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21/03/2024 | FRANCE | N°21BX01542

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 21 mars 2024, 21BX01542


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Réseau de transport d'électricité (RTE) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le département de la Gironde, et, à titre subsidiaire, in solidum ce dernier avec la société Immobilière Européenne des Mousquetaires (IEM)

et la commune de La Réole, à lui verser la somme de 248 198,22 euros en réparation des préjudices résultant de l'affaissement de la route départementale n° 670 et du talus la bordant, le 13 février 2016.
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Par un jugement n° 1900048 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Réseau de transport d'électricité (RTE) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le département de la Gironde, et, à titre subsidiaire, in solidum ce dernier avec la société Immobilière Européenne des Mousquetaires (IEM)

et la commune de La Réole, à lui verser la somme de 248 198,22 euros en réparation des préjudices résultant de l'affaissement de la route départementale n° 670 et du talus la bordant, le 13 février 2016.

Par un jugement n° 1900048 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le département de la Gironde à verser à la société RTE la somme

de 248 198,22 euros et a mis à sa charge les dépens de 96 849,79 euros. Il a rejeté, comme portés devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, les appels en garantie formés par la société IEM à l'encontre des sociétés B..., AEB Ingénierie, Jacetclo et Axa France, par la commune à l'encontre de la société IEM, et par M. B... à l'encontre des sociétés RTE, IEM, Jacetclo, SMACL et Axa France. Il a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par la société AEB Ingénierie, par la commune de La Réole à l'encontre du département de la Gironde, par la société IEM à l'encontre de la commune de La Réole, et par M. B... à l'encontre du département de la Gironde et de la commune de La Réole.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 avril 2021, 29 septembre 2022, 14 novembre 2022, 31 janvier 2023 et 17 mars 2023, le département de la Gironde, représenté par la SELARL Cabinet Coudray, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 février 2021 ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté l'appel en garantie qu'il avait formé à l'encontre de la société L'Immobilière Européenne des Mousquetaires (IEM), de la régie multi-services de La Réole et de la commune de La Réole, et de condamner in solidum ces trois personnes morales ainsi que la société Sodalis 2 à le garantir de toute condamnation ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une expertise pour établir la cause et les responsabilités des désordres ;

4°) de mettre à la charge de la société RTE ou, à défaut, à la charge solidaire

des appelés en garantie la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, les dommages causés au réseau appartenant à RTE à la suite d'un affaissement de talus ne sont pas la conséquence d'une opération de travaux publics ; les travaux sous maîtrise d'ouvrage publique, réalisés

en 2005, ont porté sur la réalisation d'un " tourne-à-gauche " et l'élargissement de la route en aval du point d'effondrement survenu en 2016 ; le talus concerné a été modifié lors des travaux de réalisation concomitante du magasin Netto, sous maîtrise d'ouvrage de la société Immobilière des mousquetaires ; le permis de construire a été délivré à la SCI Dupont, aux droits de laquelle vient la société IEM ; selon les expertises, l'affaissement est dû à la qualité médiocre du terrain, à la pente trop importante du talus et à la présence d'eau en grande quantité ;

- le caractère accessoire à la voie publique d'un ouvrage dépend de l'existence d'un lien fonctionnel mais aussi de l'absence de titre de propriété privée ; en l'occurrence, la limite du domaine public sur la portion du talus affaissé se confond avec la crête du talus ; il s'en déduit que l'entier talus appartient à l'aménageur de la plateforme commerciale située en contre-bas, ce que confirment les termes de la convention conclue entre la SCI Dupont et le département ; le talus ne peut donc être qualifié d'ouvrage public et la circonstance que les travaux ont été demandés par le département est sans incidence sur leur caractère d'opération de droit privé ; en tout état de cause, dès lors que l'entretien du talus incombait à

la SCI Dupont, la question de la propriété publique ou privée est indifférente ;

- il n'existe aucun lien de causalité entre le dommage subi par la société RTE et l'existence ou le fonctionnement de la voirie départementale ; selon l'expertise du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), la rupture de la canalisation d'alimentation en eau potable (AEP) en décembre 2014 a engorgé le talus et constitue l'élément déclencheur du glissement de terrain ; selon l'expertise qu'il a sollicitée du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), le glissement s'explique par le passage aux caractéristiques à long terme des argiles constitutives du talus ;

