RG N : 08 / 00551
AFFAIRE :
REGIE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE LA HAUTE-VIENNE (R. D. T. H. V.) Société Daniel LAVALADE
C /
Stéphane X..., et autres
S. A. R. L. LIMOCAR
Licenciement
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 04 MAI 2009
A l'audience publique de la Chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le quatre mai deux mille neuf a été rendu l'arrêt dont la teneur suit ;
ENTRE :
1.- REGIE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DE LA HAUTE-VIENNE (R. D. T. H. V.), dont le siège social est Place des Charentes - Boîte postale 1047 - 87050 LIMOGES
Représentée par Maître Fabienne SADION-MARTIN, avocat au barreau de GRENOBLE
2.- Société Daniel LAVALADE, dont le siège social est ZA Les Rochettes - 87300 BELLAC
Représentée par Maître Jean-Charles MAURY, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTES d'un jugement rendu le 14 avril 2008 par le Conseil de Prud'hommes de LIMOGES
ET :
1.- Stéphane X..., demeurant...
2.- Christiane Y..., demeurant...
3.- Guy-Bernard Z..., demeurant...
4.- Alexandra A..., demeurant...
5.- Gérard B..., demeurant...
6.- Marie-Louise K..., demeurant...
7.- Robert C..., demeurant...
8.- Francis D..., demeurant...
9.- Valérie E..., demeurant...
Représentés par Maître Michèle GAY-VIGIER, avocat au barreau de LIMOGES
10- Christine F... divorcée G..., demeurant...
(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008 / 7298 du 26 / 02 / 2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
Représentée par Maître Michel MARTIN, avocat au barreau de LIMOGES
11.- Société LIMOCAR, dont le siège social est Lou Maupas- Route de Saint Junien-87600 ROCHECHOUART
Représentée par Maître Pierre de LA GUERONNIERE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMÉS
A l'audience publique du 09 mars 2009, la Cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, de Monsieur Philippe NERVE et de Madame Anne-Marie DUBILLOT-BAILLY, Conseillers, assistés de Madame Geneviève BOYER, Greffier, Maître Fabienne SADION-MARTIN, Maître Jean-Charles MAURY, Maître Michèle GAY-VIGIER, Maître Pierre de LA GUERONNIERE et Maître Michel MARTIN, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis, Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 6 avril 2009 prorogé à l'audience du 04 mai 2009 ;
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
LA COUR
La société LIMOCAR s'est vu confier par le Conseil Général de la HAUTE-VIENNE le marché des transports scolaires dans les bassins de SAINT JUNIEN et de ROCHECHOUART en 1997. Par lettre du 3avril 2006 le président du Conseil Général de la HAUTE-VIENNE a informé la société LIMOCAR qu'à la suite de l'examen des offres relatives aux transports précités sa proposition n'a pas été retenue.
La Société Daniel LAVALADE a, par courrier du 6 avril 2008, informé la société LIMOCAR, que le marché lui a été attribué et, en vue de l'application de l'accord social du 18 avril 2002, lui a indiqué qu'il lui était nécessaire d'avoir un entretien avec les conducteurs et lui a demandé, à cet effet, de lui fournir la liste des conducteurs affectés au moins à 65 % du service et des autres personnels affectés à 100 % et divers documents relatifs aux contrats de travail et aux conditions d'emploi des salariés.
La société Daniel LAVALADE a, par un courrier du 18 juillet 2006, informé la société LIMOCAR que le Conseil Général de la HAUTE-VIENNE venait de lui notifier la résiliation du marché et que tous les liens entre les deux sociétés concernant la reprise des salariés en application de l'article 28 de l'accord social devenaient caducs.
Par courrier du 11 juillet 2006 le président du Conseil Général de la HAUTE-VIENNE a fait connaître à la Régie départementale des transports de la HAUTE-VIENNE (R. D. T. H. V.) que le département devait faire face à la défaillance de l'entreprise attributaire du marché, qu'il proposerait à la commission permanente de recourir à la R. D. T. H. V. et qu'il lui demandait, en conséquence, de prendre des dispositions nécessaires à la réalisation de ces services.
