{T 0/2} 1C_420/2007 Arrêt du 18 mars 2008 Ire Cour de droit public Composition MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio. Greffier: M. Parmelin. Parties A.________, recourante, contre Office des véhicules de la République et canton du Jura, rue de l'Avenir 2, 2800 Delémont. Objet retrait à titre préventif du permis de conduire, recours contre l'arrêt de la Chambre administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 19 octobre 2007. Faits: A. Le 25 mai 2007, vers 12h00, A.________ a perdu la maîtrise de son véhicule alors qu'elle circulait sur la route secondaire reliant Lajoux à Saulcy. Sa voiture a quitté la chaussée, heurté un signal "Cédez le passage" puis traversé une route communale en contrebas avant de s'immobiliser contre des arbres et une clôture. Lorsque les agents de la police cantonale sont arrivés sur les lieux de l'accident, la jeune femme et ses deux enfants en bas âge se trouvaient à l'extérieur du véhicule. Selon le rapport de police, la conductrice était dans un état d'excitation extrême, tenait des propos incohérents et s'est montrée violente tant verbalement que physiquement envers les personnes venues lui porter secours. Elle a refusé toute collaboration avec les services médicaux dépêchés sur les lieux. Au vu de ce comportement, elle a été soumise à un examen médical auprès du Docteur B.________, à Delémont. Ce praticien conclut, au terme de son rapport du 18 juin 2007, à l'existence de doutes sérieux quant à l'aptitude de la jeune femme à conduire un véhicule automobile, qui doivent être levés par un examen psychiatrique. Par décision du 19 juin 2007, l'Office des véhicules de la République et canton du Jura a ordonné le retrait à titre préventif du permis de conduire de A.________ et l'a astreinte à se soumettre à un examen psychiatrique destiné à déterminer son aptitude à conduire des véhicules automobiles. La Juge administrative du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura a annulé cette décision sur recours de l'intéressée au terme d'un jugement rendu le 10 août 2007. Elle a estimé en substance que le refus de collaborer et le comportement véhément de A.________ ne permettaient pas de conclure que celle-ci serait inapte à conduire un véhicule automobile et représenterait un danger pour la circulation routière. Statuant par arrêt du 19 octobre 2007, la Chambre administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal ou la cour cantonale) a admis le recours formé par l'Office des véhicules contre ce jugement qu'elle a annulé et confirmé la décision dudit office. B. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner la restitution de son permis de conduire qu'elle a déposé le 29 juin 2007. L'Office des véhicules de la République et canton du Jura et l'Office fédéral des routes concluent au rejet du recours. Considérant en droit: 1. La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), est ouverte contre les décisions prises en dernière instance cantonale au sujet de mesures administratives de retrait du permis de conduire dans la mesure où aucun motif d'exclusion au sens de l'art. 83 LTF n'entre en considération. La contestation porte sur le retrait à titre préventif du permis de conduire de la recourante en application de l'art. 30 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière (OAC; RS 741.01). Cette mesure provisoire a été rendue dans le cadre d'une procédure destinée à déterminer l'aptitude à conduire de l'intéressée et la nécessité éventuelle d'un retrait de sécurité. La décision attaquée n'a donc pas mis fin à la procédure cantonale; formellement, elle constitue une décision incidente (cf. ATF 122 II 359 consid. 1a p. 361/362). Le recours est néanmoins ouvert, la condition du préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF étant réalisée (arrêt 1C_233/2007 du 14 février 2008 consid. 1.1; cf. ATF 122 II 359 consid. 1b p. 362). La recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Elle a par ailleurs un intérêt digne de protection à ce que l'arrêt attaqué soit annulé en tant qu'il confirme en dernière instance cantonale une décision qui la prive de son permis de conduire jusqu'à ce que son aptitude à conduire soit démontrée. Sa qualité pour agir est à l'évidence donnée. Les autres conditions de recevabilité du recours sont réunies de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond. 2. Dans le cas d'un recours dirigé, comme en l'espèce, contre une décision portant sur une mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels (arrêt 1C_233/2007 du 14 février 2008 consid. 