- il ne peut lui être reproché d'avoir commis une faute en validant la conception du talus privé, en manquant à un devoir d'entretien ou de surveillance, ou en étant à l'origine de surcharges apportées sur la zone d'affaissement, alors qu'aucune étude géotechnique de conception n'a été réalisée avant la réalisation du talus privé, qu'il n'a donc pu valider, que l'entretien incombait à la société IEM, qu'un seul désordre a eu lieu auparavant et a fait l'objet des travaux adéquats, et qu'à chaque fois que la voie a été rénovée, l'ancien revêtement a été retiré avant la pose du nouveau, afin d'éviter toute surcharge ; en outre, l'expert n'établit aucun lien de causalité entre une surcharge et l'affaissement du talus ; de même, le passage de poids lourds a été regardé comme ayant une incidence négligeable ; la surveillance du mouvement issu de la fuite d'eau a été mise en place rapidement et a été renforcée et formalisée en août 2015, ce qui a amené le CEREMA à écarter toute faute du département dans la réactivité dans le processus de décision ;

- la responsabilité contractuelle du département ne peut être recherchée en l'absence de contrat avec la société RTE ;

- la société RTE n'établit pas le caractère certain de son préjudice, dès lors qu'il n'est pas démontré que les factures produites ont été acquittées ; seule la somme

de 85 319,65 euros hors taxes est justifiée ;

- à supposer que sa responsabilité soit engagée, il doit être garanti par la commune de La Réole, assistée de ses constructeurs (le cabinet B... et la société Aquitaine Etudes Bâtiments Ingénierie), et la société IEM, puisque l'expertise a également retenu leur responsabilité, tout comme la Régie multi-services de La Réole du fait des défaillances relatives aux canalisations qui ont été un élément déclencheur de la réactivation d'un glissement a priori ancien et qui sont récurrentes, alors qu'il est établi que ces canalisations, trop rigides pour un terrain argileux, n'ont pas été réalisées dans les règles de l'art ; le talus ayant été réalisé sous la maîtrise d'ouvrage de la société IEM, le défaut de conception et d'exécution et un défaut d'entretien ne peuvent être reprochés qu'à cette société, d'autant que celle-ci a modifié l'emprise du talus sur toute sa longueur sans en préciser la raison, accroissant ainsi la pente ; cette société aurait dû réaliser les études géotechniques nécessaires avant de procéder aux travaux demandés ; le défaut d'entretien du talus a été constaté par l'expert judiciaire ; par ailleurs, l'aménagement de la circulation qui relève de la commune a aggravé le dommage en causant surcharge et vibrations ; la circonstance que l'expert a qualifié d'accessoire la responsabilité de la commune n'exonère pas cette dernière ; si elle a pris un arrêté pour réglementer la circulation des poids lourds, celui-ci n'a pas eu l'effet escompté ; si le rapport du CEREMA estime que cette circulation des poids lourds n'a pas été un facteur aggravant, cela n'est pas contradictoire avec le fait qu'il s'agisse d'une cause ;

- à supposer que sa responsabilité soit engagée en raison d'une surcharge sur la zone d'affaissement, elle devrait être limitée à hauteur de 5% ;

- les conclusions des diverses expertises étant divergentes et l'expertise judiciaire n'ayant pas analysé l'origine de la présence d'eau en grande quantité, il y aurait lieu, à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;

- la société IEM ne peut utilement soutenir qu'elle n'est plus propriétaire du talus depuis le 2 août 2017, alors que le sinistre est intervenu en 2016 ; en tout état de cause, il s'agit d'un moyen nouveau en appel ;

- la mise en cause de la société Sodalis 2 ne peut être regardée comme tardive, aucun délai n'étant applicable, et à défaut de publication de l'acte de vente au service de la publicité foncière, cette cession n'est pas opposable aux tiers ; sa garantie est recherchée s'il n'est pas retenu que la société IEM est responsable de son bien au jour du sinistre.

Par des mémoires enregistrés les 9 août 2021, 28 décembre 2022 et 18 avril 2023,

la société L'Immobilière Européenne des Mousquetaires, représentée par la SELARLU Palmieri avocats, conclut au rejet de la requête et des conclusions de la société RTE et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la commune de La Réole à la garantir de toute condamnation, et demande à ce que soit mise à la charge du département de la Gironde la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle fait valoir que :

- elle n'est plus propriétaire des parcelles limitrophes aux désordres depuis

le 2 août 2017, celles-ci ayant été cédées à la société Sodalis 2 ; elle ne peut donc être tenue pour responsable des désordres ; les conclusions dirigées à son encontre sont irrecevables ;

