ARRET
no. 60124
Sofia, le 02 août 2021
AU NOM DU PEUPLE
La Cour suprême de cassation de la République de Bulgarie, deuxième section pénale, à son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt-et-un, composée de :
PRESIDENT : PETIA CHICHKOVA
MEMBRES : NADEJDA TRIFONOVA
PETIA КОLEVA
en présence de la greffière Iliana Ranguelova
et de la procureure Galina Stoyanova,
après avoir entendu l’affaire pénale no. 460/21 d’après le rôle de la Cour suprême de cassation, rapportée par la juge Kоleva, afin de statuer, a considéré ce qui suit :
La procédure a été ouverte sur pourvoi de Me I.K., avocate, contre la décision du 02 avril 2021 du Haut conseil de discipline, rendue dans la procédure disciplinaire no. 9/21, confirmant la décision du Conseil de discipline du Barreau de Sofia du 29 janvier 2021.
Le pourvoi fait valoir des moyens tirés de l’applicabilité de l’art. 56 de la Constitution de la République de Bulgarie, de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CSDH), de l’art. 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de l’art. 9 de la Directive 98/5/CE, qui visent l’élimination de l’interdiction légale de recours contre des décisions de Haut conseil de discipline, dans les cas où celui-ci statue en tant que juridiction de deuxième instance.
Lors de l’audience, l’avocate K. et son représentant pour la procédure, Me G., avocat, soutiennent le pourvoi. Ils font valoir des arguments détaillés à l’appui de leur thèse.
Le représentant pour la procédure du Conseil supérieur des barreaux, Me V., avocat, considère comme irrecevable le pourvoi de l’avocate K. contre la décision prononcée par la formation disciplinaire du Haut conseil de discipline.
Le procureur du Parquet près la Cour suprême de cassation considère que le pourvoi est irrecevable.
Le défenseur de l’avocate K. demande à la Cour d’accueillir le pourvoi avec l’ensemble des demandes subsidiaires qu’il contient.
L’avocate K. demande à la Cour d’adresser un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne et d’accueillir les demandes formulées dans le pourvoi.
La Cour suprême de cassation, deuxième section pénale, après avoir examiné les moyens avancés par les parties et procédé à un contrôle de la procédure, a constaté ce qui suit :
Le pourvoi de l’avocate K. contre la décision attaquée du Haut conseil de discipline est irrecevable.
La Loi sur le barreau réglemente explicitement les hypothèses dans lesquelles les décisions du Haut conseil de discipline peuvent faire l’objet d’un recours devant un juge et la présente affaire ne figurent pas parmi elles. Conformément à l’art. 130, alinéa 2 de la Loi sur le barreau : « Les décisions de Haut conseil de discipline, statuant en tant que juridiction de première instance, peuvent faire l’objet d’un recours, via le Haut conseil de discipline, devant la Cour suprême de cassation, dans un délai de 14 jours à compter de leur prononcé, conformément à l’art. 7, alinéa 7 ».
L’analyse de la règle juridique montre qu’une telle possibilité de recours contre les décisions du Haut conseil de discipline devant la Cour suprême de cassation, n’est prévue que pour les affaires sur lesquelles le Haut conseil de discipline a statué en tant que juridiction de première instance.
La décision du Haut conseil de discipline, attaquée par l’avocate K., ne relève pas de la catégorie visée : argument tiré de l’art. 129, alinéa 2 de la Loi sur le barreau. En l’espèce, la sanction disciplinaire a été infligée à l’avocate K. par le conseil de discipline du Barreau de Sofia, statuant en tant que juridiction de première instance ; par conséquent, la décision du Haut conseil de discipline est définitive et n’est pas susceptible de recours.
