ARRET N°
HB/IH
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 25 MARS 2011
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 07 janvier 2011
N° de rôle : 10/01138
S/appel d'une décision
du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BELFORT
en date du 23 avril 2010
Code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
[B] [M] épouse [T]
C/
ASSAD 90
PARTIES EN CAUSE :
Madame [B] [M] épouse [T], demeurant [Adresse 2]
APPELANTE
COMPARANTE EN PERSONNE, assistée par Me Yves BOUVERESSE, avocat au barreau de MONTBELIARD
ET :
ASSAD 90, ayant son siège social [Adresse 1]
INTIMEE
REPRESENTEE par Me Sylvie MARCON-CHOPARD, avocat au barreau de BELFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats du 07 Janvier 2011 :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE
CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et M. Laurent MARCEL, Vice-président placé, délégué dans les fonctions de Conseiller par ordonnance de Monsieur le Premier Président
GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES
Lors du délibéré :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE
CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et M. Laurent MARCEL, Vice-président placé, délégué dans les fonctions de Conseiller par ordonnance de Monsieur le Premier Président
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 18 février et prorogé au 25 mars 2011 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [B] [T] a été engagée à compter du 3 janvier 2000 par l'association Assad 90 en qualité de directrice adjointe, puis à compter du 1er juillet 2002 en qualité de directrice générale moyennant une rémunération mensuelle brute de 6 580 €.
A la suite d'une importante dégradation du climat social dans l'entreprise, ayant abouti en janvier et février 2008 à une intervention des délégués du personnel CFDT, relayée par l'inspection du travail, dénonçant une dégradation des conditions de travail, des agissements de harcèlement moral et une souffrance au travail des personnels, mettant directement en cause le management de Madame [B] [T] dont le départ ainsi que celui du président en place, Monsieur [P] étaient demandés par le personnel, le conseil d'administration de l'association décidait le 5 mars 2008 la mise en oeuvre d'une médiation, confiée à l'UNA.
Le rapport des médiateurs mandatés par celle-ci, en date du 21 mars 2008, faisait le constat d'une confiance définitivement rompue entre la directrice d'une part, les cadres administratifs et les représentant du personnel d'autre part et préconisait un renouvellement de la direction, ainsi qu'une implication plus forte du conseil d'administration dans la politique de l'association et la défense des intérêts des personnels et usagers de celle-ci.
En congés payés à compter du 17 mars 2008 à la demande de l'employeur, puis en arrêt maladie à compter du 16 avril 2008 pour syndrome dépressif, Madame [B] [T] a été convoquée le 30 mai 2008 à un entretien préalable au licenciement fixé le 9 juin 2008, avec mise à pied conservatoire.
Elle a été licenciée pour faute grave le 14 juin 2008 aux motifs essentiellement :
- que son style de management directif et exprimé en termes peu valorisants avait généré un état de souffrance et d'épuisement du personnel et plongé l'association dans une situation de crise, à l'origine d'une désorganisation et d'un ralentissement de l'activité,
- qu'en dépit des mises en garde résultant de rapports d'audit commandés par elle en 2007, de courriers réitérés de l'inspection du travail, de remarques des représentants du personnel et du médecin du travail entre février et avril 2008, elle n'avait mis en oeuvre aucune mesure concrète de nature à remédier aux dysfonctionnements constatés, son immobilisme et ses certitudes ayant abouti à une situation de blocage irréversible rendant impossible la poursuite de son contrat de travail.
Contestant la légitimité de son licenciement, Madame [B] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Belfort le 9 septembre 2008 de diverses demandes en paiement de rappels de salaires et de congés payés, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour harcèlement moral.
Par jugement en date du 23 avril 2010, auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le conseil l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens.
Régulièrement appelante de ce jugement, par lettre recommandée en date du 30 avril 2010, Madame [B] [T] demande à la cour d'infirmer celui-ci et statuant à nouveau de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que les mesures prises pendant la période ayant précédé celui-ci sont constitutives de harcèlement moral, de condamner en conséquence l'Assad 90 à lui payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2008 :
- 200 000 € à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 100 000 € à titre de harcèlement moral,
- 3 228,45 € ou 3 612,84 € à titre d'indemnité de prévoyance et complément de salaire pour la période du 31 mai au 14 juin 2008,
- 17 132,24 € au titre de l'indemnité de préavis (2 mois),
- 6 660,74 € au titre de l'indemnité de licenciement,
- 3 158,01 €au titre du DIF,
- 22,35 € au titre de la régularisation du plafond S.S. paie juin 2008,
- 15 624,60 € au titre du reliquat de congés payés acquis au 14 juin 2008,
- 5 000 € au titre de la participation aux frais de justice.
