Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Institut international de coaching humaniste a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 19 juin 2020 par laquelle le directeur général de France compétences a rejeté sa demande d'enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) de la formation qu'elle délivre, intitulée " coach professionnel ".
Par un jugement n° 2012205/6-3 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 juin 2020 et a enjoint au directeur général de France compétences de réexaminer la demande de la société Institut international de coaching humaniste dans le délai de trois mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 septembre 2022 et 19 septembre 2023, l'établissement public France compétences, représenté par Me Mignon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 juillet 2022 ;
2°) de rejeter les demandes présentées en première instance et en appel par la société Institut international de coaching humaniste ;
3°) de mettre à la charge de la société Institut international de coaching humaniste la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande d'enregistrement déposée par la société Institut international de coaching humaniste n'avait pas fait l'objet d'un examen particulier et sérieux ; la circonstance que cette demande n'a pas donné lieu à un débat devant la Commission de certification, comme le permettent les dispositions de l'article 3.5.1 de son règlement intérieur, est sans incidence à cet égard ;
- les autres moyens soulevés en première instance par la société Institut international de coaching humaniste ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 25 avril 2023 et 22 octobre 2023, la société Institut international de coaching humaniste, représentée par Me Balaya Gouraya, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de France compétences sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'établissement requérant ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2023.
Vu :
- le code du travail,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- et les observations de Mes Mignon et Maurel, représentant l'établissement public France compétences.
Considérant ce qui suit :
1. La société Institut international de coaching humaniste, créée le 1er janvier 2018, assure des formations en " coaching thérapie hypnothérapie ", " management ", " formation et accompagnement d'entrepreneurs en France et à l'étranger ". Souhaitant faire enregistrer une formation intitulée " coach professionnel " au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), elle a déposé une demande en ce sens auprès de l'établissement public France compétences le 5 mai 2019. Son dossier n'étant pas complet, la société Institut international de coaching humaniste a déposé une seconde fois sa demande le 6 juillet 2019. Après avoir été à nouveau complété le 6 septembre 2019, son dossier de demande a été enregistré et considéré comme recevable le 12 septembre 2019. Par un courrier du 19 juin 2020, le directeur général de France compétences a informé la société Institut international de coaching humaniste du rejet de sa demande, après avis conforme émis par la commission de France compétences en charge de la certification professionnelle lors de sa séance du 28 mai 2020. L'établissement public France compétences relève appel du jugement du 15 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 juin 2020 et a enjoint au directeur général de France compétences de réexaminer la demande de la société Institut international de coaching humaniste dans le délai de trois mois.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 6113-1 du code du travail : " Un répertoire national des certifications professionnelles est établi et actualisé par l'institution nationale dénommée France compétences mentionnée à l'article L. 6123-5. / Les certifications professionnelles enregistrées dans le répertoire national des certifications professionnelles permettent une validation des compétences et des connaissances acquises nécessaires à l'exercice d'activités professionnelles. Elles sont définies notamment par un référentiel d'activités qui décrit les situations de travail et les activités exercées, les métiers ou emplois visés, un référentiel de compétences qui identifie les compétences et les connaissances, y compris transversales, qui en découlent et un référentiel d'évaluation qui définit les critères et les modalités d'évaluation des acquis. / (...) / Les certifications professionnelles sont constituées de blocs de compétences, ensembles homogènes et cohérents de compétences contribuant à l'exercice autonome d'une activité professionnelle et pouvant être évaluées et validées. ". Aux termes de l'article L. 6113-5 du même code : " (...) / II.- Sont enregistrés par France compétences, pour une durée maximale de cinq ans, dans le répertoire national des certifications professionnelles, sur demande des ministères et organismes certificateurs les ayant créés et après avis conforme de la commission de France compétences en charge de la certification professionnelle, les diplômes et titres à finalité professionnelle ne relevant pas du I et les certificats de qualification professionnelle. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'enregistrement des titres, diplômes et certificats mentionnés au I et au présent II ainsi que les conditions simplifiées d'enregistrement des certifications professionnelles portant sur des métiers identifiés par la commission de France compétences en charge de la certification professionnelle comme particulièrement en évolution ou en émergence. ". Et aux termes de l'article R. 6113-9 de ce code : " Les demandes d'enregistrement dans le répertoire national des certifications professionnelles au titre du II de l'article L. 6113-5 sont examinées selon les critères suivants : / 1° L'adéquation des emplois occupés par rapport au métier visé par le projet de certification professionnelle s'appuyant sur l'analyse d'au moins deux promotions de titulaires du projet de certification professionnelle ; / 2° L'impact du projet de certification professionnelle en matière d'accès ou de retour à l'emploi, apprécié pour au moins deux promotions de titulaires et comparé à l'impact de certifications visant des métiers similaires ou proches ; / 3° La qualité du référentiel d'activités, du référentiel de compétences et du référentiel d'évaluation ; / 4° La mise en place de procédures de contrôle de l'ensemble des modalités d'organisation des épreuves d'évaluation ; / 5° La prise en compte des contraintes légales et règlementaires liées à l'exercice du métier visé par le projet de certification professionnelle ; / 6° La possibilité d'accéder au projet de certification professionnelle par la validation des acquis de l'expérience ; / 7° La cohérence des blocs de compétences constitutifs du projet de certification professionnelle et de leurs modalités spécifiques d'évaluation ; / 8° Le cas échéant, la cohérence des correspondances totales ou partielles mises en place avec des certifications professionnelles équivalentes et de même niveau de qualification et leurs blocs de compétences ; / 9° Le cas échéant, les modalités d'association des commissions paritaires nationales de l'emploi de branches professionnelles dans l'élaboration ou la validation des référentiels. ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 6113-5 du code du travail : " La commission élabore son règlement intérieur qui précise notamment les règles de prévention des conflits d'intérêts. Ce règlement est applicable après son approbation par le conseil d'administration de France compétences. ". Et aux termes de l'article 3.5.1 du règlement intérieur de la commission de la certification professionnelle de Frances compétences, adopté par délibération du conseil d'administration de France compétences n° 2019-04-181 du 4 avril 2019 : " La commission émet des avis conformément à la règlementation en vigueur sur la base de l'instruction préalable réalisée par les agents identifiés à l'article 3.8. / Dans le cadre des avis sollicités, l'ordre du jour peut distinguer les demandes d'enregistrement aux répertoires nationaux soumis à la commission par le président : / • Sans débat préalable ; / • Avec débat préalable. / Sous réserve d'avoir adressé au président une demande écrite motivée au plus tard 48 heures avant la séance, chaque membre de la commission peut demander un débat préalable sur toute demande d'enregistrement identifiée dans les demandes faisant partie de celles " sans débat
préalable ". ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'enregistrement déposée par la société Institut international de coaching humaniste a été étudiée par un agent instructeur désigné par France compétences, qui a échangé avec la société demanderesse et a procédé à un examen du dossier au regard des critères définis par les dispositions précitées de l'article R. 6113-9 du code du travail. Cet examen, qui a donné lieu à un rapport détaillé comprenant dix pages, daté du 17 avril 2020 et mentionnant deux superviseurs, s'est conclu par un avis défavorable de l'agent instructeur à l'enregistrement sollicité. Ce rapport a été transmis aux membres de la commission de France compétences chargée de la certification professionnelle, et la demande a été inscrite à l'ordre du jour de sa séance du 28 mai 2020, en étant au nombre de celles devant être examinées " sans débat préalable ", en application des dispositions du règlement intérieur citées au point 3 du présent arrêt. La société Institut international de coaching humaniste n'apporte aucun élément de nature à laisser présumer que les membres de la commission n'auraient pas pris effectivement connaissance des dossiers qui leur avaient été soumis avant cette séance. Dans ces conditions, dès lors d'une part que chaque demande fait l'objet d'un examen particulier par un agent instructeur et que, d'autre part, la possibilité pour chaque membre de la commission de demander un débat préalable, malgré le classement d'une demande comme faisant partie de celles examinées " sans débat préalable ", garantit un examen sérieux et individualisé de chaque demande, l'établissement public France compétences est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision litigieuse de refus d'enregistrement, le tribunal administratif de Paris a estimé que la demande de la société Institut international de coaching humaniste avait fait l'objet d'une procédure ne garantissant pas son examen particulier.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Institut international de coaching humaniste.