- le talus est une dépendance de l'ouvrage public constitué par la route départementale, du fait du lien tant physique que fonctionnel qui existe entre les deux ; de ce fait, la question de la propriété de ce talus ne peut être utilement invoquée par le département ; au demeurant, ce talus appartient au département, dès lors qu'aucun titre ne lui en attribuait la propriété ; la clause de l'article 6 de la convention conclue entre

la SCI Dupont et le département, relative à l'entretien de ce talus, est contestable et n'a jamais été mise en œuvre ; le département était en outre le maître d'ouvrage de sa conception et de sa réalisation, ce qui résulte de la convention conclue avec la SCI Dupont ainsi que des demandes présentées par les services du département de reconstituer le talus après élargissement de la route selon des préconisations non conformes aux règles de l'art, puis de le modifier ; elle n'a jamais été informée avant août 2015 de désordres sur la voie et d'une mise en cause d'une mauvaise conception du talus, alors même que des travaux avaient été préconisés ; le département était donc responsable des dommages causés par le talus en tant que seul maître d'ouvrage, d'autant qu'il n'établit ni l'existence d'une faute de la victime, ni un cas de force majeure ; le rapport du CEREMA, d'une part n'a pas été établi au contradictoire des parties, d'autre part ne contredit pas les éléments techniques contenus dans le rapport d'expertise ; ce rapport affirme que les travaux n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art ;

- contrairement à ce qu'a estimé l'expert, il ne peut lui être reproché un défaut d'entretien d'un talus qui ne lui appartenait pas et qui relevait de l'emprise du domaine public ; en tout état de cause, l'effondrement du talus n'a pas pour cause un défaut d'entretien, mais un défaut de conception et de réalisation ; les autres causes des désordres, identifiées par l'expert ne lui sont pas imputables puisqu'elles relèvent du département, voire de la commune ;

- les demandes présentées par la société RTE à l'encontre d'une personne privée sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- elle doit être garantie par la commune, puisque l'expert relève que malgré les préconisations, celle-ci a laissé ouverte à la circulation la moitié de la voie, ce qui a constitué un élément aggravant en produisant une surcharge et des vibrations ; la commune avait connaissance d'affaissements superficiels dès le premier trimestre 2013 et ne l'a pas avertie ; c'est l'absence d'interdiction totale de la circulation qui a conduit à ce que des poids lourds continuent à y circuler ; l'arrêté du 13 février 2016, jour du glissement de terrain,

est intervenu trop tard.

Par des mémoires, enregistrés les 28 septembre 2021, 3 novembre 2022

et 1er février 2023, la commune de La Réole et la société Mutuelle d'assurance des collectivités territoriales (SMACL), représentées par la SCP CGCB et associés, concluent au rejet de la requête et des conclusions des sociétés L'immobilière européenne des mousquetaires, Sodalis 2 et AEB Ingénierie, et demandent que soit mise à la charge du département de la Gironde la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- l'expert n'a retenu la responsabilité de la commune qu'à titre accessoire et pour le seul motif du maintien de la circulation sur une demi-chaussée ; le maire a fait usage de ses pouvoirs de police dès la survenance des premiers désordres, deux arrêtés de réglementation de la circulation ayant été édictés le 16 décembre 2014 avant que ne soit pris l'arrêté

du 13 février 2016 ; constatant que l'interdiction imposée aux poids-lourds n'était pas respectée, elle a renforcé la signalisation et saisi en vain les services du département de cette question, ce qui a conduit l'expert à retenir la responsabilité du département y compris pour ce motif ; le rapport du CEREMA a estimé que cette circulation ne constituait pas un facteur aggravant du glissement de terrain ;

- il ne lui appartenait pas de préconiser une intervention sur le talus, n'étant propriétaire ni du talus ni de la voie ; elle a malgré tout assuré une surveillance des mouvements du talus ; les arrêtés de réglementation de la circulation ont été pris sans attendre les recommandations du BRGM qui, au demeurant, ne préconisait pas la fermeture totale de la voirie, sauf aggravation significative ; dans la mesure où l'entretien de la voie incombe au département et que celui-ci a entrepris des travaux de remise en état de la chaussée après les mouvement superficiels constatés en avril 2013, il n'appartenait pas à la commune d'intervenir, ni d'avertir la société IEM ;

- la nouvelle expertise sollicitée par le département n'est pas utile à la résolution

du litige.

Par des mémoires, enregistrés les 27 octobre 2021 et 15 décembre 2022, la société Compagnie Axa France, représentée par Me Rivière, conclut au rejet de toutes demandes adverses en ce qu'elles seraient dirigées contre elle et demande que soit mise à la charge du département de la Gironde la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucune demande n'est formée en appel à son encontre en qualité d'assureur de la SAS Jacetclo ; le jugement qui rejette les conclusions présentées contre elle comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître doit être confirmé ; l'action directe ouverte à la victime à l'encontre de l'assureur de l'auteur du dommage relève de la compétence des tribunaux judiciaires.

