PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE KOLONJA c. GRÈCE
(Requête no 49441/12)
ARRÊT
STRASBOURG
19 mai 2016
DÉFINITIF
19/08/2016
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kolonja c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
Ledi Bianku,
Kristina Pardalos,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Robert Spano,
Armen Harutyunyan,
Pauliine Koskelo, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 avril 2016,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 49441/12) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant albanais, M. Stefan Kolonja (« le requérant »), a saisi la Cour le 4 août 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Mes V. Chirdaris et E. Salamoura, avocats à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les déléguées de son agent, Mme A. Dimitrakopoulou, assesseure au Conseil juridique de l’Etat, et Mme K. Karavassili, auditrice au Conseil juridique de l’Etat. Le gouvernement albanais n’a pas usé de son droit d’intervenir dans la procédure (article 36 § 2 de la Convention).
3. Le requérant allègue une violation de son droit au respect de la vie familiale en raison de l’interdiction pérenne qui lui a été faite de revenir sur le territoire grec.
4. Le 16 mars 2015, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1968 et réside actuellement en Albanie.
6. Le requérant est né en Albanie de parents albanais d’origine grecque (ομογενείς). Il résidait sur l’île de Corfou depuis 1989 où il exerçait la profession de maçon. Le 13 avril 1994, il épousa une femme de son village de Corfou, albanaise d’origine grecque aussi, et eut deux enfants : une fille, née le 10 décembre 1994, et un garçon, né le 30 avril 2009. Son épouse et ses enfants ont la nationalité grecque et se sont vus accorder des cartes d’identité des ressortissants grecs, alors que ses trois frères se sont vus livrer la carte spéciale pour étranger d’origine grecque. En effet, les albanais d’origine grecque bénéficient en Grèce d’un statut spécial comportant le droit d’obtenir des cartes spéciales d’identité. L’épouse du requérant et deux des frères de celui-ci possèdent une entreprise de maçonnerie.
7. Par un arrêt no 24/1999 du 12 octobre 1999, la cour d’appel de Corfou, siégeant en formation de cinq membres et comme juridiction de première instance, condamna le requérant à une peine de réclusion de sept ans et une sanction pécuniaire de trois millions de drachmes pour achat de produits stupéfiants. La cour d’appel ordonna aussi une interdiction définitive du territoire grec après que celui-ci eût purgé sa peine sur le fondement de l’article 17 § 2 de la loi no 1729/1987. La cour d’appel a souligné que les origines du requérant, même si l’on admettait qu’elles étaient grecques, ne suffisaient pas à éviter l’expulsion de celui-ci.
8. Le 2 décembre 1999, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Corfou décida de libérer le requérant sous condition, estimant que les conditions légales pour une libération anticipée se trouvaient réunies dans son cas. Dans sa décision no 225/1999, la chambre d’accusation soulignait que son comportement pendant son incarcération était bon, qu’il n’avait pas fait l’objet de sanction disciplinaire, qu’il était travailleur et semblait regretter son acte. Elle relevait aussi que son expulsion et donc la séparation de sa famille, lui causerait ainsi qu’à son épouse et sa fille des problèmes psychologiques et économiques très graves.
9. En 2004, le requérant fut cependant renvoyé en Albanie en exécution de l’arrêt no 24/1999 susmentionné. Il ne ressort pas du dossier s’il y a eu une évolution de la procédure entre 1999 et 2004.
10. Le 22 avril 2005, le ministre de la Justice rejeta une demande du requérant en vertu de l’article 99 § 3 du code pénal visant à être réadmis en Grèce en raison de sa situation familiale. Le ministre motiva sa décision par le fait que les raisons familiales invoquées par le requérant n’étaient pas suffisantes pour l’emporter sur les raisons à la base de son expulsion, eu égard notamment à la nature et la gravité des infractions pour lesquelles il avait été condamné.
11. Le 18 juin 2007, le requérant revint clandestinement en Grèce.
12. Le 22 novembre 2010, le ministre de la Justice rejeta une nouvelle demande du requérant formulée sur le fondement de l’article 99 § 3 du code pénal pour les mêmes motifs que ceux indiqués dans la décision du 22 avril 2005 (paragraphe 10 ci-dessus).
