CC/SD MINUTE No 160/2006 Copie exécutoire à : - Me Valérie SPIESER - Me Laurence FRICK - SCP CAHN et associés Copie à M. le P.G. Arrêt notifié aux parties Le 02.03.2006 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A ARRET DU 28 Février 2006 Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A 03/04976 Décision déférée à la Cour : 22 Octobre 2003 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE APPELANTE : Madame Denise X... 4 chemin du Koestel 68470 RANSPACH Représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la Cour (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2004/000593 du 08/03/2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR) INTIMES : L'Association CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINTE JEANNE D'ARC 45 Bld des Alliés - BP 1426 68071 MULHOUSE CEDEX Représentée par Me Laurence FRICK, avocat à la Cour Maître François TRENSZ, ès qualités de liquidateur de Madame X... 21 rue du Printemps 68100 MULHOUSE Représentée par la SCP G. etamp; T. CAHN - D.S. BERGMANN, avocats à la Cour COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. HOFFBECK, Président de Chambre
M. CUENOT, Conseiller
M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE Ministère Y... :
représenté lors des débats par Madame Claude Z..., Substitut Général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties. ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Sabrina DHERMAND, greffier ad'hoc assermenté, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Attendu que Mme Denise X... a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE du 8 septembre 2000 ;
Attendu que dans le cadre de cette procédure collective, la Caisse de Crédit Mutuel Sainte Jeanne d'Arc a effectué le 26 septembre 2000 une production pour deux créances résultant de deux prêts hypothécaires, ainsi que pour des frais de procédures diverses ;
Qu'elle a effectué une production rectifiée le 11 octobre 2000 ;
Attendu que Maître TRENSZ, liquidateur, a provoqué l'avis de la débitrice sur cette production, et que celle-ci a indiqué qu'elle entendait la contester ;
Que son conseil a développé des conclusions, destinées à faire admettre la nullité des prêts consentis ;
Attendu que Maître TRENSZ a établi une liste de créances, avec une proposition d'admission de la Caisse de Crédit Mutuel à titre privilégié pour le montant de sa production de 3.206.099,77 frs ;
Attendu que le juge commissaire a convoqué les parties et les a entendues en audience le 22 février 2002 ;
Qu'il a rendu le 22 octobre 2003 une ordonnance pour admettre la Caisse de Crédit Mutuel Sainte Jeanne d'Arc à titre privilégié pour 3.206.099,77 frs, soit 488.766,76 euros, et à titre chirographaire pour des frais de 23.799,20 frs, soit 3.628,16 euros ;
Attendu que Mme X... a relevé appel le 30 octobre 2003 de cette ordonnance qui lui a été notifiée le 27 octobre ;
Que son appel est recevable ;
Attendu qu'au soutien de celui-ci, Mme X... indique à nouveau que les prêts devraient être annulés en raison de l'établissement de
fausses attestations de ressources à l'instigation ou avec la complicité du responsable de la Caisse ;
Qu'elle allègue que la Caisse est assurée pour ce type de risque, et qu'elle prétend que sa demande serait irrecevable ;
Qu'elle conclut enfin à la nullité de la déclaration de créance, à défaut pour celle-ci d'être assez explicite, notamment quant aux montants des intérêts irrégulièrement capitalisés ;
Qu'elle conclut au rejet de la créance de la Caisse de Crédit Mutuel, et qu'elle sollicite 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la Caisse de Crédit Mutuel Sainte Jeanne d'Arc réplique que l'ordonnance doit être réformée en ce qu'elle a admis la contestation de Mme X... avant que ne soit arrêté l'état des créances ;
Qu'elle rappelle que l'appréciation d'un vice du consentement n'est pas normalement de la compétence du juge commissaire, mais qu'elle indique qu'il y a chose jugée sur des contestations identiques tranchées avant la mise en liquidation judiciaire de Mme X... ;
Qu'elle stigmatise la multiplication des procédures dilatoires de la part de sa débitrice, qui s'est maintenue dans l'immeuble hypothéqué après la vente de celui-ci ;
Qu'elle conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise, et qu'elle sollicite 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que Maître TRENSZ conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise, en proposant de statuer ce que de droit quant aux dépens ;
Attendu que la Cour relève que la Caisse de Crédit Mutuel Sainte Jeanne d'Arc a consenti à Mme X... deux prêts de 550.000 frs
et 450.000 frs en avril 1989 et en janvier 1990 ;
Attendu que Mme X... a cessé assez rapidement de rembourser ces deux prêts, et qu'elle a tenté d'en contester la validité, en imputant curieusement à la Caisse une fraude qui avait consisté à lui remettre deux fausses attestations de salaire signées par son employeur ;
Attendu cependant qu'un arrêt de cette Cour du 25 juin 1997 a écarté de telles allégations ;
