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02/06/2022 | FRANCE | N°21/00060

France | France, Cour d'appel de Besançon, Premier président, 02 juin 2022, 21/00060


COUR D'APPEL DE BESANÇON

1 Rue Mégevand

25000 BESANÇON

Le Premier Président



ORDONNANCE N° 22/

DU 02 JUIN 2022





ORDONNANCE





N° de rôle : N° RG 21/00060 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOBO

Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire





L'affaire, plaidée à l'audience publique du 28 avril 2022, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Nathalie DELPEY-CORBAUX, première présidente, assistée de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de

greffe, a été mise en délibéré au 02 juin 2022. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.





P...

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1 Rue Mégevand

25000 BESANÇON

Le Premier Président

ORDONNANCE N° 22/

DU 02 JUIN 2022

ORDONNANCE

N° de rôle : N° RG 21/00060 - N° Portalis DBVG-V-B7F-EOBO

Code affaire : 96 E - Demande d'indemnisation à raison d'une détention provisoire

L'affaire, plaidée à l'audience publique du 28 avril 2022, au Palais de justice de Besançon, devant Madame Nathalie DELPEY-CORBAUX, première présidente, assistée de Monsieur Xavier DEVAUX, directeur de greffe, a été mise en délibéré au 02 juin 2022. Les parties ont été avisées qu'à cette date, l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe.

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [C] [Y]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 4] ([Localité 4])

demeurant [Adresse 3]

DEMANDEUR

Représenté par Me Ornella SPATAFORA, avocat au barreau de BESANCON

ET :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 2]

DÉFENDEUR

Représenté par Me Agathe HENRIET, avocat au barreau de BESANCON

En présence de Madame Caroline NOIROT, substitut général

**************

EXPOSE DU LITIGE

M. [C] [Y], né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 4], a été mis en examen des chefs de violences ayant entrainé une incapacité totale de travail n'excédant pas 8 jours avec usage d'où menace d'une arme et en réunion et de menace de commettre un délit. M. [C] [Y] a été placé en détention provisoire du 24 décembre 2019 au 3 juillet 2020, soit 192 jours.

Par requête en date du 20 octobre 2021, M. [C] [Y] a sollicité l'indemnisation des préjudices découlant de la détention provisoire subie et a demandé :

- 15.000,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

- 12.666,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier ;

- 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées reçues le 11 janvier 2021, l'agent judiciaire de l'État demande à la première présidente de la cour d'appel de Besançon de déclarer la requête irrecevable faute de signature du requérant ou de son mandataire sur le fondement de l'article R. 26 du code de procédure pénale.

Par conclusions reçues le 21 janvier 2021, l'avocat général demande à la première présidente de :

Déclarer la requête irrecevable pour défaut de signature ;

Subsidiairement, rejeter la demande au titre du préjudice matériel ;

Réduire à la somme de 8.000,00 euros le montant fixé au titre du préjudice moral ;

Réduire le montant exigé au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.

Une seconde requête a été déposée le 11 mars 2022 afin de régulariser l'absence de signature. M. [C] [Y] formulait des demandes d'indemnisation identiques à celles qui étaient l'objet de la requête du 21 décembre 2020.

Par conclusions reçues le 5 avril 2022, l'agent judiciaire de l'État demande à la première présidente de la cour d'appel de Besançon de :

Joindre les deux instances introduites par M. [C] [Y]

Réduire à la somme de 10.000,00 euros le montant fixé au titre du préjudice moral ;

Rejeter la demande formée au titre du préjudice matériel

Réduire le montant de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.

Lors de l'audience du 17 juin 2021, le conseil de M. [C] [Y] a déclaré que ses observations étaient conformes à ses écritures. Le conseil de l'agent judiciaire de l'Etat et l'avocat général ont abandonné le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête et maintenu les demandes formulées dans leurs écritures.