13. Le 18 avril 2011, le requérant présenta auprès du procureur près le tribunal correctionnel de Corfou des objections contre le caractère perpétuel de son expulsion ordonnée par l’arrêt no 24/1999. Le 20 avril 2011, le tribunal correctionnel de Corfou rejeta les objections. Il considéra que comme l’expulsion avait déjà été exécutée à l’encontre du requérant, elle restait valide, n’était pas couverte par la prescription et pouvait de nouveau être exécutée en vertu du même arrêt. Il releva par ailleurs que le requérant n’avait pas obtenu la nationalité grecque et que son origine grecque seule ne suffisait pas à lui faire éviter l’expulsion. Enfin, il nota que le requérant n’était pas en attente d’obtention de la nationalité grecque car il ne ressortait pas du dossier qu’il avait saisi les autorités compétentes d’une demande de naturalisation.
14. Le 17 mai 2011, le requérant se pourvut en cassation contre cette décision. Il se fondait, entre autres, sur l’article 8 de la Convention et invoquait la stabilité de ses relations familiales et sociales en Grèce et les problèmes que sa famille rencontrerait s’il devait être interdit définitivement du territoire grec.
15. Le 5 octobre 2011, le requérant fut arrêté et détenu en vue de son expulsion vers l’Albanie.
16. Le 6 octobre 2011, le requérant présenta des objections contre la décision de détention devant le président du tribunal administratif de Corfou.
17. En outre, le 6 octobre 2011, le directeur de la Direction de police de Corfou ordonna le renvoi du requérant en Albanie. Contre cette décision, le requérant introduisit un recours hiérarchique devant le directeur général de la police des îles Ioniennes que celui-ci rejeta le 12 octobre 2011.
18. Le 7 octobre 2011, le président du tribunal administratif accueillit les objections du requérant et ordonna sa mise en liberté (décision no 14/2011). Il constata que pendant toute la durée de son séjour en Grèce après avoir purgé sa peine, le requérant n’avait pas fait preuve d’un comportement pénalement répréhensible ou d’une incivilité de nature à mettre l’ordre public en danger. Il nota aussi que la famille du requérant résidait de manière stable et constante dans une maison dont elle était propriétaire, que celui-ci n’était pas dangereux pour l’ordre public et ne risquait pas de fuir et que s’il était mis en liberté, il serait facile de le retrouver.
19. Le 21 octobre 2011, il introduisit devant le tribunal administratif de Corfou un recours en annulation contre la décision du directeur général de la police des îles Ioniennes, du 12 octobre 2011, ordonnant l’expulsion ainsi qu’un recours en suspension de l’exécution de cette mesure.
20. Par une décision no 26/2012 du 24 février 2012, le tribunal administratif de Corfou (statuant en chambre du conseil) accueillit la demande de suspension de l’expulsion du requérant. Il considéra que l’expulsion du requérant lui causerait un dommage difficilement réparable, qui consisterait en la destruction des relations familiales qu’il avait jusqu’alors tissées en Grèce. À cet égard, il se référa aux faits que son épouse et l’un des enfants avaient acquis la nationalité grecque, qu’il résidait dans une maison dont les propriétaires étaient son épouse et ses deux frères et que ses parents et ses frères résidaient légalement en Grèce et étaient munis d’une carte de séjour spéciale d’albanais d’origine grecque. Le tribunal estima, en outre, que la mesure litigieuse n’était pas justifiée par des motifs impérieux d’intérêt public.
21. Le 22 mai 2012, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant du 17 mai 2011 (arrêt no 902/2012). Elle considéra que la décision attaquée était suffisamment motivée. Quant au moyen tiré de l’article 8, elle releva que si cet article protégeait le droit au respect de la vie familiale, il n’excluait pas que l’Etat, dans le cadre de sa compétence pénale, puisse imposer des sanctions et des mesures de sûreté même si celles-ci avaient des incidences sur la vie familiale du condamné.
