Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La préfète de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le maire de Lacanau a accordé un permis de construire à M. B... A... en vue de la construction d'une maison individuelle sur la parcelle cadastrée section CR n°42, ainsi que la décision du 16 avril 2021 par laquelle le maire de Lacanau a rejeté son recours gracieux du 18 mars 2021.
Par un jugement n°2102920 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 24 décembre 2020.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 8 juillet 2022 et 22 mai 2024, la commune de Lacanau, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de rejeter la demande de la préfète de la Gironde ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement attaqué n'est pas signée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en annulant le permis de construire attaqué sur le fondement de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme alors que compte tenu de la situation du projet dans la bande des 100 mètres, seules étaient applicables les dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme ;
- le terrain d'assiette du projet s'inscrit en continuité d'un village existant au sein d'un espace caractérisé par un nombre et une densité significatifs de constructions ; il ressort du schéma de cohérence territoriale Médoc Atlantique modifié, exécutoire depuis le 8 mai 2024, que le lieu-dit Longarisse est intégré dans le village " le lac sud-ouest " ; le projet en litige ne méconnaît donc pas l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le projet en cause répond aux exigences de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme dès lors qu'il se situe dans un espace urbanisé de la bande littorale de cent mètres.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Lacanau ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Une première audience publique s'est tenue le 30 mai 2024.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Lacanau a été enregistrée le 31 mai 2024 et a été communiquée.
Ont été entendus au cours de la seconde audience publique du 28 novembre 2024 :
- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public,
- et les observations de Me Guillon-Coudray, représentant de la commune de Lacanau.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a déposé le 5 octobre 2020 auprès de la commune de Lacanau une demande de permis de construire en vue de l'édification d'une maison individuelle après démolition d'une superficie de 246,8 mètres carrés sur la parcelle cadastrée section CR n°42. Le maire de Lacanau, par un arrêté du 24 décembre 2020, lui a délivré ce permis de construire. La préfète de la Gironde a formé le 18 mars 2021 un recours gracieux à l'encontre de ce permis de construire, qui a été rejeté par une décision du maire de Lacanau du 16 avril 2021. La préfète de la Gironde a saisi le tribunal administratif de Bordeaux qui, par jugement du 2 juin 2022, a annulé l'arrêté du 24 décembre 2020. La commune de Lacanau relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R.741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement du tribunal administratif de Bordeaux a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur ainsi que la greffière d'audience. Le moyen tiré du défaut de signature de la minute du jugement attaqué manque donc en fait.
4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La commune de Lacanau ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de droit et d'appréciation.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Pour annuler l'arrêté du maire de Lacanau du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu que le permis de construire délivré à M. A... méconnaissait les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ainsi que celles de l'article L. 121-16 du même code.
6. D'une part, aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme : " (...) Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ". Aux termes de l'article L.121-8 du même code dans sa version issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages. ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement. ".
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet en cause est situé dans la bande littorale de cent mètres à compter des plus hautes eaux du lac de Lacanau. Ainsi, sont seules applicables les dispositions précitées au point 7 de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme et non pas également celles de l'article L. 121-8 du même code. Par suite, la commune de Lacanau est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux s'est notamment fondé sur le motif tiré de la méconnaissance de ces dernières dispositions pour annuler la décision litigieuse.
9. En second lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme, ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.
10. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe en limite sud-est du lieu-dit de Longarisse, relevant de la commune de Lacanau. Ce lieu-dit comprend une centaine de maisons individuelles réparties autour de quelques voies de circulation et s'insère dans un environnement arboré, bordé au nord, à l'est et au sud par le lac de Lacanau et sur une large partie ouest par une vaste zone naturelle. A la date de l'arrêté en litige, le schéma de cohérence territoriale des lacs médocains approuvé le 6 avril 2012, identifie ce quartier lacustre comme un espace d'urbanisation limitée composé d'un groupe d'habitations situées à l'écart de tout village ou agglomération. A cet égard, la commune de Lacanau ne peut utilement se prévaloir du schéma de cohérence territorial Médoc atlantique, approuvé le 22 février 2024, qui n'était pas applicable à la date de l'arrêté contesté. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le secteur d'implantation du projet ne compte aucun commerce, ni équipement collectif. Si le nombre des constructions situées au lieu-dit de Longarisse, à savoir une centaine, est conséquent, leur implantation, relativement lâche et pour la plupart sur des parcelles assez vastes, ne saurait être regardée comme étant d'une densité significative au sens du principe rappelé au point précédent. Par suite, le secteur ne peut être qualifié d'espace urbanisé au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme et c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le permis de construire délivré par le maire de Lacanau méconnaissait ces dispositions.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lacanau n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de la préfète de la Gironde tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
12. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. (...) Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
13. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Enfin lorsqu'une autorisation d'urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une nouvelle autorisation dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une nouvelle autorisation si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce.
14. Si la commune de Lacanau fait valoir, dans sa note en délibéré enregistré au greffe de la cour le 31 mai 2024, que le schéma de cohérence territoriale Médoc Atlantique, modifié par une délibération du 22 février 2024, identifie le secteur du " lac sud-ouest ", intégrant le lieu-dit Longarisse, comme un village existant au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, cette circonstance est sans incidence sur la méconnaissance par le projet en litige, constatée au point 10, des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, le vice résultant de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme n'est pas susceptible d'être régularisé.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Lacanau demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Lacanau est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lacanau, à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le président-assesseur,
Nicolas NormandLa présidente rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01830