L'affaire a été mise en délibéré au 2 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la jonction d'instance

L'article 367 du code de procédure civile dispose que « le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ».

L'article 368 du code de procédure civile dispose que « les décisions de jonction ou disjonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire ».

En l'espèce, les parties et l'objet du litige étant identiques, il convient donc de prononcer la jonction de l'instance enrôlée sous le numéro RG 22/00017 à celle, plus ancienne, enrôlée sous le numéro RG 21/00060.

Sur la réparation de la détention provisoire injustifiée

L'article 149 du code de procédure pénale dispose que « sans préjudice de l'application des dispositions des articles L. 141-2 et L. 141-3 du code de l'organisation judiciaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. aucune réparation n'est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites ».

Il ressort du dossier pénal de l'intéressé que dans le cadre de l'information suivie devant le juge d'instruction de Vesoul des chefs de violences ayant entrainé une incapacité totale de travail n'excédant pas 8 jours avec usage d'où menace d'une arme et en réunion et de menace de commettre un délit, M. [C] [Y] a été placé en détention provisoire du 24 décembre 2019 au 3 juillet 2020, soit 192 jours, avant de bénéficier d'une décision de relaxe du 2 septembre 2021 devenue définitive.

Cette mesure privative de liberté lui a nécessairement causé un préjudice moral, qui doit être indemnisé en fonction notamment de la durée de la détention, de ses conditions particulières, de sa répercussion sur l'état de santé physique et psychique de l'intéressé, de la personnalité et de la situation familiale de celui-ci.

Sur l'indemnisation du préjudice moral, il ressort de sa fiche pénale que M. [C] [Y] a déjà fait l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement de 4 mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans prononcée le 18 septembre 2009 par le tribunal correctionnel de Belfort. Ce sursis a été révoqué en totalité et la peine a été exécutée.

Il est également relevé que M. [C] [Y] était père de trois enfants âgés de 13 ans, 11 ans et 10 ans au moment de sa détention, son quatrième enfant étant né postérieurement. M. [C] [Y] n'a pas pu entretenir de lien avec sa famille à compter de mars 2020, en raison de la crise sanitaire et du premier confinement.

Sur l'indemnisation du préjudice financier, il est soutenu que M. [C] [Y] se livre à une activité indépendante de « ferrailleur ». Si l'existence d'une entreprise est effectivement attestée par l'extrait du répertoire SIRENE du 13 avril 2022, il n'est toutefois pas rapporté la preuve des montants allégués au titre de la rémunération habituelle de M. [C] [Y]. En effet, les relevés du compte personnel de M. [C] [Y] laissent seulement paraître des chèques encaissés pour des montants variables, sans intitulés et non accompagnés de factures ou d'extraits comptables. Il n'est pas davantage versé de déclaration de revenus.

Par conséquent, et en considération de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de fixer à 10.000,00 euros le montant dû au titre du préjudice moral.

Il y a lieu de rejeter la demande formulée au titre du préjudice matériel, la preuve de l'existence de celui-ci n'étant pas rapportée.

Il est alloué à M. [C] [Y] la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de condamner l'Etat aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

La première présidente de la cour d'appel de Besançon statuant par décision contradictoire, 

ORDONNE la jonction de l'instance enrôlée sous le numéro RG 22/00017 à celle, plus ancienne, enrôlée sous le numéro RG 21/00060 ;

REJETTE la demande formulée par M. [C] [Y] au titre du préjudice matériel ;

FIXE le préjudice moral subi par M. [C] [Y] à la somme de 10.000,00 euros ;

CONDAMNE l'État au paiement de la somme de 10.000,00 euros au titre du préjudice subi par M. [C] [Y] du fait de la détention provisoire injustifiée ;

CONDAMNE l'État à verser à M. [C] [Y] la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'État aux entiers dépens de l'instance.

Fait et jugé le 2 juin 2022 à Besançon

LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 21/00060
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.00060 ?
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