CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE A.M. c. FRANCE
(Requête no 12148/18)
ARRÊT
STRASBOURG
29 avril 2019
DÉFINITIF
29/07/2019
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire A.M. c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une Chambre composée de :
Angelika Nußberger, présidente,
Yonko Grozev,
André Potocki,
Síofra O’Leary,
Mārtiņš Mits,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Lado Chanturia, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 mars 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 12148/18) dirigée contre la République française et dont un ressortissant algérien, M. A.M. (« le requérant »), a saisi la Cour le 12 mars 2018 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La Cour a décidé de ne pas divulguer l’identité du requérant (article 47 § 4 du règlement de la Cour).
2. Le requérant a été représenté par Me Y. Lantheaume, avocat à Lyon. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. F. Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
3. Le requérant allègue que son renvoi vers l’Algérie emporterait violation de l’article 3 de la Convention.
4. Le 13 mars 2018, le juge de la Cour désigné pour statuer sur les demandes de mesures provisoires a décidé d’appliquer l’article 39 du règlement de la Cour et d’indiquer au Gouvernement que le requérant ne devait pas être expulsé vers l’Algérie avant le 29 mars 2018. Le 28 mars 2018, il a été décidé de prolonger l’application de cette mesure provisoire jusqu’au 30 avril 2018. Le 26 avril 2018, une nouvelle prolongation est intervenue, jusqu’à l’issue de la procédure devant la Cour. Le même jour, la requête a été communiquée au Gouvernement.
5. Une audience s’est déroulée en public au Palais des droits de l’homme, à Strasbourg, le 22 janvier 2019 (article 59 § 3 du règlement).
Ont comparu :
– pour le Gouvernement
M.F. Alabrune, directeur des Affaires juridiques du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, agent,
Mme F. Merloz, sous-directrice des droits de l’Homme du ministère de
l’Europe et des Affaires étrangères, co-agent,
Mmes É. Leblond, rédactrice à la sous-direction des droits de l’Homme
du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères,
G. Dumont, chef du bureau du contentieux des étrangers
du ministère de l’Intérieur,
E. Demaison, chef du bureau du droit et des procédures d’expulsion du ministère de l’Intérieur, conseillères ;
– pour le requérant
MesY. Lantheaume, avocat au barreau de Lyon,
T. Fourrey, avocat au barreau de Lyon, conseils,
Me C. Coutaz, avocat au barreau de Grenoble,conseiller.
La Cour a entendu M. Alabrune, Me Lantheaume et Me Fourrey en leurs déclarations. Elle a également entendu M. Alabrune et Me Lantheaume en leurs réponses à des questions posées par des juges.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. Le requérant, un ressortissant algérien né en 1985, s’installa en France en 2008 sous couvert d’une carte de résident de dix ans.
7. Le 25 septembre 2015, il fut condamné par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de six ans d’emprisonnement du chef de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme. Il fut condamné à titre complémentaire à une interdiction définitive du territoire français. Ce jugement devint définitif, faute d’appel.
8. Cette condamnation fut notamment fondée sur le fait que, au cours de l’année 2012, le requérant était entré en contact avec un haut responsable d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et qu’il avait rencontré en 2013 un émissaire de cette organisation. Le jugement expose par ailleurs le projet de départ du requérant pour rejoindre clandestinement un camp d’entraînement d’AQMI situé en Algérie. Le jugement précise enfin que le requérant recrutait pour le compte d’AQMI des partisans du djihad, qui devaient aller s’entraîner en Algérie, et qu’il avait soumis à AQMI des projets d’attentats sur le territoire français, visant en particulier la Tour Eiffel et le musée du Louvre. En raison notamment du caractère symbolique de ces projets d’attentats, la condamnation du requérant fit l’objet d’une large couverture médiatique dans la presse française et internationale, sans toutefois que son nom de famille soit révélé.
9. Il ressort de ce jugement que le requérant était, au moins en 2012, recherché par les autorités algériennes. En effet, dès sa garde à vue, le requérant avait expliqué ne plus s’être rendu en Algérie après l’automne 2011 du fait de l’arrestation de S.A., un prosélyte du djihad armé qu’il fréquentait lors de ses séjours en Algérie, et de plusieurs de ses connaissances qui assistaient avec lui aux cours sur l’islam et le Coran donnés par ce même S.A. Le requérant aurait été recherché dans ce pays du fait de ses liens avec ce groupe, qui aurait projeté un attentat contre des navires croisant en Méditerranée. Le jugement du tribunal correctionnel retranscrit en ce sens plusieurs communications interceptées entre le requérant et certains de ses contacts établis en Algérie. Dans l’une d’entre elles, datée de 2012, l’un de ces contacts lui tint ces propos : « Tu fais une croix rouge sur l’Algérie pour l’instant (...) Par rapport à la connerie que tu as faite (...) Il y a encore un billet de recherche qui est sorti à ton encontre ». Dans une seconde conversation, datée de 2013, un autre correspondant s’adressa à lui ainsi : « M.T., ils l’ont interrogé sur toi, t’as compris ? (...) Tu ne peux pas (aller en Algérie) c’est impossible ». Le tribunal correctionnel releva encore que le requérant « se savait recherché et surveillé » en Algérie, de sorte qu’il expliquait à ses correspondants ne pas pouvoir se déplacer dans ce pays pour convoyer lui-même les fonds et le matériel qu’il affirmait vouloir faire parvenir au maquis algérien. Le tribunal correctionnel conclut de ces éléments que l’arrestation de plusieurs relations du requérant lui « interdisait tout retour en Algérie depuis l’automne 2011 ».
10. Le 7 février 2018, dans la perspective de la libération du requérant devant intervenir le 14 mars 2018, le préfet de la Loire informa celui-ci qu’il envisageait de le faire reconduire en Algérie en exécution de l’interdiction judiciaire du territoire dont il faisait l’objet. Le requérant répondit qu’il y était opposé, affirmant notamment être exposé dans ce pays à un « risque de torture » contraire à l’article 3 de la Convention.
11. Le 21 février 2018, le préfet de la Loire adopta un arrêté fixant l’Algérie comme pays de destination. Cet arrêté fut notifié au requérant le 23 février 2018.
12. Le 5 mars 2018, le requérant saisit le tribunal administratif de Lyon d’un référé-liberté, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, pour obtenir la suspension de son renvoi vers l’Algérie. Le 8 mars 2018, le juge des référés de ce tribunal rejeta cette demande, se fondant sur le fait que le requérant n’aurait pas justifié l’impossibilité d’être réadmis dans un autre pays que celui dont il possède la nationalité et qu’il n’aurait produit au dossier aucun élément précis, récent et circonstancié qui ferait clairement apparaître qu’il se trouverait lui-même effectivement exposé, en Algérie, à des traitements prohibés par l’article 3 de la Convention. Le requérant n’interjeta pas appel de cette ordonnance du juge des référés devant le Conseil d’État.
13. Le 12 mars 2018, le requérant saisit la Cour européenne des droits de l’homme, sur le fondement de l’article 39 du règlement de celle-ci, d’une demande de mesure provisoire visant à faire suspendre son renvoi vers l’Algérie. Le 13 mars 2018, la Cour accéda à sa demande, d’abord pour une durée précise, puis jusqu’à la fin de la procédure devant elle. Conformément à sa pratique, le greffe de la Cour demanda au requérant de compléter son dossier en lui envoyant, au plus tard le 10 avril 2018, un formulaire de requête dûment complété, exposant en détails son argumentation sur la recevabilité de sa requête et sur la violation de la Convention alléguée.
14. Le 19 mars 2018, le requérant, placé en rétention administrative, forma une demande d’asile visant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou, à défaut, à ce que lui soit accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. Le 23 mars 2018, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) rejeta cette demande, considérant que le requérant n’avait apporté aucun élément concret et actuel de nature à démontrer qu’il serait personnellement exposé à des traitements inhumains et dégradants de la part des autorités algériennes et que, en tout état de cause, le profil de l’intéressé constituait une menace grave pour l’ordre public, la sûreté publique ou la sûreté de l’État.
15. Le 6 avril 2018, le requérant fit parvenir à la Cour un formulaire de requête dûment complété.
16. Le 4 juillet 2018, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) rejeta le recours formé par le requérant contre la décision de l’OFPRA. S’agissant de la qualité de réfugié, elle releva que les craintes invoquées par le requérant ne relevaient pas du champ d’application de la Convention de Genève. S’agissant du bénéfice de la protection subsidiaire, elle estima que des éléments récents démontraient un renforcement des droits et garanties du citoyen en Algérie, et que le requérant ne présentait pas d’élément permettant de croire qu’il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants dans son pays. Le 14 novembre 2018, le requérant forma contre l’arrêt de la CNDA un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État. À la date d’adoption du présent arrêt, ce recours est toujours pendant.
17. Le 27 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille rejeta le recours introduit le 10 mai 2018 par le requérant contre l’arrêté préfectoral fixant son pays de destination, au motif qu’aucune pièce du dossier n’attesterait que le requérant serait exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention en cas d’éloignement vers l’Algérie. Le 27 septembre 2018, le requérant interjeta appel de ce jugement devant la Cour administrative d’appel de Douai. À la date d’adoption du présent arrêt, ce recours est toujours pendant.
18. Le 10 septembre 2018, la rétention administrative du requérant prit fin, et celui-ci fut assigné à résidence sur le territoire d’une commune.
19. Le 23 janvier 2019, soit le lendemain de l’audience tenue devant la Cour, un journal français publia un article portant sur cette audience et mentionnant l’identité du requérant. Cette information fut reprise sur Internet.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
A. L’interdiction du territoire français
20. L’interdiction du territoire français est une peine complémentaire prononcée par une juridiction répressive qui a déjà sanctionné un comportement faisant l’objet d’une incrimination pénale. Le juge judiciaire énonce une interdiction générale, sans avoir à préciser le pays vers lequel la personne condamnée doit être renvoyée. Il appartient à l’administration, dans le cadre de la mise à exécution de la peine d’interdiction du territoire, de prendre un arrêté fixant le pays de destination.
21. Si un appel ou une demande de relèvement peuvent être formés contre une telle peine devant le juge judiciaire, le requérant ne peut utilement se prévaloir, dans ce cadre, du grief tiré d’une violation de l’article 3 de la Convention tenant à des risques allégués dans un éventuel pays de retour. La détermination du pays de destination relève de l’autorité préfectorale, dont les décisions peuvent être contestées devant le juge administratif, ce dernier examinant le grief tiré de l’article 3 de la Convention tenant aux risques en cas de retour dans le pays de destination.
B. Le référé-liberté
22. Les dispositions pertinentes du code de justice administrative, relatives au référé-liberté, se lisent ainsi.
Article L. 521-2
« Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. »
Article L. 523-1
« Les décisions rendues en application de l’article L. 521-2 sont susceptibles d’appel devant le Conseil d’État dans les quinze jours de leur notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou un conseiller délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures (...). »
C. La demande d’asile
23. Les dispositions pertinentes du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), relatives notamment à la qualité de réfugié et à la protection subsidiaire, se lisaient ainsi au moment des faits.
Article L. 513-2
« L’étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement est éloigné :
1o À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d’asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande d’asile ;
(...)
Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. »
Article L. 711-1
« La qualité de réfugié est reconnue à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu’à toute personne sur laquelle le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu’adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée. »
Article L. 711-6
« Le statut de réfugié peut être refusé ou il peut être mis fin à ce statut lorsque :
1o Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l’État ;
2o La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société. »
Article L. 712-1
« Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :
a) La peine de mort ou une exécution ;
b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
c) S’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. »
Article L. 712-2
« La protection subsidiaire n’est pas accordée à une personne s’il existe des raisons sérieuses de penser :
a) Qu’elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ;
b) Qu’elle a commis un crime grave ;
c) Qu’elle s’est rendue coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ;
d) Que son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
Les a) à c) s’appliquent aux personnes qui sont les instigatrices, les auteurs ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à ces mêmes a à c ou qui y sont personnellement impliquées. (...) »
Article L. 743-4
« (...) lorsque l’étranger sollicitant l’enregistrement d’une demande d’asile a fait l’objet, préalablement à la présentation de sa demande, d’une mesure d’éloignement (...), celle-ci (...) ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de l’office, lorsqu’il s’agit d’une décision de rejet, d’irrecevabilité ou de clôture, ou, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d’asile contre une décision de rejet, avant la notification de la décision de la cour (...) »
24. S’agissant de ce dernier article, dans sa version applicable à la date des faits, la Cour relève qu’il ressort de l’article L. 556-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que le recours, formé par un étranger maintenu en centre de rétention malgré sa demande d’asile, contre une décision de rejet de l’OFPRA ne présente pas un caractère suspensif de plein droit. En vertu de ce même article, l’intéressé peut toutefois saisir le juge administratif d’un recours contre son maintien en rétention lui permettant, en cas de succès, de bénéficier de l’effet suspensif de la saisine de la CNDA.
III. LES INFORMATIONS PERTINENTES RELATIVES À L’ALGÉRIE
A. Sur la situation en Algérie de 2009 à 2015
25. La Cour renvoie aux paragraphes 37 à 54 de l’arrêt Daoudi c. France (no 19576/08, 3 décembre 2009) qui décrivent la situation en Algérie de 2007 à 2009. Elle renvoie également aux paragraphes 29 à 32 de l’arrêt H.R. c. France (no 64780/09, 22 septembre 2011) et aux paragraphes 31 à 35 de l’arrêt M.A. c. France (no 9373/15, 1er février 2018) pour un exposé de la situation dans ce pays entre 2009 et 2015.
B. Sur la situation en Algérie de 2016 à 2019
26. Les informations mentionnées ci-après concernent les développements intervenus depuis le début de l’année 2016. Elles sont issues des rapports de plusieurs organisations internationales ou gouvernementales (Comité des droits de l’homme des Nations Unies, United Kingdom Home Office, United States Department of State, Human Rights Watch, Amnesty International et Comité international de la Croix-Rouge), ainsi que d’un rapport de synthèse établi par le greffe de la Cour.
1. Rapports internationaux et décisions juridictionnelles relatifs à la situation des personnes liées au terrorisme
27. Les extraits pertinents des rapports internationaux et des décisions juridictionnelles nationales relatifs à la situation des personnes liées au terrorisme en Algérie sont annexés au présent arrêt.
2. Résumé des changements intervenus
a) Sur les changements institutionnels
28. Le Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), qui avait été désigné par les observations finales du 16 mai 2008 du Comité des Nations Unies contre la torture comme étant potentiellement à l’origine de nombreux cas de traitements cruels, inhumains et dégradants, a été dissous par décret présidentiel du 20 janvier 2016 et a été remplacé par le Département de Surveillance et de Sécurité (DSS).
29. La Constitution algérienne a été modifiée le 7 février 2016. De nombreux articles garantissant des droits et libertés ont été ajoutés au texte constitutionnel à cette occasion. Parmi eux, l’article 40 dispose désormais que les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont réprimés par la loi.
30. Cette même révision constitutionnelle a remplacé la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme par le Conseil national des droits de l’homme, devenu opérationnel le 9 mars 2017. Placé auprès du Président de la République, il a notamment pour mission d’inspecter et de visiter les prisons. Dans ses observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie du 17 août 2018 (CCPR/C/DZA/CO/4, voir l’annexe I), le Comité des droits de l’homme des Nations Unies prend note de l’établissement de ce Conseil par la Constitution et du fait qu’il a été accrédité d’un Statut B par le Sous‑Comité d’accréditation de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme. Le Comité se dit en revanche préoccupé par les allégations de non‑indépendance des membres du Conseil national algérien des droits de l’homme.
