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02/05/2001 | SUISSE | N°1A.257/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mai 2001, 1A.257/2000


«AZA 1/2»
1A.257/2000
1A.258/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

2 mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Thélin.

Statuant sur les recours de droit administratif
formés par le

canton du V a l a i s , représenté par sa Commission
cantonale des constructions,

et la

commune de V i o n n a z , représentée par Me

Alphonse-Marie
Veuthey, avocat à Monthey,

contre

l'arrêt rendu le 26 juin 2000 par la Cour de droit public du
Tr...

«AZA 1/2»
1A.257/2000
1A.258/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

2 mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Thélin.

Statuant sur les recours de droit administratif
formés par le

canton du V a l a i s , représenté par sa Commission
cantonale des constructions,

et la

commune de V i o n n a z , représentée par Me
Alphonse-Marie
Veuthey, avocat à Monthey,

contre

l'arrêt rendu le 26 juin 2000 par la Cour de droit public du
Tribunal cantonal du canton du Valais dans la cause qui oppo-
se les collectivités recourantes à P r o N a t u r a -
Ligue suisse pour la protection de la nature, à Bâle, et à
P r o N a t u r a - Ligue valaisanne pour la protection
de
la nature, à Sion, toutes deux représentées par Me Raphaël
Dallèves, avocat à Sion;

(travaux exécutés sans autorisation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les deux associations Pro Natura - Ligue suisse
pour la protection de la nature, et Pro Natura - Ligue valai-
sanne pour la protection de la nature, sont devenues propr-
iétaires de six parcelles de la commune de Vionnaz (n° 938,
943, 950, 951, 956 et 959), d'une surface totale d'environ
12,7 ha et classées en zone agricole. Ces terrains sont si-
tués en bordure d'un bas-marais d'importance nationale ("Les
Rigoles"; ch. 2020 de l'annexe 1 de l'ordonnance sur la pro-
tection des bas-marais d'importance nationale - RS 451.33);
les associations les ont acquis dans le but d'améliorer la
protection du site par la création d'une zone tampon. Elles
ont décidé d'y appliquer un mode de gestion agricole et ont
conclu, à cette fin, en juin 1999, un bail à ferme avec l'ex-
ploitant d'un domaine voisin; il est ainsi prévu que la zone
tampon fera partie des surfaces de compensation écologique
de
ce domaine, nécessaires pour l'obtention des paiements di-
rects de la Confédération (cf. art. 7 de l'ordonnance sur
les
paiements directs versés dans l'agriculture - RS 910.13).

Les associations ont délimité, d'après leur plan de
gestion, des prairies extensives, des prairies à litière et
trois secteurs destinés à la pâture extensive, où elles ont
déjà installé des vaches écossaises "Highlander". Elles ont
préalablement créé des mares destinées à l'abreuvement de ce
bétail. D'après les croquis millimétrés qu'elles ont elles-
mêmes établis, il s'agit d'une quinzaine de plans d'eau, de
surfaces comprises entre 15 et 280 m², partiellement reliés
par des rigoles d'environ 2 m de large. Le total des
surfaces
ainsi creusées - sans autres travaux de construction ou
d'aménagement - atteint 2'700 m²; la profondeur varie entre
40 et 80 cm. Ce système doit recueillir les eaux de ruissel-

lement; la capacité des mares est, en principe, suffisante
pour qu'elles ne soient jamais entièrement asséchées.

B.- Le 6 mai 1999, à la suite d'une dénonciation de
l'administration communale de Vionnaz, la Commission cantona-
le des constructions du canton du Valais a constaté que les
associations propriétaires avaient entrepris, sans autorisa-
tion, d'importants travaux de modification du sol, soit la
création d'étangs et de drainages. La Commission a ordonné
l'arrêt immédiat de ces travaux et le rétablissement de
l'état antérieur des lieux; la décision réservait toutefois
la possibilité de déposer une demande d'autorisation de cons-
truire dans le délai de trente jours, ce qui entraînerait la
suspension de cette seconde injonction. Par ailleurs, la dé-
cision réservait l'application des sanctions pénales pour in-
fraction au droit des constructions.

