S. A. ORVAL
C /
Kathe Hildegarde X... épouse Y...
Annick Denise Y... épouse Z...
Martine Y...
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avoués le 24 Avril 2008
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 24 AVRIL 2008
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL No 05 / 00717
Décision déférée à la Cour : AU FOND du 07 FEVRIER 2005, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MACON RG 1re instance : 03 / 01413
APPELANTE :
S. A. ORVAL dont le siège social est La Grande Condemine 71700 TOURNUS
représentée par Me Philippe GERBAY, avoué à la Cour assistée de la SCP DUMONT- GRAS- COMTET, avocats au barreau de MACON
INTIMEES :
Madame Kathe Hildegarde X... épouse Y... née le 18 Mai 1930 à ULM (ALLEMAGNE) demeurant ...
Madame Annick Denise Y... épouse Z... née le 22 Octobre 1957 à SAINT REMY (71100) demeurant ...
Mademoiselle Martine Y... née le 15 Avril 1950 à SAINT REMY (71100) demeurant ...
représentée par la SCP FONTAINE- TRANCHAND et SOULARD, avoués à la Cour assistées de Me Pierre ROUSSOT, avocat au barreau de MACON
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur MUNIER, Président de Chambre, Président, ayant fait le rapport sur désignation du Président, Madame VIEILLARD, Conseiller, assesseur, Madame VAUTRAIN, Conseiller, assesseur, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame GARNAVAULT
ARRET rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNE par Monsieur MUNIER, Président de Chambre, et par Madame GARNAVAULT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte du 27 août 1999, les consorts Y... ont donné à bail à la SA ORVAL un local commercial d'une superficie de 1 814 m2 à usage de dépôt à TOURNUS.
Se plaignant de l'apparition de fuites d'eau en toiture, la société ORVAL a engagé une procédure de référé et par ordonnance du 18 juin 2002, M. C... a été désigné en qualité d'expert.
Suite au dépôt de son rapport, la société ORVAL a saisi le Tribunal de Grande Instance de MACON afin que soient réalisés les travaux de peinture de la façade, des portails et ceux de réfection de la toiture.
Par jugement du 7 février 2005, le TGI de MACON a débouté la SA ORVAL de sa demande de réfection de la toiture du local loué et de sa demande de dommages et intérêts y afférente, a condamné les consorts Y... à faire exécuter, sous astreinte, les travaux de peinture de la façade et des portails dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, a débouté la société ORVAL de ses autres demandes et l'a condamnée à payer aux consorts Y... 750 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les consorts Y... à payer à la SA ORVAL la somme de 1 500 euros sur le même fondement.
Le 5 avril 2005, la SA ORVAL interjette appel du jugement.
Monsieur Guy Y... décède le 19 août 2005 à MACON.
La Cour d'appel de DIJON, par un arrêt du 16 mai 2006 auquel il est fait référence pour le rappel des faits et de la procédure, a donné acte aux parties de ce que les travaux de peinture de la façade et des portails étaient en cours d'exécution et qu'ils ne sont pas concernés par la procédure d'appel. La Cour a relevé que la réalité des infiltrations invoquées par la société ORVAL a été constatée par huissier le 3 juillet 2000, le 14 février 2002 et le 15 avril 2005 et par l'expert les 17 octobre, 13, 14 et 15 novembre 2002, le 3 février, le 30 avril et le 20 mai 2003. L'expert, M. C..., a constaté d'une façon générale que la couverture avait fait l'objet d'un entretien irréprochable mais a cependant préconisé la réfection à neuf de la partie Sud, côté Est ainsi que de la partie Ouest en appentis, après avoir au surplus constaté que les fuites n'apparaissaient jamais au même endroit, sans pour autant avoir déterminé avec précision l'origine des désordres. La Cour d'appel de Dijon a ordonné dans ces conditions une nouvelle expertise afin de déterminer si des travaux de toiture doivent être effectués et de quel type. La Cour dit qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes dans l'attente du résultat de cette mesure d'instruction.
Le rapport d'expertise a été déposé le 9 mai 2007.
L'expert, Monsieur D..., constate que l'ensemble des désordres observés n'est pas dû à l'âge des tuiles de couverture mais à la conception même du bâtiment, que les opérations de maintenance sont actuellement réalisées correctement par le propriétaire. L'expert souligne que chaque fois qu'une fuite de couverture est détectée, le bailleur y remédie systématiquement quand il est prévenu. L'expert conclut que si une intervention est réalisée à chaque fuite constatée et si l'état de la couverture fait l'objet d'un suivi périodique, le changement complet des tuiles n'est pas nécessaire pour le moment.