La procédure disciplinaire, engagée contre l’avocate K., n’a pas le caractère d’une procédure pénale au sens de la CSDH, à l’inverse de ce qui a été avancée lors de l’audience. La CEDH tire le caractère pénal de l’accusation du type des relations sociales protégées et du cercle des destinataires de la règle juridique visée. Pour qu’une accusation soit considérée comme pénale, il est de première importance que la règle juridique vise un cercle non limité de destinataires, et non un groupe à statut spécifique. C’est d’un cercle particulier et limité de destinataires de la règle juridique que relève la requérante étant donné sa qualité d’avocat. Sa responsabilité disciplinaire a été engagée en raison d’une violation alléguée du Code de déontologie des avocats. Il n’est pas contesté que la violation de celui-ci n’est pas à la portée de toute personne pénalement responsable, mais seulement d’un petit groupe de personnes qui possèdent la qualité d’avocat. Les dispositions du Code de déontologie des avocats ne visent pas un cercle non limité, mais bien un cercle limité de destinataires pour lesquels sont prévues les exigences spécifiques.
De même, il est vrai que l’avocate K. s’est vu infliger une amende dépassant le montant moyen visé dans la Loi sur le barreau. Pris en soi, ce fait n’attribue pas un caractère pénal à la procédure, car aucune restriction de la liberté individuelle n’a été prévue ni en cas de non-paiement éventuel de l’amende, ni comme une alternative de celle-ci. Les sanctions disciplinaires au titre de la Loi sur le barreau ne sont pas soumises à l’inscription dans le casier judiciaire de la personne sanctionnée. Voilà pourquoi on ne peut pas considérer comme fondé le moyen selon lequel la procédure disciplinaire examinée revêt un caractère pénal au sens de la CSDH.
La Cour suprême de cassation est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de l’avocate K. de saisir la Cour constitutionnelle d’une demande d’interprétation des dispositions de la Loi sur le barreau et de la Constitution de la République de Bulgarie, et de constatation de l’incompatibilité de l’art. 130, alinéa 2 de la Loi sur le barreau avec la Constitution, en raison de l’absence d’une telle incompatibilité ou d’une ambivalence de la règle juridique ou de la Constitution. Dans la mesure où la présente formation de jugement ne voit pas de motif juridique pour saisir la Cour constitutionnelle d’une demande d’interprétation ou d’une demande de constatation d’incompatibilité entre les deux textes, la demande en ce sens doit être écartée.
En effet, l’art. 56 de la Constitution, à travers le droit du citoyen à la protection, formulé de manière générale, établit une obligation pour l’Etat d’assurer, par ses lois, la possibilité effective pour le citoyen de se défendre devant le juge contre les atteintes à ses droits et à ses intérêts légitimes. D’autre part, il est admissible d’introduire par une loi des restrictions quant à la possibilité d’exercer le droit au recours. Cela signifie que le droit d’accès au juge n’est pas absolu, car il existe des restrictions raisonnables admissibles de la part de l’Etat, par exemple, des restrictions liées aux exigences de recevabilité de certaines actions et recours. En ce sens, la procédure en trois instances est apriori exclue même pour certains types d’infractions pénales mineures. De façon encore plus justifiée, le législateur a admis qu’en ce qui concerne les procédures disciplinaires, y compris celles visées par la Loi sur le barreau, il suffit d’avoir deux degrés de recours pour les sanctions disciplinaires. En ce sens, élargir l’objet des recours aux actes rendus par des juridictions particulières ne serait pas proportionnel. Alors que telle est notamment le cas de figure examiné. C’est ainsi parce que pour chaque avocat, dont la responsabilité disciplinaire est engagée, qu’il soit ressortissant bulgare ou étranger, qu’il soit membre ou non d’un conseil des avocats, d’un conseil de contrôle ou d’un conseil de discipline auprès d’un barreau, du Conseil supérieur des barreaux, du Haut conseil de contrôle ou du Haut conseil de discipline, ou encore simple membre d’un barreau, la loi a prévu deux degrés de recours. Il n’y a aucune raison de penser qu’un recours porté devant le Haut conseil de discipline, et non devant la Cour suprême de cassation, n’est pas une voie de recours effective, dans la mesure où le Haut conseil de discipline est une juridiction particulière chargée formellement du règlement des litiges visés dans la Loi sur le barreau et concernant l’infliction de sanctions disciplinaires aux avocats.