31. Dans ses rapports sur la situation des droits de l’homme en Algérie (Country Reports on Human Rights Practices – Algeria, voir les annexes III-V), le Département d’État américain remarque que le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) a organisé entre 2015 et 2017 des sessions de formation sur les droits de l’homme concernant les procédures d’arrestation, de détention, et d’interrogatoire à l’intention de la police judiciaire (la Direction Générale de la Sûreté Nationale, ou DGSN), de la gendarmerie nationale et des magistrats. La lecture des rapports annuels 2015, 2016 et 2017 du CICR (voir les annexes XIII-XV) indique que ces formations portaient notamment sur le droit international des droits de l’homme. Par ailleurs, le Département d’État observe que, depuis 2016, la DGSN organise régulièrement des formations sur les droits de l’homme pour les officiers de police.
b) Sur les allégations de torture ou de traitements inhumains ou dégradants visant des agents de l’État
32. Dans ses rapports précités (voir le paragraphe 31 ci-dessus), le Département d’État américain a constaté en 2015 et 2016 que plusieurs organisations non gouvernementales ainsi que des défenseurs locaux des droits de l’homme affirmaient que des agents de l’État faisaient usage de la torture et de mauvais traitements afin d’obtenir des aveux. Le rapport de 2017, quant à lui, fait état d’allégations selon lesquelles les autorités algériennes usaient parfois de traitements dégradants pour obtenir des aveux. Toutefois, aucune allégation de torture n’a été rapportée pour cette même année, et la DGSN a affirmé n’avoir reçu en 2017 aucune information de la part du public quant à des mauvais traitements.
33. Dans un rapport en date du 29 août 2017 (Country Policy and Information Note Algeria: Background information, including actors of protection and internal relocation, voir l’annexe II), le Ministère de l’Intérieur britannique note que les organisations de défense des droits de l’homme ont, peu avant cette date, déclaré auprès de l’ambassade britannique à Alger n’avoir aucune preuve de l’existence de traitements contraires à l’article 3 de la Convention.
34. Néanmoins, au paragraphe 33 de ses observations précitées (voir le paragraphe 30 ci-dessus), le Comité des droits de l’homme des Nations Unies énonce qu’il « prend note des affirmations de la délégation selon lesquelles la pratique de la torture par des agents responsables de l’application de la loi serait désormais un phénomène résiduel, mais demeure préoccupé par les allégations faisant état de tortures et de mauvais traitements qui continueraient d’être pratiqués en particulier par les agents du Département de surveillance et de sécurité, et notamment dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. »
35. Ce même Comité regrette par ailleurs, au paragraphe 31 de ses observations, que l’utilisation des aveux obtenus sous la torture ne soit pas expressément prohibée par la loi.
36. En outre, il note avec inquiétude au paragraphe 35 de ses observations les informations documentées faisant état de l’existence de lieux de détention au secret sur le territoire algérien bien que, depuis juillet 2015, la loi interdise aux officiers de police de détenir des suspects dans tout établissement non désigné à cet effet et non déclaré auprès du procureur local.
37. Human Rights Watch rappelle, dans son rapport annuel mondial publié en janvier 2019 (voir l’annexe IX), que l’Algérie refuse toujours la visite des rapporteurs spéciaux de l’ONU sur la torture et sur les droits humains dans la lutte contre le terrorisme.
38. Par ailleurs, le CICR effectue des visites pour contrôler les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires algériens et dans les lieux de garde à vue, respectivement depuis 1999 et depuis 2002. À cet égard, dans ses rapports annuels portant sur les années 2015 à 2017, le CICR indique avoir visité plusieurs prisons et lieux de détention relevant de la police ou de la gendarmerie, et avoir communiqué aux autorités algériennes ses impressions et recommandations afin d’améliorer le traitement accordé aux détenus ainsi que leurs conditions de détention. En 2016, le CICR note un renforcement de la protection offerte aux détenus, notamment à la suite des modifications constitutionnelles adoptées cette même année.
39. Enfin, en dehors des observations finales du Comité des droits de l’homme des Nations Unies précitées (voir les paragraphes 30 et 34 ci‑dessus), aucun rapport international ne semble faire état d’allégations d’individus liés au terrorisme et se plaignant de torture ou de traitements inhumains ou dégradants de la part des autorités algériennes pour les années 2017 et 2018.
c) Sur les poursuites et condamnations d’agents de l’État pour torture ou traitement inhumain ou dégradant
40. Les rapports du Département d’État américain précités (voir le paragraphe 31 ci-dessus) relèvent que la législation algérienne interdit l’usage de la torture et que les agents de l’État reconnus coupables de tels actes encourent entre dix et vingt ans d’emprisonnement. Si aucune condamnation ou poursuite n’a été observée en 2015, deux condamnations pénales ont été prononcées et vingt-huit poursuites ont été menées en 2016 à l’encontre d’officiers de police pour des faits de torture ou de mauvais traitements. S’agissant de l’année 2017, le Département d’État américain déclare n’avoir aucune information concernant d’éventuelles poursuites ou condamnations pour torture, mais note que l’impunité reste un problème.
41. Le Ministère de l’Intérieur britannique, dans son rapport précité (voir le paragraphe 33 ci-dessus), fait un constat similaire.
42. Pour sa part, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, dans ses observations finales précitées (voir le paragraphe 30 ci-dessus), considère que la définition de la torture retenue par la loi pénale algérienne demeure incomplète et non conforme aux standards internationaux et s’inquiète du faible nombre de poursuites et de sanctions prises à l’encontre des agents coupables d’actes de torture et de mauvais traitements.
d) Sur les conditions de placement et de maintien en garde à vue des personnes suspectées de terrorisme
43. Dans ses observations finales précitées (voir le paragraphe 30 ci‑dessus), le Comité des droits de l’homme des Nations Unies note avec inquiétude le fait que la période initiale de garde à vue de 48 heures puisse être reconduite jusqu’à cinq fois pour les personnes suspectées de terrorisme, soit pendant 12 jours au total. Il se dit également préoccupé par des allégations selon lesquelles les personnes détenues ne pourraient avoir accès à un avocat qu’à mi-parcours de leur garde à vue. Il s’inquiète en outre du fait que la consultation du détenu avec son avocat ait lieu sous la surveillance d’un agent de police judiciaire.
44. Selon les rapports du Département d’État américain précités (voir le paragraphe 31 ci-dessus) et le rapport mondial 2015-2016 d’Amnesty International (La situation des droits humains dans le monde, voir l’annexe X), la législation algérienne prévoit que les personnes placées en garde à vue doivent pouvoir immédiatement contacter un membre de leur famille et recevoir une visite, ou contacter un avocat. En outre, depuis juillet 2015, lorsque le placement en garde à vue est prolongé au-delà de 48 heures, les détenus doivent pouvoir s’entretenir avec un avocat pendant 30 minutes. Le procureur peut toutefois saisir un magistrat afin d’étendre la période pendant laquelle le gardé à vue n’a pas accès à un avocat. À l’issue de la garde à vue, la personne concernée peut demander à être examinée par un médecin de son choix.
45. Toutefois, s’agissant des années 2015 et 2016, le Département d’État américain a noté que certaines personnes placées en garde à vue n’avaient pas eu accès à un avocat et avaient subi de mauvais traitements. S’agissant de l’année 2017, il réitère que certains gardés à vue n’ont pas eu accès à un avocat, mais ne fait pas mention de mauvais traitements subis par eux.
e) Sur la pratique des autres États membres du Conseil de l’Europe s’agissant du renvoi vers l’Algérie de personnes liées au terrorisme
46. Selon les informations dont la Cour dispose sur l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, l’Espagne, l’Italie, la Norvège, le Royaume-Uni, la Russie, la Suède, la Suisse et la Turquie, seuls cinq de ces États (l’Allemagne, la Belgique l’Espagne le Royaume-Uni et la Turquie) ont été confrontés récemment à la question du renvoi vers l’Algérie de personnes impliquées dans des faits de terrorisme. Sur ces cinq États, seul le Royaume-Uni semble avoir de facto gelé ce type de renvois, depuis une décision de la Special Immigration Appeals Commission en date du 18 avril 2016 (voir l’annexe XVI). La lecture de cette décision fait toutefois apparaître que, dans l’espèce en question, le ministre de l’Intérieur britannique avait concédé l’existence d’un risque réel de mauvais traitements contraires à l’article 3 de la Convention en cas de renvoi de l’intéressé.
47. En revanche, les juridictions allemandes et espagnoles, dans des décisions postérieures, ont autorisé de tels renvois, considérant que les intéressés ne couraient pas de risques de mauvais traitements. En particulier, dans un arrêt en date du 27 mars 2018 (voir l’annexe XVII), la Cour administrative fédérale allemande, se référant explicitement à la jurisprudence de la Cour, a constaté que la situation générale de l’Algérie avait évolué considérablement depuis 2015, année de référence de l’arrêt M.A. c. France (précité). En Belgique, le Conseil du Contentieux des Étrangers, n’excluant pas a priori de tels renvois vers l’Algérie, a renvoyé une affaire à l’autorité administrative, dans l’attente d’informations récentes sur la situation actuelle dans ce pays. En Turquie, de tels renvois ont été constatés. En de rares occasions, la Cour constitutionnelle a toutefois suspendu la procédure après examen de la situation personnelle des intéressés.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
48. Le requérant allègue que son renvoi vers l’Algérie entraînerait un manquement de la France aux exigences de l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Sur la recevabilité
1. Thèses des parties
a) Le Gouvernement
49. Le Gouvernement soutient à titre principal que la requête est irrecevable, faute pour le requérant d’avoir épuisé les voies de recours internes au moment de son introduction.
50. Le Gouvernement affirme qu’un étranger qui, à l’instar du requérant, cherche à éviter d’être expulsé doit épuiser les recours effectifs qui s’offrent à lui avant d’introduire une requête devant la Cour ou de solliciter des mesures provisoires en vertu de l’article 39 du règlement de celle-ci, en application de l’arrêt Y.P. et L.P. c. France (no 32476/06, 2 septembre 2010, § 53). Le Gouvernement affirme qu’une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d’octroi de la protection subsidiaire auprès de l’OFPRA constitue une voie de recours effective, ainsi que la Cour l’a reconnu dans une décision M.X. c. France (no 21580/10, 1er juillet 2014, § 37).
51. En l’espèce, le Gouvernement relève que le requérant, bien qu’informé de l’imminence de la mise à exécution de la peine d’interdiction du territoire français et donc de son renvoi vers l’Algérie, n’a pas déposé de demande d’asile devant les autorités compétentes avant de saisir la Cour d’une demande de mesure provisoire.
52. Le Gouvernement observe à ce titre que le requérant a formé, alors qu’il était en détention et avec l’appui de son conseil, un recours en référé-liberté et une demande de mesure provisoire auprès de la Cour. Dès lors, le requérant ne pourrait soutenir que c’est en raison de son ignorance des recours disponibles ou de difficultés pratiques qu’il n’a pas épuisé les voies de recours internes, en l’occurrence la demande d’asile.
53. Au surplus, le Gouvernement souligne le fait que le requérant n’a pas fait appel de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon en date du 8 mars 2018.
54. Le Gouvernement en conclut que, dès lors que l’épuisement des voies de recours internes s’apprécie au moment de l’introduction de la requête, la Cour ne pourra que déclarer la requête irrecevable pour non‑épuisement des voies de recours internes.
b) Le requérant
55. Le requérant affirme qu’une demande d’asile était un recours inadéquat dans sa situation dans la mesure où, du fait de son incarcération pour des faits liés au terrorisme, il ne pouvait raisonnablement imaginer qu’il était susceptible de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié en France.
56. Le requérant affirme que la demande d’asile est un recours particulièrement inapproprié dans la mesure où une telle demande peut être considérée comme reposant sur une fraude délibérée ou constituant un recours abusif lorsque le demandeur la formule peu avant son expulsion alors qu’il se trouve en France depuis un certain temps. Le requérant observe également que l’étranger constituant en France une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État peut voir son statut de réfugié refusé ou être exclu du bénéfice de la protection subsidiaire.
57. Le requérant affirme par ailleurs n’avoir été informé de la possibilité d’introduire une demande d’asile que lors de son placement en centre de rétention, par le biais d’une association intervenant au sein de ce centre. Au demeurant, il précise que le dépôt d’une demande d’asile en prison se heurte à plusieurs obstacles pratiques.
58. Le requérant souligne également que, s’il avait su qu’il pouvait déposer une demande d’asile, il aurait vraisemblablement préféré cette option, suspensive de plein droit de son éloignement, à l’incertitude liée à une demande de mesure provisoire à la Cour.
59. Il rappelle que la Cour attache une grande importance, s’agissant de l’épuisement des voies de recours internes, aux circonstances de la cause et que l’article 35 § 1 de la Convention doit être appliqué avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. Il rappelle en outre que la Cour a déjà affirmé qu’elle tolère que le dernier échelon des recours internes soit atteint peu après le dépôt de la requête, mais avant qu’elle soit appelée à se prononcer sur la recevabilité de celle-ci. Tel serait bien le cas en l’espèce, dans la mesure où il a formé une demande d’asile seulement une semaine après la saisine de la Cour, et où cette demande a d’ores et déjà été rejetée par l’OFPRA comme par la CNDA.
60. Le requérant souligne qu’il a contesté au fond la décision fixant le pays de destination dont il faisait l’objet, contestation qui a donné lieu à un jugement du tribunal administratif de Lille du 27 juillet 2018 dont il a fait appel.
61. Il précise ne pas avoir fait appel de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon en date du 8 mars 2018 car il aurait selon lui été réacheminé en Algérie avant que le Conseil d’État ne statue, un tel recours n’étant pas suspensif.
62. Il conclut de ce qui précède que la seule voie de droit adéquate, utile et effective dont il disposait pour faire échec à la mesure d’éloignement dont il faisait l’objet était, après le rejet de son référé-liberté, la saisine de la Cour par le biais d’une demande de mesure provisoire.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
63. Selon la jurisprudence constante de la Cour, la règle de l’épuisement des voies de recours internes implique qu’un requérant doit se prévaloir des recours normalement disponibles et suffisants dans l’ordre juridique interne pour lui permettre d’obtenir réparation des violations qu’il allègue. Ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues. Rien n’impose d’user de recours qui ne sont ni adéquats ni effectifs (Raninen c. Finlande, 16 décembre 1997, § 41, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VIII ; Micallef c. Malte [GC], no 17056/06, § 55, CEDH 2009). De surcroît, un requérant qui a utilisé une voie de droit apparemment effective et suffisante ne saurait se voir reprocher de ne pas avoir essayé d’en utiliser d’autres qui étaient disponibles mais ne présentaient guère plus de chances de succès (Nada c. Suisse [GC], no 10593/08, § 142, CEDH 2012).
64. Lorsqu’un requérant cherche à éviter d’être renvoyé par un État contractant, il est normalement appelé à épuiser un recours qui a un effet suspensif (Bahaddar c. Pays-Bas, 19 février 1998, §§ 47-48, Recueil 1998‑I). Un contrôle juridictionnel, lorsqu’il existe et lorsqu’il fait obstacle au renvoi, doit être considéré comme un recours effectif qu’en principe les requérants doivent épuiser avant d’introduire une requête devant la Cour ou de solliciter des mesures provisoires en vertu de l’article 39 du règlement de celle-ci en vue de retarder une expulsion (NA. c. Royaume-Uni, no 25904/07, § 90, 17 juillet 2008 ; Y.P. et L.P. c. France, précité, § 53).