Elle soutient en substance à l'appui de son recours :
- que les griefs énoncés à l'appui de son licenciement pour faute grave sont couverts par la prescription de deux mois en matière disciplinaire, l'employeur ayant été informé dès le mois de janvier 2008 de l'état de souffrance du personnel qui lui est imputé ;
- qu'elle n'avait jamais reçu de mise en demeure ni fait l'objet de sanction de la part des présidents et conseils d'administration successifs quant à l'exercice de ses fonctions et n'avait eu au contraire que des félicitations de leur part jusqu'en mars 2008 ;
- que la décision de rompre son contrat de travail était acquise dès la fin du mois de mars 2008 à l'issue de la médiation, que son remplacement et le nom de son successeur avaient été annoncés au personnel et aux usagers le 16 mai 2008 et communiqués à la presse locale le 22 mai 2008 par le nouveau président de l'association, Monsieur [U], élu le 25 avril 2008, avant même l'engagement de la procédure de licenciement, qui était un pur simulacre ;
- que le préjudice qu'elle a subi devait être évalué au regard d'une part de son investissement pendant huit ans au service du redressement de la situation financière difficile de l'association et du développement de celle-ci, d'autre part des difficultés de réinsertion professionnelle dont elle justifie ;
- qu'elle a fait l'objet d'un véritable lynchage moral et a été sacrifiée par l'employeur sur l'autel de la paix sociale, sans aucune contrepartie décente, alors que pendant toute la durée de son contrat de travail elle s'était strictement conformée aux directives du conseil d'administration et avait été félicitée pour son action.
L'association Assad 90 conclut pour sa part à la confirmation du jugement et au rejet de l'intégralité des demandes de Madame [B] [T].
Elle sollicite la condamnation de celle-ci à lui verser une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle considère que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont amplement établis par les documents produits aux débats, que Madame [B] [T] a été alertée dès juin 2007 par les conclusions d'un audit réalisé à sa demande de la nécessité de remédier à certaines carences managériales de sa part, qu'elle n'a pas modifié pour autant ses méthodes de management et n'a pas davantage pris en compte la dénonciation par les représentants du personnel en janvier 2008 et l'inspection du travail le 1er février 2008 de la dégradation des conditions de travail liée non seulement à l'insuffisance des moyens mais également à son attitude suspicieuse et dévalorisante à l'égard du personnel ; que son refus de se remettre en question a abouti à une situation de blocage irréversible portant atteinte au fonctionnement de la structure et menaçant sa pérennité.
Elle ajoute que Madame [B] [T] ne peut se prévaloir du soutien dont elle a bénéficié de la part du conseil d'administration, alors que du fait de l'ascendant exercé par elle sur ses membres bénévoles et âgés, celui-ci était devenu une chambre d'enregistrement des décisions prises par elle avec le soutien du seul président alors en fonction également mis en cause par l'inspection du travail dans un courrier su 7 août 2008 pour absence de prévention des agissements de harcèlement moral répétés à l'égard du personnel, et contraint à la démission le 10 avril 2008.
La cour entend se référer pour un plus ample exposé des moyens des parties à leurs dernières conclusions écrites, visées au greffe le 22 décembre 2010 (Madame [B] [T]) et le 21 décembre 2010 (Assad 90) développées à l'audience par leurs conseils respectifs.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
L'association Assad 90 ayant fait le choix d'engager à l'encontre de Madame [B] [T] une procédure de licenciement pour faute grave, celle-ci est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L 122-44 devenu L 1332-4 du code du travail, aux termes duquel 'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales'.
En l'espèce il est principalement reproché à Madame [B] [T] d'avoir par son management, mis le personnel en situation de souffrance et d'épuisement et d'avoir par son immobilisme et son refus de tenir compte des mises en garde et interpellations diverses émanant de rapports d'audits, des représentants du personnel et de l'inspection du travail, provoqué une situation de crise irréversible, rendant impossible la poursuite de son contrat de travail.