1.2). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, les griefs soulevés doivent être suffisamment motivés, sous peine d'être déclarés irrecevables, les exigences à cet égard correspondant à celles de l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 III 589 consid. 2 p. 591). On peut douter que le recours tel qu'il est motivé réponde à ces conditions. Quoi qu'il en soit, cette question peut demeurer indécise car il est de toute manière infondé. 3. La recourante conteste les faits constatés dans les rapports officiels. Le Tribunal cantonal aurait accordé à tort une importance déterminante au rapport du Docteur B.________. Il n'aurait pas tenu compte du principe de la proportionnalité et du fait qu'elle se trouvait dans un état de stress aigu. Enfin, ses antécédents irréprochables en quelque dix-huit ans de conduite démontreraient qu'elle n'est pas dangereuse pour la sécurité routière. 3.1 Les permis et les autorisations seront retirés lorsque l'autorité constate que les conditions légales de leur délivrance ne sont pas ou ne sont plus remplies (art. 16 al. 1 1ère phrase LCR). Un nouvel examen sera imposé si la capacité de conduire soulève des doutes (art. 14 al. 3 LCR). L'art. 16d al. 1 LCR, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2005, prévoit par ailleurs que le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile (let. a), qui souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite (let. b) ou qui, en raison de son comportement antérieur, ne peut garantir qu'à l'avenir elle observera les prescriptions et fera preuve d'égards envers autrui en conduisant un véhicule automobile (let. c). 3.2 Aux termes de l'art. 30 OAC, le permis de conduire peut être retiré à titre préventif lorsqu'il existe des doutes sérieux quant à l'aptitude à conduire de l'intéressé. Cette disposition institue une mesure provisoire destinée à protéger les intérêts menacés jusqu'à l'issue de la procédure principale portant sur un retrait de sécurité. En effet, vu l'importance du risque inhérent à la conduite des véhicules automobiles, il s'impose qu'un conducteur puisse se voir retirer son permis, à titre préventif, dès que des indices autorisent à penser qu'il représente un risque particulier pour les autres usagers de la route et font douter sérieusement de sa capacité à conduire. Mais, comme l'intéressé ne peut pas être privé durablement de son permis si la preuve de son inaptitude n'est pas faite (art. 16 al. 1 et 16d LCR, a contrario), le retrait prévu doit s'inscrire dans une procédure de retrait de sécurité. L'expertise ordonnée dans cette procédure doit être exécutée dans les meilleurs délais, afin que le permis puisse être restitué au plus vite à son titulaire s'il n'y a pas lieu de prononcer un retrait de sécurité (cf. ATF 125 II 396 consid. 3 p. 401). 3.3 Il est exact que la recourante n'a aucun antécédent. Cet élément n'est pas décisif en soi pour exclure un retrait préventif du permis de conduire et conclure qu'elle ne souffre pas d'un défaut caractériel. Le retrait préventif du permis de conduire peut en effet être prononcé si un examen médical ou le comportement de l'intéressé révèlent des indices concrets d'une inaptitude à la conduite, pour des raisons d'ordre caractériel ou pour d'autres motifs (cf. art. 16d al. 1 let. a LCR). Une preuve stricte n'est pas nécessaire. En effet, si une telle preuve était apportée, c'est un retrait de sécurité qu'il y aurait lieu d'ordonner sans plus attendre. Au contraire, le retrait préventif intervient, par définition, avant que tous les éclaircissements nécessaires pour juger de la nécessité d'un retrait de sécurité aient été obtenus. Pour décider d'un retrait préventif, l'autorité doit donc se fonder sur les éléments dont elle dispose en l'état. En particulier, elle n'a pas à surseoir jusqu'à droit connu sur l'action pénale (cf. ATF 122 II 359 consid. 2b p. 363). La prise en considération de tous les éléments plaidant pour ou contre l'aptitude de l'intéressé à la conduite de véhicules automobiles aura lieu à l'issue de la procédure au fond (ATF 125 II 492 consid. 2b p. 496; 122 II 359 consid. 3a p. 364). 