22. Le 1er août 2012, le requérant fut à nouveau arrêté et détenu en vue de son expulsion.
23. Le 3 août 2012, le directeur général de la police des îles Ioniennes ordonna le renvoi du requérant en Albanie.
24. Par un jugement (no 142/2013) du 28 mai 2013, le tribunal administratif de Corfou rejeta comme irrecevable le recours en annulation que le requérant avait introduit le 21 octobre 2011. Le tribunal releva que le requérant n’avait pas respecté le délai requis de vingt jours pour envoyer un pouvoir permettant à son avocat de le représenter devant cette juridiction. En effet, le pouvoir était parvenu au tribunal trois jours après la fin du délai.
25. Le 15 juillet 2013, le requérant saisit la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Corfou d’une demande tendant à ce qu’il lui soit permis de retourner en Grèce et, dans l’alternative, à ce qu’il lui soit fixée une période d’interdiction de retour.
26. Le 4 décembre 2013, la chambre d’accusation rejeta la demande. Elle considéra que le séjour du requérant en Grèce était incompatible avec les conditions de la cohabitation sociale dans ce pays, compte tenu de la gravité des infractions qu’il avait commises, du fait qu’il y était retourné clandestinement en dépit de l’interdiction pérenne et qu’il était dangereux pour l’ordre public. Quant à la situation familiale du requérant, elle releva qu’elle ne suffisait pas à excuser ses actes d’autant plus qu’ils avaient été commis à un moment où il avait déjà créé une famille et s’était désintéressé des conséquences que ces actes pouvaient avoir pour sa famille.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
27. Les articles pertinents du code pénal disposent :
Article 74
« 1. Sous réserve des dispositions pertinentes des conventions internationales ratifiées par le pays, le tribunal peut ordonner l’expulsion d’un étranger condamné à une peine de réclusion, s’il considère que le séjour de l’étranger dans le pays n’est pas compatible avec les conditions de la cohabitation sociale et en tenant compte, en particulier, la nature du crime pour lequel il a été condamné, le degré de responsabilité de l’étranger, les conditions spéciales dans lesquelles l’infraction a été commise, les conséquences de l’infraction, la durée du séjour de l’étranger sur le territoire, le caractère régulier ou irrégulier du séjour, le comportement de l’étranger, son activité professionnelle, l’existence des liens familiaux et, de manière générale, le degré d’intégration de celui-ci dans la société grecque. (...) L’expulsion a lieu immédiatement après que la peine ait été purgée ou après la mise en liberté. (...)
(...)
3. Le tribunal qui ordonne l’expulsion d’un étranger lui impose aussi une interdiction de revenir sur le territoire pour une période de dix ans ou à perpétuité. La chambre d’accusation du tribunal du lieu qui a ordonné l’expulsion, peut, à la suite d’un avis des autorités de police, accueillir la demande de l’étranger d’y revenir après un délai de trois ans suivant l’expulsion (...). La limitation temporelle de l’alinéa précédent ne s’applique pas si l’étranger est marié avec un ressortissant grec, pendant toute la durée du mariage, ainsi qu’en cas de retour au pays d’un émigré d’origine grecque de retour au pays (παλιννοστούντος) ».
Article 99 § 3
« L’étranger expulsé, dont la peine a été suspendue conformément au paragraphe précédent, peut revenir au pays par décision du ministre de la Justice, lorsque cinq ans se sont écoulés de l’expulsion et pour une durée déterminée qui peut se renouveler. Le ministre de la Justice n’est pas lié par le délai précité au cas où l’étranger a célébré un mariage avec un ressortissant grec, et pour la durée du mariage, ainsi qu’en cas d’un émigré d’origine grecque de retour au pays ».
28. L’article 17 de la loi no 1729/1987, relative à la lutte contre les stupéfiants, tel qu’il était en vigueur au moment des faits, prévoyait :
« 1. En cas de condamnation à une peine de réclusion pour violation de la présente loi, le tribunal peut ordonner, s’il considère que la résidence du condamné dans certains endroits serait préjudiciable soit pour lui, soit pour son entourage, l’interdiction de résidence pour une période d’un à cinq ans.