Attendu que Mme X... a pensé pouvoir éviter une procédure de saisie immobilière en demandant l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité notoire de droit local, mais qu'elle a été placée en liquidation judiciaire, avec la conséquence normale d'une réalisation de ses actifs immobiliers ;
Qu'elle a mené en vain beaucoup de procédures diverses, au point d'ailleurs que l'on relève sur la liste des créances une production de son conseil pour plus de 225.000 frs ;
Attendu qu'elle conteste à nouveau dans le cadre actuel la créance de la Caisse de Crédit Mutuel ;
Attendu qu'en la forme, cette Cour indique que le juge commissaire a normalement entendu toutes les parties conformément à l'article 73 du décret du 27 décembre 1985 ;
Que même s'il n'y avait pas de postulation, et si un échange de longues conclusions était inopportun dans ce cadre, il reste qu'il n'y a pas d'irrégularité procédurale ;
Attendu qu'il est exact qu'une exception de nullité n'était pas en principe de la stricte compétence du juge commissaire, sauf cependant si comme en l'espèce, il n'y avait pas véritablement de contestation sérieuse de ce chef ;
Attendu en effet que les allégations de Mme X..., fondées sur une fraude commise par la Caisse de Crédit Mutuel à son propre
préjudice, avaient déjà été écartées par le précédent arrêt de cette Cour ;
Que de telles allégations, définitivement écartées, ne pouvaient donc pas servir à fonder une action similaire, même avec une coloration juridique un peu différente ;
Que le fondement de fait ayant été définitivement écarté, ce même fondement ne pouvait pas servir lors de l'invocation d'un moyen qui n'était d'ailleurs qu'apparemment différent ;
Attendu donc qu'il n'y avait pas de contestation sérieuse, et que c'est à juste titre que le juge commissaire a rejeté cette contestation de Mme X... ;
Attendu que la Caisse de Crédit Mutuel n'a pas d'assurance pour les impayés, et qu'au demeurant, l'existence d'une assurance ne libérerait en rien la débitrice ;
Qu'elle transférerait seulement la créance à l'assureur ;
Attendu que la production de la Caisse de Crédit Mutuel n'est pas confuse, et que cette Caisse a précisé les bases de calcul des intérêts mis en compte par elle, pour un montant d'ailleurs effectivement déraisonnable dans les faits ;
Attendu que concernant les intérêts, cette Cour rappelle cependant en tant que de besoin qu'ils ne sont privilégiés comme le principal que dans les limites de l'article 2151 du code civil, c'est à dire pour trois années seulement ;
Que la jurisprudence d'application de cette disposition précise d'ailleurs que ne sont garanties que trois années d'intérêts non capitalisés ;
Attendu que cette règle, parfois un peu méconnue, demeure cependant importante dans l'intérêt même du crédit hypothécaire ;
Qu'elle définit en effet les limites dans lesquelles les tiers peuvent s'attendre à être primés par une hypothèque de rang
préférable, et que cette préférence est donc limitée au capital majoré de trois années d'intérêts ;
Qu'en fonction de cette information, les tiers peuvent décider si, compte tenu de la valeur de l'immeuble, ils peuvent accorder ou non un crédit supplémentaire à son propriétaire ;
Que l'inscription du montant d'une hypothèque sur les registres de publicité foncière n'aurait aucun intérêt et aucune portée véritable si les créanciers subséquents devaient être primés pour n'importe quel montant, et si, comme en l'espèce, une inscription portée pour 1 million de francs en principal devait permettre une collocation hypothécaire pour 3.500.000 ;
Attendu que les intérêts non conservés par l'inscription principale, et non couverts par une inscription secondaire qui aurait pu être prise ultérieurement, n'ont qu'un caractère simplement chirographaire ;
Attendu qu'en pratique, la Cour se borne en l'état à rappeler les limites précédentes, dont il sera fait concrètement application par le liquidateur lors de l'établissement de l'état de collocations ;
Attendu que pour le surplus, le calcul des intérêts n'est pas contesté, et que la Cour confirme par conséquent l'ordonnance entreprise, sous réserve de la précision précédente relative aux limites du privilège en matière d'intérêts ;
Que les frais de postulation exposés devant cette Cour doivent être passés en frais de liquidation judiciaire conformément à l'article L.621-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 ;
Qu'il ne serait pas équitable et utile d'alourdir ce passif par des compensations de l'article 700 du code de procédure civile, et que la Cour rejette les demandes présentées de ce chef. P A R C E S M O T A...
F S
LA COUR,
REOEOIT l'appel de Mme Denise X... contre l'ordonnance du 22 octobre 2003 du juge commissaire désigné dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ;
Au fond, CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf à préciser que les intérêts ne sont privilégiés que dans les limites de l'article 2151 du code civil, dont il sera fait application lors de l'établissement de l'état de collocations ;
REJETTE toutes les demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les frais de la procédure devant cette Cour sont employés en frais de liquidation judiciaire.
Le greffier :
Le Président :