'accident subi par la salariée antérieurement à son licenciement alors que ce n'est que par jugement du 21 décembre 2016 que le TASS des Alpes de Haute-Provence a jugé que Madame [Z] avait été victime d'un accident du travail, que l'employeur n'ayant donc eu connaissance du caractère professionnel de l'accident subi par la salariée que postérieurement à son licenciement (8 mois plus tard), il ne saurait lui être reproché d'avoir rompu le contrat de travail en méconnaissance des dispositions protectrices du code du travail, que la demande de Madame [ZU] [Z] visant à ce que l'inaptitude prononcée par la médecine du travail à l'égard de la salariée soit considérée comme ayant une origine professionnelle doit être rejetée, que le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, que la société concluante n'avait pas à consulter les délégués du personnel, qu'au surplus, la société concluante rapporte la preuve de l'exécution loyale de l'obligation de reclassement qui a par ailleurs été constatée par l'inspecteur du travail dans sa décision et que Madame [ZU] [Z] doit être déboutée de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il a été d'ores et déjà été vu qu'il n'appartenait pas à l'administration du travail, chargée de vérifier que l'inaptitude physique de la salariée est réelle et justifie son licenciement, de rechercher la cause de cette inaptitude ; ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que la salariée fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'elle l'attribue à des manquements de l'employeur à ses obligations ; à cet égard, il appartient au juge judiciaire, le cas échéant, de faire droit à la demande de dommages-intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
Alors qu'il a été reconnu que la salariée avait été victime d'agissements déloyaux de la part de son employeur et de harcèlement moral ayant eu des répercussions sur sa santé mentale, il ressort des éléments médicaux décrits ci-dessus que l'inaptitude de Madame [Z] est en lien direct avec le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il s'ensuit que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Au surplus, la société LES COTEAUX DE PIERREVERT était informée de la demande de reconnaissance par Madame [ZU] [Z] du caractère professionnel de l'accident du 19 décembre 2014 puisque ses co présidents, Messieurs [L] [S] et [UK] [HA], ont été entendus le 16 avril 2015 dans le cadre de l'enquête effectuée par la MSA suite à la déclaration d'accident du travail de Madame [ZU] [Z], laquelle a informé son employeur par courrier recommandé du 29 mars 2016 qu'elle avait entrepris un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour faire reconnaître le caractère professionnel de son accident, lui indiquant qu'elle considérait que son inaptitude était d'origine professionnelle.
La société LES COTEAUX DE PIERREVERT connaissait donc la volonté de la salariée de faire reconnaître le caractère professionnel de l'accident du 19 décembre 2014. Elle devait, par conséquent, appliquer les règles protectrices des victimes d'accident du travail. La société intimée ne prétend pas avoir consulté les délégués du personnel sur les recherches de reclassement de Madame [Z].
En conséquence, Madame [ZU] [Z] a droit à l'indemnité minimale de 12 mois de salaire prévue par l'article L.1226-15 du code du travail applicable au présent litige.
L'appelante ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle.
En considération de son ancienneté de 17 ans dans l'entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Madame [ZU] [Z] la somme brute de 27 615,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient d'accorder à Madame [ZU] [Z] la somme brute de 4602,56 euros à titre d'indemnité compensatrice en application de l'article L.1226-14 du code du travail applicable au présent litige, cette indemnité n'ouvrant pas droit aux congés payés afférents. La salariée est donc déboutée de sa demande en paiement d'indemnité de congés payés d'un montant de 460,25 euros.
Madame [ZU] [Z] a également droit à l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L.1226-14 du code du travail, égale au double de l'indemnité prévue par l'article L.1234-9 du code du travail. Il convient dès lors de faire droit à la réclamation de la salariée, selon les calculs détaillés qu'elle présente et qui ne sont pas discutés par l'employeur, et d'accorder à Madame [Z] la somme de 17 398,56 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement.
Sur les congés payés :
Du fait de la reconnaissance de l'accident du travail du 19 décembre 2014, Madame [ZU] [Z] peut prétendre à un rappel de congés payés acquis sur la période du 19 décembre 2014 jusqu'au 18 décembre 2015.
En conséquence, il est fait droit à la demande de la salariée au titre d'un rappel de congés payés pour un montant brut de 3898,14 euros, selon le calcul précis présenté par la salariée et non utilement discuté par l'employeur.
Sur les primes de treizième mois :
Madame [ZU] [Z] fait valoir que, conformément aux dispositions de l'article 24 de la convention collective nationale concernant les caves coopératives vinicoles, elle a droit au versement d'une prime de treizième mois après un an de présence effective, que les périodes de suspension pour accident du travail entrent en compte dans la durée d'ancienneté, de même que les périodes de maladie ou accident non professionnel dans la limite de trois mois, qu'en cas de départ en cours d'année, la salariée a droit au versement de la prime au prorata, qu'elle aurait dû bénéficier en décembre 2015 d'un treizième mois à hauteur de 2301,28 euros et, en 2016, au prorata de son temps de présence, d'un treizième mois à hauteur de 767,10 euros.
La société LES COTEAUX DE PIERREVERT fait valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle et que Madame [ZU] [Z] doit en être déboutée.
La suppression de la règle de la recevabilité des demandes nouvelles résultant de l'ancien article R.1452-6 du code du travail, par décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016 (article 45 du décret). Il en résulte que l'article R.1452-6 du code du travail, abrogé par l'article 8 et du décret du 20 mai 2016, continue à s'appliquer en l'espèce, l'instance ayant été introduite devant le conseil de prud'hommes de Marseille le 12 mars 2015.
L'employeur ne discutant pas par ailleurs le bien fondé et le calcul des sommes réclamées par Madame [ZU] [Z], il convient d'accorder à cette dernière la somme de 3068,38 euros à titre de rappel de primes de treizième mois pour les années 2015 et 2016.
Sur la délivrance des documents sociaux :
Il convient d'ordonner la remise par la société LES COTEAUX DE PIERREVERT du bulletin de paie de février 2016, dont il n'est pas discuté qu'il n'a pas été remis à la salariée, d'un bulletin de paie mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt.
Sur la demande reconventionnelle de l'intimée :
La salariée ayant été reçue en son appel, il convient de débouter la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT de sa demande en paiement de dommages intérêts au titre d'un comportement déloyal et abusif de la salariée.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Madame [ZU] [Z], tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame [ZU] [Z] de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail et de sa demande au titre d'un licenciement nul,
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Madame [ZU] [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT à payer à Madame [ZU] [Z] :
-7000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral,
-27 615,36 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-17 398,56 euros de rappel d'indemnité spéciale de licenciement,
-4602,56 euros d'indemnité compensatrice,
-3898,14 euros d'indemnité compensatrice de congés payés,
-3068,38 euros de rappel de primes de treizième mois de 2015 et 2016,
Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 13 mars 2015, avec capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d'une année à compter de la demande en justice,
Ordonne la remise par la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT du bulletin de paie de février 2016, d'un bulletin de paie mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,
Condamne la SOCIETE COOPERATIVE VINICOLE ET AGRICOLE LES COTEAUX DE PIERREVERT aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame [ZU] [Z] 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette tout autre prétention.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction