AB/NL
Numéro 3558/09
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 14/09/09
Dossier : 08/02993
Nature affaire :
Demande en paiement
de l'indemnité d'assurance
dans une assurance de dommages
Affaire :
[G] [U], [V] [I] épouse [U]
C/
GAN ASSURANCES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé par Monsieur NEGRE, Président,
en vertu de l'article 452 du Code de Procédure Civile,
assisté de Madame PEYRON, Greffier,
à l'audience publique du 14 septembre 2009
date à laquelle le délibéré a été prorogé.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 03 Juin 2009, devant :
Monsieur BILLAUD, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame LANSALOT, faisant fonction de greffier, présente à l'appel des causes,
Monsieur BILLAUD, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur NEGRE, Président
Monsieur BILLAUD, Conseiller
Monsieur AUGEY, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [G] [U]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Madame [V] [L] [I] épouse [U]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentés par Me VERGEZ, avoué à la Cour
assistés de Me PETITOT, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMEE :
Compagnie d'assurances GAN ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par la SCP RODON, avoués à la Cour
assistée de la SCP BERNADET, avocats au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 25 JUIN 2008
rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU
Monsieur et Madame [U] sont propriétaires du château [6] à [Localité 7] depuis juillet 1996 ; leur immeuble a subi la sécheresse de l'année 2003 et a présenté d'importantes fissures ;
L'état de catastrophe naturelle a été arrêté le 3 Octobre 2003 ;
L'origine des désordres a été constatée par expertise le 2 Février 2007 ;
Monsieur et Madame [U] ont fait une déclaration de sinistre à leur compagnie d'assurances le GAN qui a rejeté leur demande d'indemnisation en raison de la prescription.
Par acte d'huissier en date du 18 juillet 2007, Monsieur et Madame [U] ont fait assigner le GAN ASSURANCES devant le Tribunal de Grande Instance de PAU afin d'obtenir sa condamnation à leur payer les sommes de 179.036,42 € et 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement en date du 25 juin 2008, le Tribunal de Grande Instance de PAU a déclaré irrecevables les époux [U] en leur action et les a condamnés solidairement à payer la somme de 800 € au GAN au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Suivant déclaration enregistrée le 17 juillet 2008, Monsieur et Madame [U] ont relevé appel de cette décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant conclusions en date du 17 Novembre 2008, Monsieur et Madame [U] demandent à la Cour de condamner la compagnie d'assurances GAN ASSURANCES à leur payer la somme de 179.036,42 € outre 4.000 € au titre de leurs frais irrépétibles ; ils soutiennent qu'aucune prescription ni déchéance ne leur sont opposables.
Par conclusions en date du 20 Janvier 2009, la Compagnie d'assurances GAN ASSURANCES demande à la Cour de :
Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article L114-1 du Code des Assurances,
Vu l'article 2244 du Code Civil,
- voir confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de PAU en date du 25 juin 2008,
En conséquence,
- voir constater que le délai de prescription prévu par l'article L114-1 du Code des Assurances est acquis,
- déclarer les consorts [U] irrecevables en leur action,
A titre subsidiaire,
- la déclarer bien fondée à opposer aux consorts [U] la déchéance du droit à garantie conformément aux dispositions de l'article 29 des conditions générales de la police d'assurance,
En toute hypothèse,
- voir dire et juger que le rapport d'expertise produit aux débats par les consorts [U] lui est inopposable,
- s'entendre les consorts [U] déboutés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- s'entendre les consorts [U] condamnés à lui payer la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- les condamner en tous les dépens de l'instance qui seront recouvrés par la SCP RODON conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,
A titre infiniment subsidiaire, et si par hypothèse la Cour s'estimait insuffisamment informée,
- voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire aux frais avancés des consorts [U] demandeur à la procédure et dire et juger que l'expert aura notamment pour mission de préciser la date de survenance des désordres, l'impact du phénomène de sécheresse de 2002 sur l'aggravation de ceux-ci, les conséquences dommageables du retard apporté par le maître de l'ouvrage à réaliser les travaux confortatifs nécessaires à la réparation de l'ouvrage,