Les associations ont contesté sans succès ce pronon-
cé devant le Conseil d'Etat du canton du Valais, qui a
rejeté
leur recours le 22 décembre 1999. Elles ont ensuite saisi la
Cour de droit public du Tribunal cantonal qui, elle, leur a
donné gain de cause et a annulé la décision du Conseil
d'Etat. Statuant par arrêt du 26 juin 2000, le Tribunal can-
tonal a ainsi retenu que les travaux concernés, compte tenu
de leur nature et de leur faible importance, ne
nécessitaient
d'autorisation ni au regard de l'art. 22 al. 1 de la loi fé-
dérale sur l'aménagement du territoire, ni au regard de la
législation cantonale applicable.

C.- Le Tribunal fédéral est saisi de deux recours de
droit administratif tendant à l'annulation de cet arrêt, for-
més l'un par la Commission cantonale des constructions, au
nom du canton du Valais, et l'autre par la commune de
Vionnaz. Les collectivités recourantes tiennent l'arrêt pour
contraire au droit fédéral.

Invitées à répondre, les associations intimées ont
conclu au rejet ou à l'irrecevabilité des recours; le Tribu-
nal cantonal a renoncé à déposer des observations. L'Office
fédéral du développement territorial a également renoncé à
prendre position.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon l'art. 34 al. 1 de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire (LAT), le recours de droit admi-
nistratif est recevable contre les décisions concernant des
autorisations exceptionnelles de construire en dehors de la
zone à bâtir, régies par l'art. 24 LAT. Une telle autorisa-
tion doit être obtenue en cas de création ou de transforma-
tion d'une construction ou installation au sens de l'art. 22
al. 1 LAT, située dans une zone non affectée à la construc-
tion et étrangère à l'affectation de cette zone. Dans le ca-
dre du recours de droit administratif pour violation de
l'art. 24 LAT, le Tribunal fédéral examine notamment, à
titre
préjudiciel, si l'ouvrage en cause constitue ou non une cons-
truction ou installation soumise à autorisation (ATF 119 Ib
222 consid. 1a p. 224, 118 Ib 49 consid. 1a p. 51).

b) La qualité pour recourir appartient notamment aux
cantons et aux communes (art. 34 al. 2 LAT). Le droit
fédéral
ne désigne pas l'organe compétent pour décider, au nom de la
collectivité concernée, d'entreprendre la procédure du re-
cours de droit administratif; on admet, si la réglementation
cantonale ou communale n'en dispose pas autrement, que cette
compétence appartient au gouvernement du canton ou à
l'organe
exécutif de la commune. En l'occurrence, la Commission canto-
nale valaisanne des constructions est autorisée à agir par
une procuration spécifique du Conseil d'Etat; les intimées

contestent donc en vain que le canton soit valablement repré-
senté.

2.- a) Sont considérés comme des constructions ou
installations, selon l'art. 22 al. 1 LAT, tous les aménage-
ments durables et fixes créés par la main de l'homme, exer-
çant une incidence sur l'affectation du sol par le fait
qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, qu'ils ont
des effets sur l'équipement ou qu'ils sont susceptibles de
porter atteinte à l'environnement. Une autorisation est né-
cessaire non seulement pour les constructions proprement di-
tes, mais aussi pour les simples modifications du terrain,
si
elles sont importantes, telles que l'exploitation d'une gra-
vière, l'aménagement d'un terrain de golf ou le remblai
d'une
place de dépôt. La modification du terrain par nivellement,
excavation ou comblement n'est pas seule déterminante pour
l'assujettissement à la procédure d'autorisation; celui-ci
dépend surtout de l'importance globale du projet, du point
de
vue de l'aménagement du territoire. La procédure d'autorisa-
tion doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réa-
lisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et
aux diverses réglementations applicables. Pour déterminer si
l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut
évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des cho-
ses, cet aménagement entraînera des conséquences telles
qu'il
existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un
contrôle préalable (ATF 119 Ib 222 consid. 3a p. 227; voir
aussi ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259, 120 Ib 379 consid. 3c
p. 383/384). L'assujettissement a ainsi été admis pour un
remblai de 75 cm avec 400 m3 de matériaux rapportés (arrêt
du
14 août 1992 dans la cause WWF, consid. 3d et 4), ainsi que
pour un remblai de 50 cm au bord d'un lac (arrêt du 12 décem-
bre 1979 in ZBl 1980 p. 364, consid. 3a p. 365).

b) L'ensemble des mares et rigoles réalisé par les
intimées sera conservé et entretenu aussi longtemps que

celles-ci affecteront leur terrain à la pâture extensive, ou
n'adopteront pas un autre procédé pour abreuver leur bétail;
il s'agit donc d'un aménagement durable.