65. De jurisprudence constante, l’obligation pour le requérant d’épuiser les voies de recours internes s’apprécie en principe à la date d’introduction de la requête devant la Cour (Baumann c. France, no 33592/96, § 47, CEDH 2001‑V (extraits) ; Trabelsi c. Belgique, no 140/10, § 89, CEDH 2014 (extraits) ; Şahin Alpay c. Turquie, no 16538/17, § 86, 20 mars 2018), sans qu’il soit toutefois distingué à ce sujet entre l’introduction d’une demande de mesure provisoire et l’introduction d’un formulaire de requête.
66. En tout état de cause, la Cour tolère que le dernier échelon d’un recours soit atteint peu après le dépôt de la requête mais avant qu’elle ne se prononce sur la recevabilité de celle-ci (Karoussiotis c. Portugal, no 23205/08, § 57, CEDH 2011 (extraits), Stanka Mirković et autres c. Monténégro, nos 33781/15 et 3 autres, § 48, 7 mars 2017, et Azzolina et autres c. Italie, nos 28923/09 et 67599/10, § 105, 26 octobre 2017). Elle a en particulier réaffirmé cette possibilité à l’occasion de l’affaire Rafaa c. France (no 25393/10, § 33, 30 mai 2013), dans laquelle le requérant faisait l’objet d’une demande d’extradition vers le Maroc pour des faits liés au terrorisme.
67. En outre, la Cour a fréquemment souligné qu’il faut appliquer la règle de l’épuisement des recours internes avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif (Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, § 89, série A no 13, et Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, § 69, Recueil des arrêts et décisions 1996‑IV). Elle a de plus admis que la règle de l’épuisement des voies de recours internes ne s’accommode pas d’une application automatique et ne revêt pas un caractère absolu ; en en contrôlant le respect, il faut avoir égard aux circonstances de la cause (Akdivar et autres, précité, § 69, et Kurić et autres c. Slovénie [GC], no 26828/06, § 286, 26 juin 2012).
b) Application de ces principes au cas du requérant
68. À titre liminaire, la Cour considère que la date d’introduction de la requête, pertinente s’agissant de la condition d’épuisement des voies de recours internes, est en l’espèce celle de l’introduction de la demande de mesure provisoire. C’est donc à la date du 12 mars 2018 que le respect de cette condition de recevabilité doit être apprécié, alors même qu’un formulaire de requête dûment rempli n’a été envoyé à la Cour que le 6 avril 2018.
69. La Cour remarque que le requérant a en l’espèce exercé deux voies de recours. D’une part, il a contesté la décision fixant son pays de destination en introduisant, avant sa libération, un recours en référé-liberté devant le tribunal administratif de Lyon et, après la saisine de la Cour, un recours au fond devant le tribunal administratif de Lille. S’il n’a pas fait appel de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, son appel du jugement du tribunal administratif de Lille est pendant à la date d’adoption du présent arrêt. D’autre part, il a formé une demande d’asile, après la saisine de la Cour, et a d’ores et déjà vu l’OFPRA et la CNDA se prononcer sur cette demande. Son pourvoi en cassation contre l’arrêt de la CNDA est en cours d’instruction à la date d’adoption du présent arrêt.
70. Il convient donc de déterminer si l’une de ces deux voies de recours, telles qu’elles ont été exercées en l’espèce par le requérant, a permis à ce dernier de satisfaire à la condition d’épuisement des voies de recours internes.
i. La saisine des juridictions administratives
71. La Cour relève que la saisine des juridictions administratives est, dans le cas des personnes faisant l’objet d’une interdiction du territoire prononcée par le juge judiciaire, dépourvue d’effet suspensif de plein droit, ce qu’a reconnu le Gouvernement lors de l’audience devant la Cour. Du fait de cette absence de caractère suspensif, il ne s’agit normalement pas d’un recours à épuiser dans ce cadre, bien qu’il permette en cas de succès de prévenir la violation alléguée (voir, mutatis mutandis, Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, no 25389/05, §§ 64-66, CEDH 2007‑II).
72. Toutefois, eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, la Cour estime qu’il n’était a priori pas exclu que le requérant justifie de l’épuisement des voies de recours internes en saisissant les juridictions administratives plutôt que les instances de l’asile. En effet, dans la mesure où le requérant était incarcéré jusqu’à une date connue de lui, rien ne s’opposait à ce qu’il cherche à obtenir la suspension de l’arrêté fixant son pays de destination par la voie du référé-liberté, l’absence de caractère suspensif de ce recours n’étant en l’espèce pas problématique eu égard à la peine d’emprisonnement que le requérant devait finir de purger en raison de sa condamnation, et qui empêchait son renvoi vers l’Algérie. Dans une telle configuration, saisir les juridictions administratives est susceptible de ménager à l’État défendeur l’occasion de prévenir les violations alléguées contre lui avant que ces allégations ne soient soumises à la Cour, ce qui répond à la finalité de l’exigence d’épuisement des voies de recours interne.
73. La Cour observe néanmoins que le requérant n’a pas fait appel devant le Conseil d’État de l’ordonnance du tribunal administratif de Lyon en date du 8 mars 2018, alors même que le délai de six jours entre l’adoption de cette ordonnance et la libération du requérant permettait selon toute vraisemblance à ce dernier d’introduire un tel recours et d’obtenir une réponse de la part de la haute juridiction administrative, qui doit dans ce cadre se prononcer dans un délai de quarante‑huit heures en application de l’article L. 523-1 du code de justice administrative. Dès lors, dans la mesure où le requérant n’a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir avant sa libération la suspension de l’arrêté fixant son pays de destination, la Cour estime que la seule saisine du juge des référés du tribunal administratif de Lyon n’a pas permis de satisfaire à l’exigence d’épuisement des voies de recours internes. Ce constat n’est pas remis en cause par le fait que le requérant a saisi au fond les juridictions administratives à la suite de sa libération, à un moment où il bénéficiait de la suspension de son renvoi vers l’Algérie à la suite de la mesure provisoire adoptée par la Cour.
74. Il reste donc à la Cour à déterminer si la seule autre voie ouverte au requérant pour faire valoir son grief tiré de l’article 3 de la Convention, à savoir une demande d’asile auprès de l’OFPRA, constituait un recours à épuiser et, le cas échéant, si cette voie a été épuisée en l’espèce.
ii. La demande d’asile
α) Sur l’effectivité et l’accessibilité de la demande d’asile
75. La Cour précise d’emblée que la demande d’asile est le seul recours suspensif de plein droit ouvert aux personnes dans une situation similaire à celle du requérant, alors même que ce recours n’a pas été conçu pour suspendre l’exécution d’une mesure d’expulsion et peut passer pour être voué à l’échec lorsque l’intéressé a commis des actes liés au terrorisme. Elle ne voit pour autant aucune raison de s’éloigner des constats qu’elle a opérés dans la décision M.X. c. France (précitée, § 37). Dans cette décision, la Cour a en effet tenu pour établi, d’une part, que les instances de l’asile se prononçaient systématiquement sur les risques encourus en cas de renvoi par le demandeur avant de rechercher si les actes qui lui étaient reprochés relevaient des clauses d’exclusion de la Convention de Genève ou de la protection subsidiaire et, d’autre part, que l’administration tirait en application de l’article L. 513-2 du CESEDA toutes les conséquences d’une reconnaissance de risques au regard de l’article 3 de la Convention par les instances de l’asile en ne mettant pas à exécution la mesure de renvoi vers le pays concerné, quand bien même l’intéressé aurait été exclu des protections conventionnelle et subsidiaire. En l’espèce, en l’absence de tout élément permettant de douter de la réalité d’un de ces deux constats, la Cour considère que la saisine de l’OFPRA constituait une voie de recours effective et suspensive à disposition du requérant.
76. Par ailleurs, contrairement aux allégations du requérant, rien n’indique que la demande d’asile ne soit pas un recours accessible en pratique aux personnes détenues. La Cour observe par ailleurs que le requérant bénéficiait pendant sa détention des conseils d’un avocat et qu’il a introduit, par l’intermédiaire de ce dernier et avant sa libération, un recours en référé-liberté devant la juridiction administrative compétente, de même qu’une demande de mesure provisoire devant la Cour. En l’absence du moindre élément indiquant que le requérant ou son avocat auraient été empêchés d’introduire une demande d’asile, aucune question d’accessibilité en pratique de ce recours ne se pose en l’espèce.
77. En conséquence, la saisine de l’OFPRA constituait bien en l’espèce un recours à épuiser (voir, mutatis mutandis, M.X. c. France, précitée, §§ 37-38).
78. Il convient donc maintenant de déterminer si le requérant a satisfait à l’exigence d’épuisement des voies de recours internes en introduisant sa demande d’asile postérieurement à la saisine de la Cour, et non antérieurement à celle-ci.
β) Sur le moment de l’introduction de la demande d’asile
79. La Cour rappelle que, en application de sa jurisprudence constante, les requérants qui cherchent à éviter d’être renvoyés par un État contractant doivent en principe avoir épuisé les voies de recours internes ayant un effet suspensif, conformément à l’article 35 § 1 de la Convention, avant de solliciter des mesures provisoires en vertu de l’article 39 de son règlement (voir paragraphes 63-64 ci-dessus). Une telle exigence concrétise le principe de subsidiarité en même temps qu’elle permet à la Cour d’appuyer son examen de la demande de mesures provisoires, mais aussi de la requête, sur les constats et raisonnements des autorités nationales, qui sont les mieux placées pour apprécier les faits et, plus particulièrement, la crédibilité de la personne concernée (voir, par exemple, F.G. c. Suède [GC], no 43611/11, § 118, 23 mars 2016). À ce titre, la Cour rappelle qu’elle peut déclarer une requête irrecevable dès le stade de l’examen de la demande de mesures provisoires, notamment lorsque le requérant est toujours en mesure d’engager un recours interne ayant un effet suspensif, si une telle décision peut être prise sans examen complémentaire (articles 27 § 1 de la Convention et 27A § 2 b) du règlement).
80. S’agissant de la jurisprudence constante suivant laquelle le dernier échelon d’un recours peut être atteint après le dépôt de la requête mais avant que la Cour ne se prononce sur la recevabilité de celle-ci (voir paragraphe 65 ci-dessus), la Cour observe en l’espèce que, si la saisine de l’OFPRA ne constitue pas le dernier échelon de la voie de recours offerte par la demande d’asile, elle en constitue le premier et dernier échelon ayant un effet suspensif. Or, cet échelon a été atteint après le dépôt de sa requête mais avant que la Cour ne se prononce sur la recevabilité de celle-ci. En effet, le requérant a saisi l’OFPRA une semaine après avoir soumis sa requête à la Cour, et celui-ci a rejeté la demande du requérant quatre jours après avoir été saisi. Par ailleurs, la Cour observe que le requérant avait commencé à épuiser une voie de recours, en l’occurrence la saisine des juridictions administratives, avant de solliciter l’application de l’article 39 de son règlement.
81. Dans ces circonstances très particulières, la Cour estime qu’il serait excessivement formaliste de déclarer à ce stade la requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, l’essentiel étant que les autorités internes aient été en mesure de se prononcer sur la violation de la Convention alléguée par le requérant.
82. À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes.
83. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
a) Le requérant
84. Le requérant souligne à titre liminaire que la jurisprudence de la Cour et celle des juridictions françaises divergent, notamment concernant les exigences de preuves susceptibles d’être fournies par un ressortissant étranger qui allègue encourir des traitements contraires à l’article 3 de la Convention en cas de renvoi dans son pays d’origine. Selon lui, la Cour examinerait successivement les informations générales relatives à la situation dans le pays concerné puis les preuves fournies par le requérant, sans faire peser sur ce dernier des exigences probatoires insurmontables. À l’inverse, les juridictions françaises auraient des exigences probatoires très élevées, de sorte qu’il serait souvent impossible pour un ressortissant étranger de démontrer que pèse sur lui un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de renvoi dans son pays. Le requérant relève à ce titre les conclusions différentes auxquelles sont parvenus la Cour et le Conseil d’État dans l’affaire Rafaa précitée.
i. Sur la situation générale prévalant en Algérie
85. S’agissant de la situation générale prévalant en Algérie, le requérant affirme que les nombreuses sources évoquées par la Cour dans les arrêts Daoudi, H.R. et M.A. c. France précités ont tout lieu d’être reprises, aucune évolution favorable de la situation des droits de l’homme en Algérie ne pouvant être démontrée avec certitude.
86. Le requérant souligne à ce titre le fait que, si l’Algérie a ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984 et si un moratoire sur la peine de mort est en vigueur depuis 1993, ces circonstances n’ont pas empêché la Cour de considérer à plusieurs reprises que le renvoi de ressortissants algériens dans leur pays d’origine était susceptible de porter atteinte à l’article 3 de la Convention.
87. Il soutient par ailleurs que le Conseil national algérien des droits de l’homme fait l’objet de critiques quant à son indépendance et à sa composition, de sorte qu’il faudrait aborder avec une grande circonspection l’évolution potentielle des institutions de protection des droits de l’homme en Algérie. À ce titre, il renvoie aux préoccupations exprimées quant à l’indépendance des membres de ce Conseil par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies dans ses observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie. Il souligne par ailleurs qu’en tout état de cause cette institution est récente, de sorte qu’il est difficile de tirer des enseignements des éventuels bénéfices de sa création, et que son premier rapport d’activité élude la question du traitement réservé par les forces de sécurité aux personnes liées au terrorisme.
88. Le requérant mentionne également le rapport présenté par Amnesty International au Comité des droits de l’homme des Nations Unies en vue de l’examen du quatrième rapport périodique de l’Algérie, dans lequel cette organisation indique être préoccupée par la détention de personnes suspectées de terrorisme pendant une durée pouvant aller jusqu’à douze jours, sans accès à un avocat. Il souligne que cette organisation émet des doutes sur le nouvel organe créé pour remplacer le DRS, point sur lequel se serait également interrogé le Comité. À cet égard, le requérant cite également un article de presse dans lequel un enseignant de l’Institut d’études politiques de Paris exprime son scepticisme quant à la réalité de la dissolution du DRS, qui aurait simplement changé de nom pour devenir le DSS.
89. Le requérant s’appuie de nouveau sur les observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie du Comité des droits de l’homme des Nations Unies pour faire état des préoccupations de cette institution quant à l’accès à un avocat ou à un médecin en garde à vue pour les personnes liées au terrorisme, ainsi que de ses regrets quant à l’absence de prohibition dans la loi de l’utilisation des aveux obtenus sous la torture. Le requérant souligne également que ce Comité demeure préoccupé par des allégations de tortures et mauvais traitements infligés par les agents du DSS, notamment dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Le requérant met enfin en avant la préoccupation de ce même Comité quant à des informations documentées faisant état de centres de détention au secret sur le territoire algérien.
90. S’agissant de l’argument du Gouvernement selon lequel plusieurs ressortissants algériens suspectés ou condamnés pour des faits de terrorisme qui ont été renvoyés en Algérie n’auraient pas contesté le choix de ce pays de destination et n’auraient pas allégué, après leur retour, avoir été soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention, le requérant soutient que ces allégations ne changent pas substantiellement l’appréciation des faits en l’espèce.
91. Le requérant en conclut que la situation des droits de l’homme n’a pas évolué favorablement en Algérie depuis l’époque des faits ayant donné lieu à l’arrêt M.A. c. France précité.
ii. Sur la situation personnelle du requérant
92. S’agissant de sa situation personnelle, le requérant relève qu’elle présente de nombreuses similarités avec celle du requérant à l’origine de l’arrêt M.A. c. France précité, dans lequel la Cour a conclu qu’il y avait eu violation de l’article 3 de la Convention du fait du renvoi vers l’Algérie du requérant, condamné en France pour des faits liés au terrorisme.