Or force est de constater à l'examen des documents produits aux débats, tels que courriers de l'inspection du travail des 1er et 22 février 2008 adressés au président de l'Assad et procès-verbaux du conseil d'administration, d'une part que l'ensemble des faits évoqués dans la lettre de licenciement étaient connus du président et du conseil d'administration de l'association depuis plus de deux mois à la date de l'engagement de la procédure de licenciement le 30 mai 2008, que d'autre part la situation de blocage n'est devenue irréversible qu'en raison du refus du président et des administrateurs d'accorder une attention suffisante aux conclusions du rapport d'audit du cabinet MPC (Monsieur [E]) remises en juin 2007, et de prendre au sérieux les doléances exprimées par les représentants du personnel en janvier 2008 relayées par l'inspection du travail.
Monsieur [U], signataire de la lettre de licenciement, en sa qualité de nouveau président, élu le 25 avril 2008, ne peut sérieusement faire état de ce qu'il n'a pris connaissance de la réalité et de l'étendue des faits fautifs reprochés à Madame [B] [T] qu'à compter de sa prise de fonctions.
Il est établi en effet :
- que Monsieur [U] a été désigné en qualité d'administrateur le 18 octobre 2007 en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle dans le domaine de la prise en charge de la dépendance ;
- qu'il a participé au conseil d'administration du 27 novembre 2007 au cours duquel ont été évoqués notamment les conclusions du rapport d'audit du cabinet MPC ([E]) et la mise en oeuvre d'un nouvel audit par le cabinet Donnat ;
- qu'il a été destinataire en qualité d'administrateur du courrier adressé le 7 janvier 2008 par les délégués du personnel CFDT exprimant les inquiétudes du personnel sur le fonctionnement des services gérés par l'association, faisant état d'un refus du dialogue social par la direction, suite à la mise en oeuvre de la modulation du temps de travail et du comportement irrespectueux et blessant de la directrice et du président [P] à l'égard des salariés ;
- qu'il a été destinataire de l'ordre du jour et du procès-verbal du conseil d'administration du 22 janvier 2008 évoquant ce courrier et les commentaires des administrateurs présents, ainsi que les résolutions adoptées excluant toute remise en cause de l'action de la directrice ;
- qu'il a été destinataire comme tous les autres membres du conseil d'administration d'un courrier en date du 29 février 2008, signé par Madame [G] [J] au nom de la délégation CFDT lui communiquant officiellement la motion du personnel élaborée le 12 février 2008 en assemblée générale demandant au conseil d'administration le départ de Monsieur [Z] [P], président, et de Madame [B] [T], directrice, dénonçant de manière précise et circonstanciée des agissements de harcèlement moral de la part de cette dernière, étant précisé que le courrier faisait état du refus des administrateurs d'accéder aux demandes de rendez-vous sollicités par les représentants du personnel pour évoquer les difficultés rencontrées avec la direction ;
- qu'une délégation du personnel a été invitée à participer au conseil d'administration du 5 mars 2008 et a pu exprimer de vive voix et de manière précise, l'état de souffrance du personnel et que la médiation mise en oeuvre à la suite de cette séance, confiée à l'UNA, a abouti à un constat d'échec, relaté dans une note synthétique en date du 26 mars 2008 mettant en évidence les carences managériales de Madame [B] [T], la situation de souffrance et d'épuisement du personnel et sa détermination à obtenir le départ de celle-ci, conclusions dont le président et le conseil d'administration ont eu connaissance avant le 30 mars 2008.
Il apparaît que le conseil d'administration bien que complètement informé de la situation, n' pas estimé devoir en tirer les conséquences quant à la rupture du contrat de travail de Madame [B] [T], en considération des compétences et du dévouement dont elle avait fait preuve en matière de gestion comptable et financière, qui avaient permis le redressement de la situation financière critique de l'association, et a envisagé seulement le recrutement d'un directeur adjoint, chargé du management (cf. procès-verbal du conseil d'administration du 1er avril 2008).
Aucun fait nouveau significatif susceptible d'être imputé à Madame [B] [T] depuis le rapport de la médiation UNA n'est établi, étant rappelé que celle-ci était en congés du 17 au 30 mars 2008 et du 11 au 14 avril, puis en arrêt-maladie à compter du 16 avril 2008.