La société LIMOCAR a adressé le 27 juillet 2006 à la R. D. T. H. V. un courrier par lequel elle lui indiquait que les transports en cause assurés par ses services étaient régis par l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 et lui demandait de lui confirmer qu'elle allait garantir l'emploi du personnel affecté au marché et poursuivre les contrats de travail du personnel concerné.
La R. D. T. H. V. a répondu à la société LIMOCAR par courrier du 3 août 2006 que l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 ne s'appliquait pas à elle.
La société LIMOCAR a notifié à 28 de ses salariés leur licenciement par courriers du 5 octobre 2006.
Stéphane X..., Christiane Y..., Gérard B..., Marie-Louise K..., Robert C..., Francis D..., Valérie E..., Guy-Bernard Z..., Alexandra A... et Christine G..., qui étaient salariés de la société LIMOCAR, ont saisi le conseil de prud'hommes de LIMOGES le 16 octobre 2006 aux fins de voir dire que leurs contrats de travail ont été transférés de plein droit à la société Daniel LAVALADE puis à la R. D. T. H. V. et de condamner solidairement la société Daniel LAVALADE et la R. D. T. H. V. à leur payer les sommes suivantes sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail :
à Stéphane X... 14 000, 00 €
à Christiane Y... 16 846, 00 €
à Gérard B... 17 262, 00 €
à Marie-Louise K... 13 903, 00 €
à Robert C... 9 265, 00 €
à Francis D... 20 622, 00 €
à Valérie E... 6 769, 00 €
à Guy-Bernard Z... 15 838, 00 €
à Alexandra A... 14 100, 00 €
à Christine G... 14 317, 00 €
Ils ont réclamé, par ailleurs, 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société LIMOCAR a demandé au conseil de prud'hommes de dire que ses salariés affectés au marché auraient du être transférés à la société Daniel LAVALADE et à la R. D. T. H. V. et que leur licenciement incombe à celles-ci et de les condamner in solidum à lui rembourser les sommes suivantes :
salaires du 24 août au 5 octobre 2006 18 779, 23 €
préavis 34 557, 84 €
congés payés 5 333, 71 €
indemnités de licenciement 35 383, 94 €
indemnité convention de reclassement 5 075, 33 €
contribution DELALANDE à parfaire 7 222, 00 €
Elle a réclamé d'autre part à leur encontre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Daniel LAVALADE a soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes et a réclamé à l'encontre de la partie succombante 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La R. D. T. H. V. a soulevé l'incompétence ratione materiae du conseil de prud'hommes et a conclu à sa mise hors de cause. A titre subsidiaire, elle a conclu au débouté des demandes des salariés et des sociétés Daniel LAVALADE et LIMOCAR et a réclamé à l'encontre de Stéphane X..., Gérard B..., Robert C... et Christine G... 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture fautive de la promesse d'embauche.
Elle a réclamé d'autre part sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
2 000 € à l'encontre des salariés
3 000 € à l'encontre de la société LIMOCAR
3 000 € à l'encontre de la société Daniel LAVALADE.
Par jugement du 14 avril 2008 le conseil de prud'hommes de LIMOGES s'est prononcé comme suit :
1°- il s'est déclaré compétent,
2°- il a dit que les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail et de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 s'appliquent à la société Daniel LAVALADE et à la R. D. T. H. V.
3)- il a constaté l'attribution successive des marchés no 06 / 33 et 06 / 34 à la société Daniel LAVALADE au mois d'avril 2006 et à la R. D. T. H. V. au mois de juillet 2006,
4o- il a condamné solidairement la société Daniel LAVALADE et la R. D. T. H. V. à payer à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 :
6 570, 80 € à Stéphane X... 6 807, 80 € à Christiane Y... 5 846, 82 € à Gérard B... 6 472, 22 € à Marie-Louise K... 4 238, 40 € à Robert C... 9 138, 80 € à Francis D... 3 318, 30 € à Valérie E... 4 848, 60 € à Guy-Bernard Z... 8 645, 22 € à Alexandra A... 7 212, 00 € à Christine G...