93. À ce titre, s’agissant de ses relations avec un groupe djihadiste d’Annaba, le requérant commence par souligner que le réquisitoire définitif du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris affirme qu’il « était recherché » et « se savait recherché » en Algérie, ce qui indiquerait que les autorités judiciaires françaises ont connaissance du fait qu’il est bel et bien l’objet de recherches en Algérie. Un tel élément constituerait un commencement de preuve du fait qu’il a des raisons objectives, indépendamment de sa condamnation pour terrorisme en France, de craindre d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention en cas de renvoi vers l’Algérie.
94. Le requérant affirme à ce sujet avoir été informé par une cousine employée dans la police algérienne qu’il fait partie d’une liste de personnes recherchées en raison des relations qu’il entretenait avec des djihadistes notoires. Un mandat de recherche aurait été décerné à son encontre en 2012.
95. S’agissant de ses liens avec AQMI, le requérant rappelle que l’affaire dans laquelle il a été impliqué a été largement couverte par les médias français, algériens et internationaux en 2014, notamment du fait de la forte connotation symbolique de l’attentat terroriste qui était en préparation. Au vu de cette couverture médiatique, il estime difficilement concevable qu’il n’ait pas été identifié dès 2014 par les autorités algériennes, dès lors que son prénom, la première lettre de son nom de famille, son âge et sa situation familiale apparaissaient dans plusieurs articles de presse. Le requérant affirme par ailleurs que la France était tenue, en application d’une convention bilatérale conclue avec l’Algérie, de prévenir les autorités algériennes de son arrestation et des raisons de cette dernière, de sorte que les autorités algériennes seraient nécessairement au fait des agissements à l’origine de sa condamnation pénale. Par ailleurs, selon le requérant, la divulgation de son nom dans la presse à la suite de l’audience devant la Cour serait de nature à accroître l’intérêt des autorités algériennes à son endroit. Il ajoute sur ce point que la CNDA a estimé « crédible » la connaissance par les autorités algériennes de sa condamnation en France, avant même la divulgation de son nom par voie de presse à la suite de l’audience tenue devant la Cour (voir paragraphe 19 ci‑dessus).
96. Le requérant souligne également le fait qu’il avait formé le projet de recruter des combattants du djihad en Algérie, de rejoindre un camp d’entraînement d’AQMI situé sur le territoire algérien, et de participer au soutien opérationnel des combattants djihadistes opérant dans le désert du Sahel. Il a également été pendant plusieurs mois personnellement en contact avec un cadre de cette organisation terroriste. Dès lors, il lui paraît hautement improbable d’être inconnu des services de renseignement algériens.
97. Le requérant affirme par ailleurs que, ayant été incarcéré de 2013 à 2018 et placé en rétention après sa libération, il lui est particulièrement malaisé d’obtenir des preuves, notamment des poursuites dont il dit faire l’objet en Algérie. À cet égard, il soutient que la note verbale des autorités algériennes, en date du 28 novembre 2018, affirmant qu’il ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire en Algérie, est ambiguë dans la mesure où elle semble déduire l’absence de poursuites à son encontre du fait que son casier judiciaire est vierge, ce qui ne serait selon lui pas probant. Il soutient également que ses parents auraient fait l’objet le 18 juillet 2018 d’une visite de deux policiers en civil qui leur auraient demandé où il se trouvait, depuis quelle date il n’était pas rentré en Algérie, son numéro de téléphone et une photo récente.
98. Le requérant relève enfin que l’absence d’assurances diplomatiques accordées par les autorités algériennes n’est pas particulièrement rassurante quant à leur bonne volonté, au regard des sources disponibles sur la situation des droits de l’homme en Algérie.
99. Le requérant en conclut qu’il existe un faisceau d’indices concordants, tant au niveau des sources générales disponibles qu’à celui de sa situation particulière, démontrant qu’il serait susceptible de faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la Convention en cas de renvoi en Algérie.
b) Le Gouvernement
i. Sur la situation générale prévalant en Algérie
100. S’agissant d’un éventuel risque généralisé de traitement contraire à l’article 3 de la Convention, le Gouvernement rappelle que l’Algérie a ratifié en 1989 la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984 et qu’un moratoire sur la peine de mort est en vigueur dans ce pays depuis 1993. Il affirme également que les autorités algériennes ont renforcé leur dispositif national de surveillance des droits de l’homme par la constitutionnalisation du Conseil national des droits de l’homme. Il rappelle que le CICR effectue des visites dans les établissements pénitentiaires algériens et dans les lieux de garde à vue pour contrôler les conditions de détention.
101. Le Gouvernement relève par ailleurs que le rapport pour 2017 du Département d’État américain fait apparaître que le gouvernement algérien remédie aux situations préoccupantes constatées dans les arrêts Daoudi et M.A. c. France précités : la loi algérienne prohibe l’emploi de la torture ; récemment, plusieurs poursuites ont été engagées et deux condamnations prononcées dans des dossiers dans lesquels des policiers étaient accusés d’avoir infligé de mauvais traitements ; aucune allégation de torture n’a été rapportée en 2017 ; la Direction générale de la sûreté nationale organise des sessions régulières de formation portant sur les droits de l’homme.
102. Le Gouvernement affirme également qu’à sa connaissance, aucun rapport d’organisations gouvernementales ou non-gouvernementales ne fait état pour les années 2017 et 2018 de mauvais traitements à l’égard des personnes suspectées ou condamnées pour des actes de terrorisme.
103. En outre, le Gouvernement met en avant la révision de la Constitution algérienne, la dissolution du DRS et le lancement d’un plan de modernisation visant à humaniser les conditions de détention pour affirmer que la situation des droits de l’homme en Algérie a évolué depuis l’époque des faits à l’origine des affaires Daoudi et M.A. c. France précitées.
104. Le Gouvernement soutient enfin que plusieurs ressortissants algériens suspectés ou condamnés pour des faits de terrorisme qui ont été renvoyés en Algérie n’ont pas contesté le choix de ce pays de destination et n’ont pas allégué, après leur renvoi, avoir été soumis à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Il a fourni à cet égard à la Cour un tableau détaillant les mesures d’éloignement mises à exécution à l’égard de ressortissants algériens en raison de leurs liens avec une mouvance terroriste ou islamiste radicale. D’après ce tableau, une vingtaine d’entre eux ont été éloignés depuis 2015.
105. Le Gouvernement en conclut que le risque généralisé de mauvais traitements pour toute personne suspectée de terrorisme n’est pas avéré et, partant, que le risque d’être soumis à des traitements contraires à l’article 3 doit faire l’objet d’un examen individuel.
ii. Sur la situation personnelle du requérant
106. Le Gouvernement, se fondant notamment sur les décisions adoptées par les juridictions internes, soutient que le requérant se prévaut uniquement d’éléments généraux relatifs à la situation en Algérie et n’apporte aucun élément de nature à démontrer qu’il serait personnellement exposé à des risques de subir de tels traitements en cas de retour dans ce pays.
107. Le Gouvernement souligne les différences entre les faits de l’espèce et ceux ayant donné lieu à l’arrêt Daoudi précité. Dans cette dernière affaire, la CNDA avait considéré que le requérant pouvait représenter un certain intérêt pour les services de sécurité algériens dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme. De même, dans cette affaire, les autorités françaises avaient officiellement saisi les autorités algériennes et leur avaient transmis une note d’information mentionnant l’état civil du requérant et l’infraction pour laquelle il avait été condamné, ainsi qu’une copie de son passeport algérien. À l’inverse, dans la présente espèce, les instances de l’asile et les juridictions administratives ont considéré non fondées les craintes du requérant de subir des traitements contraires à l’article 3 de la Convention.
108. En outre, selon le Gouvernement, le requérant n’apporte aucun élément permettant d’établir qu’il fait l’objet en Algérie d’un avis de recherches, de décisions judiciaires ou d’un jugement par contumace. À cet égard, le Gouvernement a fait parvenir à la Cour une note verbale des autorités algériennes, en date du 28 novembre 2018, affirmant que le requérant ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire en Algérie et produisant le casier judiciaire de celui-ci, vierge de toute condamnation. De même, selon le Gouvernement, aucune pièce n’attesterait l’existence, alléguée par le requérant, d’une cousine de ce dernier travaillant pour la police algérienne ni, a fortiori, la réalité des affirmations de cette cousine suivant lesquelles le requérant ferait l’objet de recherches. Le Gouvernement soutient également que la connaissance par les autorités algériennes de l’identité et de la condamnation du requérant n’est pas un élément déterminant de la présente affaire, rien ne permettant de considérer que ces autorités l’ont recherché et le rechercheraient toujours.
109. Le Gouvernement affirme enfin qu’il n’a connaissance d’aucun mandat d’arrêt émis à l’encontre du requérant, et que l’Algérie n’a formé aucune demande d’extradition concernant ce dernier, de même qu’elle n’a pas demandé une copie du jugement le condamnant par le canal de l’entraide judiciaire.
110. Le Gouvernement soutient que, si la Cour considérait un risque établi du seul fait de la connaissance par les autorités algériennes d’une condamnation pénale d’un requérant et de ses liens avec une organisation terroriste, cela créerait une présomption générale de traitements contraires à l’article 3 pour tout ressortissant algérien condamné pour terrorisme par un État partie à la Convention. Une telle présomption ferait systématiquement obstacle à l’éloignement de tels individus, sans qu’ils aient à démontrer l’existence d’un risque réel, actuel et personnel. Le Gouvernement critique à ce titre l’arrêt M.A. c. France précité, qui a selon lui mis en place une telle présomption.
111. Le Gouvernement en conclut que le grief est dépourvu de fondement et que la requête doit être rejetée.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
i. Le caractère absolu des obligations découlant de l’article 3
112. La Cour a une conscience aiguë de l’ampleur du danger que représente le terrorisme pour la collectivité et, par conséquent, de l’importance des enjeux de la lutte antiterroriste. Elle est de même parfaitement consciente des énormes difficultés que rencontrent à notre époque les États pour protéger leur population de la violence terroriste (Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1855, § 79). Devant une telle menace, elle considère qu’il est légitime que les États contractants fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à des actes de terrorisme, qu’elle ne saurait en aucun cas cautionner. Toutefois, même en tenant compte de ces facteurs, la Cour rappelle que l’article 3 de la Convention, ainsi qu’elle l’a dit à maintes reprises, consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’article 3 ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des Protocoles nos 1 et 4, et d’après l’article 15 § 2 il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 95, CEDH 1999-V, et J.K. et autres c. Suède [GC], no 59166/12, § 77, 23 août 2016).
ii. Principes généraux concernant l’application de l’article 3 dans les affaires d’expulsion
113. La Cour rappelle régulièrement que les États contractants ont le droit, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des engagements découlant pour eux de traités, y compris la Convention, de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux. Cependant, l’expulsion d’un étranger par un État contractant peut soulever un problème au regard de l’article 3, et donc engager la responsabilité de l’État en cause au titre de la Convention, lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on l’expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3. Dans ce cas, l’article 3 implique l’obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays (F.G. c. Suède [GC], précité, § 111).
114. Pour établir s’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé court ce risque réel, la Cour ne peut éviter d’examiner la situation dans le pays de destination à l’aune des exigences de l’article 3. Au regard de ces exigences, pour tomber sous le coup de l’article 3, le mauvais traitement auquel le requérant affirme qu’il serait exposé en cas de renvoi doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause (F.G. c. Suède [GC], précité, § 112).
iii. Le principe d’une évaluation ex nunc des circonstances
115. Si le requérant n’a pas encore été expulsé, la date à retenir pour l’appréciation doit être celle de l’examen de l’affaire par la Cour. Une évaluation complète et ex nunc est requise lorsqu’il faut prendre en compte des informations apparues après l’adoption par les autorités internes de la décision définitive (F.G. c. Suède [GC], précité, § 115).
iv. Le principe de subsidiarité
116. Lorsqu’il y a eu une procédure interne, il n’entre pas dans les attributions de la Cour de substituer sa propre vision des faits à celle des cours et tribunaux internes, auxquels il appartient en principe de peser les données recueillies par eux. En règle générale, les autorités nationales sont les mieux placées pour apprécier non seulement les faits mais, plus particulièrement, la crédibilité de témoins, car ce sont elles qui ont eu la possibilité de voir, examiner et évaluer le comportement de la personne concernée (F.G. c. Suède [GC], précité, § 118). La Cour doit toutefois estimer établi que l’appréciation effectuée par les autorités de l’État contractant concerné est adéquate et suffisamment étayée par les données internes et par celles provenant d’autres sources fiables et objectives (X c. Pays-Bas, no 14319/17, § 72, 10 juillet 2018).
v. Appréciation de l’existence d’un risque réel
117. Pour apprécier l’existence d’un risque réel de mauvais traitements, la Cour se doit d’appliquer des critères rigoureux (Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, § 128, CEDH 2008). L’appréciation doit se concentrer sur les conséquences prévisibles de l’expulsion du requérant vers le pays de destination, compte tenu de la situation générale dans ce pays et des circonstances propres à l’intéressé (F.G. c. Suède [GC], précité, § 115).
vi. La répartition de la charge de la preuve
118. Il appartient en principe au requérant de produire des éléments susceptibles de démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l’article 3. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler qu’une part de spéculation est inhérente à la fonction préventive de l’article 3 et qu’il ne s’agit pas d’exiger des intéressés qu’ils apportent une preuve certaine de leurs affirmations qu’ils seront exposés à des traitements prohibés (X c. Pays-Bas, précité, § 74). Lorsque de tels éléments sont produits, il incombe au Gouvernement de dissiper les doutes éventuels à leur sujet (Saadi, précité, § 129).
119. En règle générale, on ne peut considérer que le demandeur d’asile s’est acquitté de la charge de la preuve tant qu’il n’a pas fourni, pour démontrer l’existence d’un risque individuel, et donc réel, de mauvais traitements qu’il courrait en cas d’expulsion, un exposé étayé qui permette de faire la distinction entre sa situation et les périls généraux existant dans le pays de destination. Cette exigence est toutefois assouplie dans certaines circonstances, par exemple lorsque l’intéressé allègue faire partie d’un groupe systématiquement exposé à une pratique de mauvais traitements (J.K. et autres c. Suède, précité, §§ 91-98 et 103).
b) Application de ces principes au cas du requérant
i. Sur la situation générale prévalant en Algérie
120. En ce qui concerne la situation en Algérie, la Cour relève d’emblée que les différents rapports sur ce pays, soumis par les parties ou examinés d’office, ne sont pas parfaitement unanimes sur la question du traitement des personnes liées au terrorisme. Elle prend toutefois note de plusieurs éléments attestant d’une évolution depuis février 2015, moment qu’elle a pris en considération dans son dernier arrêt relatif au renvoi vers l’Algérie d’une personne liée au terrorisme (M.A. c. France, précité).
121. La Cour observe ainsi que de nombreuses évolutions institutionnelles et normatives ont eu lieu depuis 2015. Plus particulièrement, la Cour prend note de la révision de la Constitution algérienne, qui a eu lieu en 2016 et a renforcé la garantie d’un certain nombre de droits et libertés fondamentaux, de même que la dissolution du DRS la même année. Elle constate également que la DGSN organise régulièrement depuis 2016 des formations sur les droits de l’homme pour les officiers de police (voir paragraphes 28-31 ci-dessus).
