ARRET N RG N : 05/01474AFFAIRE :M. John Frédérick X.../SAFER MARCHE LIMOUSIN, M. Patrick Jean Paul Y.../iBcompromis de vente - droit de préemptiongrosses délivrées à la SCP COUDAMY et à Maître JUPILE-BOISVERD, avoués
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION
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ARRET DU 23 NOVEMBRE 2006
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A l'audience publique de la CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES, le VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SIX a été rendu l'arrêt dont la teneur suit :ENTRE :
Monsieur John Frédérick Z... nationalité Britaniquené le 19 Septembre 1939 à BIRMINGHAM (ANGLETERRE)Profession : Retraité, demeurant La Genevrière - Combe Bordière - 19190 MENOIREreprésenté par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Courassisté de Me Paul-Bruno COUTURON, avocat au barreau de BRIVE
APPELANT d'un jugement rendu le 15 SEPTEMBRE 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TULLEET :
SAFER MARCHE LIMOUSINLes Coreix - 87430 VERNEUIL SUR VIENNEreprésentée par la SCP COUDAMY, avoués à la Courassistée de Me Philippe PASTAUD, avocat au barreau de LIMOGES
Monsieur Patrick Jean Paul A... nationalité Françaisené le 01 Novembre 1963 à TULLE (19000)Profession : Agriculteur, demeurant Le Sirieix - 19380 NEUVILLEreprésenté par Me Erick JUPILE-BOISVERD, avoué à la Courassisté de Me Eric DIAS, avocat au barreau de BRIVE
INTIMES
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L'affaire a été fixée à l'audience du 26 Octobre 2006, après ordonnance de clôture rendue le 13 septembre 2006 la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assisté de Monsieur Mathieu B..., élève avocat ayant siégé à l'audience de plaidoirie et au délibéré, assistés de Madame Marie-Christine C..., Greffier. A cette audience, Monsieur BALUZE, Conseiller a été entendu en son rapport, Maîtres COUTURON, DIAS et PASTAUD, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 23 Novembre 2006.
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
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LA COUR
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RESUME du LITIGEM. D... a signé avec M. E... le 6 juin 2002 un compromis par lequel il vendait pour 25.000 ç à M. E... onze parcelles de terrain agricole, taillis, landes sur les communes de Menoire et Neuville en Corrèze pour une superficie globale de 13 hectares 26 ares et 73 centiares.La SAFER Marche Limousin a exercé son droit de préemption et a rétrocédé ces parcelles à M. F... en le préférant à M. E... aux motifs que M. F... est agriculteur, alors que M. E... est un résident retraité, et pour permettre à M. F... l'agrandissement de son exploitation et favoriser le regroupement parcellaire.M. E... a diligenté une action pour contester la préemption et cette rétrocession.Par
jugement du 15 septembre 2005, le TGI de Tulle a rejeté les demandes de nullité et d'exécution du compromis de M. G... a fait appel le 4 novembre 2005. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2006. L'affaire a été plaidée à l'audience du 26 octobre 2006.*M. E... invoque trois moyens :-
les parcelles sont pour l'essentiel boisées, les parties non boisées sont accessoires et ne forment pas une exploitation, la préemption de telles parcelles n'était pas possible au regard de l'article L 143-4 du Cod Rural,-
les parcelles de la commune de Ménoire sont dans la zone du périmètre d'un captage d'eau qui est soumis à diverses restrictions empêchant de fait une exploitation agricole normale de telle sorte que cette rétrocession pour un développement agricole conduit nécessairement à violer cette réglementation,-
M. F... n'était pas en règle car il aurait dû, préalablement à la rétrocession, solliciter l'autorisation d'exploiter ces parcelles en application de l'article L 331-2 sur le contrôle des structures.
Il conclut donc à la réformation du jugement, à l'annulation de la préemption et du refus de rétrocession à son profit et à l'exécution du compromis.*Les intimés qui sollicitent la confirmation, répliquent :-
que selon l'article L 143-4 du Code Rural les surfaces boisées peuvent être préemptées si elles sont mises en vente avec d'autres parcelles non boisées dépendant de la même exploitation agricole sans qu'il soit nécessaire que ces autres parcelles constituent une exploitation agricole,-
que l'arrêté sur le captage d'eau ne concerne pas les parcelles de Neuville et réglemente les conditions d' exploitation mais n'interdit pas toute activité agricole,-
qu'un agrandissement d'exploitation opéré dans le cadre d'une
intervention de la Safer en dessous d'un certain seuil comme en l'espèce n'exige pas une autorisation au titre du contrôle des structures.M. F... soulève, lui, préalablement un moyen d'irrecevabilité selon lequel l'action en contestation de la préemption n'a pas été engagée dans le délai de 6 mois.*Il est renvoyé quant au détail des explications des parties à leurs conclusions déposées par M. E... le 6 mars 2006, par la Safer le 5 mai 2006 et par M. F... le 2 juin 2006.