5o- Il a fait droit à la demande de la société LIMOCAR dirigée contre la société Daniel LAVALADE et la R. D. T. H. V.
6o- Il a condamné solidairement la S. A. R. L. Daniel LAVALADE et la R. D. T. H. V. à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 1 000 euros à la S. A. R. L. LIMOCAR et 250 euros à chacun des salariés.
La R. D. T. H. V. a relevé appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 avril 2008 parvenue au greffe de la Cour le 21 avril 2008.
La société Daniel LAVALADE a relevé également appel de ce jugement par déclaration du 22 avril 2008.
Par écritures soutenues oralement à l'audience, la R. D. T. H. V. reprend les termes de ses prétentions principales et subsidiaires présentées en première instance. A titre de second subsidiaire, si la Cour retient l'applicabilité de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 à son encontre, elle conclut au débouté des demandes de Stéphane X..., Christiane Y..., Gérard B..., Francis D..., Valérie E..., Guy-Bernard Z..., Alexandra A..., Christine G... et la société LIMOCAR.
Elle réclame enfin sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
3 000 € solidairement à l'encontre des salariés,
4 000 € à l'encontre de la société LIMOCAR
3 000 € à l'encontre de la société Daniel LAVALADE.
Elle expose l'argumentation suivante au soutient de ses prétentions :
Le conseil de prud'hommes était matériellement incompétent car les salariés n'ont jamais été liés à elle par un quelconque contrat de travail. Seul le tribunal de grande instance de LIMOGES est compétent pour traiter de ce litige. L'appel en garantie de la société LIMOCAR est irrecevable car la R. D. T. H. V. n'était nullement tenue de reprendre les salariés. Subsidiairement, la Cour ne pourra que se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce de LIMOGES.
Le changement de prestataires sur un marché ne constitue pas un transfert d'entité économique entraînant l'application de l'article L. 122-12 du code du travail, à défaut de reprise de matériel et de locaux et d'autonomie du service transféré. L'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 ne s'applique que de façon supplétive, s'agissant de la convention collective nationale des transports routiers. Or la R. D. T. H. V. ne relève pas de cette convention collective mais de la convention collective nationale des voies ferrées d'intérêt local. La R. D. T. H. V., qui est un établissement public industriel et commercial, placé sous la tutelle du Conseil Général de la HAUTE-VIENNE, fonctionne selon des conditions spécifiques à l'exécution d'un service public. Le marché perdu par la société LIMOCAR et celui attribué à la R. D. T. H. V. sont différents et ils ne sont pas exécutés dans les mêmes conditions. C'est le Conseil Général qui fixe les tarifs de la R. D. T. H. V. Celle-ci est exclue du régime général de la durée du travail. Elle ne peut pas se voir imposer l'application de dispositions conventionnelles dont elle ne relève pas.
Subsidiairement, si l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 était déclaré applicable à la R. D. T. H. V. les salariés ne remplissent pas les conditions nécessaires pour en bénéficier, à savoir l'affectation pour au moins 65 % du temps de travail au marché concerné pour les conducteurs et l'affectation exclusive pour les autres catégories professionnelles. Francis D..., mécanicien, et Alexandra A..., administrative, n'étaient pas affectés exclusivement au marché. Stéphane X..., Christiane Y..., Gérard B..., Guy-Bernard Z..., Valérie E... et Christine G..., conducteurs, étaient affectés à moins de 65 % de leur temps de travail effectif au marché. Alors qu'elle a d'autres activités que le transport scolaire la société LIMOCAR ne justifie pas des démarches qu'elle aurait du obligatoirement accomplir pour éviter les licenciements.
Le préjudice des salariés est inexistant. Alors qu'elle n'y était nullement obligée la R. D. T. H. V. leur a fait des offres d'emploi, conformément au recommandations du Conseil Général. Cinq d'entre eux y ont répondu favorablement et ont renvoyé la lettre d'embauche dûment signée mais par la suite ils ont refusé tout travail, ce qui engage leur responsabilité à son égard, d'autant plus que leur rétractation a été très tardive, ce qui a mis la R. D. T. H. V. en difficulté pour honorer ses engagements.