Par un mémoire, enregistré le 16 décembre 2022, la société Jacetclo, représentée par la SELARL Bernadou avocats, conclut au rejet de toutes demandes adverses en ce qu'elles seraient dirigées contre elle et demande que soit mise à la charge du département de la Gironde la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucune conclusion n'est présentée en appel à son encontre ; le jugement qui rejette les conclusions présentées contre elle comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître doit être confirmé dès lors qu'elle n'a pas participé à l'opération de travaux publics et n'a conclu aucun contrat de droit public avec une des parties.

Par des mémoires, enregistrés les 28 décembre 2022 et 18 avril 2023, la société Sodalis 2, représentée par la SELARLU Palmieri avocats, conclut au rejet de la requête et des conclusions adverses et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la commune de la Réole à la garantir de toute condamnation, et demande que soient mis à la charge du département de la Gironde la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle fait valoir que :

- les conclusions présentées à son encontre sont irrecevables puisqu'elle n'a été mise en cause pour la première fois qu'en appel, cinq ans après la vente des parcelles par la société IEM, ce qui au demeurant est susceptible de poser un problème de prescription, et plus de quinze mois après le mémoire faisant état de cette vente ; le mémoire en intervention forcée n'est en outre assorti d'aucun moyen ;

- le talus est une dépendance de l'ouvrage public constitué par la route départementale, du fait du lien tant physique que fonctionnel qui existe entre les deux ; de ce fait, la question de la propriété de ce talus ne peut être utilement invoquée par le département ; au demeurant, ce talus appartient au département, dès lors qu'aucun titre ne lui en attribuait la propriété ; la clause de l'article 6 de la convention conclue entre

la SCI Dupont et le département, relative à l'entretien de ce talus, est contestable et n'a jamais été mise en œuvre ; le département était en outre le maître d'ouvrage de sa conception et de sa réalisation, ce qui résulte de la convention conclue avec la SCI Dupont ainsi que des demandes présentées par les services du département de reconstituer le talus après élargissement de la route selon des préconisations non conformes aux règles de l'art, puis de le modifier ; elle n'a jamais été informée avant août 2015 de désordres sur la voie et d'une mise en cause d'une mauvaise conception du talus, alors même que des travaux avaient été préconisés ; le département était donc responsable des dommages causés par le talus en tant que seul maître d'ouvrage, d'autant qu'il n'établit ni l'existence d'une faute de la victime, ni un cas de force majeure ; le rapport du CEREMA, d'une part n'a pas été établi au contradictoire des parties, d'autre part ne contredit pas les éléments techniques contenus dans le rapport d'expertise ; ce rapport affirme que les travaux n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art ;

- contrairement à ce qu'a estimé l'expert, il ne peut lui être reproché un défaut d'entretien d'un talus qui ne lui appartenait pas et qui relevait de l'emprise du domaine public ; en tout état de cause, l'effondrement du talus n'a pas pour cause un défaut d'entretien, mais un défaut de conception et de réalisation ; les autres causes des désordres, identifiées par l'expert, ne lui sont pas imputables puisqu'elles relèvent du département, voire de la commune ;

- les demandes présentées par la société RTE à l'encontre d'une personne privée sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- elle doit être garantie par la commune, puisque l'expert relève que malgré les préconisations, celle-ci a laissé ouverte à la circulation la moitié de la voie, ce qui a constitué un élément aggravant en produisant une surcharge et des vibrations ; la commune avait connaissance d'affaissements superficiels dès le premier trimestre 2013 et ne l'a pas avertie ; c'est l'absence d'interdiction totale de la circulation qui a conduit à ce que des poids lourds continuent à y circuler ; l'arrêté du 13 février 2016, jour du glissement de terrain, est intervenu trop tard.

Par un mémoire, enregistré le 9 janvier 2023, la société Aquitaine études bâtiments ingénierie, représentée par Me Bertin, conclut au rejet de toutes demandes adverses et, subsidiairement, à la condamnation solidaire du département de la Gironde, de M. B... et de la commune de La Réole à la garantir, et demande à ce que soit mise à la charge de toute partie succombante la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les appels en garantie formés à son encontre sont portés devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- l'expert souligne que si l'effondrement majeur est survenu en février 2016, l'apparition des désordres est bien antérieure, des affaissements ayant été constatés

dès 2013 ;

- aucune partie ne démontre en quoi elle aurait commis une faute, d'autant qu'elle est intervenue sur le chantier en juin 2005, à une date où la plateforme et le talus avec

ses enrochements existaient déjà ; l'expert ne justifie pas des raisons pour lesquelles il retient

sa responsabilité.