MOTIFSSur le moyen d'irrecevabilité, il convient de rappeler que selon les dispositions de l'article L 143-13 du Code Rural : à moins que ne soit mis en cause le respect des objectifs définis à l'article L. 143-2, sont irrecevables les actions en justice contestant les décisions de préemption prises par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, intentées au-delà d'un délai de six mois à compter du jour où ces décisions motivées ont été rendues publiques .Le seul acte utile figurant au dossier sur cet aspect est la notification de la décision de préemption faite par la Safer au notaire le 25 septembre 2002. La publication a dû être faite après, étant observé que l'assignation a été délivrée le 27 mars 2003. Mais, la date exacte de publication n'est pas connue. M. F... expose que l'affichage a eu lieu vraisemblablement le jour de la décision alors que M. E... fait état d'un affichage en mairie le 27 septembre. Cette date de publication n'est en tout cas pas justifiée. Au surplus, M. E... met en cause le respect du motif invoqué par la Safer au titre de l' article L 143-2, 2 de telle sorte que ce délai spécial de six mois n'est pas applicable.Le moyen d'irrecevabilité ne peut donc être retenu. Il n'est pas discuté par ailleurs que l'assignation a été en définitive publiée à la conservation des hypothèques, il n'est plus soulevé d'observations de ce chef.*Sur le premier moyen de fond, l' article L 143-4 du code rural dispose :Ne
peuvent faire l'objet d'un droit de préemption :à6 les acquisitions de surfaces boisées, sauf : 1)
si ces dernières sont mises en vente avec d'autres parcelles non boisées dépendant de la même exploitation agricole, l'acquéreur ayant toutefois la faculté de conserver les parcelles boisées si le prix de celles-ci a fait l'objet d'une mention expresse dans la notification faite à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural ou dans le cahier des charges de l'adjudication ;En l'espèce, même si certaines parcelles sont situées au lieu-dit La Forêt , il ressort des éléments du dossier et il n'est pas réellement discuté qu'il y a quelques surfaces non boisées. Le compromis de vente mentionne d'ailleurs qu'il s'agit de parcelles en terrain agricole, taillis, landes.L'allégation des intimés selon laquelle il y a une surface agricole utile de plus de 5 ha ne correspond certes guère avec la photographie aérienne. Mais, au vu de l'attestation de M. D..., des plans et de ladite photographie, il apparaît qu'il y a des terrains en nature de prairie sur la parcelle N 231 dont la superficie est de 1ha 67a 77 ca, et sur trois zones de la parcelle N 736, notamment en bordure du chemin. M. D... fait état d'une exploitation de 1ha 88 a 53 ca sur cette parcelle avec déclaration à la MSA.
Plus généralement, M. D... indique dans cette attestation qu'il exploitait depuis 1984 la parcelle N 231 et la parcelle N 736 pour 1ha 88 a 53 ca, même si on ne retient pas la parcelle N 422.
Le texte précité n'exige pas que les autres parcelles non boisées soient prépondérantes et/ou constituent en elles-mêmes une exploitation agricole, une unité économique autonome. Il suffit qu'il y ait avec les parcelles boisées d'autres qui ne le soient pas, sans qu'une proportion soit exigée. On peut considérer en tout cas qu'il y a dans le cas présent au moins plus de 3 ha. et demi de surfaces
agricoles dépendant de l' ensemble en cause et que donc des parcelles boisées et non boisées du même fonds ont été mises en vente et préemptées de telle sorte que cette préemption n'est pas contraire aux dispositions susvisées.
La notification à la Safer n'est pas produite, il n'est pas allégué qu'il y avait une répartition entre parcelles boisées et non boisées, il n'apparaît pas que le compromis en contienne.
Compte tenu de ces éléments, ce premier moyen de fond de l'appelant est inopérant.*L'arrêté préfectoral du 1er octobre 2002 sur le captage d'eaux ne concerne pas toutes les parcelles. Il en est ainsi de toutes celles sur la commune de Neuville et sur la commune de Ménoire, des parcelles Nos 419,420,422. Ensuite cet arrêté crée certes des restrictions aux activités agricoles mais n'interdit pas toute activité de ce type. Ainsi, il interdit la rotation des cultures mais il prévoit la reconversion des parcelles cultivées en prairies de longue durée, la possibilité de retournement des prairies selon certaine modalités.
La rétrocession à un agriculteur n'implique donc pas inéluctablement la violation prévisible de l'arrêté.
