Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 juillet 1989 et 10 novembre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société civile immobilière "Les Jardins de Bibemus", dont le siège social est ... ; la société civile immobilière "Les Jardins de Bibemus" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 9 mai 1989 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête dirigée contre le jugement en date du 26 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité provisionnelle de 600 000 F en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision, en date du 21 décembre 1979, l'autorisant à créer un lotissement sur le territoire de la commune d'Aix-en-Provence ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience pubique :
- le rapport de M. Schneider, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lemaitre-Monod, avocat de la société civile immobilière "Les Jardins de Bibemus",
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'autorisation de créer un lotissement sur le territoire de la commune d'Aix-en-Provence accordée à la société civile immobilière "Les Jardins de Bibemus" par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 21 décembre 1979 a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Marseille devenu définitif ; que la société défère au Conseil d'Etat l'arrêt, en date du 9 mai 1989, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le rejet de sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité destinée à réparer le préjudice que lui aurait causé l'illégalité de cette autorisation ;
Sur la fin de non-recevoir présentée par le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace :
Considérant que contrairement à ce que soutient le ministre, la requête soulève des moyens qui peuvent être utilement invoqués devant le juge de cassation ;
Sur la régularité, en la forme, de l'arrêt attaqué :
Considérant que la cour administrative d'appel a rejeté l'appel dont elle était saisie au motif que les préjudices invoqués n'étaient pas indemnisables ; qu'ainsi le moyen tiré par la société de ce qu'elle n'a pas commis de faute de nature à exonérer l'Etat de sa responsabilité était inopérant ; que, par suite, la circonstance que la cour a omis d'y répondre n'est pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur le rejet de la demande d'expertise :
Considérant qu'en refusant d'ordonner l'expertise qui lui était demandée, la cour, dont il n'est pas allégué qu'elle aurait commis une erreur de droit, s'est livrée àune appréciation souveraine des faits qui n'est pas susceptible d'être utilement discutée devant le juge de cassation ;
Sur le droit à indemnité :
Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société s'est prévalue en appel du préjudice qui aurait résulté pour elle de l'impossibilité définitive de réaliser le lotissement ; qu'après avoir souverainement estimé que cette impossibilité résulte de l'opposition d'un certain nombre de propriétaires au nouveau découpage des lots rendu nécessaire par la publication, le 28 avril 1982, du plan d'occupation des sols de la commune, la cour a pu légalement déduire de ces constatations que ledit préjudice n'était pas la conséquence directe de l'illégalité de la décision d'autorisation annulée par le tribunal administratif ;
Considérant que la circonstance que la société requérante ait demandé une indemnité provisionnelle ne la dispensait pas de produire des justifications de nature à établir la matérialité de son préjudice ; qu'ainsi, en ce qui concerne les préjudices liés à la nécessité où elle se trouve de présenter une nouvelle demande d'autorisation et, notamment, au retard pris par les travaux ainsi qu'au blocage des ventes et de la campagne publicitaire, la cour a pu légalement rejeter la demande dont elle était saisie au motif, dont il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'il serait fondé sur des faits matériellement inexacts, que la société n'a produit aucune justification ;
Considérant qu'en estimant que le préjudice lié à l'obligation où se trouverait la société de résilier certains contrats de vente présente un caractère éventuel, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui n'est pas susceptible d'être utilement discutée devant le juge de cassation ;
Mais considérant, en ce qui concerne la résiliation de la vente consentie aux consorts X..., qu'il ressort des énonciations de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 juin 1986, que cette résiliation a été prononcée tant en raison d'un vice du consentement que de l'illégalité dont était entachée l'autorisation de lotir ; qu'ainsi, en rejetant, sur ce point, la demande dont elle était saisie au motif que cette résiliation était uniquement imputable à un vice du consentement, la cour administrative d'appel a dénaturé cet arrêt ; que la société requérante est, par suite, fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel deLyon, en date du 9 mai 1989, est annulé en tant qu'il rejette la demande de la société civile immobilière "Les Jardins de Bibemus" en tant que celle-ci tend à l'indemnisation du préjudice lié à la résiliation de la vente consentie aux consorts X....
Article 2 : L'affaire est renvoyée sur ce point devant la cour administrative de Lyon.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière "Les Jardins de Bibemus" et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.