Dans ses dernières conclusions en date du 6 septembre 2007 auxquelles il est fait référence par application des dipsositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile, la SA ORVAL demande à la Cour d'appel :
- de constater que l'appel ne porte pas sur les travaux de peinture et de la façade ;
- de condamner solidairement les consorts Y... à exécuter les travaux pour rendre la toiture étanche, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
- de dire que passé ce délai, une astreinte courra à raison de 200 euros par jour de retard ;
- de condamner les consorts Y... à payer à la SA ORVAL la somme de 25 000 euros au titre des dommages et intérêts et 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- de condamner les consorts Y... en tous les dépens d'instance et d'appel.
La SA ORVAL affirme que l'expert, Monsieur D..., n'a pas répondu aux questions posées par la Cour, il n'a pas distingué entre les parties de toiture concernées par les désordres et celles qui ne le sont pas. Il s'est par ailleurs attaché au fait que les Bâtiments de France n'accepteraient aucune des solutions techniques permettant de rémédier aux désordres pourtant constatés. La SA ORVAL soutient que dans ces conditions les conclusions de l'expert précédent, M. C..., conservent toute leur portée ; elle est en droit de se prévaloir des dispositions des articles 1720 et 1721 du Code civil qui prévoient que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation, qu'il doit y faire face pendant toute la durée du bail pour toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires ou autres que locatives et qu'il doit garantir au preneur tous les vices ou les défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. Les consorts Y... doivent à la SA ORVAL les travaux d'étanchéité du bâtiment loué.
La SA réclame 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de temps, d'argent et d'énergie subie par la concluante depuis 1999, soit une période de 8 ans. Les dirigeants et les employés de la société ont perdu beaucoup de temps à l'élaboration du dossier et pendant les opérations d'expertise. La société a subi des détériorations de cartons entreposés dans les locaux, situation qui a également généré un coût de main-d'oeuvre pour enlever les cartons souillés.
Dans ses dernières conclusions en date du 17 janvier 2008 auxquelles il est fait pareillement référence par application des dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile, les consorts Y... demandent à la Cour d'appel :
- de dire et juger infondé l'appel dont la société ORVAL a saisi la Cour d'appel de DIJON ;
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA ORVAL de sa demande de réfection de la toiture du local loué et de sa demande de dommages et intérêts.
Les intimés demandent à la Cour de réformer pour le surplus :
- de condamner la SA ORVAL au paiement de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;- de condamner la SA ORVAL aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Les consorts Y... font valoir que l'expert D... a conclu qu'une réfection par des tuiles neuves n'apporterait aucune amélioration et que tout autre type de réfection est impossible compte tenu de la situation des lieux à proximité d'un monument historique. Les concluants rappellent que le bail liant les parties avait attiré l'attention de la société sur le fait que « les toitures des ateliers ne sont pas étanches en cas de neige, par fort vent d'Ouest ». Ils ajoutent que les pièces versées au dossier démontrent qu'ils font procéder régulièrement à toutes les interventions nécessaires.
La procédure a été clôturée le 11 février 2008.
Sur ce : motifs de la décision :
1) Sur la mise hors de cause de Monsieur Guy Y... :
Attendu que Monsieur Guy Y... est décédé le 19 août 2005 ; que la procédure est poursuivie par son épouse et par ses enfants ; qu'il y a lieu de le mettre hors de cause ;
2) Sur la portée de l'appel de la SA ORVAL :
Attendu que la Cour d'appel constate à la demande de l'appelante que l'appel ne porte pas sur les travaux de peinture et de façade ;
3) Sur la demande concernant la réfection de la toiture :
Attendu qu'en vertu des articles 1720 et 1721 du Code civil, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bonne état de réparations de toute espèce, il doit y faire, pendant toute la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives et il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage ;
Attendu que les dispositions des articles 1720 et 1721 ne sont pas d'ordre public et qu'il peut y être dérogé par des conventions particulières ;
Attendu que l'article 1er de la convention de bail signée le 27 août 1999 entre les parties stipule que le loueur " prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouvent actuellement, sans pouvoir faire aucune réclamation " et précise que " les toitures des ateliers ne sont pas étanches en cas de neige, par fort vent d'ouest " ;
Attendu que par un arrêt du 16 mai 2006, la Cour d'appel de DIJON a ordonné une expertise avant dire droit et a désigné Monsieur D... en tant qu'expert afin qu'il détermine si d'autres travaux relativement à la toiture, objet de désordres, doivent être effectués et de quel type, et en ce qui concerne les parties de la toiture qui n'ont pas donné lieu à des infiltrations, dire si des travaux doivent être exécutés de manière à prévenir tout risque d'infiltration ;