D'après les croquis millimétrés, les plans d'eau se
succèdent sur une longueur de plus de 250 m, de chaque côté
de la route cantonale traversant leurs terrains, et le total
des surfaces creusées atteint 2'700 m². Les travaux que les
intimées ont effectués entraînent, sans aucun doute, une mo-
dification sensible de l'aspect des lieux. Par ailleurs, les
surfaces creusées sont elles-mêmes soustraites à la pâture
et
à toute forme de mise en culture; cette situation n'est ad-
missible que si leur aménagement peut néanmoins être tenu,
en
raison de leur but, pour conforme à l'affectation de la zone
agricole (cf. art. 16a al. 1 LAT; ATF 125 II 278 consid. 3a
p. 280/281, 123 II 499 consid. 3b/cc p. 508, 122 II 160
consid. 3a p. 162). Le projet aurait donc dû être soumis à
l'autorité compétente avant l'exécution des travaux, en par-
ticulier pour qu'elle se prononce sur cette question. C'est
ainsi à tort, en violation du droit fédéral, que la juridic-
tion intimée a dénié à l'aménagement en cause le caractère
d'une construction ou installation assujettie à la procédure
d'autorisation.

Les intimées font valoir que les arbres fruitiers
précédemment cultivés à cet emplacement ont pu être
supprimés
sans autorisation préalable; il est certes exact que cette
opération comportait une modification encore plus importante
de l'aspect des lieux, mais elle ne contredisait en aucune
façon la vocation agricole du sol. L'intérêt écologique de
la
création de la zone tampon, y compris la réalisation des ma-
res et rigoles, est certain, mais cet intérêt ne dispense
pas
les associations intimées de soumettre leurs projets de tra-
vaux, comme tout propriétaire, à la procédure légale d'auto-
risation de construire.

c) Il n'est pas nécessaire d'examiner si, selon le
droit cantonal, l'exécution de tels travaux peut intervenir
sans autorisation préalable, conformément à l'opinion des
précédents juges, car ce droit ne peut pas déroger aux exi-
gences de l'art. 22 al. 1 LAT (ATF 120 Ib 379 consid. 3c p.
383).

3.- Dans le cadre du recours de droit administratif,
le Tribunal fédéral examine les griefs des parties
concernant
la procédure cantonale, dans la mesure où les garanties cons-
titutionnelles fédérales telles que la protection contre
l'arbitraire (art. 9 Cst.) sont en cause (cf. art. 104 let.
a
OJ; ATF 125 II 508 consid. 3a p. 509, 123 II 295 consid. 3
p.
298).

En instance cantonale, les intimées ont contesté la
compétence de la Commission cantonale des constructions, en
soutenant qu'une éventuelle procédure d'autorisation, relati-
ve aux travaux qu'elles ont exécutés, ne relèverait pas de
cet organe, mais de l'autorité compétente en matière d'amé-
lioration des structures agricoles. Le Tribunal cantonal,
dans l'arrêt attaqué, a rejeté ce moyen, que les intimées
reprennent dans la présente procédure. Or, il est exact que
l'art. 23 de l'ordonnance cantonale sur les constructions,
du
2 octobre 1996, réserve diverses procédures spéciales d'auto-
risation; néanmoins, il n'est pas arbitraire d'admettre que
la Commission dispose d'une compétence générale en matière
de
police des constructions hors de la zone à bâtir, et qu'elle
est habilitée à intervenir dans tous les cas de travaux non
autorisés (cf. art. 2 al. 1 ch. 2, 49 et ss de la loi canto-
nale sur les constructions, du 8 février 1996). En effet,
cette intervention n'empêche aucunement le maître de l'ouvra-
ge d'introduire sa demande d'autorisation, afin de régulari-
ser les travaux concernés, devant l'autorité normalement com-
pétente.

4.- Les recours se révèlent fondés et doivent donc
être admis. Les associations intimées, agissant en qualité
de
propriétaires fonciers, doivent acquitter l'émolument judi-
ciaire.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet les recours, annule l'arrêt attaqué et ren-
voie la cause au Tribunal cantonal.

2. Met à la charge des intimées, solidairement entre
elles, un émolument judiciaire de 2'000 fr.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Tribunal cantonal du canton du Valais, ainsi qu'à l'Of-
fice fédéral du développement territorial.

Lausanne, le 2 mai 2001
THE/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.257/2000
Date de la décision : 02/05/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-02;1a.257.2000 ?
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