2. Les étrangers, adultes ou mineurs, qui sont condamnés pour violation de la présente loi, le tribunal ordonne l’expulsion pérenne du pays, sauf s’il existe des raisons importantes, notamment familiales, qui justifieraient que celui-ci continue à séjourner dans le pays (...) »
29. Par un arrêt no 73/2013, la Cour de cassation considéra qu’en cas de condamnation d’un étranger, ressortissant d’un pays qui n’est pas membre de l’Union européenne, le tribunal qui l’a condamné doit ordonner son expulsion pérenne du pays, sauf s’il existe des raisons importantes, notamment familiales, qui justifient que celui-ci continue à séjourner dans le pays. Dans cette affaire, la Cour de cassation a cassé la décision de la juridiction inférieure qui avait ordonné l’expulsion de l’étranger au motif que celle-ci n’avait pas suffisamment motivé le rejet des allégations de l’étranger selon lesquelles il existait dans son cas des raisons importantes justifiant son maintien sur le territoire.
30. De même, par un arrêt no 1550/2009, la Cour de cassation avait cassé un arrêt, pour défaut de motivation, car il ne précisait pas si l’expulsion pérenne de l’intéressé avait été ordonnée conformément à l’article 74 du code pénal ou aux articles pertinents du code des lois relatives aux stupéfiants.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
31. Le requérant se plaint que son obligation de quitter définitivement le territoire grec, en vertu de l’arrêt no 24/1999 de la cour d’appel de Corfou, et l’interdiction à vie d’y revenir ont porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie familiale. Il allègue une violation de l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A. Sur la recevabilité
32. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour non-épuisement des voies de recours internes, faute pour le requérant d’avoir : a) soulevé devant la cour d’appel de Corfou qui a prononcé l’interdiction définitive du territoire (jugement no 24/1999) les raisons importantes familiales qui justifiaient son maintien sur le territoire ; b) omis de se pourvoir en cassation contre ce jugement ; c) saisi, en vertu de l’article 74 du code pénal, la chambre d’accusation du tribunal qui a prononcé l’interdiction définitive qui aurait pu, après avis des autorités de police, permettre son retour en Grèce ; d) saisi, en vertu de l’article 99 §§ 2 et 3, le ministre de la Justice d’une demande de permission de revenir en Grèce ; e) omis d’établir un pouvoir pour son avocat lors de la procédure ayant donné lieu au jugement no 142/2013 alors qu’il bénéficiait déjà d’une décision favorable (no 26/2012) suspendant la mesure d’expulsion.
33. Compte tenu de ce qui précède et notamment du fait que le requérant ne s’est pas pourvu en cassation contre l’arrêt no 24/1999 de la cour d’appel de Corfou, le Gouvernement reproche aussi au requérant de n’avoir pas introduit sa requête dans les six mois à compter du 12 octobre 1999, date à laquelle la cour d’appel a rendu son arrêt.
34. Le requérant souligne qu’en saisissant le procureur près le tribunal correctionnel le 18 avril 2011 et la chambre d’accusation du tribunal correctionnel le 15 juillet 2013, et en formulant deux demandes devant le ministre de la Justice, il a satisfait à la condition de l’épuisement des voies de recours internes.
35. La Cour rappelle que la condition de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 § 1 de la Convention se fonde sur l’hypothèse que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée. Il incombe au Gouvernement excipant du non-épuisement de convaincre la Cour qu’il existait à l’époque des faits un recours effectif et disponible, tant en théorie qu’en pratique, c’est-à-dire accessible et susceptible d’offrir au requérant des perspectives raisonnables de réparation de ses griefs (V. c. Royaume-Uni [GC], no 24888/94, § 57, CEDH 1999‑IX).
36. La Cour souligne également qu’elle doit appliquer la règle de l’épuisement des voies de recours internes en tenant dûment compte du contexte : le mécanisme de sauvegarde des droits de l’homme que les Etats contractants sont convenus d’instaurer. Elle a ainsi reconnu que l’article 35 § 1 doit être appliqué avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. En outre, le requérant doit avoir fait un usage normal des recours internes vraisemblablement efficaces et suffisants et que, lorsqu’une voie de recours a été utilisée, l’usage d’une autre voie dont le but est pratiquement le même n’est pas exigé (Riad et Idiab c. Belgique, nos 29787/03 et 29810/03, § 84, 24 janvier 2008 ; Kozacıoğlu c. Turquie [GC], no 2334/03, § 40, 19 février 2009).