122. Certes, la Cour relève l’existence de certaines informations inquiétantes, notamment à la lecture des observations finales du Comité des droits de l’homme des Nations Unies concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie (voir paragraphes 34-36 ci-dessus). Toutefois, elle observe que la plupart des rapports disponibles sur l’Algérie ne font plus état, pour les années 2017 et 2018, d’allégations de tortures à l’encontre de personnes liées au terrorisme. Elle estime également significatif le fait que des organisations de défense des droits de l’homme aient déclaré en 2017 auprès de l’ambassade britannique à Alger n’avoir aucune preuve de l’existence de traitements contraires à l’article 3 de la Convention. La Cour souligne sur ce point que le requérant ne semble pas être en mesure d’établir qu’un quelconque tiers, dans une situation comparable à la sienne, aurait effectivement subi des traitements inhumains et dégradants en 2017 ou en 2018. De même, la Cour prend note, avec la prudence qui s’impose, de l’affirmation de la DGSN suivant laquelle cette dernière n’aurait reçu en 2017 aucune information quant à des mauvais traitements de la part du public (voir paragraphes 32-33 et 39 ci-dessus). S’agissant de la dissolution du DRS et de son remplacement par le DSS, la Cour observe que ce dernier est inséré dans un cadre constitutionnel et législatif renouvelé et de nature à encadrer son action, notamment par une protection accrue des droits de l’homme. En tout état de cause, la restructuration des services de sécurité coïncide avec la disparition des allégations de mauvais traitements dans la plupart des rapports internationaux précités.
123. La Cour constate également que le Gouvernement lui a fourni une liste détaillée des mesures d’éloignement vers l’Algérie mises à exécution à l’égard de ressortissants de cet État en raison de leurs liens avec une mouvance terroriste ou islamiste radicale. Le fait qu’aucune de ces personnes n’aurait allégué avoir subi des mauvais traitements aux mains des autorités algériennes ne permet certes pas à la Cour de déduire que le requérant ne serait pas, personnellement, soumis à un risque de subir des traitements prohibés par l’article 3 de la Convention en cas de retour en Algérie (voir, dans le même sens, M.A. c. France, précité, § 57). Toutefois, ces informations précises contribuent à l’appréciation par la Cour de la situation générale prévalant dans ce pays.
124. Dans le même sens, la Cour observe que plusieurs juridictions des États membres du Conseil de l’Europe ont récemment conclu à l’absence de risque de violation de l’article 3 de la Convention en cas de renvoi de personnes liées au terrorisme vers ce pays. La Cour se réfère particulièrement, à ce titre, à l’arrêt de la Cour administrative fédérale allemande en date du 27 mars 2018 (voir l’annexe XVII). Examinant de manière pertinente la situation générale en Algérie et la situation personnelle de l’intéressé, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, cette juridiction a notamment relevé qu’aucun cas de torture n’a été rapporté en Algérie depuis 2015, alors que des groupes nationaux de défense des droits de l’homme peuvent opérer dans ce pays et publier leurs résultats. Si la Cour n’ignore pas que, depuis une décision de la Special Immigration Appeals Commission en date du 18 avril 2016, le Royaume-Uni semble avoir suspendu les renvois vers l’Algérie de personnes liées au terrorisme, elle observe que cette décision est antérieure aux changements institutionnels et normatifs qu’elle a relevés, ainsi qu’à l’évolution de la plupart des rapports internationaux quant à la situation des droits de l’homme en Algérie.
125. La Cour souligne également que si certaines caractéristiques de la procédure pénale algérienne critiquées par le requérant, à l’instar de la durée maximale de la garde à vue en matière de terrorisme ou de potentielles difficultés d’accès à un avocat ou à un médecin, peuvent éventuellement soulever des doutes quant au respect du droit à un procès équitable, elles ne permettent pas à elles seules de conclure à l’existence d’un risque général de mauvais traitements sous l’angle de l’article 3 de la Convention pour telle ou telle catégorie de personnes.
126. La Cour conclut de ce qui précède que la situation générale en matière de traitement des personnes liées au terrorisme en Algérie n’empêche pas en soi l’éloignement du requérant. Dès lors, la Cour doit rechercher si la situation personnelle de ce dernier est telle qu’il se trouverait exposé à un risque réel de subir des traitements contraires à l’article 3 s’il était renvoyé vers ce pays.
ii. Sur la situation personnelle du requérant
127. La Cour note que les craintes du requérant sont fondées sur deux éléments, à savoir les recherches dont il ferait l’objet du fait de ses liens avec une cellule djihadiste d’Annaba, d’une part, et la connaissance par les autorités algériennes de sa condamnation en France et des motifs de celle-ci, d’autre part.
128. S’agissant des recherches dont le requérant affirme faire l’objet du fait de ses liens avec une cellule djihadiste d’Annaba, la Cour relève que le jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 25 septembre 2015 fait clairement état de leur réalité, du moins pour l’année 2012. Toutefois, rien n’indique que le requérant soit toujours recherché pour ces faits, plus de sept ans après leur commission. En particulier, le requérant n’a pas fourni à la Cour une copie du mandat d’arrêt dont il soutient l’existence, bien qu’il ait recouvré sa liberté et qu’il affirme disposer de contacts au sein de la police algérienne. En revanche, le Gouvernement français a fait parvenir à la Cour une note verbale des autorités algériennes, en date du 28 novembre 2018, affirmant que le requérant ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire en Algérie et produisant le casier judiciaire de celui-ci, vierge de toute condamnation. La Cour relève que cette note verbale affirme explicitement que « l’intéressé ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire en Algérie ». En tout état de cause, la Cour constate que la cellule djihadiste d’Annaba à laquelle le requérant était lié a été démantelée en 2012. Ses membres ont été arrêtés, condamnés puis libérés sans soutenir avoir subi des mauvais traitements, La Cour attache une importance particulière à ce constat, dans la mesure où, de toute évidence, le requérant n’occupait pas au sein de ce groupe une position susceptible de le singulariser aux yeux des autorités algériennes.
129. S’agissant de la condamnation en France du requérant et des motifs de celle-ci, la Cour est convaincue que les autorités algériennes en ont pleinement connaissance, que ce soit du fait de leurs services de renseignement ou d’échanges diplomatiques avec la France. La divulgation par des médias de l’identité du requérant, à la suite de l’audience tenue devant la Cour (voir paragraphe 19 ci-dessus), ne fait que renforcer cette conviction. Pour autant, rien n’atteste que les autorités algériennes montrent un intérêt particulier pour le requérant. De même, dans la mesure où le requérant n’a de toute évidence plus de contacts avec des représentants d’AQMI depuis de nombreuses années, rien n’indique qu’il possède des informations d’intérêt pour la lutte contre le terrorisme menée par les autorités algériennes. La Cour remarque en particulier que l’Algérie n’a jamais sollicité de la France l’extradition du requérant ou une copie du jugement le condamnant pour des faits liés au terrorisme. En outre, ainsi que la Cour l’a déjà souligné, aucun élément probant n’indique que les autorités algériennes soient à la recherche du requérant. L’affirmation du requérant selon laquelle ses parents auraient été interrogés à son sujet, même à la supposer établie, n’est pas suffisante pour modifier ce constat.
130. En tout état de cause, s’il est possible que les activités terroristes passées du requérant fassent de lui l’objet de mesures de contrôle et de surveillance à son retour en Algérie, voire de poursuites judiciaires déclenchées à l’occasion de ce retour, de telles mesures ne constituent pas, en tant que telles, un traitement prohibé par l’article 3 de la Convention.
131. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que le requérant n’a pas fourni d’éléments susceptibles de démontrer qu’il y a des raisons sérieuses de penser que, s’il était renvoyé en Algérie, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l’article 3 de la Convention, alors même que la charge d’apporter de tels éléments reposait sur lui.
iii. Conclusion
132. La Cour partage ainsi la conclusion à laquelle sont arrivés l’OFPRA, la CNDA et les tribunaux administratifs de Lyon et de Lille, qui, en application du principe de subsidiarité, se sont prononcés avant elle et dont l’appréciation est adéquate et suffisamment étayée par les données internes et par celles provenant d’autres sources fiables et objectives. En effet, en considération de la situation générale en Algérie, ni les liens passés du requérant avec une cellule djihadiste d’Annaba ni la connaissance de sa condamnation par les autorités algériennes ne sont de nature à convaincre la Cour que le requérant courrait un risque réel de subir des traitements contraires à l’article 3 de la Convention en cas de renvoi en Algérie.
133. Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’absence de garanties diplomatiques fournies par les autorités algériennes, absence que le gouvernement français explique par une réticence générale de ces dernières en la matière et que n’ont pu surmonter les efforts qu’il a déployés. La Cour précise que c’est dans le cadre de l’examen de la demande de mesure provisoire présentée par le requérant qu’elle avait demandé au gouvernement français s’il était en mesure d’obtenir des autorités algériennes des garanties précises permettant de s’assurer que le requérant ne serait pas soumis à des traitements contraires à la Convention après son arrivée en Algérie. À ce stade, la Cour n’avait pas encore été en mesure de procéder à un examen approfondi de la situation générale prévalant en Algérie et de la situation personnelle du requérant. Toutefois, au regard de la conclusion à laquelle est parvenue la Cour à l’issue d’un tel examen (voir les paragraphes 120-132 ci-dessus), elle estime que des garanties diplomatiques ne s’avèrent pas nécessaires.
134. En définitive, la Cour considère qu’il n’existe pas de motifs sérieux et avérés de croire que le requérant, s’il était renvoyé en Algérie, y courrait un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. En conséquence, la Cour estime qu’un tel renvoi n’emporterait pas violation de l’article 3 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT DE LA COUR
135. La Cour rappelle que, conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, le présent arrêt deviendra définitif : a) lorsque les parties déclareront qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre ; ou b) trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé ; ou c) lorsque le collège de la Grande Chambre rejettera la demande de renvoi formulée en application de l’article 43.
136. Elle considère que la mesure qu’elle a indiquée au Gouvernement en application de l’article 39 de son règlement (voir le paragraphe 4 ci‑dessus) doit demeurer en vigueur jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit que, dans l’éventualité de la mise à exécution de la décision de renvoyer le requérant vers l’Algérie, il n’y aurait pas violation de l’article 3 de la Convention ;
3. Décide de continuer à indiquer au Gouvernement, en application de l’article 39 de son règlement, qu’il est souhaitable, dans l’intérêt du bon déroulement de la procédure, de ne pas procéder au renvoi du requérant vers l’Algérie jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.
Fait en français, puis prononcé en audience publique au Palais des droits de l’homme, à Strasbourg, le 29 avril 2019.
Claudia WesterdiekAngelika Nußberger
GreffièrePrésidente
ANNEXES
Table des matières
Comité des droits de l´homme des Nations Unies
I) Comité des droits de l’homme des Nations Unies, observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie (CCPR/C/DZA/CO/4), adoptées le 20 juillet 2018 35
United Kingdom Home Office
II) United Kingdom Home Office, Country Policy and Information Note Algeria: Background information, including actors of protection and internal relocation, en date du 29 août 2017 36
United States Department of State
III) United States Department of State, Country Reports on Human Rights Practices for 2015 – Algeria, publié le 13 avril 2016 38
IV) United States Department of State, Country Reports on Human Rights Practices for 2016 – Algeria, publié le 3 mars 2017 40
V) United States Department of State, Country Reports on Human Rights Practices for 2017 – Algeria, publié le 20 avril 2018 42
Human Rights Watch
VI) Human Rights Watch, Rapport mondial 2016, publié le 27 janvier 2016........44
VII) Human Rights Watch, Rapport mondial 2017, publié le 12 janvier 2017.......44
VIII) Human Rights Watch, Rapport mondial 2018, publié le 18 janvier 2018.......44
IX) Human Rights Watch, Rapport mondial 2019, publié le 17 janvier 2019........45
Amnesty International
X) Amnesty International, La situation des droits humains dans le monde, 2015-2016, publié le 23 février 2016 45
XI) Amnesty International, La situation des droits humains dans le monde, 2016-2017, publié le 22 février 2017 45
XII) Amnesty International, La situation des droits humains dans le monde, 2017-2018, publié le 22 février 2018 46
Comité international de la Croix-Rouge
XIII) Comité International de la Croix-Rouge, Rapport annuel 2015, publié le 9 mai 2016 46
XIV) Comité International de la Croix-Rouge, Rapport annuel 2016, publié le 22 mai 2017 47
XV) Comité International de la Croix-Rouge, Rapport annuel 2017, publié le 12 juin 2018 48
United Kingdom Special Immigration Appeals Commission
XVI) United Kingdom Special Immigration Appeals Commission, BB, PP, W, U, Y AND Z v. The Secretary of State for the Home Department, 18 avril 2016 49
Cour administrative fédérale d’Allemagne
XVII) Cour administrative fédérale d’Allemagne, arrêt 1 A 5.17, 27 mars 2018......50
I) Comité des droits de l’homme des Nations Unies, observations finales concernant le quatrième rapport périodique de l’Algérie (CCPR/C/DZA/CO/4), adoptées le 20 juillet 2018
Conseil national des droits de l’homme
15. Le Comité prend note de l’information selon laquelle l’établissement du Conseil national des droits de l’homme, opérationnel depuis le 9 mars 2017, est désormais prévu par la Constitution et serait indépendant. Il prend note du statut B octroyé par le Sous-Comité d’accréditation de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme au Conseil national des droits de l’homme et exprime toutefois ses préoccupations quant aux allégations de non-indépendance de ses membres (art. 2).
Lutte contre le terrorisme
17. Le Comité reconnaît les exigences liées à la lutte contre le terrorisme mais réitère ses préoccupations quant à l’article 87 bis du Code pénal retenant une définition du crime de terrorisme trop large et peu précise, permettant la poursuite de comportements qui peuvent relever de la pratique de l’exercice de la liberté d’expression ou de rassemblement pacifique. Il s’inquiète également des allégations faisant état de l’utilisation indue des dispositions anti-terroristes à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme ou de journalistes. Il exprime également ses préoccupations quant à l’article 51 bis du Code de procédure pénale permettant la reconduite de la période de garde à vue de 48 heures jusqu’à cinq fois et quant aux allégations selon lesquelles les personnes détenues dans ce cadre ne pourraient avoir accès à un avocat qu’à mi-parcours de leur garde à vue (art. 2, 9 et 19).
Interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants
31. Le Comité prend note des explications de la délégation selon lesquelles, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants prévalant sur les lois nationales, la définition retenue par ledit instrument est directement applicable par les tribunaux algériens. Il s’inquiète toutefois de ce que la définition retenue par l’article 263 bis du Code pénal demeure incomplète et non conforme aux dispositions du Pacte et aux autres normes internationales. Il regrette également que l’utilisation des aveux obtenus sous la torture ne soit pas expressément prohibée par la loi et demeure à la discrétion des magistrats (art. 7 et 14).
33. Le Comité prend note des affirmations de la délégation selon lesquelles la pratique de la torture par des agents responsables de l’application de la loi serait désormais un phénomène résiduel, mais demeure préoccupé par les allégations faisant état de tortures et de mauvais traitements qui continueraient d’être pratiqués en particulier par les agents du Département de surveillance et de sécurité, et notamment dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Il s’inquiète de ce que lesdits agents échapperaient en pratique au contrôle du procureur de la République tout en bénéficiant des prérogatives de la police judiciaire. Il s’inquiète du faible nombre de poursuites et de sanctions à l’égard des agents coupables d’actes de torture et de mauvais traitements, et de ce que l’article 45 de l’ordonnance no 06-01 du 27 février 2006, quoique applicable pour une période passée, favorise de facto jusqu’à aujourd’hui un climat d’impunité pour les agents responsables de l’application de la loi (art. 7).