- réserver les dépens de l'instance, ceux d'appel étant recouvrés par la SCP RODON suivant les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
SUR QUOI :
Attendu qu'il est constant que par arrêté en date du 3 Octobre 2003, publié au Journal Officiel du 19 Octobre 2003, l'état de catastrophe naturelle a été reconnu dans le département des PYRÉNÉES ATLANTIQUES, sur la commune d'[Localité 7], pour les dommages causés par les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de janvier à septembre 2002 ;
Attendu qu'il est constant en droit et admis par les parties que la prescription biennale instituée par l'article L.114-1 du Code des assurances ne commence à courir pour les dommages causés par une catastrophe naturelle, qu'à compter de la date de publication au Journal Officiel de l'arrêté la constatant ;
Attendu que le point de départ du délai de prescription est donc le 19 Octobre 2003 ;
Que le délai pour agir a pris fin le 19 Octobre 2005 ;
Attendu que l'arrêté du 3 Octobre 2003 précise en outre que si l'assuré est couvert par un contrat d'assurances, l'état de catastrophe naturelle constaté peut ouvrir droit à la garantie précitée dans les conditions prévues au contrat d'assurance correspondant ;
Attendu qu'il n'est pas contesté en l'espèce que Monsieur et Madame [U] avaient souscrit un tel contrat au près du GAN qui leur oppose une cause de déchéance contractuelle ;
Sur la prescription :
Attendu qu'en droit il est constant que la prescription ne peut courir qu'à compter du jour où celui contre lequel on l'invoque a pu agir valablement,
Attendu en l'espèce qu'il résulte des écritures des parties, en ce qu'elles ont de commun, que le GAN ASSURANCES reconnaît dans une lettre du 12 Octobre 2005 avoir été avisé par Monsieur et Madame [U] du sinistre lié à la sécheresse suivant une lettre en date du 12 Mai 2005 par laquelle ils demandent la garantie de leur assureur ; dans cette lettre, le GAN ASSURANCES n'oppose aucune cause de prescription à leurs assurés, se contentant de leur opposer un cas de déchéance contractuelle sur lequel il sera statué ci-après ;
Attendu qu'il y a lieu de constater que tant que le GAN ASSURANCES n'avait pas répondu à la demande de garantie des époux [U], ces derniers n'avaient aucune raison de l'assigner en justice et par conséquent, il y a lieu de juger que la lettre du 12 Mai 2005 a interrompu la prescription de l'action qui a été par la suite suspendue pendant l'instruction du dossier par l'assureur jusqu'au 12 Octobre 2005 ;
Attendu en effet qu'en application de l'article L.114-2 du Code des assurances, « l'interruption de la prescription de l'action peut en outre résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception ;
Qu'en l'espèce dès le lendemain de la réception de la réponse négative du GAN, les époux [U] ont effectué une nouvelle déclaration de sinistre relative à l'ensemble des fissures apparues dans leur immeuble pour demander, par lettre recommandée avec accusé de réception, la garantie de leur assureur ;
Qu'il est ainsi acquis aux débats qu'ils ont agi pour obtenir la garantie de leur assureur à l'intérieur du délai de 2 années requis par l'article L.114-1 du Code des assurances en assignant celui-ci le 18 juillet 2007 soit avant le 12 Octobre 2007 ;
Sur la déchéance :
Attendu non seulement que le GAN ASSURANCES est dans l'incapacité de produire aux débats un document contractuel signé et accepté des époux [U] concernant les clauses générales du contrat dont fait partie la clause de déchéance invoquée mais de plus, il ressort de la lecture des clauses et conditions générales du contrat d'assurances qu'en cas de sinistre relevant du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, la déchéance en cas de déclaration tardive ' soit plus de 10 jours après la publication de l'arrêté au JO- n'est qu'une simple faculté offerte à la compagnie d'assurances qui écrit « si la déclaration de sinistre n'est pas effectuée dans ces délais, il « peut » y avoir déchéance du droit à garantie lorsque (nous sommes) l'assureur est en mesure d'établir que le retard lui a causé » un préjudice (chapitre IV-Article 29 1° in fine) ;
Attendu par conséquent que ce moyen doit être rejeté, qu'il y a lieu de dire et juger que l'action des époux [U] est recevable n'étant ni prescrite ni frappée de déchéance ;
Au fond :
Attendu qu'il résulte de l'exposé des faits constants ainsi que de ce qui précède que la société GAN Assurances doit sa garantie au titre des catastrophes naturelles à son assuré, Monsieur et Madame [U], mais uniquement dans la limite des dommages entrant dans la définition de l'arrêté du 3 octobre 2003 notamment en ce qui concerne leur date, à savoir entre janvier et septembre 2002 ;