Le courrier du 9 avril 2008 de l'inspection du travail évoqué dans la lettre de licenciement se borne à faire état de l'absence de mise en oeuvre de propositions concrètes depuis son courrier du 1er février 2008, sans mentionner l'existence de faits précis imputables à la directrice survenus depuis le constat d'échec de la médiation et les attestations de salariés produites aux débats par l'association sont toutes datées de janvier et février 2008.
La décision de mettre fin aux fonctions de Madame [B] [T] n'a été envisagée qu'à la suite de l'intervention du président du conseil général alerté le 9 avril 2008 par les délégués du personnel, lors d'un conseil d'administration du 10 avril 2008, et elle n'a finalement été mise en oeuvre que le 30 mai 2008, alors même qu'elle avait été annoncée au personnel et à la presse les 16 et 22 mai 2008.
A cette date et compte tenu de ses atermoiements, l'association ne pouvait plus se prévaloir d'une faute grave, fondée sur des agissements de harcèlement moral et des méthodes de management erratiques dont elle avait été informée de manière répétée en janvier, février et mars 2008, confirmés par le rapport de médiation de l'UNA du 26 mars 2008, et qu'elle avait estimé alors ne pas devoir sanctionner par la rupture du contrat de travail, pour les motifs exposés plus haut, celle-ci lui ayant été imposée par la détermination du personnel, la menace de poursuites pénales et l'intervention de l'autorité de tutelle, en vue de rétablir la confiance des usagers, sérieusement entamée par la situation de crise interne.
Il convient d'observer au surplus, sans vouloir exonérer Madame [B] [T] de ses défaillances personnelles en matière de management des ressources humaines, que l'explosion du mécontentement du personnel début 2008 était consécutif à la mise en oeuvre 'au pas de charge' et avec des moyens insuffisants, compte tenu d'importantes contraintes budgétaires liées au financement public de la dépendance, de mesures destinées à améliorer le fonctionnement des services et la situation des personnels telles que la télégestion, la professionnalisation et la modulation du temps de travail (cf. Rapport moral 2008 de Monsieur [U]), mise en oeuvre génératrice de surcharge de travail et de tensions, dont Madame [B] [T] ne saurait porter seule la responsabilité.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments le licenciement de celle-ci pour faute grave, sur la base de faits couverts par la prescription disciplinaire doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Madame [B] [T] est dès lors en droit de prétendre à des indemnités de rupture et dommages et intérêts qu'il convient de fixer, au vu des documents contractuels et des bulletins de salaire produits aux débats, et des justificatifs produits relatifs à son âge, son ancienneté et aux conditions de sa réinsertion professionnelle aux montants suivants :
- indemnité compensatrice de préavis (2 mois) et congés payés afférents
7 741,91 € x 2 x 1,10 = 17 032,02 €
- indemnité de licenciement = 6 660,74 €
- dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et moral consécutif au licenciement = 50 000 €
Il convient par ailleurs en application de l'article L 1235-4 du code du travail d'ordonner d'office le remboursement des indemnité de chômage versées par Pôle emploi à Madame [B] [T] dans la limite de deux mois d'indemnités.
Sur le harcèlement moral
Madame [B] [T] fait grief à l'employeur de l'avoir mise en congés forcés du 17 au 30 mars 2008, de lui avoir retiré son soutien à partir de mars 2008 et de l'avoir sacrifiée sur l'autel de la paix sociale, ces agissements ayant entraîné une dégradation de son état de santé et son arrêt maladie à compter du 16 avril 2008.
Ces faits ne sauraient caractériser à la charge de l'employeur des agissements de harcèlement moral, alors qu'ils étaient déterminés par la situation de crise provoquée par un conflit entre Madame [B] [T] et le personnel, auquel l'employeur a été contraint de faire face, et qu'il a tenté de résoudre par le recours à une médiation, sans succès.
Le préjudice moral subi par Madame [B] [T] se confond d'ailleurs avec celui découlant de son éviction de la direction de l'association réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à ce chef de demande.
Sur le droit individuel à la formation
Madame [B] [T] réclame paiement d'une somme de 3 158,01 € pour 80 heures acquises au titre de la période de mai 2004 à juin 2008.
Celle-ci ayant été licenciée à tort pour faute grave, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir fait valoir ses droits à formation avant l'expiration de son préavis.