Détentions arbitraires, gardes à vue et détentions provisoires
35. Tout en notant les affirmations de la délégation selon lesquelles il n’existerait aucun lieu de détention au secret sur le territoire de l’État partie, le Comité demeure préoccupé par les informations documentées faisant état de tels centres. Il s’inquiète également des cas de détentions arbitraires ne semblant faire l’objet d’enquêtes ou de poursuites et déplore l’absence d’informations quant aux cas individuels de Djameleddine Laskri, en détention depuis 24 années, et de Ali Attar, détenu sans mandat d’arrêt depuis février 2015. Le Comité s’inquiète également : a) des informations faisant état d’un usage systématique de l’article 51 bis du Code pénal, même à l’égard de détenus pour d’autres crimes que le crime de terrorisme ; b) du fait que la consultation du détenu avec son avocat a lieu sous la surveillance d’un agent de police judiciaire ; et c) de la proportion encore importante des détenus provisoires (art. 7 et 9).
II) United Kingdom Home Office, Country Policy and Information Note Algeria: Background information, including actors of protection and internal relocation, en date du 29 août 2017
2. Consideration of issues
2.2 Protection
2.2.2. The state security and intelligence service, formerly the Intelligence and Security Department (often referred to as the DRS) but which was recently split into 3 directorates reporting to the president, performs functions related to internal, external and ‘technical’ security. In addition the armed forces, reportedly the best-equipped and battle-tested in the region, are engaged in counter-terrorism activities alongside the NP and NG (see Security apparatus, Overview).
2.2.3. The government maintains effective control over the security forces. The police are generally professional and responsive to calls for assistance (see Security apparatus, Effectiveness), although some human rights groups allege that torture has sometimes been used in to obtain confessions. The security forces were also reported to occasionally use vaguely worded provisions to arrest and detain persons, especially those considered to be disturbing public order or criticising the government (see Security apparatus, Police abuses). There is some evidence that the government is willing to address abuses by the security forces - there were 2 documented cases of officials being prosecuted for torture or abusive treatment in 2016 for an incident occurring in May 2015. However although the law provides mechanisms to investigate abuses and corruption, impunity reportedly remained a problem (see Security apparatus, Police abuses).
8. Security apparatus
8.1 Overview
8.1.5. [Janes] observed that: “[...] In January 2016 Bouteflika completed his plans of curtailing the influence of the DRS and dissolved the unit, creating three general security directorates in its place. The General Directorate of Internal Security, the General Directorate of External Security, and the General Directorate of Technical Intelligence are all attached to the presidency and under the control of the army”.
8.3 Police abuses
8.3.1. Freedom House noted in its report covering events in 2015, without providing specific details, that: ‘International human rights activists have accused the security forces of practicing torture, and have also highlighted lengthy delays in bringing cases to trial.
[...]
8.3.4. The submission of stakeholders as part of the UPR included the observations of Alkarama which claimed that:
‘... crimes considered to be terrorist or subversive crimes, the 48-hour period of police custody, the maximum legal length, could be extended up to five times, or for a total of 12 days. In practice, the period was routinely extended. Alkarama was of the view that the period was too long, given international standards, and could expose the person in custody to torture.
[...]
the law did not establish that all statements proven to have been obtained under torture were inadmissible as evidence in legal proceedings.
[...]
8.3.7. However, the Foreign Office noted in a letter dated 5 May 2017 that:
‘...in 2016 Algeria formed a National Council of Human Rights to, among other things, find, and investigate human rights violations. They commission research, can make recommendations and visit detention centres. Their conclusions are advisory, but the Council demonstrates an administration willing to include civil society in the inspection of places of detention and open to recommendations to improve human rights in practice. ‘
‘In recent meetings human rights organisations have told our embassy in Algiers they have no evidence of treatment that breaches Article 3 [of the European Convention of Human Rights]. The International Committee of the Red Cross (ICRC) is used by the Algerians to provide independent, confidential reports on places of detention and operating regimes within them.’
III) United States Department of State, Country Reports on Human Rights Practices for 2015 – Algeria, publié le 13 avril 2016
EXECUTIVE SUMMARY
Other human rights concerns were the excessive use of force by police, including allegations of torture; [...]
The government did not take sufficient steps to investigate, prosecute, or punish public officials who committed violations. Impunity for police and security officials remained a problem, and the government rarely provided information on actions taken against officials accused of wrongdoing.
[...]
Section 1. Respect for the Integrity of the Person, Including Freedom from:
c. Torture and Other Cruel, Inhuman, or Degrading Treatment or Punishment
The law prohibits torture, but nongovernmental organizations (NGOs) and local human rights activists alleged that government officials sometimes employed torture and abusive treatment to obtain confessions. The government denied these charges. Government agents face prison sentences of between 10 and 20 years for committing such acts, but there were no convictions during the year. There were no reported cases of prosecution of civil or military security service officials for torture or abusive treatment. Local and international NGOs asserted that impunity was a problem.
[...]
Prison and Detention Center Conditions
A 2013 presidential decree dissolved the Central Bureau of the Judicial Police under the Intelligence and Security Department (DRS), removing its authority to detain individuals and hold them in separate detention facilities. A June 2014 presidential decree, however, reinstated this authority and permitted the DRS to manage prison facilities.
[...]
Convicted terrorists had the same rights as other inmates but were held in prisons of varying degrees of security, determined by whether authorities considered the prisoners highly dangerous or of high, intermediate, or low risk.
[...]
During the year the ICRC hosted three one-week training sessions on human rights – as they relate to arrest, detention, and interrogation procedures – for judicial police from the Surete Nationale (DGSN) and National Gendarmerie and judges.
d. Arbitrary Arrest or Detention
Role of the Police and Security Apparatus
The DRS is subordinate to the Ministry of National Defense, and its various units perform functions related specifically to counterterrorism, counterespionage, and national security. Impunity remained a problem. The law provides mechanisms to investigate abuses and corruption, but the government did not provide public information on disciplinary or legal action against police, military, or other security force personnel.
Arrest Procedures and Treatment of Detainees
According to the law, police must obtain a summons from the Prosecutor’s Office to require a suspect to appear in a police station for preliminary questioning. [...] Public lawyers reported that authorities usually carried out procedures for warrants and summonses properly.
A judge may extend a suspect’s detention [...] for a maximum of 12 days for charges related to terrorism and other subversive activities. The law stipulates that detainees should immediately be able to contact a family member and receive a visit, or to contact an attorney.
Whereas previously the government did not permit detainees to meet with an attorney before seeing the judge, the July amendment provides detainees the right to see an attorney for 30 minutes if a judge extends the time in detention beyond the initial 48-hour period. In these cases authorities permit the arrested person to contact a lawyer after half the extended time has expired. Authorities may use in court confessions and statements garnered during the period prior to access to an attorney--which a prosecutor’s application to a judge may extend. The court appearance of suspects in terrorism cases is public. At the end of the 12-day period, the detainee has the right to request a medical examination by a physician of choice within the jurisdiction of the court. Otherwise, the judicial police appoint a doctor. Authorities enter the certificate of the medical examination into the detainee’s file.
[...]
Judges rarely refused prosecutorial requests (prior to the July amendment) to extend pretrial detention, which by law may be appealed.[...] Most detainees had prompt access to a lawyer of their choice as accorded by the law, and the government provided legal counsel to indigent detainees. There were reports that authorities held some detainees without access to their lawyers and reportedly abused them physically and mentally.
According to various newspapers, on August 27, security services arrested retired major general Abdelkader Ait Ouarabi (also known as “General Hassan”), former head of the intelligence service’s counterterrorism unit, on charges of insubordination, creating an armed organization, withholding information, and possessing weapons of war. Ait Ouarabi’s attorney, Mokrane Ait Larbi, said that authorities prevented him from visiting his client for several weeks following his detention, rejected his request for provisional liberty, and were late to inform him officially of Ait Ouarabi’s transfer to an Oran court to stand trial. On November 26, an Oran court convicted Ait Ouarabi of lesser charges and sentenced him to five years’ imprisonment.
[...]
AI alleged that authorities sometimes detained individuals on security-related charges for longer than the 12-day prescribed period.
IV) United States Department of State, Country Reports on Human Rights Practices for 2016 – Algeria, publié le 3 mars 2017
EXECUTIVE SUMMARY
Other human rights concerns were the excessive use of force by police, including allegations of torture [...]
The government did not take sufficient steps to investigate, prosecute, or punish public officials who committed violations. Impunity for police and security officials remained a problem, and the government rarely provided information on actions taken against officials accused of wrongdoing.
[...]
Section 1. Respect for the Integrity of the Person, Including Freedom from:
c. Torture and Other Cruel, Inhuman, or Degrading Treatment or Punishment
The law prohibits torture, but nongovernmental organizations (NGOs) and local human rights activists alleged that government officials sometimes employed torture and abusive treatment to obtain confessions. The government denied these charges. Government agents face prison sentences of between 10 and 20 years for committing such acts and there were two convictions during the year. There were no reported cases of prosecution of civil or military security service officials for torture or abusive treatment. Local and international NGOs asserted that impunity was a problem. [...]
The Surete Nationale (DGSN) stated that it did not receive any reports of abuse or misconduct from the public during the year. Information from the National Gendarmerie was not available.
Prison and Detention Center Conditions
A 2013 presidential decree dissolved the Central Bureau of the Judicial Police under the DRS, removing its authority to detain individuals and hold them in separate detention facilities. A 2014 presidential decree, however, reinstated this authority and permitted the DRS to manage prison facilities. A January 20 presidential decree dissolved the DRS and reorganized the intelligence services. The July 2015 amendment of the penal code prohibits police officers from detaining suspects in any facilities not designated for that purpose and declared to the local prosecutor, who has the right to visit such facilities at any time.
[...]
Convicted terrorists had the same rights as other inmates but were held in prisons of varying degrees of security, determined by whether authorities considered the prisoners highly dangerous or of high, intermediate, or low risk.
[...]
During the year the ICRC hosted training sessions on human rights--as they relate to arrest, detention, and interrogation procedures--for judicial police from the DGSN and National Gendarmerie and judges.
[...]
d. Arbitrary Arrest or Detention
Role of the Police and Security Apparatus
A January 20 presidential decree dissolved the DRS, which had been subordinate to the Ministry of National Defense. It was replaced by three intelligence directorates reporting to a presidential national security counselor and performing functions related specifically to internal, external, and technical security.
Impunity remained a problem. The law provides mechanisms to investigate abuses and corruption, but the government did not always provide public information on disciplinary or legal action against police, military, or other security force personnel. The DGSN conducted a two-week training session for police officers specifically focusing on human rights practices in September and another two-day training session in November.
Arrest Procedures and Treatment of Detainees
According to the law, police must obtain a summons from the Prosecutor’s Office to require a suspect to appear in a police station for preliminary questioning. [...] Public lawyers reported that authorities usually carried out procedures for warrants and summonses properly.
[With the prosecutor’s authorization, detention may be extended [...] for a maximum of 12 days for charges related to terrorism and other subversive activities]. The law stipulates that detainees should immediately be able to contact a family member and receive a visit, or to contact an attorney. The 2015 report of the National Consultative Commission for the Promotion and Protection of Human Rights (CNCPPDH), a governmental human rights commission, criticized this provision for forcing detainees to choose between contacting their families and consulting an attorney.
The law provides detainees the right to see an attorney for 30 minutes if the time in detention has been extended beyond the initial 48-hour period. In these cases authorities permit the arrested person to contact a lawyer after half the extended time has expired. Authorities may use in court confessions and statements garnered during the period prior to access to an attorney--which a prosecutor’s application to a judge may extend. The court appearance of suspects in terrorism cases is public. At the end of the period of detention, the detainee has the right to request a medical examination by a physician of choice within the jurisdiction of the court. Otherwise, the judicial police appoint a doctor. Authorities enter the certificate of the medical examination into the detainee’s file.
[...]
AI alleged that authorities sometimes detained individuals on security-related charges for longer than the 12-day prescribed period.
[...]
Judges rarely refused prosecutorial requests to extend pretrial detention, which by law may be appealed [...] Most detainees had prompt access to a lawyer of their choice as accorded by law, and the government provided legal counsel to indigent detainees. There were reports that authorities held some detainees without access to their lawyers and reportedly abused them physically and mentally.
V) United States Department of State, Country Reports on Human Rights Practices for 2017 – Algeria, publié le 20 avril 2018
Section 1. Respect for the Integrity of the Person, Including Freedom from:
c. Torture and Other Cruel, Inhuman, or Degrading Treatment or Punishment
The law prohibits torture and prescribes prison sentences of between 10 and 20 years for government agents found guilty of torture. The government reported 28 prosecutions and two convictions on allegations of abusive treatment by police officers in 2016. There was no information on torture convictions or prosecutions in 2017.
Nongovernmental organizations (NGOs) and local human rights activists alleged that government officials sometimes employed degrading treatment to obtain confessions. Human rights activists said police sometimes used excessive force against suspects, including protestors.
The Surete Nationale (DGSN) stated that it did not receive any reports of abuse or misconduct from the public during the year.
Local and international NGOs asserted that impunity was a problem.
Prison and Detention Center Conditions
The penal code prohibits the detention of suspects in any facilities not designated for that purpose and declared to the local prosecutor, who has the right to visit such facilities at any time.
[...]
Convicted terrorists had the same rights as other inmates but were held in prisons of varying degrees of security, determined by the danger posed by the prisoners.
[...]
During the year the ICRC hosted training sessions on human rights standards related to arrest, detention, and interrogation procedures for judicial police from the DGSN and National Gendarmerie, as well as for judges.
d. Arbitrary Arrest or Detention
Role of the Police and Security Apparatus
The law provides mechanisms to investigate abuses and corruption, but the government did not always provide public information on disciplinary or legal action against police, military, or other security force personnel. The DGSN conducted regular training sessions on human rights, including for all new cadets. Its new human rights office is responsible for organizing human rights training for police officers.
Arrest Procedures and Treatment of Detainees
According to the law, police must obtain a summons from the prosecutor’s office to require a suspect to appear in a police station for preliminary questioning. With this summons, police may hold a suspect for no more than 48 hours.
[...]
[With the prosecutor’s authorisation, a suspect’s detention may be extended [...] for a maximum of 12 days for charges related to terrorism and other subversive activities]. [...] The law stipulates that detainees should immediately be able to contact a family member and receive a visit, or to contact an attorney.
The law provides detainees the right to see an attorney for 30 minutes if the time in detention has been extended beyond the initial 48-hour period. In these cases, authorities permit the arrested person to contact a lawyer after half the extended time has expired. Authorities may use in court confessions and statements garnered during the period prior to access to an attorney. Prosecutors may apply to a judge to extend the period before arrested individuals can have access to an attorney. The court appearance of suspects in terrorism cases is public. At the end of the period of detention, the detainee has the right to request a medical examination by a physician of choice within the jurisdiction of the court. Otherwise, the judicial police appoint a doctor. Authorities enter the medical certificate into the detainee’s file.
[...]
Judges rarely refused requests to extend pretrial detention, which by law may be appealed. Should the detention be overturned, the defendant has the right to request compensation. Most detainees had prompt access to a lawyer of their choice as accorded by law, and the government provided legal counsel to indigent detainees. There were reports that authorities held some detainees without access to their lawyers and reportedly abused them physically and mentally.
VI) Human Rights Watch, Rapport mondial 2016, publié le 27 janvier 2016
Depuis 2011, le gouvernement algérien a autorisé l’accès à un seul mécanisme des Nations Unies relatif aux droits humains, à savoir le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation début 2015. Les demandes d’accès en attente comprennent celles des rapporteurs spéciaux de l’ONU sur la torture et sur la liberté de réunion pacifique et d’association, et des groupes de travail de l’ONU sur les disparitions forcées ou involontaires et sur les détentions arbitraires.
VII) Human Rights Watch, Rapport mondial 2017, publié le 12 janvier 2017
L’Algérie a continué de refuser l’entrée sur son territoire aux organisations internationales de défense des droits humains afin d’accomplir des missions de recherche. Elle s’est également abstenue de répondre aux demandes de visites des rapporteurs spéciaux de l’ONU sur la torture et sur la liberté de réunion pacifique et d’association, qui sont en souffrance depuis 1997 et 2011, respectivement.
