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24/09/2013 | FRANCE | N°12/01907

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 24 septembre 2013, 12/01907


ARRET N°

HB/I.HIL/IH



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2013



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 14 Mai 2013

N° de rôle : 12/01907



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT

en date du 16 juillet 2012

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution





[X] [F]

C/



SNCF EPIC







PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [X] [F], demeurant [Adresse 2]



APPELANT



COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Philippe ROUQUET, avocat au barreau de PARIS



ET :



...

ARRET N°

HB/I.HIL/IH

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2013

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 14 Mai 2013

N° de rôle : 12/01907

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BELFORT

en date du 16 juillet 2012

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

[X] [F]

C/

SNCF EPIC

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [X] [F], demeurant [Adresse 2]

APPELANT

COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Me Philippe ROUQUET, avocat au barreau de PARIS

ET :

SNCF EPIC, ayant son siège social [Adresse 1]

INTIMEE

REPRESENTEE par Me Jean-Paul LORACH, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats du 14 Mai 2013:

CONSEILLERS RAPPORTEURS : Monsieur Jean DEGLISE, Président de chambre, en présence de Madame Hélène BOUCON, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES

lors du délibéré :

Monsieur Jean DEGLISE, Président de chambre, et Madame Hélène BOUCON, Conseiller, ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Martine DERAY, Conseiller, selon ordonnance rendue par le Premier Président en date du 14 mai 2013

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 2 juillet 2013 et prorogé au 24 septembre 2013 par mise à disposition au greffe.

**************

Monsieur [X] [F], agent SNCF, a exercé les fonctions de conducteur de lignes de 1991 à 2001, puis de gestionnaire de moyens, au sein de l'UP Traction de [Localité 1].

Il a obtenu le bénéfice d'un congé de deux ans pour création d'entreprise du 1er septembre 2004 au 31 août 2006, puis il a été placé à sa demande en congé de disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er septembre 2006 pour une durée d'un an jusqu'au 31 août 2007.

En l'absence de poste vacant à [Localité 1] permettant sa réintégration, il a sollicité la prolongation de sa disponibilité pendant deux années supplémentaires jusqu'au 31 août 2009, demande acceptée par la SNCF.

Le 26 juin 2009, il a sollicité sa réintégration à l'UP Traction de [Localité 1] à compter du 1er septembre 2009.

En l'absence de poste vacant de gestionnaire de moyens, il a été maintenu en situation de disponibilité 'jusqu'à ce qu'un emploi puisse lui être offert', conformément aux dispositions de l'article 13 paragraphe 3 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel.

Le 15 septembre 2010, la SNCF lui a notifié la rupture de son contrat de travail à son initiative, en application de l'article 96-4 du Référentiel RH0143, au motif qu'il n'avait pas fait connaître, deux mois au moins avant l'échéance du congé spécifique sollicité d'une durée maximale de 4 ans qui expirait le 31 août 2010, son souhait de réintégration sur un poste vacant ou de rupture du contrat de travail.

Considérant que l'application par la SNCF des dispositions susvisées, lui imputant la responsabilité de la rupture du contrat de travai,l était injustifiée, dès lors qu'il avait sollicité sa réintégration à compter du 1er septembre 2009, et avait été placé en disponibilité forcée jusqu'à ce qu'un poste soit vacant, il a saisi le conseil de prud'hommes de Belfort le 11 août 2011 aux fins de voir annuler la décision du 15 septembre 2010, acter le maintien du lien contractuel l'unissant à la SNCF, enjoindre à celle-ci de lui attribuer un poste, et la condamner au paiement d'indemnités en réparation des pertes de salaires subies par lui depuis sa demande de réintégration et de son préjudice moral, et en compensation de ses frais de procédure.

Par jugement en date du 16 juillet 2012, auquel il est référé pour un plus ample exposé des faits et de la procédure ainsi que pour les motifs, le conseil l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.

Régulièrement appelant de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 août 2012, Monsieur [X] [F] demande à la cour d'infirmer celui-ci, et statuant à nouveau, de faire droit à l'ensemble de ses demandes aux fins d'annulation de la décision de rupture de son contrat de travail et de condamnation de la SNCF à le réintégrer sur un poste et à lui payer une indemnité correspondant à 22 mois de salaires en réparation de son préjudice financier et à un an de salaires en réparation de son préjudice moral, outre 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SNCF conclut pour sa part à la confirmation du jugement déféré, estimant avoir fait une exacte application des dispositions statutaires applicables à son personnel.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour estimerait devoir remettre en cause la légalité desdites dispositions, qui ont un caractère réglementaire, elle demande à celle-ci de se déclarer incompétente au profit du tribunal administratif et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

A titre plus subsidiaire, si par extraordinaire, la cour estimait devoir requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle déclare s'opposer à la réintégration sollicitée par l'appelant et conclut à la réduction des indemnités sollicitées à de plus justes proportions.