Il n’est pas contesté que les membres d’un barreau et, par conséquent les membres des conseils de discipline, sont des juristes professionnels, à la différence des membres de la Commission de contrôle financier, la Commission pour la protection des consommateurs, la Commission pour la protection de la concurrence, la Commission pour la protection contre la discrimination, etc., dont les membres par définition ne sont pas obligés d’être des juristes professionnels, bien qu’ils exercent également des fonctions juridictionnelles. Cela signifie que les conseils de discipline des barreaux et le Haut conseil de discipline, quoiqu’ils soient composés d’avocats chargés de la mission de juger leurs confrères, avec lesquels ils participent dans un environnement concurrentiel, sont en position d’exercer leurs fonctions juridictionnelles mieux que toute autre juridiction professionnelle. Les barreaux sont des collectifs autogérés et autofinancés et, par conséquent, il n’existe pas d’argument valable qui soit opposable à l’équidistance de ces juridictions particulières vis-à-vis des parties à la procédure disciplinaire. Voilà pourquoi la distinction entre les autorités, compétentes de juger les recours des avocats, en fonction de l’appartenance de ceux-ci aux seuls barreaux ou à certains organes du barreau, ne signifie pas une protection non effective.
L’argument selon lequel les notaires et les huissiers privés, à l’encontre de qui a été lancée une procédure disciplinaire, bénéficient d’un accès au juge, à la différence des avocats ordinaires, dont la responsabilité disciplinaire a été engagée, ne change pas ces conclusions. Pour ces professions juridiques, on a également prévu deux degrés de juridiction, comme pour les avocats ordinaires. Deuxièmement, la question de savoir comment sera réglée la possibilité d’accès à une juridiction, composée de juges professionnels, relève du cadre juridique national.
Il n’y a pas de doute que la notion de juridiction indépendante ne varie pas d’une procédure à l’autre. Son contenu reste le même aussi bien pour les objectifs de la CSDH que pour ceux de l’art. 276 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’art. 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. En ce sens, il y a lieu de noter que la CEDH, dans ses arrêts au titre de l’art. 6, point 1 de la Convention européenne, a conclu qu’un « juge », ce sont également les juridictions particulières, créées conformément à la loi, qui sont indépendantes, impartiales et permanentes, qui assurent un examen public de l’affaire et qui se prononcent par un acte juridictionnel. La cour tient compte également de l’existence de garanties dans la législation nationale face aux pressions extérieures et si l’autorité, en tant que telle, crée l’impression d’indépendance. De ce point de vue, les conseils de discipline des barreaux et le Haut conseil de discipline sont un « juge » au sens de l’art. 6, point 1 de la CSDH, de l’art. 19 et l’art. 267 du TFUE et de l’art. 47 de la Charte, dans la mesure où ils possèdent certaines caractéristiques fondamentales d’une juridiction au sens propre, c’est-à-dire ils sont créés et fonctionnent conformément à la loi, statuent par un acte juridictionnel et possèdent de l’indépendance et de l’impartialité. Cette conclusion mérite d’être soulignée, parce que les conseils de discipline et le Haut conseil de discipline, visés dans la Loi sur le barreau, sont indépendants par rapport au pouvoir exécutif ou vis-à-vis de tout autre pouvoir, et non par rapport aux parties. Personne ne peut influer sur leur indépendance de manière à lui porter atteinte. Les modalités de désignation de la composition de chacune de ces autorités se fait en application de règles annoncées à l’avance, parmi les membres des barreaux, avec un mandat, sans qu’il y ait un régime de révocation des membres des conseils de discipline à l’initiative du barreau. Dans le même temps, la procédure devant les conseils de discipline et le Haut conseil de discipline se caractérise par tous les principes de base d’une procédure publique contradictoire : possibilité de recours à la défense d’un avocat, de présenter des preuves, de publier la décision avec ses motifs, de faire appel devant le degré supérieur, qui lui aussi est indépendant en ce sens. L’impartialité des membres des formations de jugement disciplinaires est présumée, sauf lorsqu’il existe des preuves en sens inverse, et elle est garantie par la possibilité de récuser un membre ou de se récuser.