VIII) Human Rights Watch, Rapport mondial 2018, publié le 18 janvier 2018
L’Algérie a continué en 2017 à ne pas satisfaire à des demandes de visite du pays présentées de longue date par le CDH, notamment pour les rapporteurs spéciaux sur la torture, sur les droits humains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, ainsi que pour le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires.
IX) Human Rights Watch, Rapport mondial 2019, publié le 17 janvier 2019
Les autorités ont continué de faire obstacle à l’accréditation légale d’organisations non gouvernementales algériennes de défense des droits humains et ont maintenu leur refus d’accéder aux demandes de visite du pays présentées par plusieurs experts et membres de mécanismes de protection des droits humains des Nations Unies, comme les rapporteurs spéciaux sur la torture et sur les libertés de réunion pacifique et d’association.
X) Amnesty International, La situation des droits humains dans le monde, 2015-2016, publié le 23 février 2016
Contexte
Les autorités ont persisté dans leur refus d’autoriser l’accès au pays à des organes et experts des Nations Unies dans le domaine des droits humains, notamment ceux chargés de la torture, de la lutte contre le terrorisme, des disparitions forcées et de la liberté d’association.
[...]
Système judiciaire
Le gouvernement a introduit par décret, en juillet, des modifications du Code de procédure pénale prévoyant un éventail plus large de mesures alternatives à la détention provisoire. Les suspects ont désormais le droit spécifique de rencontrer un avocat pendant la garde à vue, mais celui-ci ne peut pas les assister au cours des interrogatoires.
XI) Amnesty International, La situation des droits humains dans le monde, 2016-2017, publié le 22 février 2017
Contexte
En janvier, le gouvernement a dissous le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le principal service de sécurité qui avait été lié à des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements infligés aux détenus. Le DRS a été remplacé par la Direction des services de sécurité (DSS), placée sous l’autorité directe du président.
En janvier également, des modifications apportées au Code de procédure pénale sont entrées en vigueur. Ces modifications [...] autorisaient les suspects à contacter leur avocat dès leur placement en garde à vue sans toutefois leur accorder le droit de bénéficier de sa présence lors de leur interrogatoire.
[...]
Les autorités ont persisté dans leur refus d’autoriser l’accès au pays à des mécanismes des Nations Unies chargés de veiller au respect des droits humains, notamment ceux dont le mandat porte sur la torture et les autres formes de mauvais traitements, la lutte contre le terrorisme, les disparitions forcées et la liberté d’association et de réunion pacifique. Elles ont également continué d’empêcher des organisations internationales, dont Amnesty International, d’effectuer des missions d’enquête sur les droits humains.
XII) Amnesty International, La situation des droits humains dans le monde, 2017-2018, publié le 22 février 2018
Contexte
Un décret présidentiel a instauré en février le Conseil national des droits de l’homme, la nouvelle institution algérienne de défense des droits humains, qui a remplacé la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme.
XIII) Comité International de la Croix-Rouge, Rapport annuel 2015, publié le 9 mai 2016
Keyresults/constraints in 2015
Judicial personnel received ICRC training in human rights norms at the justice ministry’s request and, in line with these norms, took steps to update procedures involving detainees in remand custody.
[...]
ICRC action and results
In Algeria, the ICRC visited detainees in 32 places of detention – including places of temporary detention under the authority of the interior and justice ministries – paying special attention to foreigners, people in solitary confinement and other particularly vulnerable inmates. Confidential feedback based on visits, including from an ICRC doctor, to detainees in certain prisons helped the ICRC provide the authorities with specific information for implementing and/or replicating improvements throughout the prison system. Judicial officials and police/gendarmerie personnel took steps to update procedures involving detainees in remand custody in line with human rights norms, after receiving ICRC training on the subject.
XIV) Comité International de la Croix-Rouge, Rapport annuel 2016, publié le 22 mai 2017
Keyresults/constraints in 2016
Algeria increased legal protection for detainees, based partly on ICRC findings and recommendations drawn from visits to detainees. The constitution had new provisions on pre-trial detention, arbitrary arrest and legal counsel.
[...]
ICRC action and results
In Algeria, the ICRC visited detainees in prisons and jails run by the police or the gendarmerie; it conducted these visits in accordance with its standard procedures. Vulnerable inmates – including security detainees, people in solitary confinement, foreigners, minors and sick people – continued to be monitored individually. Confidential feedback based on the above-mentioned visits and other technical input were provided by the ICRC to the detaining authorities, to help them improve detainees’ living conditions and treatment, including respect for judicial guarantees, in the context of the overall penitentiary reform. These efforts, sustained over several years, contributed to the increased protection of detainees notably, new provisions covering pre-trial detention, arbitrary arrest, detainees’ access to legal counsel and medical screening for detained minors in Algeria’s constitution.
[...]
People deprived of their freedom
Constitutional reforms increase legal protection for detainees
Detainees in 50 places of detention – including a central prison in Algiers to which the authorities had recently granted the ICRC access, and 32 jails run by the police or the gendarmerie – received visits from the ICRC, conducted in accordance with the organization’s standard procedures. [...]
Dialogue with the justice ministry and security forces tackled respect for judicial guarantees. These efforts, sustained over several years, contributed to increasing the protection for detainees. Notably, a number of reforms led to Algeria’s constitution (see Context) being more closely aligned with international norms applicable to the treatment of people in pre-trial detention. The constitution also contained new provisions covering arbitrary arrest and detainees’ access to legal counsel, and stipulated mandatory medical screening for detained minors.
[...]
Interior and justice ministry officials and security officers learn about international policing standards
To reinforce respect for applicable international law and standards, the interior and justice ministries and the ICRC organized train-the-trainer sessions for 64 police agents, gendarmes, and civilian and military magistrates, as well as for a Sahrawi judge and police officer (see Tunis). These sessions covered international policing standards, notably for the use of force, international human rights law and to IHL.
[...]
Actors of influence
Magistrates are better equipped to ensure observance of applicable international law
[...] At ICRC workshops, some 30 magistrates who monitored detainees’ treatment and living conditions reviewed international law and other norms/standards applicable to detention. [...]
XV) Comité International de la Croix-Rouge, Rapport annuel 2017, publié le 12 juin 2018
Key results/constraints in 2017
Prison authorities continued to draw on ICRC support to improve detainees’ treatment and living conditions.
[...]
ICRC action and results
The ICRC’s delegation in Algeria continued to visit detainees in prisons run by the police or the gendarmerie; it conducted these visits in accordance with its standard procedures. [...] After these visits, the ICRC communicated its findings and recommendations confidentially to the detaining authorities, to help them improve detainees’ living conditions and treatment, within the context of Algeria’s overall penitentiary reform.
[...]
People deprived of their freedom
[...]
The ICRC visited places of detention, in accordance with its standard procedures, to monitor detainees’ treatment and living conditions. It focused on 32 facilities – including 18 prisons run by the police or the gendarmerie – holding over 20,500 people. Some 180 detainees with specific needs – foreign nationals, minors, vulnerable women and people in solitary confinement – were monitored individually.
[...]
Police and prison officials strengthen their grasp of international law and detention standards
[...]
During a study trip to Switzerland, ten Algerian representatives – police officials, including members of the judicial police, gendarmerie personnel, and civilian and military magistrates – discussed various subjects with their Swiss counterparts, such as: ensuring respect for international human rights law in judicial police practice, the treatment of vulnerable groups such as children and migrants, and incorporating the teaching of applicable norms and best practices in their training programmes. Staff and officers from national penitentiary and judicial agencies learnt more about internationally recognized standards for the treatment of prisoners at an event organized by the national prison administration and the ICRC.
[...]
XVI) United Kingdom Special Immigration Appeals Commission, BB, PP, W, U, Y AND Z v. The Secretary of State for the Home Department, 18 avril 2016
19. The Appellants raised the question of the current risk of detention in Antar Barracks, a facility of the Algerian Security Service, the Département du Renseignement et de la Sécurité [“DRS”]. In a rather convoluted answer, the Respondent contends that the DRS do not appear to be detaining anyone at present, but (paraphrasing) due to the uncertain cause of that fact, there was conceded to be a risk of detention in Antar Barracks. Subsequently, the evidence called by the Respondent tended to suggest that the DRS were not detaining suspects and that an imminent change in the law may affect this possibility. The fact remains however that the Respondent concedes a real risk of mistreatment so as to constitute a breach of Article 3, in the absence of effective assurances. For that reason the decisive issue is the effectiveness of the assurances given, and of verification of adherence to the assurances, in the light of the level of risk identified.
71. [...] the refusal of the Algerian authorities to accept independent monitoring may proceed from their extremely strong sense of national pride and sovereignty and, in itself, is not necessarily a sinister indication.
[...]
116. [...] Our conclusions can be simply stated. Viewing the evidence as a whole we are not convinced that the improvements in conditions in Algeria are so marked or so entrenched as to obviate the need for effective verification that the authorities will adhere to the assurances given. It is not inconceivable that these Appellants, if returned to Algeria, would be subjected to ill-treatment infringing Article 3. There is a real risk of such a breach. The different means of verification of adherence advanced by the Respondent do not, taken together, amount to a robust system of verification.
[...]
XVII) Cour administrative fédérale d’Allemagne, arrêt 1 A 5.17, 27 mars 2018
[...] bb) Au moment de son expulsion, le demandeur n’était pas non plus, selon toute vraisemblance, menacé d’être torturé ou de subir en Algérie d’autres peines ou traitements inhumains en violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). La probabilité qu’un islamiste radical fiché reçoive dans l’État d’accueil un traitement qui soit contraire à l’article 3 de la CEDH dépend à la fois de la situation des droits de l’homme dans ledit État et des circonstances concrètes du cas en cause, qui peuvent augmenter ou diminuer le risque potentiel.
Selon les informations du ministère fédéral des Affaires étrangères (MFAE) datées du 1er mars 2017 qui ont été recueillies par la chambre dans le cadre d’une autre procédure, la police algérienne procède généralement à l’interrogatoire des personnes expulsées vers l’Algérie après leur arrivée dans le pays. Étant donné qu’en l’espèce, l’expulsion a été motivée par le risque de commission d’un acte terroriste en Allemagne, que le demandeur a séjourné à plusieurs reprises en Algérie dans les années passées, y compris pendant des périodes prolongées, et que deux membres de sa fratrie auraient commis des attentats-suicides pour l’État islamique, on ne pouvait exclure, au moment de l’expulsion, qu’il serait détenu pendant une longue période dans ce contexte (contrairement au demandeur dans la procédure 1 A 2.17), le temps de vérifier s’il représentait une menace terroriste. Toutefois, même dans l’hypothèse d’une détention préventive pour suspicion de terrorisme, la chambre estime que, dans les circonstances ici décrites, il n’existait pas une forte probabilité que le demandeur fût traité de manière contraire à l’article 3 de la CEDH au moment de son expulsion. La chambre fonde sa conclusion sur le processus de réforme engagé en Algérie ces dernières années, lequel a encore été renforcé depuis par rapport aux informations dont elle disposait au moment de la procédure de protection juridique provisoire, ainsi que sur une lettre du directeur général de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), rattachée au ministère algérien de l’Intérieur, qui a été transmise au cours des négociations qui ont eu lieu entre l’Allemagne et l’Algérie avant l’expulsion du demandeur.
La pertinence de cette lettre pour les prévisions de risque individuelles concernant le demandeur ne se trouve pas amoindrie par le fait qu’il ne s’agit pas d’une « note verbale » échangée entre ministères et ambassades, mais « seulement » d’une déclaration faite par un chef d’autorité algérien à un chef d’autorité allemand, que le texte de la déclaration du chef de la police algérienne s’écarte du projet de lettre du président allemand de la direction de la police fédérale et qu’il ne mentionne pas expressément les garanties spécifiques exigées dans certaines situations par la Cour constitutionnelle fédérale dans son arrêt 2 BvR 1487/17 du 24 juillet 2017. La question des conclusions à tirer d’une telle déclaration pour l’évaluation des risques et celle de savoir si et dans quelle mesure une déclaration attribuable à l’État d’accueil réduit le risque de violation de l’article 1 § 1 et de l’article 2 § 2 phrase 1 de la Loi fondamentale ainsi que de l’article 3 de la CEDH et est compatible avec la jurisprudence pertinente de la Cour constitutionnelle fédérale et de la Cour européenne des droits de l’homme n’appellent pas de réponses qui soient formulées dans l’abstrait, mais au contraire des réponses qui doivent être définies en fonction des circonstances propres à chaque affaire. En particulier, il faut tenir compte de la situation dans l’État d’accueil, du contenu concret de la déclaration et des circonstances dans lesquelles elle a été faite. Appliquant ces principes, dans son arrêt du 24 juillet 2017, la Cour constitutionnelle fédérale a, sur la base des informations relatives à la situation des droits de l’homme en Algérie à l’époque, considéré qu’il ne suffirait pas dans le cas du demandeur que l’assurance d’un organe gouvernemental algérien exigée par la chambre dans son arrêt du 31 mai 2017 eût un contenu totalement général. Au contraire, pour cette haute juridiction, il est constitutionnellement nécessaire qu’elle soit combinée à des garanties spécifiques qui permettent un contrôle des conditions de détention (éventuelles) du demandeur dans le cas de sa détention et, en particulier, un libre accès à ses représentants autorisés ; cette condition vaut que le placement en détention soit effectué par la police ou par les services secrets (BVerfG, arrêt de chambre du 24 juillet 2017 – 2 BvR 1487/17 – NVwZ 2017, 1526 paragraphe 50). Ces exigences ne sont pas satisfaites par la déclaration du chef de la Direction générale de la sécurité nationale algérienne, entre autres parce que celle-ci ne prévoit pas de possibilité explicite de faire contrôler les conditions de détention par un avocat en cas de placement du demandeur en détention. Pour autant, cela ne signifie pas que la lettre ne doive pas être prise en compte dans la prévision des risques. Le caractère contraignant des décisions de la Cour constitutionnelle visé à l’article 31 §1 de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgerichtsgesetz – BVerfGG) ne s’y oppose pas, car il ne s’applique qu’aux décisions de fond. Il n’entre pas en jeu ici parce que la Cour constitutionnelle fédérale n’a pas accepté d’examiner le recours constitutionnel du demandeur et que les explications sur les garanties exigées par le droit constitutionnel ne se trouvent que dans la motivation de cette décision (BVerfG, arrêt du 24 janvier 1995 – 1 BvL 18/93 et autres – BVerfGE 92, 91 (107)). En outre, il ne peut être déduit des explications données par la Cour constitutionnelle fédérale dans son arrêt du 24 juillet 2017 que les doutes éventuels soulevés par l’appréciation globale exposée ne peuvent être dissipés que par les garanties spécifiques qu’elle décrit. Cela est d’autant plus vrai que la présente procédure au principal exige une prévision actualisée des risques établie sur la base des informations disponibles au moment de l’expulsion.