Par écritures soutenues oralement à l'audience la société Daniel LAVALADE demande à la Cour de dire le conseil de prud'hommes incompétent, de renvoyer la connaissance du litige au tribunal de grande instance ou subsidiairement au tribunal de commerce de LIMOGES, en cas d'absence d'évocation et de rejeter toute demande dirigée contre elle et de la mettre hors de cause en cas d'évocation. Elle réclame enfin 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la partie succombante.
Elle expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions :
Le conseil de prud'hommes était incompétent pour connaître du litige car les contrats de travail n'ont jamais été transférés à la société Daniel LAVALADE. Celle-ci a informé le Conseil Général des difficultés qu'elle rencontrait et constaté l'impossibilité d'exécuter le service compte tenu de salaires mensuels supérieurs de 30 à 50 % aux rémunérations pratiquées, de la volonté de la société LIMOCAR de transférer tout le personnel, du refus des salariés d'accepter une diminution de leurs revenus et du dépôt de bilan qu'une telle situation entraînerait inévitablement. Le Conseil Général a résilié le marché de la société Daniel LAVALADE mais n'a engagé aucune action contentieuse contre elle. Le contrat n'a pas pris effet et aucun engagement ne peut donc être opposé à la société Daniel LAVALADE. L'article L. 1224-1 du Code du travail suppose le transfert de la même entité économique, alors que la Cour de Cassation a jugé que l'exécution d'un marché de prestation de service par un nouveau titulaire ne réalise pas le transfert d'une entité économique. L'article 28 de l'accord social du 18 avril 2002 invoqué par les salariés et la société LIMOCAR n'a été étendu par l'arrêté du 22 décembre 2003 que sous réserve de l'application de l'article L. 122-12 du code du travail. Comme celui-ci n'est pas applicable à l'espèce l'article 28 de l'accord social du 18 avril 2002 ne peut pas non plus s'appliquer. Les salariés agissent contre la société Daniel LAVALADE et la R. D. T. H. V. et non contre leur employeur qui les a licenciés. La société Daniel LAVALADE ne les ayant jamais employés, ils ne peuvent pas lui imputer la rupture. La société LIMOCAR n'a pas exécuté ses obligations dans le cadre du groupe de sociétés auquel elle appartient et ne peut pas se décharger sur la société Daniel LAVALADE.
Par écritures soutenues oralement à l'audience Stéphane X..., Christiane Y..., Gérard B..., Marie-Louise K..., Robert C..., Francis D..., Valérie E..., Alexandra A... et Guy-Bernard Z..., concluent à la confirmation du jugement sauf à se voir allouer les sommes qu'ils réclamaient en première instance ou demandent subsidiairement 20 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et réclament solidairement à l'encontre de la société Daniel LAVALADE et de la R. D. T. H. V. 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en exposant l'argumentation suivante :
Les contrats de travail ont été transférés de plein droit au nouvel employeur en application de l'article L. 122-12 du code du travail et de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002, ce qui justifie la compétence du conseil de prud'hommes. La prise d'effet des contrats n'a aucune incidence. L'application de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 n'est en aucun cas conditionnée à celle de l'article L. 122-12 du code du travail. C'est ce que confirme la circulaire d'application dudit accord. Dans son courrier du 6 avril 2006 la société Daniel LAVALADE indiquait expressément qu'elle entendait appliquer cet accord. Quant à la R. D. T. H. V. l'article 1er de la convention collective du personnel des chemins de fer d'intérêt local prévoit que le personnel des services automobiles est régi par la convention collective des transports routiers lorsque les entreprises les exploitent dans les mêmes conditions que les services routiers ne relevant pas du régime propre aux voies ferrées d'intérêts local. En l'espèce, la R. D. T. H. V. a repris la même activité que la société LIMOCAR, au même endroit et dans les mêmes conditions, la circonstance qu'elle a apporté des modifications au tracé des lignes ou à la capacité des véhicules étant indifférente. Les conducteurs étaient tous affectés au marché concerné pour plus de 65 % de leur temps de travail effectif, Alexandra A..., qui était employée administrative et Francis D..., mécanicien, étaient affectés à 100 % de leur activité au transport scolaire. Subsidiairement l'article L. 122-12 du code du travail est applicable, une entité économique étant en cause. Stéphane X..., Gérard B..., Guy-Bernard Z... et Robert C... ont immédiatement rétracté leur accord de principe et non tardivement comme il est prétendu. La R. D. T. H. V. ne subit donc aucun dommage. Subsidiairement, les salariés sont bien fondés à agir contre la société Daniel LAVALADE qui a fait preuve d'une légèreté blâmable et par la faute de laquelle les contrats de travail ne lui ont pas été transférés.