La disposition de l’art. 9 de la Directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, citée par l’avocate K., prévoit que les décisions infligeant des sanctions disciplinaires peuvent faire l’objet d’un recours devant un juge, en vertu des dispositions du droit interne. Par conséquent, pour les avocats étrangers, qui exercent la profession d’avocat sur le territoire du pays, il y a un renvoi vers le cadre juridique interne de chaque Etat membre de l’Union européenne, d’une part, et, d’autre part, en l’espèce, l’ordre juridique national prévoit une procédure en deux instances : d’abord, devant une juridiction particulière ayant le statut d’un juge, et, ensuite, devant la Cour suprême de cassation.
Dans l’affaire examinée, il n’y a pas de discrimination inversée, car il s’agit d’une « situation entièrement interne », et par rapport à une « situation purement interne » il est inadmissible de se fonder sur le principe du traitement égal.
Selon la présente formation de jugement, il n’existe pas de motif juridique pour adresser une demande de décision préjudicielle, parce que l’affaire ne comporte pas d’élément international et les Etats membres de l’UE jouissent de l’autonomie procédurale de déterminer les voies de recours. En l’espèce, les principes d’effectivité et d’égalité ne sont pas violés, car ils sont appliqués en lien avec les droits conférés par le droit de l’Union européenne. Comme le point litigieux n’est pas régi par le droit de l’Union européenne, puisqu’il s’agit d’une « situation entièrement interne », il n’y a pas de motif pour adresser un renvoi préjudiciel, comme le demande l’avocate K. C’est ainsi car :
Conformément à l’art. 1, alinéa 1 du Traité de l’Union européenne (TUE), les Etats membres de l’UE attribuent à l’Union des compétences pour atteindre des objectifs communs.
Conformément à l’art. 4, alinéa 1 du TUE, toute compétence non attribuée à l’Union appartient aux Etats membres.
Ces dispositions sont complétées par l’art. 5 du TUE et l’art. 2 du TFUE, en vertu desquels les actes législatifs adoptés par l’Union résultent de la compétence qui lui a été attribuée. Lorsqu’une compétence n’est attribuée qu’à l’Union, celle-ci a la compétence exclusive de légiférer dans le domaine concerné. Si une compétence déterminée est attribuée à la fois à l’Union et aux Etats membres, c’est-à-dire s’il s’agit d’une compétence partagée, il revient aux Etats membres de légiférer et l’Union n’agit que si le résultat recherché ne peut être atteint au niveau de l’Etat, mais peut l’être au niveau européen, suivant les principes de subsidiarité et de proportionnalité.
Par conséquent, il faut vérifier si les relations juridiques litigieuses, à savoir la protection juridictionnelle en cas de sanctions disciplinaires infligées à un avocat par l’organisation professionnelle, à laquelle il appartient, sont régies par le droit de l’UE. Il y a lieu d’apprécier si elles relèvent du champ de la compétence exclusive de l’UE ou du champ de la compétence partagée. Dans ce deuxième cas, il est nécessaire de vérifier si l’Union a entrepris des actions en vue d’une réglementation complémentaire de ces relations juridiques.
En l’espèce, afin de traiter le litige, il est important de prendre en compte l’emploi, les sanctions infligées pour violations, la discrimination, eu égard à la fonction occupée et à la nationalité.
L’exercice d’un travail est régi par le droit de l’UE : art. 2, alinéa 3 et art. 5, alinéa 2 du TFUE.
L’infliction de sanctions est régie par l’art. 4, alinéa 2, lettre « j » du TFUE.
La lutte contre la discrimination fait partie des objectifs de l’Union, art. 10, art. 18 et art. 19 du TFUE, mais la fonction occupée ne figure pas parmi les critères de discrimination.
Bien que ces trois points relèvent des domaines de compétence de l’Union, il s’agit d’une compétence partagée et non d’une compétence exclusive. Par conséquent, l’Union ne légifère pas sur ces relations juridiques que si elle considère qu’elle atteindra ainsi les objectifs visés à l’art. 5 du TUE ; si l’Union a déjà légiféré, le droit national ne peut plus le faire d’une autre manière : art. 2 TFUE.
D’où le besoin d’étudier la réglementation régissant le droit au travail, le droit de sanctionner et la discrimination dans le droit secondaire.
Concernant l’emploi.