Sur la base de la déclaration du chef de la police algérienne relativement au processus de réforme qui se poursuit actuellement en Algérie concernant le respect des obligations contractées via les accords internationaux ainsi que des droits et libertés fondamentales garantis par le droit national et aux échanges intenses au niveau diplomatique et politique qui ont précédé la déclaration, la chambre est convaincue qu’au moment de son expulsion, le demandeur n’était selon toute probabilité pas menacé de subir un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH s’il devait être placé en détention. L’Algérie a adhéré à de nombreuses conventions internationales relatives aux droits de l’homme, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Par ailleurs, la Constitution algérienne interdit la torture et les traitements inhumains. Le code pénal algérien considère la torture comme un crime depuis 2004 (voir rapport ad hoc du MFAE du 25 juillet 2017, p. 20 et suivantes). La restructuration des services de sécurité engagée en Algérie progresse. Le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) algérien, autrefois accusé d’avoir torturé des personnes soupçonnées de terrorisme, a été dissous au début de 2016 ; il a été remplacé par la Direction des services de sécurité (DSS), qui rend compte directement au président (rapport Amnesty International 2016/17, Algérie p. 63 ; rapport ad hoc du MFAE du 25 juillet 2017, p. 7 ; rapport 2016 du Département d’État américain sur les droits de l’homme en Algérie, p. 4). Il est vrai que les forces de sécurité disposent de pouvoirs étendus en vertu du décret antiterroriste de 1992, qui est toujours en vigueur. Elles peuvent ainsi maintenir les suspects en détention pendant jusqu’à douze jours (en droit commun, ce délai est limité à 48 heures) sans avoir à les présenter à un juge ou à un procureur (rapport ad hoc du MFAE du 25 juillet 2017, p. 17). Dans l’ensemble, cependant, le gouvernement insiste de plus en plus sur le respect des droits de l’homme par les forces de sécurité (au sens de la « réconciliation nationale » voulue par le président Bouteflika), et en juillet 2017, un bureau des droits de l’homme a été mis en place au sein de la DGSN de la police algérienne. Par ailleurs, les autorités algériennes donnent toujours l’assurance verbale que les normes juridiques internationales seraient respectées en matière d’expulsion et d’extradition, et aucun élément laissant penser le contraire n’a été constaté à ce jour (rapport ad hoc du MFAE du 25 juillet 2017, p. 20 et suivantes). Dans le passé, les évaluations de la Commission nationale consultative de protection et promotion des droits de l’homme, qui dans ses rapports « contournait » fréquemment les questions sensibles en matière de droits de l’homme, étaient particulièrement révélatrices s’agissant de l’évaluation de la situation des droits de l’homme ; entretemps, à la suite de la réforme constitutionnelle, cette commission a été remplacée par le Conseil national des droits de l’homme, lequel doit cependant encore prouver son indépendance et sa compétence (rapport ad hoc du MFAE du 25 juillet 2017, p.9). En revanche, le gouvernement algérien n’autorise toujours pas les rapporteurs spéciaux de l’ONU travaillant sur des sujets tels que la torture et autres mauvais traitements, les mesures antiterroristes et les disparitions forcées, ni les organisations non gouvernementales (ONG) internationales telles qu’Amnesty International à enquêter sur les violations des droits de l’homme sur le terrain (rapport ad hoc du MFAE du 25 septembre 2017, p. 9, et rapport Amnesty International 2016/17, Algérie p. 63), et des organisations non gouvernementales ainsi que des militants locaux des droits de l’homme affirment que l’obtention d’aveux en Algérie passe encore « parfois » par des violences allant jusqu’à des actes de torture et que l’impunité est un problème (rapport 2016 du Département d’État américain sur les droits de l’homme en Algérie, p. 3). Cela montre que la réussite des efforts déployés en Algérie pour améliorer la situation des droits de l’homme est difficile à évaluer, raison pour laquelle certaines juridictions au sein de l’Union européenne en sont venues dans le passé à conclure que les personnes soupçonnées de terrorisme en Algérie devaient (toujours) s’attendre à recevoir un traitement contraire aux droits de l’homme (cf. la synthèse dans la réponse finale (« final answer ») du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) du 16 août 2017 concernant la menace qui pèse en cas de retour sur les Algériens soupçonnés de terrorisme).
D’après les données du Département d’État américain, dans un passé récent, on a eu connaissance de deux incidents concrets seulement, qui ont fait l’objet ou font l’objet d’une enquête de la part de l’État : en mai 2016, deux policiers ont été condamnés respectivement à sept et quinze ans d’emprisonnement après avoir été arrêtés en mai 2015 pour avoir violé une détenue ; dans un autre procès pour l’agression d’une femme par des policiers dans un poste de police, la famille de la victime a porté plainte devant le tribunal local (rapport 2016 du Département d’État américain sur les droits de l’homme en Algérie, p. 3). Les sources d’informations consultées par la chambre ne contiennent pas de descriptions concrètes d’autres agressions qui auraient été récemment commises contre des personnes placées en détention par les autorités de l’État. Selon les informations du ministère fédéral des Affaires étrangères, on a observé jusqu’en 2015 – en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – des signes sérieux indiquant que des violences allant jusqu’à la torture avaient continué d’être perpétrées sur des personnes détenues par la police et par les services secrets militaires et, ce qui est peut-être encore plus grave du point de vue de l’atteinte aux droits de l’homme, que des détenus avaient été placés au secret sans contact avec le monde extérieur dans des prisons non régulières par les services secrets militaires (rapport de situation du MFAE du 13 février 2017, p. 20). Aucun nouveau cas n’a cependant été rapporté depuis lors (rapport ad hoc du MFAE du 25 juillet 2017, p. 7 et 21), bien que des groupes nationaux de défense des droits de l’homme, comme la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH) et le bureau local d’Amnesty International, puissent opérer en Algérie et publier leurs résultats (Länderinformationblatt (LIB) consacré à l’Algérie de l’office fédéral autrichien du droit des étrangers et de l’asile (österreichischen Bundesamtes für Fremdenwesen und Asyl (BFA), situation au 17 mai 2017, p. 12 et suivantes), même s’ils n’ont toujours pas pu s’enregistrer officiellement (Human Rights Watch, Rapport mondial 2018, Algérie p. 24.) Amnesty International non plus ne fait plus état de pratiques contraires aux droits de l’homme contre des détenus et, depuis la dissolution du DRS, ne rapporte plus de cas de détention de personnes soupçonnées de terrorisme dans des centres de détention non officiels qui ne relèvent pas du ministère de la Justice (Rapport Amnesty International 2016/2017, Algérie, et Rapport Amnesty International 2016, Algérie ; ou encore Rapport Amnesty International 2015, Algérie). Le gouvernement autorise le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et les observateurs locaux des droits de l’homme à visiter les prisons et les centres de détention réguliers ; le CICR en particulier a visité de nombreux prisons et centres de détention, en se concentrant en particulier sur les détenus vulnérables (rapport 2016 du Département d’État américain sur les droits de l’homme en Algérie, p. 4 et suivantes ; Länderinformationblatt (LIB) consacré à l’Algérie de l’office fédéral autrichien du droit des étrangers et de l’asile, situation au 17 mai 2017, p. 18). Le délégué du CICR entretient des contacts étroits avec les ministères et les autorités algériennes et estime que la coopération avec le gouvernement est fondamentalement positive (rapport ad hoc du MFAE du 25 juillet 2017, p. 22). Dans ce contexte, on peut supposer que les efforts visant à améliorer la situation des droits de l’homme en Algérie ont au fil du temps considérablement réduit le risque de traitement contraire aux droits de l’homme, y compris dans le contexte du terrorisme. Ce point n’est pas contredit par le fait que la Cour européenne des droits de l’homme concluait encore dans un arrêt du 1er février 2018 (M.A. c. France, no 9373/15) que l’expulsion d’un ressortissant algérien condamné en France pour activités terroristes emportait violation de l’article 3 de la CEDH. Cet arrêt concerne en effet une expulsion effectuée en février 2015 (paragraphe 22) et porte sur la situation qui prévalait en Algérie avant la dissolution du DRS (paragraphes 30 et suivants et 54). Il tient également compte du profil particulier du requérant qui, selon ses propres déclarations, avait déjà combattu l’État aux côtés des islamistes en Algérie et avait de ce fait été condamné par contumace à la peine de mort en Algérie (paragraphes 5 et 17), et qui avait par ailleurs été condamné en France à sept ans d’emprisonnement pour des infractions pénales graves (participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme entre 1999 et 2004 en France, en Algérie, au Maroc, en Espagne, en Turquie, en Géorgie et en Syrie), ce dont les autorités algériennes avaient connaissance (paragraphes 9, 55 et 58). Indépendamment de la question de la comparabilité avec le profil personnel du demandeur, la situation en Algérie s’est en tout état de cause considérablement améliorée et stabilisée entre le début de l’année 2015 et le moment de l’expulsion du demandeur, au début de 2018, sous l’effet du renforcement normatif de la protection des droits de l’homme et des réformes qui ont été entreprises, comme indiqué ci-dessus.
En outre, dans le cas du demandeur, avant l’expulsion, des discussions intenses ont eu lieu au niveau diplomatique et politique, auxquelles ont participé non seulement le ministère algérien des Affaires étrangères mais aussi le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur, sur la question de savoir s’il était garanti et comment il pouvait être garanti que le demandeur ne fût pas menacé de subir un traitement contraire aux droits de l’homme en Algérie. À cet égard, l’Algérie ne s’est pas contentée de faire référence à la situation juridique générale et à la fonction de contrôle de ses tribunaux (voir la note verbale du 30 juin 2001), mais elle a également remis une lettre du chef de la DGSN, qui est rattachée au ministère de l’Intérieur algérien, dans laquelle celui-ci confirmait une fois de plus que le demandeur ne devait s’attendre à aucune mesure restrictive au vu de son casier judiciaire et que lui-même, en sa qualité de chef de la police algérienne, avait promis au Président de la Direction de la police fédérale (allemande) qu’il veillerait « personnellement » à la protection des droits et libertés fondamentales du demandeur, notamment ceux visés à l’article 132 de la Constitution algérienne et ceux garantis par la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Compte tenu des négociations intergouvernementales antérieures, de l’intérêt manifeste de l’Algérie à une intensification durable d’une coopération fondée sur la confiance avec l’Allemagne, des expériences positives à ce jour en matière d’extradition et d’expulsion avec l’Algérie et au vu du rang élevé du déclarant, cet engagement contraignant qui peut être attribué à l’État algérien s’étendait non seulement à l’interrogatoire (habituel) par la police algérienne après l’expulsion, mais aussi à l’arrestation du demandeur par la police ou par les services secrets (qui ne peut être exclue compte tenu de ce qui précède). Le demandeur a mentionné dans sa dernière demande d’ordonnance provisoire que le général de division H. était déjà en fonction à l’époque où des actes de torture et autres traitements inhumains qui auraient été perpétrés par la police et par les services secrets avaient été signalés, mais pour autant, cela ne prive pas l’engagement de sa validité au moment de l’expulsion, d’autant que la restructuration en Algérie a été menée sous la responsabilité dudit général.
La prise en compte de cet engagement est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Cour constitutionnelle fédérale. Sous certaines conditions, ces deux juridictions reconnaissent les garanties comme un instrument approprié pour l’élimination au cas par cas du risque pour une personne expulsée de subir dans l’État d’accueil un traitement contraire aux droits de l’homme (voir CEDH, Othman (Abu Qatada) c. Royaume-Uni, no 8139/09, CEDH 2012 (extraits) ; NVwZ 2013, 487, paragraphes 193 - 204 ; BVerfG, décision de chambre du 24 juillet 2017 – 2 BvR 1487/17 – NVwZ 2017, 1526, paragraphes 47 et suivants). La CEDH a, dans son arrêt du 15 mai 2012 (Labsi c. Slovaquie, no 33809/08, §§ 68, 45, 121 et suivants, 15 mai 2012), évalué la menace qui pesait sur le requérant concerné en Algérie dans les années 2008 à 2012 et jugé que l’expulsion effectuée était contraire à l’article 3 de la CEDH et que le respect des garanties données n’avait pu être vérifié faute d’un système de contrôle, mais pour autant, la situation en Algérie en ce qui concerne le risque de traitements inhumains ou dégradants a clairement évolué, comme expliqué ci-dessus. Même si, selon l’appréciation de la Special Immigration Appeals Commission du Royaume-Uni dans son arrêt du 18 avril 2016 (SC/39/2005 et al. 121), la seule dissolution du DRS (services de renseignement) n’a toujours rien changé à la persistance d’un risque de torture, la restructuration des services de sécurité a encore progressé depuis et aucun cas de violence contre des personnes en détention ou de détention irrégulière n’a (plus) été rapporté postérieurement à la dissolution du DRS (rapport ad hoc du MFAE du 25 juillet 2017, p. 7 et 21). En outre, un suivi indépendant (« Independant Monitoring ») est exercé depuis quelque temps, principalement par le CICR, dans les prisons et les centres de détention réguliers (rapport 2016 du Département d’État américain sur les droits de l’homme en Algérie, p. 4 et suivantes). Du reste, contrairement à ce qui s’est passé dans l’affaire tranchée par la Cour européenne des droits de l’homme en février 2018, le chef de la police algérienne a pris un engagement contraignant. Dans ce contexte, dans l’affaire du demandeur, il n’y avait pas d’interdiction d’expulsion vers un État spécifique au moment de l’expulsion. En Algérie, le demandeur devait certes s’attendre à être interrogé par la police et peut-être aussi à être placé en détention pour suspicion de terrorisme. Mais, dans les circonstances évoquées ici, il n’était selon toute vraisemblance pas menacé de subir un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH.
Les faits qui sont survenus ou ont été révélés après l’expulsion ne contredisent pas cette appréciation. Peu importe de savoir s’il est vrai que, comme l’a affirmé le représentant du demandeur devant le tribunal, après être arrivé en Algérie et avoir subi un interrogatoire général par la police, le demandeur a dans un premier temps été libéré mais a quelques jours plus tard été arrêté à son domicile (probablement) par les services secrets militaires, pour être tout d’abord (entre le 18 et 26 janvier 2018) détenu dans un lieu « inconnu » et qu’un avocat n’a pu accéder au demandeur que 24 jours plus tard. Selon les conclusions unanimes des parties concernées, le demandeur se trouve maintenant dans une prison régulière et est en contact avec un avocat algérien. Nonobstant le fait que la garantie exigée par la chambre dans le cadre de la procédure de protection juridique provisoire ne concernait pas la renonciation au placement en détention, mais seulement le risque de traitement contraire à l’article 3 de la CEDH sur la base des informations disponibles à l’époque, la détention provisoire alléguée dans un lieu inconnu et le retard supposé pour l’accès à un avocat ont effectivement, au regard de l’article 3 de la CEDH, augmenté ce risque pendant la première phase de la détention. Toutefois, le représentant du demandeur n’a pas déclaré, même lorsque la question lui fut posée, que celui-ci avait subi un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH pendant cette période. En outre, la détention intervenue entretemps se fonde peut-être sur de nouvelles circonstances engendrées par le demandeur après son expulsion. À l’issue d’une rencontre entre le président de la police fédérale et le général de division H., le représentant des intérêts fédéraux auprès de la Cour administrative fédérale s’est contenté de confirmer que le demandeur était détenu en Algérie sur la base de « nouveaux éléments » pour des accusations d’activités terroristes. Toutefois, selon le général de division, il peut toujours prétendre aux garanties offertes par l’État de droit. À cet égard, le général de division H. a explicitement mentionné le droit du demandeur d’accéder à un avocat algérien mandaté, de recevoir des visites de sa famille et de voir respectés ses droits consacrés par la CEDH. Là encore, le représentant du demandeur n’a pas présenté de conclusions contraires à l’audience, bien qu’il fût en contact (indirect) avec le demandeur, par l’intermédiaire de la famille de celui-ci. Il se plaint qu’en tant qu’avocat étranger (non agréé en Algérie), il n’aurait pas accès au demandeur, mais pour autant, cela ne constitue pas pour ce dernier un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH, et le risque pour le demandeur de subir en détention un traitement contraire à l’article 3 de la CEDH ne s’en trouve pas non plus renforcé puisqu’il a entretemps pu accéder à un avocat algérien.
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