Attendu que Monsieur et Madame [U] demandent le paiement de diverses sommes chiffrées à partir de deux rapports d'expertise, le rapport d'expertise [B] et le rapport d'expertise INGESOL ;
Attendu que si aucun de ces rapports n'a été effectué en présence du GAN ASSURANCES il n'en demeure pas moins qu'ils ont été versés aux débats par les assurés et débattus contradictoirement par les deux parties, qu'ainsi ils peuvent servir de fondement à la décision de la Cour ;
Mais attendu que si le rapport de Monsieur [B], effectué courant juin 2007, a établi l'existence de nombreuses lézardes dans les murs de l'immeuble dues à des mouvements de sol de la zone sud et qu'il a chiffré le coût des reprises à la somme de 145.000 € hors taxe, il n'en demeure pas moins que ce rapport n'a, à aucun moment, fixé la date d'apparition de ces fissures, ni recherché si elles n'avaient pas été aggravées par d'autres causes ou par le défaut d'entretien de l'immeuble depuis la première époque de sécheresse ;
Et attendu que, pour sa part, le rapport d'expertise d'ingénierie des sols et matériaux de la société INGESOL conclut à une date qui doit être fixée au 2 février 2007 compte tenu de la lettre de transmission : « le château actuel présente d'importantes fissures qui se sont développées depuis les six dernières années » ;
Attendu qu'il se déduit avec certitude de ce qui précède que les fissures dont il s'agit sont apparues avant février 2001 pour s'aggraver par la suite ;
Attendu qu'il n'est donc pas possible d'accorder à Monsieur et Madame [U] le bénéfice de leurs conclusions, notamment en ce qui concerne les sommes qu'ils réclament puisqu'il est évident qu'à partir de leurs propres documents et rapports d'expertise on ne pourrait leur accorder que l'indemnisation résultant de l'aggravation des dommages ;
Attendu que la demande d'expertise formée par le GAN, à titre subsidiaire, mais aux frais avancés des demandeurs qui ont la charge de la preuve, devient dans ce contexte particulièrement pertinente ;
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner une telle expertise avec la mission qui sera précisée au dispositif ;
Les dépens demeurent réservés en l'état.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort d'une part et avant dire droit d'autre part,
Rejetant toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,
Déclare recevable l'action engagée par Monsieur et Madame [U] à l'encontre de la compagnie d'assurances GAN ASSURANCES, en vue de l'indemnisation des dommages occasionnés au château de [6] à [Localité 7] à la suite des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de janvier à septembre 2002 ;
Sur le préjudice, statuant avant dire droit,
Ordonne une expertise et commet pour y procéder Monsieur [E] [M] demeurant [Adresse 1], expert inscrit sur la liste de la Cour d'Appel de PAU, avec pour mission de :
- prendre connaissance des documents des parties et de leurs revendications après les avoir convoquées ainsi que leurs conseils,
- prendre notamment connaissance des conclusions des rapports d'expertise [B] et INGESOL, entendre ces experts en tant que sachants si nécessaire,
- rechercher et déterminer si le château de [6], propriété de Monsieur et Madame [U] à [Localité 7], a été directement l'objet de désordres occasionnés par des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de janvier à septembre 2002 ;
- rechercher l'origine et la date d'apparition des fissures actuelles et, dans l'hypothèse où elles seraient apparues avant janvier 2002, ce qui a été retenu par le rapport INGESOL, dire si elles se sont aggravées du seul fait des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de janvier à septembre 2002 ou s'il existe d'autres causes à ces désordres ou à leur aggravation et si oui lesquelles ;
Fixe à la somme de 2.000 € (deux mille euros) le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et à consigner au greffe à l'ordre du régisseur de la Cour d'appel de PAU par les époux [U] dans le délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt sous peine de caducité de la désignation de l'expert ;
Dit que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de quatre mois à compter de la date de sa saisine, sauf prorogation demandée au magistrat chargé de la mise en état ;
Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert commis, il pourra être pourvu à son remplacement, d'office ou sur simple requête de la partie la plus diligente par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état ;
Dit que l'expertise se déroulera sous le contrôle du Conseiller de la mise en état, auquel il en sera référé en cas de difficulté ;
Réserve les dépens et frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Mireille PEYRON Roger NEGRE