Sur les autres moyens invoqués par la société Institut international de coaching humaniste :
6. En premier lieu, la décision du 19 juin 2020 par laquelle le directeur général de France compétences a informé la société Institut international de coaching humaniste du rejet de sa demande a été prise après l'avis conforme émis par la commission de France compétences chargée de la certification professionnelle lors de sa séance du 28 mai 2020. L'auteur de cette décision étant dès lors en situation de compétence liée, la société Institut international de coaching humaniste ne peut utilement soutenir que la décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée. En tout état de cause, cette dernière mentionne l'article R. 6113-9 du code du travail et précise les critères auxquels la demande d'enregistrement ne répond pas. Le moyen ne peut dès lors qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, si la société Institut international de coaching humaniste soutient que sa demande a été instruite dans un délai excédant le délai de quatre mois qui lui aurait été annoncé lors de son enregistrement, cette circonstance ne saurait entacher d'illégalité la décision du 19 juin 2020, dès lors qu'une insuffisante diligence de l'administration n'est susceptible, le cas échéant, que d'engager sa responsabilité, dans la mesure où des préjudices en ont résulté pour l'administré, et alors au demeurant que les dispositions précitées du code du travail n'imposent aucun délai à France compétence pour statuer sur les demandes d'enregistrement qui lui sont soumises.
8. En dernier lieu, pour rejeter la demande de la société Institut international de coaching humaniste tendant à l'enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles de la formation intitulée " coach professionnel ", qu'elle délivre, la commission de France compétences a estimé que l'adéquation des emplois occupés par les titulaires avec les compétences visées par le projet de certification n'était pas démontrée ; elle a en outre considéré que le référentiel de compétences n'était pas satisfaisant et que la qualité de l'ingénierie était insuffisante ; elle a par ailleurs relevé que la mise en place de procédures de contrôle de l'ensemble des modalités d'organisation des épreuves d'évaluation n'était pas suffisamment attestée par les documents transmis par la société ; elle a estimé que la procédure de validation des acquis de l'expérience présentée était trop succincte pour garantir sa mise en œuvre effective, les prérequis demandés n'étant pas conformes ; elle a enfin souligné que les blocs de compétences présentés ne permettaient pas de garantir la contribution à l'exercice autonome d'une activité professionnelle. Si la société Institut international de coaching humaniste conteste chacun de ces griefs, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport détaillé établi par l'agent instructeur, que le taux d'insertion dans le métier visé n'est que de 10 % s'agissant des deux promotions, de six et huit élèves, présentées par l'intéressée, tandis que la société allègue un taux de 87 % non démontré. Par ailleurs la société Institut international de coaching humaniste ne produit pas d'élément permettant de remettre en cause l'évaluation, jugée insuffisante par la commission, de la qualité du référentiel d'activités, du référentiel de compétences et du référentiel d'évaluation ; elle ne saurait à cet égard utilement se prévaloir de l'analyse portée sur sa formation par l'association " International Coach Federation ". S'agissant du critère visé au 4° de l'article R. 6113-9 du code du travail, relatif à la mise en place de procédures de contrôle de l'ensemble des modalités d'organisation des épreuves d'évaluation, le rapport d'instruction souligne notamment les questions, en termes de neutralité, posées par la composition du jury, présidé par le directeur de l'organisme, lui-même organisateur des examens, ce qui n'est pas contesté. Enfin, la société Institut international de coaching humaniste n'établit pas que la procédure mise en place pour la validation des acquis de l'expérience serait suffisamment détaillée en se bornant à soutenir qu'elle serait " pleinement opérationnelle et adaptée ", et les différents " blocs de compétence " qu'elle a présentés n'apparaissent pas pouvoir être validés de manière autonome, mais traduisent au contraire la nécessité d'une progression linéaire d'un " bloc " au suivant. Il suit de là que la décision du 19 juin 2020, refusant de faire droit à la demande d'enregistrement présentée par la société Institut international de coaching humaniste de la formation intitulée " coach professionnel ", après avis conforme de la commission compétente, ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article R. 6113-9 du code du travail.
9. Il résulte de tout ce qui précède que l'établissement public France compétences est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 19 juin 2020 par laquelle le directeur général de France compétences a rejeté la demande d'enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles de la formation intitulée " coach professionnel " délivrée par la société Institut international de coaching humaniste et a enjoint au directeur général de France compétences de réexaminer la demande de ladite société dans le délai de trois mois. Ce jugement doit par suite être annulé, et les conclusions de la société Institut international de coaching humaniste à fin d'annulation et d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public France compétences, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Institut international de coaching humaniste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement de la somme de 1 500 euros à l'établissement public France compétences sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2012205/6-3 du 15 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentées par la société Institut international de coaching humaniste devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.
Article 3 : La société Institut international de coaching humaniste versera la somme de 1 500 euros à l'établissement public France compétences en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public France compétences et à la société Institut international de coaching humaniste.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2024.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22PA04206