Par un mémoire, enregistré le 20 février 2023, la société Réseau de transport d'électricité (RTE), représentée par la SELARL Racine Bordeaux, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum du département de la Gironde, de la commune de La Réole et de la société Immobilière européenne des mousquetaires à lui verser la somme de 248 198,22 euros HT sous réserve d'une éventuelle réclamation ultérieure de la SNCF à son encontre du fait de la gestion des installations en mode dégradé du 13 février au 30 août 2016 ainsi qu'aux dépens, et demande que soit mise à la charge

de chacune de ces trois personnes morales la somme de 4 500 euros sur le fondement

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité du département a été engagée à juste titre en raison de l'affaissement d'un talus, accessoire de la voie départementale ; le département ne peut s'exonérer en invoquant la nature des sols, la survenance d'épisodes pluvieux, le bon entretien général de l'ouvrage ou l'implantation d'une canalisation non conforme aux règles de l'art par la Régie multi-services de La Réole ; l'instabilité des sols ne peut être regardée comme un cas de force majeure dès lors que la nature des sols devait être prise en compte lors de la réalisation du talus ; les travaux de remise en état de la chaussée en 2013 ont été effectués sans entreprendre de travaux de confortement, pourtant recommandés par les experts et techniciens ; les épisodes pluvieux, dont l'expert a tenu compte, ne revêtaient pas un caractère d'imprévisibilité ; le rapport du CEREMA ne contredit pas utilement les conclusions expertales ;

- le talus situé en bordure de voie publique est une dépendance du domaine public routier dès lors qu'il est nécessaire au soutien de la chaussée ou à sa protection, comme le démontrent les plans de la direction départementale de l'équipement de 1989 ; le talus remodelé pour les besoins de la construction du magasin est venu se juxtaposer à celui existant ; la circonstance que ce talus a aussi pour fonction de supporter la propriété privée voisine ou qu'il a fait l'objet d'une modification de pente pour la construction de la plateforme Netto, est sans incidence sur son caractère d'accessoire de l'ouvrage public ; la question de la propriété de ce talus est sans incidence, et les termes de la convention conclue avec la SCI Dupont ne peuvent être utilement invoqués par le département pour s'exonérer ; ce dernier est responsable de ne pas avoir mené d'étude géologique lorsqu'il a fait réaliser les travaux de remise en état de la chaussée à la suite de mouvements superficiels ;

- en tant que tiers, elle bénéficie d'un régime de responsabilité sans faute dès lors qu'il existe un lien de causalité entre l'effondrement de la voie et le dommage causé aux câbles de la ligne électrique ; le préjudice subi n'a pas à remplir les conditions de gravité et de spécialité ;

- le montant du préjudice s'élève à 248 198,22 euros HT, sous réserve d'une éventuelle réclamation ultérieure de la SNCF à son encontre du fait de la gestion des installations en mode dégradé du 13 février au 30 août 2016 ;

- la responsabilité du département peut également être engagée pour faute, dès lors qu'il avait connaissance du risque d'effondrement de la voie depuis a minima 2013 et qu'il n'a pris aucune mesure qui s'imposait ; la réfection de la voie en 2013 et 2014 a aggravé le risque d'effondrement par un apport de matériaux venant surcharger la crête du talus ;

c'est au département qu'incombait la gestion et l'entretien de la voie en application de l'article L. 131-2 du code de la voirie routière ; RTE dispose d'un titre d'occupation de la voirie pour l'établissement des ouvrages électriques en application de l'article L. 122-3 du code de la voirie routière ; la responsabilité quasi-délictuelle du département à l'égard d'un occupant domanial autorisé ou à défaut sa responsabilité pour faute présumée à l'égard d'un usager du domaine public départemental du fait d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage routier est donc engagée ; à titre subsidiaire, sa responsabilité contractuelle pour faute peut être recherchée sur le fondement d'une convention d'occupation domaniale ;

- à défaut de condamnation du département pour l'intégralité du préjudice subi, il y a lieu de condamner in solidum le département, la commune et la société IEM, à l'égard de laquelle la juridiction administrative est bien compétente ; la responsabilité de cette société peut être engagée sans faute ou pour faute présumée du fait de l'aménagement anormal de l'ouvrage public, la pente du talus ayant été accentuée et le mur de soutènement n'ayant pas été correctement aménagé ; la commune est également responsable pour ne pas avoir fait usage de ses pouvoirs de police de la circulation afin de dévier les poids lourds, l'arrêté municipal du 13 février 2016 ayant été pris le jour de l'effondrement du talus litigieux.