37. En l’espèce, la Cour note qu’à deux reprises, en 2005 et 2010, le ministre de la Justice, disposant en la matière d’un pouvoir décisionnel, a rejeté les demandes du requérant visant à être réadmis en Grèce en raison de sa situation familiale (paragraphes 10 et 12 ci-dessus). Elle relève aussi que le 18 avril 2011, le requérant a présenté auprès du procureur près le tribunal correctionnel de Corfou des objections contre le caractère perpétuel de son expulsion ordonnée par l’arrêt no 24/1999. Le 17 mai 2011, il s’est pourvu en cassation contre cette décision, en se fondant sur l’article 8 de la Convention et en soulignant la stabilité de ses relations familiales et sociales en Grèce et les problèmes que sa famille rencontrerait s’il devait être interdit définitivement du territoire grec. Par la suite, tant le tribunal administratif de Corfou, le 24 février 2012 (paragraphe 20 ci-dessus) que la Cour de cassation, le 22 mai 2012 (paragraphe 21 ci-dessus), et plus tard, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel, le 4 décembre 2013 (paragraphe 26 ci-dessus) ont eu l’occasion de se prononcer sur le fond des griefs du requérant concernant les conséquences familiales de son expulsion perpétuelle. Il est donc évident que le requérant a invoqué à plusieurs reprises tant devant les juridictions nationales que devant le ministre de la Justice, qui pouvait mettre un terme à l’interdiction pérenne de retour en Grèce, les griefs qu’il soulève maintenant devant la Cour.
38. En ce qui concerne l’exception de tardiveté, la Cour observe que le requérant a introduit sa requête dans les six mois de l’arrêt de la Cour de cassation du 22 mai 2012 et bien avant que la chambre d’accusation du tribunal correctionnel ne se prononce sur sa demande tendant à ce qu’il lui soit permis de retourner en Grèce.
39. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il serait excessif de reprocher au requérant de n’avoir pas intenté certains des recours mentionnés par le Gouvernement et que le requérant a donc fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui pour épuiser les voies de recours internes et qu’il a respecté la règle de six mois prévue par l’article 35 § 1 de la Convention.
40. En conséquence, la Cour rejette l’exception préliminaire du Gouvernement.
41. La Cour constate, en outre, que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle la déclare donc recevable.
B. Sur le fond
1. Arguments des parties
42. Le requérant souligne que plusieurs décisions des juridictions grecques ont reconnu l’atteinte que portait son expulsion pérenne à son droit au respect de sa vie familiale. Il souligne que seize ans se sont écoulés entre la commission de l’infraction et son renvoi en Albanie le 3 août 2012, période pendant laquelle il est devenu père de deux enfants et a mûri. Il affirme que les dispositions relatives à l’expulsion pérenne ne devaient pas lui être applicables, compte tenu du fait que ses parents et lui-même étaient d’origine grecque, et en tant que tel il ne devait pas être traité de la même manière qu’un étranger qui serait condamné. Enfin, tous les membres de sa famille résident et travaillent à Corfou depuis 1989. Ses enfants sont nés et ont fait leur scolarité en Grèce et ils n’ont aucun lien civil ou social avec l’Albanie, ne parlent pas l’albanais et auront ainsi de graves problèmes à s’intégrer dans la société albanaise.
43. Le requérant soutient aussi que s’il est revenu clandestinement en Grèce en 2007, c’était en raison de son désir de revoir sa femme et sa fille qu’il n’avait pas vues pendant trois ans.
44. Le Gouvernement affirme que l’expulsion perpétuelle du requérant était indispensable pour des motifs de sécurité publique et de prévention d’infractions futures, compte tenu notamment de la gravité de l’acte pour lequel il avait été condamné et qu’elle ne méconnait pas le principe de la proportionnalité. Par ailleurs, dans son arrêt no 902/2012, la Cour de cassation a considéré que si l’article 8 de la Convention protégeait le droit au respect de la vie familiale, il n’excluait pas que l’Etat, dans le cadre de sa compétence pénale, puisse imposer des sanctions et des mesures de sûreté même si celles-ci avaient des incidences sur la vie familiale du condamné. En l’espèce, il n’existe et il n’existait aucune autre mesure moins sévère qui pourrait satisfaire les buts légitimes de la sûreté publique et de la prévention des infractions pénales.