Il y a lieu en conséquence de faire droit à sa demande.
Sur le rappel de congés payés
Madame [B] [T] réclame une indemnité compensatrice de congés payés de 15 624,60 € au titre d'un reliquat de 37 jours plus 1 jour d'ancienneté acquis au titre des années antérieures à l'année de référence en cours lors de son licenciement.
Elle invoque une clause spécifique de son contrat de travail prévoyant le report d'une année sur l'autre sans limitation de durée, des congés payés non pris avant le 31 décembre, pour des raisons inhérentes à l'exercice de ses fonctions et l'inscription dans les comptes de l'association, arrêtés au 31 décembre 2007, certifiés par le commissaire aux comptes de 37 jours de congés payés et un jour d'ancienneté.
La clause du contrat de travail invoquée par Madame [B] [T] est contraire aux dispositions d'ordre public relatives aux congés payés qui posent le principe d'une interdiction du cumul du salaire et de l'indemnité de congés payés pour une même période.
Il résulte de celle-ci que le salarié qui a continué à travailler au service de son employeur pendant la période des congés ne peut réclamer une indemnité qui s'ajouterait au salaire perçu, sauf à établir que l'employeur lui a demandé de reporter ses congés à l'exercice suivant, ou qu'il a fait obstacle à ce qu'il fasse usage de son droit.
En l'espèce, Madame [B] [T] qui en sa qualité de cadre dirigeant, disposait d'une totale autonomie dans l'organisation de son temps de travail, ne justifie pas des conditions impérieuses qui l'ont contrainte à renoncer à prendre une partie de ses congés au point d'accumuler un reliquat aussi important à la date du 1er janvier 2008, l'association soutenant pour sa part qu'elle prenait régulièrement ses congés d'été au mois d'août en même temps que son mari, ainsi que des semaines et des ponts en cours d'année.
Il n'est pas précisément justifié au surplus de l'inscription d'un tel reliquat dans les comptes de l'association ni du décompte année par année.
Il convient en conséquence de rejeter sa demande.
Sur le rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire
Madame [B] [T] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire du 31 mai au 13 juin alors qu'elle était en arrêt maladie.
La faute grave ayant été écartée, la mise à pied conservatoire apparaît injustifiée.
La salariée bénéficiant d'un droit au maintien de son salaire, avec subrogation de l'employeur dans les droits de celle-ci aux indemnités journalières de sécurité sociale et de prévoyance, il y a lieu de faire droit à la demande de celle-ci en paiement de la somme de 3 612,84 € qui a été retenue sur son bulletin de salaire de juin 2008 au titre de la mise à pied, l'association intimée ne justifiant pas lui avoir reversé les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie, ni le complément prévoyance versé par le groupe Mornay au titre de la subrogation pour la période en cause.
La demande de régularisation de 22,35 € au titre du plafond sécurité sociale, n'est pas étayée par des explications convaincantes et sera rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'association qui succombe pour la majeure part supportera les dépens de première instance et d'appel, outre les frais irrépétibles exposés par Madame [B] [T] dans la limite de 2 000 €.
P A R C E S M O T I F S
La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit l'appel recevable et partiellement fondé ;
Infirme le jugement rendu le 23 avril 2010 par le conseil de prud'hommes de Belfort ;
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Madame [B] [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne l'association Assad 90 à payer à celle-ci les sommes de :
- dix sept mille trente deux euros et vingt centimes (17 032,20 €) brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- six mille six cent soixante euros et soixante quatorze centimes (6 660,74 €) à titre d'indemnité de licenciement,
- cinquante mille euros (50 000 €) à titre de dommages et intérêts,
- trois mille cent cinquante huit euros (3 158 €) au titre du salaire de la mise à pied conservatoire.
Dit que les intérêts au taux légal courront à compter du 10 septembre 2008 sur lesdites sommes à l'exception des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette date correspondant à la réception par l'association Assad 90 de la convocation devant le bureau de conciliation ;
Déboute Madame [B] [T] du surplus de ses demandes ;
Ordonne d'office le remboursement par l'association Assad 90 à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Madame [B] [T] dans la limite de deux mois d'indemnités ;
Condamne l'association aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Madame [B] [T] une indemnité de deux mille euros (2 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt cinq mars deux mille onze et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,