3.4 La recourante conteste avoir circulé à une vitesse excessive avant de perdre la maîtrise de son véhicule, comme l'a retenu la Chambre administrative sur la base du témoignage de C.________, et se plaint à cet égard d'une mauvaise appréciation des faits. La cour cantonale n'était pas tenue d'attendre l'issue de la procédure pénale pour statuer et aucun élément ne permet de mettre a priori en doute la crédibilité du témoin. Quoi qu'il en soit, la manière dont la recourante circulait avant sa perte de maîtrise est une circonstance parmi d'autres retenue pour conclure à l'existence d'un doute fondé sur son aptitude à conduire un véhicule automobile, de sorte qu'une constatation éventuellement inexacte des faits sur ce point ne saurait entraîner en soi l'annulation de l'arrêt attaqué. Les autres éléments évoqués par la cour cantonale pouvaient à eux seuls justifier le retrait préventif du permis de conduire de l'intéressée. Il en va notamment ainsi du comportement de la recourante après l'accident. Celle-ci ne conteste pas s'être montrée agressive tant verbalement que physiquement envers les agents et les personnes venues lui porter secours. Elle met toutefois son attitude sur le compte de l'état de stress aigu dans lequel elle se trouvait, dès lors que les agents l'ont empêchée de prendre son téléphone portable resté dans sa voiture pour appeler son mari et l'ont séparée de ses enfants. La cour cantonale n'a pas exclu que le comportement violent de A.________ puisse s'expliquer de cette manière; elle a toutefois estimé nécessaire de s'assurer qu'aucun défaut de caractère n'en soit la cause. Elle a nourri des doutes à ce sujet sur la base du rapport du Docteur B.________, qui conclut à l'existence vraisemblable d'un problème psychiatrique à préciser, et de l'avis du médecin de garde dépêché sur les lieux, qui a évoqué l'hypothèse d'un trouble psychotique. La recourante tente en vain de mettre en cause la valeur de l'expertise. Le Docteur B.________ a vu la jeune femme à sa consultation le 14 juin 2007, soit quinze jours après les faits. Elle a refusé de répondre aux questions de ce praticien, se contentant d'affirmer qu'elle n'était pas malade et qu'elle n'avait rien à dire, restant figée et prostrée sur sa chaise, le visage fermé. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher au médecin de s'être fondé sur les circonstances de l'accident, telles qu'elles lui ont été rapportées, et sur l'avis du médecin dépêché sur les lieux, pour conclure à un doute sur la santé psychique de l'intéressée et, partant, sur son aptitude à conduire un véhicule automobile. En outre, la recourante était toujours agressive, excitée et irritée lorsqu'elle a été examinée à l'hôpital du Jura plus de deux heures après l'accident. Elle ne conteste pas davantage l'arrêt attaqué en tant qu'il retient qu'elle a déjà adopté un comportement sortant de l'ordinaire envers son entourage selon les renseignements obtenus des autorités communales. Cela étant, la cour cantonale pouvait, au moins provisoirement et en l'état actuel de la procédure, voir dans l'ensemble de ces éléments des indices suffisants d'une inaptitude de la recourante à conduire sans danger un véhicule à moteur, alors même que la jeune femme ne s'est jusqu'ici pas faite remarquer négativement par son comportement sur la route. Enfin, dès l'instant où elle pouvait conclure à l'existence d'un doute fondé sur la capacité de l'intéressée à circuler au volant d'un véhicule automobile, elle n'avait d'autre choix que de prononcer le retrait immédiat à titre préventif du permis de conduire, jusqu'à droit connu sur le résultat de l'expertise psychiatrique destinée à dissiper ce doute. La recourante dénonce ainsi en vain une violation du principe de la proportionnalité. Il faut cependant souligner que cette mesure est provisoire et que l'expertise psychiatrique qui a été ordonnée doit intervenir dans les meilleurs délais de manière qu'une décision définitive puisse être prise rapidement (cf. ATF 125 II 396 consid. 3 p. 401). 4. Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de la recourante qui succombe (art. 65 al. 1 et 66 al. 1 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 3. Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Office des véhicules et à la Chambre administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura ainsi qu'à l'Office fédéral des routes. Lausanne, le 18 mars 2008 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier: Féraud Parmelin