45. Le Gouvernement souligne aussi que même après sa condamnation pour trafic de stupéfiants et après avoir purgé sa peine, le requérant a commis une nouvelle infraction en revenant clandestinement en Grèce en 2007. Cette nouvelle transgression des lois grecques démontre que le requérant ne s’est pas intégré dans la société grecque. D’autre part, le requérant n’établit pas que son expulsion en Albanie créera à lui-même et à sa famille des difficultés de survie ou d’adaptation en raison, par exemple, de l’ignorance de la langue ou de l’absence de famille proche dans ce pays. Il n’établit pas non plus que sa femme et sa fille, actuellement majeure, exercent en Grèce une profession qu’elles ne pourront pas exercer en Albanie.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
46. La Cour rappelle qu’en matière d’immigration, l’article 8 ne saurait s’interpréter comme comportant pour un État l’obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur pays de résidence et de permettre le regroupement familial sur le territoire de ce pays. Cela étant, dans une affaire qui concerne la vie familiale aussi bien que l’immigration, l’étendue de l’obligation pour l’État d’admettre sur son territoire des proches de personnes qui y résident varie en fonction de la situation particulière des personnes concernées et de l’intérêt général. Les facteurs à prendre en considération dans ce contexte sont la mesure dans laquelle il y a effectivement entrave à la vie familiale, l’étendue des attaches que les personnes concernées ont dans l’État contractant en cause, la question de savoir s’il existe ou non des obstacles insurmontables à ce que la famille vive dans le pays d’origine de l’étranger concerné et celle de savoir s’il existe des éléments touchant au contrôle de l’immigration (par exemple, des précédents d’infractions aux lois sur l’immigration) ou des considérations d’ordre public pesant en faveur d’une exclusion (Butt c. Norvège, no 47017/09, § 78, 4 décembre 2012).
47. Il importe également de tenir compte du point de savoir si la vie familiale a débuté à un moment où les individus concernés savaient que la situation de l’un d’entre eux au regard des lois sur l’immigration était telle que cela conférait d’emblée un caractère précaire à la poursuite de cette vie familiale dans l’État d’accueil. En vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, lorsque tel est le cas ce n’est en principe que dans des circonstances exceptionnelles que l’éloignement du membre de la famille ressortissant d’un pays tiers emporte violation de l’article 8. Lorsque des enfants sont concernés, il faut prendre en compte leur intérêt supérieur (Jeunesse c. Pays‑Bas [GC], no 12738/10, §§ 108-109, CEDH 2014 et autres références citées).
48. La Cour estime, d’autre part, utile de rappeler les critères énumérés dans l’arrêt Üner c. Pays-Bas ([GC], no 46410/99, §§ 54-60, CEDH 2006‑XII) et devant être utilisés pour l’appréciation de la question de savoir si une mesure d’expulsion, comme celle de l’espèce, était nécessaire dans une société démocratique et proportionnée au but légitime poursuivi. Ces critères sont les suivants :
– la nature et la gravité de l’infraction commise par le requérant ;
– la durée du séjour de l’intéressé dans le pays dont il doit être expulsé ;
– le laps de temps qui s’est écoulé depuis l’infraction, et la conduite du requérant pendant cette période ;
– la nationalité des diverses personnes concernées ;
– la situation familiale du requérant, et notamment, le cas échéant, la durée de son mariage, et d’autres facteurs témoignant de l’effectivité d’une vie familiale au sein d’un couple ;
– la question de savoir si le conjoint avait connaissance de l’infraction à l’époque de la création de la relation familiale ;
– la question de savoir si des enfants sont issus du mariage et, dans ce cas, leur âge ;
– la gravité des difficultés que le conjoint risque de rencontrer dans le pays vers lequel le requérant doit être expulsé ;
– l’intérêt et le bien-être des enfants, en particulier la gravité des difficultés que les enfants du requérant sont susceptibles de rencontrer dans le pays vers lequel l’intéressé doit être expulsé ; et
– la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination.
b) Application des principes en l’espèce
49. La Cour estime que l’interdiction pérenne qui a été faite au requérant de revenir sur le territoire grec a constitué une ingérence dans le droit de celui-ci au respect de sa vie familiale, qui était prévue par la loi et qui poursuivait les buts légitimes que constituent la protection de la sûreté publique, la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales. Reste alors à examiner si ladite ingérence était proportionnée aux buts poursuivis et donc nécessaire dans une société démocratique.