La cour entend se référer, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions écrites visées au greffe le 26 décembre 2012 (Monsieur [X] [F]) et le 5 avril 2013 (SNCF), reprises oralement à l'audience par leurs conseils.

MOTIFS DE LA DECISION

Les parties se réfèrent l'une et l'autre à l'article 13 du chapitre 10 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel relatif aux congés de disponibilité pour convenances personnelles, reprises par une note interne RH 0043, article 96-1 à 96-4.

Il résulte de celles-ci :

- que le congé de disponibilité pour convenances personnelles est accordé pour une durée d'un an renouvelable dans la limite maximale de 4 ans,

- que l'agent mis en congé de disponibilité doit être avisé par écrit que sa remise en service sera subordonnée à l'existence d'un poste vacant,

- que lorsqu'il n'existe pas de poste vacant permettant sa réintégration, l'agent continue à être placé en situation de disponibilité jusqu'à ce qu'un emploi puisse lui être offert,

- que l'agent doit demander deux mois à l'avance au moins, soit sa remise en service, soit la prolongation de sa disponibilité, 'étant entendu que la durée totale de la mise en disponibilité demandée ne peut excéder quatre ans',

- qu'à défaut de cette demande dans le délai prévu, l'agent est considéré comme ayant rompu son contrat de travail.

En l'espèce, il est constant que Monsieur [X] [F] a sollicité et obtenu dans un premier temps un congé de disponibilité pour création d'entreprise d'une durée de deux ans du 1er septembre 2004 au 31 août 2006, prévu par les articles L 3142-78 et suivants du code du travail, repris par l'article 15 du statut du personnel de la SNCF, à l'issue duquel l'entreprise était tenue de le réintégrer, dans son ancienne résidence (UP Traction de Belfort) dans son précédent emploi ou dans un emploi similaire assorti de la rémunération afférente à son grade.

Monsieur [X] [F], qui avait créé une entreprise de rénovation du bâtiment, n'a toutefois pas souhaité réintégrer immédiatement la SNCF à l'issue de ce premier congé et a sollicité un congé de disponibilité pour convenances personnelles d'une durée d'un an, qui lui a été accordé pour six mois par courrier du 30 août 2006, et prolongé de six mois à sa demande par courrier du 7 mars 2007.

Ces courriers lui rappelaient expressément d'une part qu'il était tenu de faire connaître avant la date d'expiration du congé accordé son souhait d'être réintégré ou de démissionner, d'autre part que sa remise en service serait subordonnée à l'existence d'une vacance et qu'à défaut de vacance de poste permettant sa réintégration, il continuerait à être placé en disponibilité jusqu'à ce qu'un emploi puisse lui être offert.

Le 26 juin 2008, Monsieur [X] [F] a sollicité une nouvelle prolongation de son congé de disponibilité pour convenances personnelles, ou, à défaut, une réintégration dans l'entreprise.

La SNCF lui a notifié par courrier en date du 16 juillet 2008, un refus de prolongation de son congé et lui a proposé une réintégration sur le poste de gestionnaire de moyens à la direction déléguée TER de [Localité 2] à compter du 1er septembre 2008.

Par courrier du 18 août 2008, Monsieur [X] [F] a décliné cette proposition et sollicité soit sa prolongation de disponibilité soit sa réaffectation au sein de l'UP Traction de [Localité 1].

Par courrier du 2 septembre 2008 la SNCF lui a alors répondu qu'elle n'était pas tenue de le réintégrer sur un poste situé à son ancienne résidence d'emploi (UP Traction de Belfort), qu'il n'existait plus de poste de gestionnaire de moyens à l'UP Traction de Belfort, raison pour laquelle elle lui avait proposé un poste identique à [Localité 2], mais que dans la mesure où cette proposition n'avait pas recueilli son aval, elle lui accordait à titre

exceptionnel la prolongation de son congé de disponibilité pour un an soit jusqu'au 31 août 2009.

Le 24 juin 2009, soit deux mois avant l'expiration de celui-ci, Monsieur [X] [F] a demandé sa réintégration à L'UP Traction de [Localité 1], à compter du 1er septembre 2009.

Il n'a pas formulé de demande subsidiaire de prolongation de congé.

Par courrier du 24 août 2009, la SNCF après lui avoir rappelé les termes de son courrier du 2 septembre 2008 concernant le fait que la réintégration ne s'effectue pas obligatoirement à la résidence de l'emploi antérieur à la prise du congé, et qu'il n'existait plus de poste de gestionnaire de moyens à [Localité 1], lui a indiqué qu'elle ne disposait pas non plus d'un emploi vacant correspondant à ses qualifications professionnelles dans une autre résidence d'emploi de la région Alsace, qu'elle ne pouvait en conséquence réserver une suite favorable à sa reprise d'activité et l'informait, conformément à la réglementation en vigueur qu'il était maintenu en situation de disponibilité jusqu'à ce qu'un emploi puisse lui être offert.