Il est incontestable que la sanction disciplinaire infligée à un avocat a une répercussion sur son droit de travailler. C’est ainsi si, en cas d’une éventuelle nouvelle violation, il a été puni d’une sanction limitant ou le privant de son droit au travail. Voilà pourquoi ces sanctions disciplinaires concernent directement le droit au travail. A cette date, le droit de l’UE ne régit pas les relations juridiques liées à l’exercice de la profession d’avocat. Une telle régulation n’existe qu’en cas d’un élément transfrontalier : l’exercice de la profession d’avocat dans un autre Etat membre.
La Directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise, est également pertinente en l’espèce. Son art. 7 régit la procédure disciplinaire contre un avocat, mais seulement dans l’hypothèse d’une procédure disciplinaire contre un avocat d’un Etat membre, qui exerce dans un autre Etat membre, où il a commis éventuellement l’infraction, objet de la procédure disciplinaire. La procédure prévoit un contrôle juridictionnel : le recours de la part de l’avocat sanctionné, mais aussi la possibilité de recours de la part de l’autorité disciplinaire compétente de l’Etat d’origine : art. 7, alinéa 3, phrase 2.
Par conséquent, le droit de l’UE ne régit pas les relations entre un avocat et l’organisation professionnelle nationale, à laquelle il adhère. L’absence d’un élément international mène à la conclusion d’inapplicabilité du droit de l’UE.
Concernant l’infliction de sanctions.
L’engagement de la responsabilité pénale, dans tout son éventail, y compris la responsabilité disciplinaire, relève du champ d’application du droit de l’UE, si les relations sociales, auxquelles on a porté atteinte, relèvent des intérêts de l’UE ou si les éventuels actes illicites affectent de manière importante des valeurs qui sont fondamentales pour l’ordre juridique de l’UE.
Le socle juridique des actes législatifs en la matière se trouve dans l’art. 82 et l’art. 83 du TFUE.
L’art. 82 du TFUE traite des aspects procéduraux : reconnaissance mutuelle des actes judiciaires, compétence, coopération et certaines règles minimales visant la reconnaissance mutuelle des condamnations. Ces règles minimales concernent également les droits des personnes dans le cadre d’une procédure pénale. Par conséquent, il n’y a pas d’obstacle juridique à ce que le droit de l’UE adopte une directive relative à la reconnaissance du droit au recours juridictionnel pour toute personne sanctionnée pour des actes illicites. Jusqu’à présent, un tel texte législatif n’a pas été adopté.
Le droit de l’UE n’oblige pas les Etats membres à prévoir un contrôle juridictionnel en cas d’engagement de la responsabilité d’une personne pour un acte illicite commis par celle-ci.
L’art. 83 du TFUE porte sur des questions relevant du droit matériel. S’il s’avère que le droit de l’UE régit la procédure disciplinaire visée par la Loi sur le barreau, il est certain que l’art. 47 de la Charte serait appliqué, qui exige des voies de recours effectives, ce qui suppose obligatoirement le droit à la protection juridictionnelle. L’art. 83 du TFUE ne concerne que « … des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière ... un besoin particulier de combattre sur des bases communes ». Il est certain qu’une éventuelle violation disciplinaire, commise par un avocat dans l’exercice de son activité, ne relève pas de cette catégorie.
Par conséquent, le fait qu’il s’agit d’une procédure aboutissant à l’infliction de sanctions, ne permet pas de conclure que celle-ci relève du champ d’application du droit de l’UE.
Concernant la discrimination fondée sur les fonctions professionnelles.
Le principal acte en la matière est la Directive 2000/78/CE du Conseil portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Son art. 1 indique les critères de discrimination : religion ou convictions, handicap, âge ou orientation sexuelle.
Dans son pourvoi, l’avocate K. met l’accent sur le fait qu’une catégorie d’avocats nationaux, membres d’organes dirigeants visés à l’art. 129, alinéa 1 de la Loi sur le barreau, ont le droit à un recours juridictionnel si leur responsabilité disciplinaire est engagée, art. 130, alinéa 2 de la Loi sur le barreau, alors que les autres avocats sont privés d’une telle possibilité. Cela signifie que la fonction occupée est un critère de discrimination.