50. En l’espèce, le requérant était un albanais d’origine grecque résidant et travaillant en Grèce depuis 1989, marié avec une ressortissante grecque avec laquelle il avait eu deux enfants ayant la nationalité grecque. Ses trois frères avaient des cartes d’identité spéciale pour étrangers d’origine grecque (ομογενείς). Même si le statut officiel du requérant, et notamment la régularité de sa présence sur le territoire grec, entre l’année de son arrivée en 1989 et celle de son expulsion en 2004, ne ressort pas du dossier, la Cour note que ni le Gouvernement dans ses observations devant elle, ni les juridictions nationales ayant eu à se prononcer sur le cas du requérant n’ont fait d’allusion à un éventuel statut de migrant irrégulier de celui-ci. Compte tenu des origines du requérant, du statut spécial reconnu en Grèce aux ressortissants albanais d’origine grecque et de son installation en Grèce longtemps avant la commission de l’infraction lui ayant valu son expulsion, la Cour considère qu’elle peut assimiler son cas à celui d’un « immigré établi » au sens de la jurisprudence Üner précitée. Pour examiner la proportionnalité de l’ingérence litigieuse, la Cour s’appuiera alors sur les critères indiqués dans cet arrêt.
51. La Cour estime opportun de souligner d’emblée les faits suivants. La cour d’appel d’Athènes qui a condamné en 1999 le requérant pour achat de produits stupéfiants a en même temps prononcé une mesure d’interdiction définitive du territoire grec après que celui-ci eût purgé sa peine. Libéré sous condition pendant la même année, il a été renvoyé en Albanie, en 2004, en exécution de l’arrêt de la cour d’appel. Toutefois, en juin 2007, il est revenu clandestinement en Grèce. Le 5 octobre 2011, il a été arrêté et détenu en vue de son expulsion ordonnée le 6 octobre 2011 par le directeur de la Direction de police de Corfou. Mis en liberté le 7 octobre 2011, le requérant a été expulsé en vertu de la décision du 3 août 2012 du directeur général de la police des îles Ioniennes. Le requérant a donc violé l’interdiction d’entrer sur le territoire grec. Il est revenu et travaillé illégalement pendant plus de quatre ans alors qu’il ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à y rester légalement.
52. Toutefois, en libérant le requérant sous condition, le 2 décembre 1999, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Corfou a considéré dans sa décision no 225/1999, que celui-ci n’aurait pas fait preuve d’un potentiel criminel : elle a souligné que le comportement du requérant pendant son incarcération était bon, qu’il n’avait pas fait l’objet de sanction disciplinaire, qu’il était travailleur et semblait regretter son acte. Elle a aussi relevé que son expulsion et donc la séparation de sa famille, lui causerait ainsi qu’à son épouse et sa fille des problèmes psychologiques et économiques très graves. Or, cette évolution positive de la situation du requérant peut être prise en compte dans la pesée des intérêts en jeu.
53. En deuxième lieu, la Cour note qu’à la date de son renvoi en Albanie, en août 2012, la durée totale du séjour du requérant en Grèce s’élevait à vingt ans environ, ce qui constitue une durée considérable équivalant presque à la moitié de son âge. Il ne fait pas de doute que la Grèce constitue depuis très longtemps le centre de sa vie privée et familiale.
54. En troisième lieu, les juridictions internes ont souligné l’atteinte au droit protégé causée par la mesure incriminée. Outre la décision no 225/1999 précitée de la chambre d’accusation, dans sa décision no 14/2011, le président du tribunal administratif de Corfou constatait que, pendant toute la durée de son séjour en Grèce après avoir purgé sa peine, le requérant n’avait pas fait preuve d’un comportement pénalement répréhensible ou d’une incivilité de nature à mettre l’ordre public en danger. Il notait aussi que la famille du requérant résidait de manière stable et constante dans une maison dont elle était propriétaire, que celui-ci n’était pas dangereux pour l’ordre public et ne risquait pas de fuir et que s’il était mis en liberté, il serait facile de le retrouver. Compte tenu de ce raisonnement, la Cour considère que le passé criminel du requérant ne devrait pas représenter un facteur déterminant dans la présente affaire.