Par écritures soutenues oralement à l'audience Christine G... conclut à la confirmation du jugement sauf à voir porter à 14 317 euros le montant des dommages-intérêts pour licenciement abusif ou subsidiairement réclame solidairement à l'encontre de la société Daniel LAVALADE et de la R. D. T. H. V. 20 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil. Elle réclame enfin à l'encontre de ces mêmes parties 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Son conseil réclame cette même somme dans les conditions prévues par la loi du 10 juillet 1991 si Christine G... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.
Elle expose l'argumentation suivante au soutient de ses prétentions :
Le conseil de prud'hommes est bien compétent dès lors que les salariés revendiquent le transfert de leur contrat de travail. L'article 28 de l'accord social du 18 avril 2002 était bien applicable et la société Daniel LAVALADE en avait bien conscience, comme le démontre son courrier du 6 avril 2006. En fait, elle a tenté d'imposer aux salariés une modification de leur contrat et, face à leur refus, a renoncé abusivement au marché qui lui avait été attribué. La convention collective des voies ferrées d'intérêt local renvoie à la convention collective des transports routiers pour les services exploités dans les mêmes conditions que les transports routiers, ce qui est le cas en l'espèce. Subsidiairement, l'article L. 122-12 du code du travail est applicable. Le préjudice subi par Christine G... est important car elle se retrouve en situation de chômage de longue durée. Il ne peut pas lui être reproché d'avoir refusé une proposition d'embauche qui ne respectait ni ses garanties salariales ni son ancienneté.
Par écritures soutenues oralement à l'audience la société LIMOCAR conclut à la confirmation du jugement et réclame 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société Daniel LAVALADE et de la R. D. T. H. V. in solidum en exposant l'argumentation suivante :
Le conseil de prud'hommes est compétent dès lors qu'il s'agit d'examiner les obligations liées au transfert des contrats de travail entre prestataires successifs. La société Daniel LAVALADE a reconnu expressément dans son courrier du 6 avril 2006 que l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 était applicable. Les prestations de la S. A. R. L. LIMOCAR se terminaient à la fin de l'année scolaire 2005-2006, c'est-à-dire à la fin du mois de juin 2006. La société Daniel LAVALADE avait donc à sa charge l'obligation conventionnelle de garantie d'emploi et de continuité du travail du personnel de la S. A. R. L. LIMOCAR dès la fin du mois de juin 2006. Elle ne peut pas soutenir que les contrats ont subsisté jusqu'au 29 août 2006. Son allégation suivant laquelle l'article 28 ne s'applique que si l'on est dans le cas du transfert d'une entité économique autonome, est contraire à la volonté des partenaires sociaux qui souhaitaient que l'article 28 s'applique dès lors que l'article L. 122-12 ne pouvait pas recevoir application. La société Daniel LAVALADE devait donc assumer la charge du personnel à compter de la fin du mois de juin 2006 et elle doit donc supporter le coût des salaires et des licenciements. D'après l'article 1er de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local le personnel des services automobiles est régi par la convention collective des transports routiers lorsqu'ils fonctionnent dans les mêmes conditions que les services routiers ne relevant pas de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local. C'est le cas de la R. D. T. H. V., qui est un établissement public et commercial, a le même code NAF que la société LIMOCAR, a le même objet social et concourt avec les entreprises privées aux appels d'offres de marchés publics de transports scolaires. Le marché qui lui a été attribué est celui qu'a perdu la société LIMOCAR et qui a été attribué à la société Daniel LAVALADE. L'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 lui est bien applicable et, contrairement à ce qu'elle prétend, les conducteurs étaient affectés au marché pour plus de 65 % de leur temps de travail et Alexandra A... et Francis D... y étaient affectés exclusivement. L'article L. 122-12 du code du travail était applicable à l'espèce dans la mesure où c'était bien une entité économique autonome qui était transférée, les transports scolaires représentant 95 % de l'activité de la société LIMOCAR. La R. D. T. H. V. aurait donc du reprendre non seulement les contrats de travail mais le matériel, les véhicules et les locaux. La défaillance de la société Daniel LAVALADE et la résistance de la R. D. T. H. V. ont obligé la société LIMOCAR à licencier le personnel à la fin du mois d'août 2006. La condamnation au paiement des salaires du 29 août au 5 octobre 2006 et des indemnités de rupture sera donc confirmée.