Par un mémoire, enregistré le 20 mars 2023, M. A... B..., représenté par la société Aequo, conclut au rejet des conclusions de la société Aquitaine Etudes Bâtiments Ingénierie et de toute autre partie et demande que soit mise à la charge de cette société

ou de toute autre partie succombante la somme de 5 000 euros sur le fondement de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre par la société AEB Ingénierie ne peuvent être que rejetées, faute pour cette dernière de démontrer en quoi il aurait commis une faute ; en tout état de cause, la juridiction administrative n'est, ainsi que l'a jugé le tribunal, pas compétente pour statuer sur les recours des constructeurs liés par des contrats de droit privé ;

- son intervention est bien antérieure à la survenue des défauts de conformité du talus et de nombreuses modifications sont intervenues dans l'intervalle, en particulier sous l'impulsion du département lors de l'élargissement de la voie puis lors des travaux entrepris pour la construction du magasin ;

- les pièces produites tendent à contredire les affirmations de la société AEB Ingénierie selon laquelle elle ne serait pas intervenue sur le talus litigieux ; à défaut de produire le contrat de maîtrise d'œuvre, il n'est pas établi que celui-ci ne rentrerait pas dans le périmètre de sa mission ; les travaux réalisés pour la construction du magasin sont venus modifier le talus en l'entaillant pour permettre le raccordement de différents réseaux, en affaiblissant sa butée par la création d'un fossé en pied et en modifiant sa pente ; la responsabilité de la société IEM est également engagée du fait des défaillances dans l'entretien du talus et de la réalisation d'un talus non conforme ;

- selon le rapport d'expertise, les défauts initiaux de conformité du talus proviennent des travaux réalisés par le département, ses services en charge de la maîtrise d'œuvre ayant donné des instructions pour sa conception et sa réalisation ; le rapport d'expertise dresse la liste des nombreuses fautes commises par le département.

Par une ordonnance du 21 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 21 avril 2023.

Par lettre du 6 février 2024, les parties ont été informées, en application de

l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions d'appel en garantie formées par le département de la Gironde à l'encontre de la société IEM, dès lors qu'il n'appartient pas à cet ordre de juridiction de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut avoir encourue à l'égard d'une personne publique, en l'absence de disposition législative spéciale ou d'opération de travaux publics.

Un mémoire, présenté pour la société Axa France Iard, a été enregistré

le 12 février 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.

Des observations, présentées pour le département de la Gironde en réponse au moyen relevé d'office par la cour, ont été présentées le 21 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Petit-Saint, représentant le département de la Gironde, de Me Caijeo, représentant la société RTE, de Me Triantafilidis, représentant la commune

de la Réole et la Régie multi-services de La Réole ainsi que la SMACL, de Me Vignes, représentant la compagnie d'assurance Axa IARD France, de Me Raddatz, représentant la société Jacetclo et de Me Le Pennec, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 février 2016, à la suite d'importantes précipitations, un glissement de terrain s'est produit sur la route départementale n° 670, sur le territoire de la commune de

La Réole (Gironde), occasionnant sur une longueur de 80 mètres, un affaissement de la moitié de la chaussée sur une largeur de 3 mètres, du trottoir et du talus adjacent, sur une profondeur de 1,50 mètre. Cet effondrement a entraîné la rupture de plusieurs réseaux enterrés sous cette voie, dont la ligne électrique de 63 000 volts exploitée par la société Réseau de transport d'électricité (RTE) pour l'alimentation d'une ligne ferroviaire. Un constat et une expertise des désordres ont été établis les 23 février 2016 et 7 juillet 2017 à la demande du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, saisi par la commune de La Réole. Au vu du rapport d'expertise, la société RTE a demandé au tribunal de condamner le département de la Gironde à l'indemniser du préjudice matériel subi. Par un jugement du 9 février 2021 dont le département relève appel, le tribunal l'a condamné à verser à la société RTE la somme

de 248 198,22 euros et a rejeté ses appels en garantie formés à l'encontre de la société L'immobilière européenne des mousquetaires (IEM), alors propriétaire de la parcelle située en contrebas de la route et sur laquelle est édifié un supermarché, à l'encontre de la commune de La Réole et à l'encontre de la Régie multi-services de La Réole.