M. E... fait valoir certes que M. F... a dû déjà violer cet arrêté qui prohibe l'épandage du fumier et le stationnement des animaux, ainsi que cela ressortirait de deux constats.
Mais si un constat fait état du pacage de bovins, il est en date du 30 août 2004 alors que l'arrêté n'empêche le stationnement des animaux que l'hiver, de novembre à mars.
Quant au constat du 18 février 2004, s'il fait état d'un épandage de fumier, l'arrêté ne l'interdit pas mais le réglemente ( apport de fumier limité à 20 T/ha , au début du printemps). Le constat ne permet pas de savoir la quantité apportée.
Au demeurant, les conditions dans lesquelles le bénéficiaire de la
préemption exploite ensuite les terres ne sont pas de nature à remettre en cause la validité de la préemption et de la rétrocession antérieures.
Cet autre moyen ne peut donc pas être non plus admis.*
Selon l'article L 331-2 du code rural relatif au contrôle des structures agricoles, dans sa rédaction applicable à l'époque, sont soumises à autorisation préalable diverses opérations dont notamment :1 Les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole mise en valeur par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, lorsque la surface totale qu'il est envisagé de mettre en valeur excède le seuil fixé par le schéma directeur départemental des structures.
Ce seuil est compris entre 0,5 et 1,5 fois l'unité de référence définie à l'article L. 312-5.
Le dernier alinéa de cet article, toujours dans sa rédaction antérieure au 5 janvier 2006, disposait :
Les opérations réalisées par une SAFER, ayant pour conséquence à l'agrandissement, par attribution d'un bien préempté par la SAFER, d'une exploitation dont la surface totale après cette cession excède deux fois l'unité de référence définie à l'article L312-5, sont soumises à autorisation dans les conditions de droit commun. Les autres opérations réalisées par ces sociétés font l'objet d'une simple information du préfet du département où est situé le fonds.
La SAFER précise que M. F... exploitait avant 55 ha et que l'unité de référence en Corrèze était alors de 46 ha, ce qui n'est pas discuté. Elle produit d'ailleurs l'arrêté du 9 janvier 2001 avec plan ( article 4, unité de référence pour le plateau sud-est Limousin : 46 ha.). L'agrandissement avec un peu plus de 13 ha ne faisait donc pas dépasser le plafond de 92 ha.
M. E... soutient que M. F... restait cependant tenu lui-même d'une demande d'autorisation. Il ressort néanmoins des dispositions précitées que tel n'est pas le cas.L'article L 331-2 fixe d'abord un principe soumettant à autorisation préalable diverses opérations dont la liste suit dans son texte de 1 à 6 . L'exploitant concerné qui réalise l'opération en dehors d'une intervention de la SAFER doit faire préalablement une demande d'autorisation.Puis, dans son dernier alinéa, cet article organise un régime particulier en cas d'intervention de la SAFER dans l'opération. Il prévoit que la demande d'autorisation préalable reste nécessaire mais si l'agrandissement fait dépasser deux fois l'unité de référence. Dans ce cas, l'opération est soumise à l'autorisation de droit commun. En revanche, il est stipulé in fine que pour les autres opérations, donc un agrandissement laissant la surface en dessous de deux fois l'unité, une simple déclaration suffit.Ce dernier alinéa est une dérogation au régime de droit commun fixé par la première partie de l'article. La mention selon laquelle il est renvoyé pour les agrandissements importants au droit commun, puis celle, toujours dans ce même article, selon laquelle pour les autres il y a lieu à une simple information du préfet, montrent qu'il est organisé dans le même texte sur les autorisations en matière de structure, un régime pour les opérations hors intervention de la SAFER et une régime spécifique distinct en cas d'intervention de la SAFER mais qui ne se cumulent pas. Il n'est pas prévu que pour les autres opérations il faille une déclaration de la SAFER au préfet et une demande d'autorisation de la part de l'exploitant.Si M. F... en a quand même présenté une ultérieurement, peut-être par prudence, cela n'est pas déterminant.La SAFER avait en tout cas informé la DDA de l'opération selon lettre du 12 novembre 2002.Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'appel n'est pas fondé et le jugement
sera confirmé.Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles.DISPOSITIF :
La cour, statuant en audience publique et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi Rejette l'appel et les demandes de M. John E...,Confirme le jugement du TGI de Tulle du 15 septembre 2005,Rejette les demandes au titre de l'article 700 du NCPCCondamne Monsieur John E... aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. CET ARRET A ETE PRONONCE A L'AUDIENCE PUBLIQUE DE LA CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU VINGT TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SIX PAR MADAME JEAN, PRÉSIDENT.LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT Marie-Christine C...
Martine JEAN.