SUR QUOI, LA COUR
ATTENDU que la société Daniel LAVALADE et la R. D. T. H. V. soulèvent l'incompétence de la juridiction prud'homale et par voie de conséquence de la chambre sociale de la Cour en faisant valoir que les anciens salariés de la société LIMOCAR n'ont jamais été liés avec elles par un contrat de travail et que dès lors leurs demandes ne relèvent pas des dispositions de l'article L. 1411-1 du Code du travail ;
Mais ATTENDU que les anciens salariés de la société LIMOCAR soutiennent que la société Daniel LAVALADE et la R. D. T. H. V. étaient tenues de les engager à la suite de la perte du marché de ramassage scolaire par leur employeur en vertu de dispositions législatives ou conventionnelles et réclament l'indemnisation des conséquences de leur manquement à cette obligation, ce qui justifie la compétence du conseil de prud'hommes (en ce sens Soc 16 avril 1969 D. 1969 Somm. 104 ; Soc 5 avril 2005 RJS 2005 no 656) ;
ATTENDU que les intimés invoquent l'article L. 1224-1 du code du travail et l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 relatif à l'aménagement, l'organisation et la réduction du temps de travail et la rémunération des personnels des entreprises de transport routier de voyageurs ;
Mais ATTENDU que la perte d'un marché de transports scolaires au profit d'une autre entreprise ne caractérise pas à elle-seule le transfert d'une entité économique autonome (en ce sens Soc 27 janvier 2009 RJS 2009 no 317) même si le marché en cause représentait une part prépondérante de l'activité de la société LIMOCAR ;
ATTENDU que la société Daniel LAVALADE soutient qu'en vertu de l'arrêté du 22 décembre 2003 portant extension de l'accord du 18 avril 2002 l'article 28 dudit accord ne s'impose à elle que si l'article L. 1224-1 du Code du travail est applicable ;
ATTENDU qu'aux termes de l'arrêté d'extension, l'article 28 du titre VI de l'accord est étendu sous réserve de l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail (1224-1 dans sa rédaction actuelle) dans le cas où la succession de prestataires représente un transfert d'une entité économique autonome ;
Mais ATTENDU que cette réserve implique simplement que, s'il y a transfert d'une entité économique autonome, l'article L. 1224-1 du code du travail primera sur les dispositions conventionnelles ;
Que dès lors l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 s'imposait à la société Daniel LAVALADE, contrairement à ce que prétend celle-ci ;
Que, de fait, dès qu'elle a été informée de l'attribution du marché la société Daniel LAVALADE a écrit à la société LIMOCAR pour mettre en oeuvre la disposition conventionnelle précitée reconnaissant qu'elle avait une " obligation de garantie d'emploi " ;
ATTENDU que la société Daniel LAVALADE n'établit pas l'existence d'un quelconque cas de force majeure qui l'aurait empêchée de donner suite à l'attribution du marché et d'engager les salariés dont les contrats de travail devaient lui être transférés selon les critères de l'article 28 de l'accord du 18 avril 2002 ;
ATTENDU que c'est en vain que la société Daniel LAVALADE fait valoir que la rupture des contrats de travail ne lui est pas imputable aux motifs que les intimés n'auraient jamais été ses salariés et que ce serait la société LIMOCAR qui les a licenciés étant toujours leur employeur, dans la mesure où les licenciements sont la conséquence de son manquement à son obligation à reprendre les contrats de travail par suite de l'attribution du marché ;
ATTENDU que d'après le tableau dressé par la société LIMOCAR dont la sincérité n'a pas été contestée, les intimés remplissaient les conditions pour bénéficier des dispositions conventionnelles en cause, à savoir 65 % de l'activité des conducteurs et 100 % de l'activité des autres salariés consacrés au marché ;