Sur le principe de responsabilité :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

3. La circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage. Si tel est le cas, la collectivité propriétaire de l'ouvrage public est responsable des conséquences dommageables causées par cet élément de l'ouvrage public.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les dommages subis par la ligne électrique exploitée par la société RTE sont dus à l'effondrement, survenu

le 13 février 2016, d'une moitié de la route départementale, du trottoir la jouxtant et du talus aval sur une longueur de 80 mètres et une hauteur d'1,50 mètre. Selon l'expert, ces désordres sont dus à la pente du talus trop importante et non adaptée au contexte géotechnique des sols du site, de médiocre qualité (argiles, remblais), et à une saturation des sols induite par des évènements pluvieux plus ou moins conséquents dont les écoulements au sein du talus ont été favorisés par sa configuration. Ce talus, dont l'effondrement a entraîné avec lui la moitié de la largeur de la voie, constitue un accessoire indispensable à l'ouvrage public que constitue la route départementale qu'il supporte. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le département ne peut utilement se prévaloir, pour se dégager de sa responsabilité envers RTE, de ce que ce talus appartiendrait à la société riveraine, l'Immobilière européenne des mousquetaires (IEM), ni de ce qu'il aurait été modifié par cette société lors des travaux réalisés pour la construction d'un supermarché en contrebas de la voie. S'il invoque également la mauvaise qualité du terrain, relevée par un rapport du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) qui fait état du " passage aux caractéristiques à long terme des argiles constitutives du talus ", ainsi que la présence d'eau en grande quantité en raison notamment d'une rupture d'une canalisation d'eau potable en décembre 2014, ces phénomènes ne permettent pas de caractériser un cas de force majeure de nature à l'exonérer.

5. La responsabilité du département de la Gironde étant engagée sans faute à l'égard de la société RTE, qui a la qualité de tiers, en raison des dommages causés par la voie départementale dont il a la garde, il ne peut utilement faire valoir qu'il n'a commis aucune faute dans l'entretien de la voie et sa gestion du domaine, ni invoquer le fait d'un tiers en ce que la société IEM aurait manqué à son obligation d'entretien du talus, résultant d'une convention signée, avec la SCI Dupont aux droits de laquelle vient la société IEM,

les 5 novembre 2004 et 8 avril 2005.

Sur le préjudice :

6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et des pièces justificatives produites par la société RTE, que celle-ci a subi un préjudice d'un montant

de 248 198,22 euros HT, comprenant des frais de main d'œuvre pour 84 352,45 euros HT et des frais hors main d'œuvre pour 163 845,77 euros HT. Ainsi que l'a relevé l'expert, la réfection des câbles haute tension a exigé une intervention lourde aussi bien en termes de travaux que de délais. Alors que la réalité du dommage subi, constitué par la rupture de la ligne électrique de 63 000 volts, est établie et que les pièces justificatives sont suffisamment détaillées pour faire apparaître les prestataires auxquels il a été recouru pour les réparations et l'objet de chacune de leurs interventions, la circonstance que la société RTE ne produise pas la preuve de l'acquittement des factures n'est pas de nature à remettre en cause la réalité du préjudice. En revanche, si la société RTE fait valoir qu'il convient de réserver une éventuelle réclamation ultérieure de la SNCF du fait de la gestion des installations en mode dégradé,

du 13 février au 30 août 2016, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, huit ans après la survenue du désordre, une telle réclamation lui ait été faite. Par suite cette demande doit être rejetée.

Sur les appels en garantie :

En ce qui concerne les appels en garantie formés par le département :

7. Le département de la Gironde appelle en garantie solidaire la société IEM, la société Sodalis 2, la régie multi-services de La Réole et la commune de La Réole.

8. En premier lieu, si la juridiction administrative est compétente pour apprécier la responsabilité d'une collectivité publique à l'égard d'une personne privée du fait de l'aménagement ou de l'entretien défectueux d'un ouvrage public, il ne lui appartient pas, en l'absence d'une disposition législative spéciale, de statuer sur la responsabilité qu'une personne privée peut avoir encourue à l'égard d'une personne publique.