Par conséquent, le traitement différent, basé sur le critère de discrimination de fonction occupée au sein d’une organisation professionnelle d’avocats, n’est pas régi par le droit de l’UE. Dans le même temps, la réglementation nationale a prévu un signe objectif, la séparation de la compétence entre les deux degrés de juridiction, du point de vue de la fonction occupée ou non au sein de l’organisation professionnelle.
Concernant la discrimination en raison de la nationalité.
Conformément à l’art. 18, alinéa 1 du TFUE : « Dans le domaine d’application des traités ... est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ». La disposition citée est directement liée à l’hypothèse d’un avocat d’un autre Etat membre, exerçant dans le pays, qui a toujours un droit d’accès au juge si sa responsabilité disciplinaire est engagée, en vertu de l’art. 9, alinéa 2 de la Directive 98/5/CE, qui a un effet direct.
Mais telle n’est pas la situation d’un avocat de nationalité bulgare, qui est privé d’un tel accès. Même si l’on admet qu’il s’agit d’une discrimination indirecte, parce que le critère principal est la qualité d’avocat d’un autre Etat membre et non la nationalité, il est certain qu’il y a lieu de relever que l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité n’est pas absolue. Elle n’apparaît que dans les domaines régis par le droit de l’UE : argument tiré de la première condition formulée par la disposition de l’art. 18 TFUE : « Dans le domaine d’application des Traités... ».
Comme il a été indiqué ci-dessus, le droit de l’UE ne régit pas l’exercice de la profession d’avocat par un avocat local du pays, ni les aspects disciplinaires de ses relations avec l’organisation professionnelle à laquelle il appartient. Voilà pourquoi un traitement différent, fondé sur la nationalité, n’est pas en soi un motif d’application du droit de l’UE.
Conformément à l’art. 51, alinéa 1 de la Charte, les dispositions de la Charte concernent les Etats membres lorsque ceux-ci appliquent le droit de l’Union. Cela signifie que la Cour de justice de l’UE n’a pas la compétence de statuer sur des renvois préjudiciels lorsque leur champ d’application ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union et que les dispositions de la Charte ne peuvent pas justifier une telle compétence.
Eu égard à ce qui précède, le litige en l’espèce, qui vise l’absence de possibilité juridique pour un avocat local de former un recours devant un juge contre la sanction disciplinaire qui lui a été infligée par l’autorité disciplinaire de l’organisation professionnelle au sein de laquelle il exerce son activité, ne relève pas du champ d’application du droit de l’UE. Donc le problème d’une éventuelle incompatibilité du droit national avec le droit de l’UE ne se pose pas. Voilà pourquoi la question de savoir si le droit national permet ou interdit le recours juridictionnel contre une décision du Haut conseil de discipline au titre de l’art. 129, alinéa 2 de la Loi sur le barreau, doit être traitée en vertu des dispositions de la loi nationale.
L’opinion exprimée par l’avocat général dans l’affaire С-55/20 de la CJUE, n’est pas un motif pour adresser un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne, dans la mesure où les éléments concrets de l’affaire С-55/20 ne sont pas identiques à ceux de l’affaire examinée. L’avocate K. s’est vu appliquer les sanctions minimales prévues par la Loi sur le barreau et, dans son cas, il ne s’agit pas d’une privation du droit d’exercer la profession d’avocat, à la différence de l’affaire С-55/20. L’avocat général B. de l’affaire citée a analysé la question du point de vue de la restriction de la prestation de services, alors que l’avocate K. n’est pas dans cette hypothèse.
Pour résumer, dans la mesure où l’avocate K. a eu accès à une voie de recours effective en vertu du droit national, devant deux degrés de juridiction, et qu’elle l’a exercé, il n’y a pas de motif pour adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’UE, ni pour déclarer le pourvoi recevable aux fins d’un examen au fond par la Cour suprême de cassation.
Compte tenu de ce qui précède, la Cour suprême de cassation, deuxième section pénale
DECIDE :
CLASSE SANS SUITE le pourvoi formé par Me I.Y.K., avocate, contre la décision du 02 avril 2021, rendue dans une procédure disciplinaire no. 9/21 par le Haut conseil de discipline.
L’arrêt est définitif.