55. Enfin, le tribunal administratif de Corfou, dans sa décision no 26/2012, a considéré que l’expulsion du requérant lui causerait un dommage difficilement réparable, qui consisterait en la destruction des relations familiales qu’il avait jusqu’alors tissées en Grèce. À cet égard, il s’est référé aux faits que son épouse et l’un des enfants avaient acquis la nationalité grecque, qu’il résidait dans une maison dont les propriétaires étaient son épouse et ses deux frères et que ses parents et ses frères résidaient légalement en Grèce et étaient munis d’une carte de séjour spéciale d’albanais d’origine grecque. Le tribunal a en outre estimé que la mesure litigieuse n’était pas justifiée par des motifs impérieux d’intérêt public.
56. En quatrième lieu, la Cour note que tant la femme du requérant que ses deux enfants possèdent la nationalité grecque. Si sa fille a déjà 21 ans, son fils, né aussi en Grèce, n’a que six ans et va à l’école primaire. Il a, comme sa sœur, vécu toute sa vie en Grèce et n’a aucune attache avec l’Albanie. Les liens donc du requérant avec la Grèce étaient particulièrement tenus. Son éloignement à vie est susceptible d’avoir pour conséquence que son fils grandisse séparé de son père, alors que son intérêt supérieur est qu’il grandisse auprès de ses deux parents.
57. Compte tenu des critères développés dans sa jurisprudence (Üner précité) et de ce qui précède, en particulier du caractère pérenne de l’interdiction du territoire, de la relation familiale qui existe entre le requérant et sa femme et ses enfants, du fait que le requérant a commis une seule infraction grave en 1999 et que son comportement ultérieur laisse supposer, de l’avis même des juridictions grecques, que celui-ci ne démontre pas une propension à la délinquance, de la durée totale du séjour du requérant en Grèce, de la nationalité grecque des membres de sa famille, de l’âge du deuxième enfant du requérant, de l’intérêt et du bien-être de celui-ci, la Cour juge qu’un juste équilibre n’a pas été ménagé en l’espèce, dans la mesure où l’interdiction pérenne du territoire grec faite au requérant n’était pas proportionnée aux buts poursuivis.
58. Partant, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
59. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
60. Le requérant réclame 100 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de l’obligation qui lui a été faite de vivre pour toujours loin de sa famille.
61. Le Gouvernement soutient que la somme réclamée est excessive et injustifiée. Selon lui, le constat de violation constituerait une satisfaction suffisante.
62. La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 3 500 EUR au titre du préjudice moral.
63. En outre, la Cour rappelle que dans le cadre de l’exécution d’un arrêt en application de l’article 46 de la Convention, un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation juridique au regard de cette disposition de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci. Il en découle notamment que l’Etat défendeur, reconnu responsable d’une violation de la Convention ou de ses Protocoles, est appelé non seulement à verser aux intéressés les sommes allouées à titre de satisfaction équitable, mais aussi à choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à adopter dans son ordre juridique interne (Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie [GC], no 48787/99, § 487, CEDH 2004‑VII ; Assanidzé c. Géorgie [GC], no 71503/01, § 198, CEDH 2004‑II). Par conséquent, il appartient à l’Etat défendeur de veiller à éliminer tout obstacle à un redressement adéquat de la situation du requérant (Maestri c. Italie [GC], no 39748/98, § 47, CEDH 2004‑I).
B. Frais et dépens
64. Le requérant demande également 400 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
65. Le Gouvernement estime que la somme réclamée est exagérée, compte tenu notamment du fait qu’il n’y a pas eu audience devant la Cour dans la présente affaire.
66. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 400 EUR titre des frais et dépens pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
67. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
3. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
i) 3 500 EUR (trois mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
ii) 400 EUR (quatre cents euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 mai 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Abel CamposMirjana Lazarova Trajkovska
GreffierPrésidente