9. Il résulte de ce qui précède que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître de la responsabilité de la société L'immobilière européenne des mousquetaires ou de la société Sodalis 2 qui est devenue propriétaire par la suite de la parcelle située en contrebas de la voie, quand bien même la cause du dommage subi par la

société RTE est un défaut d'entretien normal d'un ouvrage public. Il résulte en outre de l'instruction que, si le département a réalisé des travaux sur cette voie qui ont consisté en un élargissement afin d'aménager un tourne-à-gauche, ceux-ci ont concerné une portion de la voie qui se situe en aval de celle qui s'est affaissée. Dans la zone concernée par l'affaissement, des travaux ont été réalisés lors de l'aménagement de la plateforme du bâtiment du supermarché appartenant alors à la société IEM, et le talus supportant la voie a vu sa pente accentuée à cette occasion. Toutefois, ces travaux, alors même qu'ils ont concerné un accessoire indispensable de l'ouvrage public, ne sauraient être qualifiés d'opération de travaux publics, dès lors qu'ils ont été réalisés sous maîtrise d'ouvrage privée. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions judiciaires de connaître du litige soulevé par ces appels en garantie. Il y a lieu d'annuler le jugement du 9 février 2021 en tant que le tribunal administratif de Bordeaux s'est reconnu compétent pour connaître de la demande du département de la Gironde et, statuant par voie d'évocation, de rejeter les appels en garantie contre les propriétaires successifs du terrain en contrebas comme portés devant une juridiction incompétente pour en connaître.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise que si le maintien, décidé par le maire de la commune de La Réole, de la circulation sur la demi-chaussée de la route départementale entre juillet 2015 et

le 13 février 2016 a pu entraîner une surcharge et des vibrations aggravant la dégradation de l'ouvrage public, l'effondrement se serait tout de même produit en l'absence d'une telle circulation compte tenu de la structure du talus et de l'abstention fautive du département à intervenir en dépit du caractère apparent des fissures constatées dès 2013 sur la voie et de nombreux signalements. Par suite, le département de la Gironde n'est pas fondé à appeler en garantie la commune de La Réole.

11. En dernier lieu, il résulte du rapport d'expertise que les réseaux implantés par la Régie multi-services de La Réole ne recelaient aucun défaut majeur, que la canalisation d'alimentation en eau potable (AEP) ne présentait pas de risque de fuite et que sa rupture, survenue en décembre 2014, était due à l'affaissement du talus. Si l'hypothèse d'une saturation progressive des sols en eau a été avancée, aucun lien n'est établi entre cette rupture, qui a été correctement réparée selon l'expertise, et l'effondrement du talus survenu plus d'un an plus tard. Par suite, le département de la Gironde n'est pas fondé à appeler en garantie la Régie multi-services de La Réole, quand bien même la pose de la canalisation d'eau potable en fonte n'aurait pas pris en compte les précautions nécessaires dans un environnement argileux.

En ce qui concerne les appels en garantie formé par les sociétés :

12. Eu égard à ce qui a été dit au point 9, les appels en garantie formés par les sociétés IEM et Sodalis 2 à l'encontre de la commune de La Réole sont sans objet.

13. La responsabilité de la société AEB Ingénierie n'étant pas engagée, les appels en garantie qu'elle a formés à l'encontre du département de la Gironde, de M. B... et de la commune de La Réole sont également, en tout état de cause, sans objet.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise complémentaire qui ne serait pas utile à la résolution du litige, que le département de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à réparer le préjudice subi par la société RTE et a rejeté ses appels en garantie formés contre la commune de La Réole et la Régie multi-services de La Réole.

Sur les frais liés au litige :

15. D'une part, il ressort des énonciations du jugement attaqué que les frais et honoraires du constat et de l'expertise, incluant les frais et honoraires des sapiteurs, ont été mis à la charge du département de la Gironde. Par conséquent, les conclusions des sociétés IEM et Sodalis 2 tendant à cette fin, ainsi que celles de la société RTE, sont sans objet.

16. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Gironde des sommes de 1 500 euros à verser d'une part à la commune de la Réole et d'autre part à la société RTE, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les appels en garantie formés par le département de la Gironde à l'encontre de la société l'Immobilière Européenne des Mousquetaires.

Article 2 : Les conclusions d'appel en garantie formées par le département de la Gironde à l'encontre de la société IEM et de la société Sodalis 2 sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions du département de la Gironde est rejeté.

Article 4 : Le département de la Gironde versera des sommes de 1 500 euros à la société RTE d'une part et à la commune de La Réole d'autre part, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des autres parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Gironde, à la société Immobilière Européenne des Mousquetaires, à la commune de la Réole, à la société Mutuelle d'assurance des collectivités territoriales, à la société Compagnie d'assurances AXA France IARD, à la société Jacetclo, à la société Sodalis 2, à la société Aquitaine Etudes Bâtiments Ingénierie, à la société Réseau de Transport d'Electricité, à M. A... B... et à la Régie multi-services de La Réole.

Délibéré après l'audience du 27 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX01542


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01542
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CABINET COUDRAY URBANLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;21bx01542 ?
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