Monsieur [X] [F] a alors indiqué, par courrier du 31 août 2009, qu'en vue de faciliter sa réintégration à l'UP Traction de [Localité 1] il était prêt à reprendre un emploi de conducteur de ligne, et même à temps partiel (50 à 60 %) au cours de l'année 2010.

Le 15 septembre 2009, la SNCF lui a répondu qu'il n'existait actuellement aucun besoin de personnel de conduite à l'ET Rhénan qu'elle ne pouvait réserver une suite favorable à sa demande de reprise d'activité, et qu'en application de l'article 13 chapitre 10, il était maintenu en situation de disponibilité pour une durée d'un an c'est-à-dire jusqu'au 31 août 2010.

Or contrairement à ce qu'elle indique, ce maintien en disponibilité pour une nouvelle durée d'un an jusqu'au 31 août 2010 est contraire au texte de l'article 10 paragraphe 3 évoqué plus haut, dès lors que Monsieur [X] [F] avait sollicité uniquement sa reprise d'activité, fût ce au prix d'une déqualification d'agent de maîtrise à agent d'exécution, et n'avait pas demandé à défaut de réintégration, une nouvelle prolongation de congé pour une durée d'un an.

Il ne pouvait donc être maintenu en disponibilité 'forcée' que jusqu'à ce qu'un poste correspondant à ses qualifications professionnelles - gestionnaire de moyens agent de maîtrise ou conducteur de ligne - devienne vacant.

Et nonobstant les souhaits exprimés par Monsieur [X] [F] de réintégrer l'entreprise sur un poste situé à l'UP Traction [Localité 1], la SNCF avait l'obligation statutaire de proposer à celui-ci tout poste vacant correspondant à ses qualifications professionnelles se libérant au sein de l'ET Rhénan et à défaut, dans un autre établissement, avant l'expiration de la durée maximale de quatre ans du congé de disponibilité pour convenances personnelles, et en cas d'absence totale pendant cette période de poste vacant susceptible d'être offert à Monsieur [X] [F], de le maintenir en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste puisse lui être offert ainsi qu'il est prévu par l'article 96-3 paragraphe C de la note RH 0043.

En l'absence de toute demande de la part de celui-ci d'une nouvelle prolongation de son congé au-delà du 31 août 2009 et compte tenu de la manifestation réitérée par lui de sa volonté de réintégrer l'entreprise au cours de l'année 2010, la SNCF ne pouvait en aucune façon se prévaloir le 15 septembre 2010 d'une démission implicite résultant de l'absence de demande de reprise d'activité de celui-ci deux mois avant l'expiration de la durée d'une prolongation de congé qu'il n'avait pas sollicitée.

Elle ne pouvait que tirer les conséquences d'un éventuel refus opposé par Monsieur [X] [F] à la proposition de poste vacant qu'elle était tenue de lui adresser avant toute décision sur la poursuite ou la rupture du contrat.

Or elle ne justifie d'aucune proposition de poste adressée en 2009 et 2010.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré, et de dire que la notification à Monsieur [X] [F] le 15 septembre 2010 de la rupture de son contrat de travail à son initiative est intervenue en violation des dispositions de l'article 13 paragraphe 3 alinéa 2 du statut régissant les relations collectives entre la SNCF et son personnel et de l'article 96-3, alinéas b et c de la note interne RH 0043 et s'analyse en conséquence en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'absence d'accord de la SNCF à la demande de réintégration de son agent, qui ne peut être imposée par le juge, il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnité de celui-ci en réparation du préjudice moral et financier qu'il a subi du fait de la rupture de son contrat de travail.

Au vu des éléments d'information figurant au dossier relatifs à son âge (44 ans) son ancienneté (13 ans de services actifs) à sa qualification (agent de maîtrise), il convient de lui allouer une indemnité de 40 000 €.

La SNCF qui succombe sur l'appel supportera les entiers dépens outre les frais et honoraires restés à la charge de l'appelant dans la limite de 2000 €.

P A R C E S M O T I F S

La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 16 juillet 2012 par le conseil de prud'hommes de Belfort ;

Statuant à nouveau,

Dit que la rupture du contrat de travail notifiée par la SNCF à Monsieur [X] [F] le 15 septembre 2010 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la SNCF à payer à Monsieur [X] [F] une indemnité de quarante mille euros (40 000 €) en réparation du préjudice moral et financier qu'il a subi du fait de la rupture de son contrat de travail et celle de deux mille euros (2 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit non fondées et rejette toutes autres demandes ;

Condamne la SNCF aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt quatre septembre deux mille treize et signé par Madame Hélène BOUCON, conseiller, en remplacement du président de chambre empêché, et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, greffier.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01907
Date de la décision : 24/09/2013

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°12/01907 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-09-24;12.01907 ?
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