Que les intimés sont donc bien fondés à lui réclamer l'indemnisation des conséquences de leur licenciement ;
ATTENDU que la R. D. T. H. V. soutient que l'accord du 18 avril 2002 ne lui est pas applicable car elle relève de la convention collective des voies ferrées d'intérêt local ;
Mais ATTENDU que l'article 1er de ladite convention collective relatif à son champ d'application précise en son alinéa 2 que le personnel des services automobiles qui en relèvent est régi par la convention collective nationale des transports routiers, ses annexes et ses avenants successifs lorsque les entreprises exploitent ces services dans les mêmes conditions que les autres services routiers ;
ATTENDU, en l'espèce, que la R. D. T. H. V. s'est vu attribuer, par exception à ses statuts qui excluent ses activités du champ concurrentiel, le marché du transports scolaire des bassins de SAINT JUNIEN et de ROCHECHOUART, qui était soumis par appels d'offres à des entreprises privées de transports routiers, lesquelles étaient soumises aux directives du Conseil Général pour leur exploitation et elle n'établit pas qu'elle les a exploités dans des conditions différentes ;
Qu'elle n'était donc pas fondée à refuser l'application de l'article 28 du titre VI de l'accord du 18 avril 2002 ;
Qu'elle doit en conséquence être également condamnée à indemniser les intimés des conséquences dommageables de leur licenciement ;
Que, si certains d'entre eux se sont vus proposer une embauche et l'ont finalement refusée, les horaires proposés sur l'année étaient tous très inférieurs à ceux dont ils bénéficiaient à la société LIMOCAR et elle ne peut donc pas tirer argument de ce refus pour s'opposer à leur demande de dommages-intérêts ni de la tardiveté de ce refus pour leur demander l'indemnisation du préjudice qu'elle leur aurait causé ;
ATTENDU, quant au montant des indemnités, qu'il doit être tenu compte du montant de la rémunération et de l'ancienneté des salariés dans l'entreprise et il convient donc de le fixer comme suit :
Stéphane X... 6 570, 80 €
Christiane Y... 13 000, 00 €
Gérard B... 10 000, 00 €
Marie-Louise K... 12 000, 00 €
Roger C... 4 238, 40 €
Francis D... 13 000, 00 €
Valérie E... 3 318, 30 €
Guy-Bernard Z... 10 000, 00 €
Alexandra A... 12 000, 00 €
Christine G... 7 212, 00 €
ATTENDU, quant à la demande dirigée par la société LIMOCAR contre la société Daniel LAVALADE et la R. D. T. H. V., que, s'agissant d'un litige n'opposant que des employeurs, il ne relève pas de la compétence d'attribution du conseil de prud'hommes mais du tribunal de commerce de LIMOGES ;
Que, cependant, la Cour est juridiction d'appel du tribunal de commerce de LIMOGES et, par application de l'article 79 du code de procédure civile, statue sur le fond du litige ;
ATTENDU, cependant, que l'appel des jugements du tribunal de commerce est jugé selon la procédure avec représentation obligatoire telle que prévue par les articles 900 et suivants du code de procédure civile et l'article 79 alinéa 1 dudit code ne permet pas de déroger à cette règle ;
Que dans ces conditions les parties devront constituer avoué et l'affaire sera plaidée devant une formation de la Cour réservée aux procédures avec représentation obligatoire ;
ATTENDU qu'il y a lieu de condamner in solidum la R. D. T. H. V. et la société Daniel LAVALADE aux dépens de l'action principale et au paiement des frais irrépétibles supportés par les anciens salariés de la société LIMOCAR, étant précisé qu'en l'absence de diligence distinctes une seule indemnité sera allouée à Stéphane X..., Christiane Y..., Gérard B..., Marie-Louise K..., Robert C..., Francis D..., Valérie E..., Guy-Bernard Z... et Alexandra A... ;