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise déposé par M. D... le 9 mai 2007 que " l'ensemble des désordres observés n'est pas dû à l'âge des tuiles de couverture mais à la conception même du bâtiment, et les solutions techniques envisageables et acceptables par les bâtiments de France ne garantiront pas dans le temps une étanchéité parfaite de la couverture ; ... lorsque l'on utilise une couverture tuile quel que soit le type de charpente, il est nécessaire, de façon périodique, de vérifier l'état de la couverture afin d'éliminer les mousses et lichens qui ont tendance à se développer dans nos régions, et de vérifier s'il n'y a pas de tuiles endommagées ; afin de limiter les fuites éventuelles en toiture, la périodicité de ces observations doit être, pour ce type de bâtiment, inférieure à un an et doit être faite également chaque fois que l'on doit intervenir sur le toit ; ces opérations de maintenance sont actuellement réalisées correctement par le propriétaire ; il est à noter que chaque fois que l'on détecte une fuite de la couverture, il est nécessaire d'y remédier, ce que fait de façon systématique le bailleur quand il est prévenu ; si un suivi périodique de l'état de la couverture et si une intervention est réalisée à chaque fuite constatée, la solution du changement complet des tuiles, solution viable qu'à court et moyen terme, n'est pas nécessaire pour le moment " ;
Attendu que l'expert a correctement répondu aux questions posées par le Cour aux termes de la mission qui lui a été confiée ;
Attendu dans ces conditions que le preneur connaissait les défauts d'étanchéité de l'immeuble lors de la signature du contrat de bail et que l'expert désigné par la Cour d'appel de DIJON a conclu à l'inutilité de la réfection de la toiture, les désordres constatés provenant de la structure même du bâtiment, après avoir constaté que les bailleurs ont toujours réalisé les réparations nécessaires ;
Attendu qu'il convient de confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de MACON en ce qu'il a dit que les consorts Y..., respectant l'obligation d'entretien prévue par l'article 1719 du Code civil, ne peuvent pas être condamnés à changer les tuiles et a par conséquent débouté la SA ORVAL de sa demande de réfection de la toiture ;
4) Sur la demande de dommages et intérêts formulée par le SA ORVAL :
Attendu que l'article 1147 du Code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ;
Attendu que le contractant qui demande réparation doit démontrer que son préjudice résulte directement de la faute contractuelle de son cocontractant et apporter des éléments justifiant l'existence et le montant du préjudice dont il entend être indemnisé ;
Attendu que pour les dommages et intérêts que la SA ORVAL réclame en réparation de la perte de temps, d'argent et d'énergie qu'elle dit subir depuis 1999 en raison de la procédure engagée, aucun élément permettant de chiffrer ces différentes pertes n'est versé aux débats ;
Attendu que pour les dommages et intérêts que la SA ORVAL réclame en réparation des détériorations des cartons entreposés dans les locaux, les différents constats d'huissier comportent des indications sur le nombre de cartons endommagés par les fuites de la toiture sans pour autant conclure à la détérioration des marchandises qu'ils contiennent et sans que la SA ORVAL n'apporte d'autres éléments permettant de chiffrer le montant de son préjudice ; que les pièces produites ne fournissent pas davantage d'éléments permettant à la cour d'évaluer le coût de la main-d'oeuvre employée pour enlever les cartons souillés ;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts Y... de leur demande de dommages et intérêts afférents à la réfection de la toiture ;
5) Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts Y... la totalité des frais irrépétibles qu'ils ont exposés à l'occasion de cet appel, l'appelante sera ainsi condamnée à leur régler une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'en revanche l'appelante qui succombe en son appel ne peut invoquer à son profit les mêmes dispositions et que pour la même raison elle supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour d'appel de DIJON, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
Déclare Monsieur Guy Y... hors de cause de la procédure en raison de son décès intervenu le 19 août 2005 à MACON ;
Confirme le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MACON le 7 février 2005 en ce qu'il a débouté la SA ORVAL de sa demande de réfection de la toiture du local sis à TOURNUS et de sa demande de dommages et intérêts y afférente, en ce qu'il a condamné la SA ORVAL à payer aux époux Y... la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et a condamné les consorts Y... à payer à la SA ORVAL la somme de 1 500 euros au même titre ;
Y ajoutant :
Dit que l'appel ne porte pas sur les travaux de peinture et de façade ;
Condamne la SA ORVAL à payer aux consorts Y... la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la SA ORVAL aux entiers dépens ;
Accorde à la SCP FONTAINE TRANCHANT et SOULARD, avoué, le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.