Que les parties garderont à leur charge le surplus des dépens supportés jusqu'à ce jour ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de LIMOGES en date du 14 avril 2008 en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des demandes des anciens salariés de la société LIMOCAR dirigées contre la société Daniel LAVALADE et la Régie Départementale de Transports de la HAUTE-VIENNE, a constaté l'attribution successive des marchés 06 / 33 et 06 / 34 à la société Daniel LAVALADE au mois d'avril 2006 et à la Régie Départementale de Transports de la HAUTE-VIENNE au mois de juillet 2006, dit que l'article 28 de l'accord sur l'aménagement du temps de travail du 18 avril 2002 de la convention collective des transports routiers s'applique à la société Daniel LAVALADE et à la Régie Départementale de Transports de la HAUTE-VIENNE et fixé le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à : 6 570, 80 euros pour Stéphane X..., 4 238, 40 € pour Roger C..., 3 318, 30 € pour Valérie E... et 7 212 € pour Christine G... et le montant de l'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile allouée aux anciens salariés de la société LIMOCAR à 250 euros ;
Réforme ledit jugement pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare l'article L. 1224-1 du code du travail inapplicable à la société Daniel LAVALADE et à la Régie Départementale de Transports de la HAUTE-VIENNE à raison de l'attribution des marchés de transports scolaires susvisés ;
Condamne in solidum la Société Daniel LAVALADE et la Régie Départementale de Transports de la HAUTE-VIENNE à payer :
1°- les sommes suivantes sur le fondement de l'article L. 1235-3 alinéa 2 du code du travail :
6 570, 80 € à Stéphane X...,
13 000, 00 € à Christiane Y...
10 000, 00 € à Gérard B...
12 000, 00 € à Marie-Louise K...,
4 238, 40 € à Roger C...
13 000, 00 € à Francis D...
3 318, 30 € à Valérie E...
10 000, 00 € à Guy-Bernard Z...
12 000, 00 € à Alexandra A...
7 212, 00 € à Christine G...
2°-250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à chacune des personnes ci-dessus désignées au titre des frais irrépétibles supportés en première instance ;
Condamne in solidum la société Daniel LAVALADE et la Régie Départementale de Transports de la HAUTE-VIENNE à payer au titre des frais irrépétibles supportés devant la Cour :
1°- à Stéphane X..., Christiane Y..., Gérard B..., Marie-Louise K..., Roger C..., Francis D..., Valérie E..., Guy-Bernard Z... et Alexandra A... 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
2°- à Maître Michel MARTIN en sa qualité d'avocat de Christine G... 600 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 et 108 du décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Dit que le tribunal de commerce de LIMOGES était seul compétent pour connaître de l'action de la société LIMOCAR dirigée contre la société Daniel LAVALADE et la Régie Départementale de Transports de la HAUTE-VIENNE,
Vu l'article 79 alinéa 1 du code de procédure civile,
Dit que la société LIMOCAR, la société Daniel LAVALADE et la Régie Départementale de la HAUTE-VIENNE devront constituer avoué, que l'instance sera régie par les articles 900 et suivants du code de procédure civile et que l'affaire sera plaidée devant une formation de la Cour réservée aux procédures avec représentation obligatoire ;
Dit que chaque partie gardera la charge des dépens propres à l'action de la société LIMOCAR dirigée contre la société Daniel LAVALADE et la Régie Départementale des Transports de la HAUTE-VIENNE supportés en première instance et en appel jusqu'à ce jour.
Cet arrêt a été prononcé à l'audience publique de la Chambre sociale de la cour d'appel de LIMOGES en date du quatre mai deux mille neuf par Monsieur Jacques LEFLAIVE, président de chambre.